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Armand Colin Nouvelles directions dans l'étude de l'emblème français Author(s): DANIEL RUSSELL Source: Littérature, No. 145, L'EMBLÈME LITTÉRAIRE: THÉORIES ET PRATIQUES (MARS 2007), pp. 138-149 Published by: Armand Colin Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41705159 . Accessed: 15/06/2014 16:08 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Armand Colin is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Littérature. http://www.jstor.org This content downloaded from 194.29.185.230 on Sun, 15 Jun 2014 16:08:18 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Armand Colin

Nouvelles directions dans l'étude de l'emblème françaisAuthor(s): DANIEL RUSSELLSource: Littérature, No. 145, L'EMBLÈME LITTÉRAIRE: THÉORIES ET PRATIQUES (MARS 2007),pp. 138-149Published by: Armand ColinStable URL: http://www.jstor.org/stable/41705159 .

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LITTÉRATURE N° 145 - MARS 2007

■ DANIEL RUSSELL, UNIVERSITÉ DE PITTSBURGH

Nouvelles directions

dans l'étude de l'emblème

français

Il y a dix-sept ans j'ai esquissé un état présent des recherches sur l'emblème en France qui n'était au fond qu'un survol d'un terrain à peine défriché, mais qui avait pour but de donner une direction mieux articulée à l'étude de la forme en France 1 . Le bilan en était plutôt décevant pour ceux qui cherchaient à comprendre le rôle de ces livres dans la culture de l'Ancien Régime. Tout, ou presque tout, restait à faire.

Le curieux silence français sur le sujet de l'emblème avant 1980 et la première journée d'études de la Société Française des Seiziémistes 2

s'explique de trois façons. Premièrement, les recherches modernes sur l'emblème européen, lancées entre les deux guerres par Mario Praz3, et développées dans les années cinquante et soixante en Allemagne par les travaux de William S. Heckscher, Albrecht Schöne et Arthur Henkel4, étaient longtemps restées comparatistes et internationales, alors que les études de lettres en France restèrent, jusqu'à une époque récente, isolées dans leur contexte national. De plus le phénomène emblématique s'est manifesté en France d'une façon sensiblement différente de ce qu'on trouve ailleurs en Europe. Deuxièmement, la configuration des disciplines académiques en France laissait peu ou pas de place à l'étude de l'emblème : l'emploi des vers dans les textes des emblèmes servait surtout à des fins mnémotechiques, et ces textes se prêtent mal à l'analyse littéraire. Les images gravées des emblèmes, souvent très fines et même élégantes, restent pourtant dans le domaine des arts mineurs. Dans les deux cas l'emblème s'intègre mal, ou pas du tout, dans l'histoire de l'art ou de la littérature telle qu'elle se constitue alors. Les emblèmes n'avaient donc rien pour attirer l'attention des chercheurs ni pour répondre aux questions qu'ils posaient à la culture de l'Ancien Régime. Troisièmement, 1. « Directions in French Emblem Studies », Emblematica 5 (1991), p. 129-150. 2. L'emblème à la Renaissance, Yves Giraud (éd.), Paris, Vrin, 1981. 3. Studies in Seventeenth-Century Imagery , 2e éd., Rome, 1964. 4. William S. Heckscher et Karl-August Wirth, « Emblem, Emblembuch », in Reallexikon zur deutschen Kunstgeschichte, vol. V, Stuttgart, 1959, col. 85-228 ; Albrecht Schöne, Emblematik im Zeitalter des Barocks, Munich, 1964 ; Arthur Henkel et Albrecht Schöne, Emblemata : Handbuch zur Sinnbildkunst des XVI. und XVII. Jahrhunderts, Stuttgart, 1967.

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NOUVELLES DIRECTIONS DANS L'ÉTUDE DE L'EMBLÈME FRANÇAIS ■

cette question de domaine disciplinaire se trouve compliquée par le manque d'une définition du mot « emblème » qui ne dissimule pas la spécificité du phénomène tel qu'il s'est manifesté au cours des XVIe et XVIIe siècles. Il y a vingt-cinq ans encore, certains des chercheurs qui se penchaient alors sur l'emblème en France utilisaient le mot d'une façon peu précise, comme si l'emblème était tout simplement un insigne ou bien une figure symbolique quelconque, tandis que la « devise », l'autre grande forme emblématique, n'était pour eux qu'une formule héraldique ou un mot d'ordre. Comprendre ces mots de cette façon parfaitement anachronique assurait toutes sortes de malentendus et obscurcissait la nature véritable des phénomènes emblématiques tels qu'ils se manifes- taient dans une variété de formes différentes qui se ressemblaient surtout ou seulement par le fait d'être des combinaisons de texte et d'image. En plus de l'emblème et la devise, il y avait des hiéroglyphes et des revers de médaille, sans compter les formes sans nom ni définition qu'on associait avec l'emblème au dix-septième siècle.

Dès mon premier livre sur l'emblématique, je me suis efforcé d'éclaircir cette question de définition en ce qui concerne le domaine français5 . Si mes prédécesseurs n'avaient pas réussi à articuler une défini- tion qui puisse tenir compte de la complexité du phénomène embléma- tique en France, c'est qu'ils privilégiaient trop la question de la forme. Nous savons aujourd'hui que l'emblème n'est pas une forme seulement, du moins en France, mais un mode de communication qui peut prendre une variété de formes selon l'emploi envisagé et la tradition nationale dans laquelle il se situe. Or, ces formes varient considérablement selon la culture nationale. Voilà pourquoi j'ai trouvé important, voire essentiel, de distinguer entre l'emblème et la devise en France. Si l'emblème se compose, en principe, de trois parties, le titre ( inscriptio ), l'image ( pictura ) et le texte ( subscriptio ) 6, la devise n'a qu'une image fort dépouillée et un mot très court, tous les deux strictement réglés par un débat théorique qui dura plus d'un siècle (1550-1700). Parfois ailleurs, la devise n'avait pas autant d'importance, comme c'était le cas aux Pays- Bas et en Allemagne. Mais, en Italie, pour des raisons sociologiques sans doute, la devise ou impresa , était la forme dominante. En Italie, Emanuele Tesauro, dans II Cannocchiale Aristotelico (1655), résume la discussion sur les formes emblématiques, et bien qu'il reconnaisse des différences entre l'emblème et V impresa, il finit par insister sur le fait que V impresa est la forme emblématique parfaite, et il serait d'accord avec l'écrivain français qui caractérisa, très tard dans l'histoire du phénomène, une devise défectueuse comme un emblème. La seule différence pour Tesauro et les 5. The Emblem and Device in France , Lexington, KY, French Forum Publishers, 1985. 6. C'est la terminologie technique développée par Henkel et Schöne pour décrire les trois parties de l'emblème, et qui s'est généralisée depuis : voir, dans ce volume, la contribution d'Elisabeth Klecker.

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■ L'EMBLÈME LITTÉRAIRE : THÉORIES ET PRATIQUES

théoriciens français qui l'ont suivi est, en fin de compte, une question de degré de perfection formelle. Tout en se fondant sur le même corpus d'écrits italiens sur la théorie de l'impresa que Tesauro7, les théoriciens français des formes emblématiques insistaient pourtant davantage sur ce qui distinguait l'emblème de la devise ou impresa , non seulement d'un point de vue formel, mais aussi en ce qui concerne les sujets appropriés à chaque forme 8 . Car, en France, la devise était la forme noble qui expri- mait les idées particulières d'un individu hors du commun, ou qui voulait l'être. L'emblème était la forme bourgeoise qui exprimait des vérités universelles.

*

Le résultat de cet exercice de définition était de rendre sans intérêt le débat - auquel j'avoue avoir participé par le passé - pour déterminer si l'emblème est surtout une image ou une espèce de texte, c'est-à-dire si c'est une image commentée ou un texte illustré. Après Tesauro et Dominique Bouhours 9 dans leurs explications des formes emblématiques à partir de la Rhétorique ď Alistóte, l'emblème se laisse comprendre comme une figure de pensée ou de rhétorique qui peut se manifester dans une image peinte ou imprimée, ou bien dans un texte seul, ou bien dans la combinaison des deux, combinaison qui servit longtemps à définir la forme.

C'est en partie pour cela que je me suis intéressé de plus en plus au long de ma carrière à la manifestation de ce que j'appelle l'image emblé- matique dans la poésie et la prose de l'Ancien Régime 10 . On peut définir ce genre d'image un peu comme on définit l'emblème, c'est-à-dire qu'on trouve conjuguées dans une image emblématique une image peinte, ou décrite, avec une exposition discursive ou un aphorisme. Comme dans la définition de l'allégorie de Gilbert Durand, l'emblème se constitue d'une « redondance perfectionnante ». Suivant l'étymologie du mot « emblème », l'une des deux parties est détachable, ou superflue en quelque sorte dans le message exprimé. Cette partie superflue sert à répéter ou à mettre en valeur la fonction principale de ce à quoi il est attaché.

Parmi les poètes auxquels je fais volontiers appel pour démontrer et définir cette sorte d'image, j'ai le plus souvent recours à Jean-Baptiste Chassignet. Depuis au moins le dix-neuvième siècle, on lui attribue un livre d'emblèmes manuscrit, qui date d'environ 1615 11 . Tout en étant peu 7. Voir Dorigen Caldwell, The Sixteenth-Century Italian Impresa in Theory and Practice , New York, AMS Press, 2004. 8. Voir, par exemple, Pierre Le Moyne, De Vart des devises , Paris, 1666. 9. Les Entretiens d'Ariste et d'Eugène , Paris, 1671, 6e entretien. 10. Daniel Russell, « Emblematic Structures in Renaissance French Poetry », Jahrbuch für Internationale Germanistik , 1982, p. 54-100. 11. Sonnets franc-comtois inédits , Théodore Courtaux (éd.), 1892 (réimp. Genève, 1969). Voir Russell, « Emblematic Structures in Renaissance French Poetry ».

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NOUVELLES DIRECTIONS DANS L'ÉTUDE DE L'EMBLÈME FRANÇAIS ■

sûre, cette attribution évoque un milieu où le jeune Chassignet serait en contact avec les emblèmes à Besançon. Ferry Julyot, magistrat de la ville, possédait un manuscrit du Theatre des bons engins de Guillaume de La Perrière, et l'emblémiste Jean-Jacques Boissard, son contemporain, était originaire de Besançon. Voici, à titre d'exemple, une image typique élaborée dans les quatrains d'un sonnet du Mespris de la vie et la conso- lation contre la mort (1594) :

Comme le cerf lancé à la meute soudaine Des clabaudans limiers, de destours en destours, Par l'espaisseur des bois tramant cours dessus cours, Souhaite le surjon d'une claire fontaine,

Ainsi, moulu d'ennuis et froissé de la peine Que le monde me donne, à la mort je recours Et, fidelle, j'attens le désiré secours Qui me sauve la vie et me rende l'haleine (CDXXX, 1-8) 12

Le sonnet se termine sur une prière dans les tercets. L'image est ici, à mon sens, parfaitement emblématique. Plusieurs, dont Herman Hugo et Francis Quarles (fig. 1), l'ont d'ailleurs utilisée dans des emblèmes 13 . On peut la détacher du sonnet sans rien perdre du sens. Comme dans les emblèmes les plus réussis, c'est une image traditionnelle : elle remonte aux Psaumes (42), et elle était bien connue au Moyen Âge - il existe des tapisseries qui développent l'image dans une narration allégorique de la vie de l'homme dont deux se trouvent aujourd'hui dans les collections du Metropolitan Museum of Art à New- York. Ici, dans une variation bien typique de l'emblématique, le poète fait un transfert de l'humanité à un individu et sa propre corvée dont il prie Dieu de le débarrasser. Condensée et fragmentaire par rapport à la narration médiévale, la présentation de cette image évoque, non pas une scène de chasse, mais le code iconogra- phique d'une image allégorique. Pourtant le détail de la description est hautement développé, surtout par rapport à l'image des Psaumes. Déta- chable, fragmentaire, stylisée, cette image est typiquement emblématique.

On trouve la même structure des images dans la prose du seizième siècle, et surtout chez Montaigne. Tel ce passage de 1'« Apologie de Raimond Sebond » :

Je croy qu'il [l'homme] me confessera, s'il parle en conscience, que tout I' acquest qu'il a retiré d'une si longue poursuite, c'est d'avoir appris à reconnoistre sa foiblesse. L'ignorance qui estoit naturellement en nous, nous l'avons par longue estude, confirmée et averée. II est advenu aux gens véritablement sçavans ce qui advient aux espies de bled : ils vont s'eslevant et se haussant, la teste droite et fiere, tant qu'ils sont vuides ; mais, quand ils sont pleins et grossis de grain en leur maturité, ils commencent à s'humilier et

12. Édition Hans- Joachim Lope, Genève, 1967. 13. Pia desiderici, Anvers, 1624, III, 11, et Emblemes, Londres, 1635, V, 11.

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■ L'EMBLÈME LITTÉRAIRE : THÉORIES ET PRATIQUES

Fig. 1 : Francis Quarles, Emblemes (1635, V, 11).

à baisser les cornes. Pareillement, les hommes ayant tout essayé et tout sondé, n'ayant trouvé en cet amas de science et provision de tant de choses diverses rien de massif et ferme, et rien que vanité, ils ont renoncé à leur présomption et reconneu leur condition naturelle. 14

Bien que ce passage se trouve en entier dans l'édition des Essais de 1580, on est bien tenté de s'imaginer que l'image des épis de blé est une 14. Les Essais , Pierre Villey (éd.), avec V.-L. Saulnier, Paris, PUF, 1965, II, 12 ; 500a.

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NOUVELLES DIRECTIONS DANS L'ÉTUDE DE L'EMBLÈME FRANÇAIS ■

addition postérieure à un état plus primitif du texte 15 . En effet, la phrase entière qui contient l'image, avec le mot « pareillement » qui commence la phrase suivante, pourraient être enlevés sans rien enlever à l'argument de Montaigne. Cette image est une addition exemplaire telle qu'il la définit dans « De la vanité » comme « quelque embleme supernume- raire » (III, 9 ; 964c). Cette sorte de « petite subtilité ambitieuse » comme il l'appelle, peut également prendre la forme d'une citation, comme celle qui provient de Claudien dans « De l'art de conferer » (III, 8 ; 932b) et qui raconte l'anecdote de l'enfant qui habille un singe richement mais laisse découvert son dos et son derrière 16 . Ici le singe, c'est l'emblème de l'homme qui essaie de monter au-dessus de ses forces intellectuelles. « Voicy comment ils se gastent et affolent » explique Montaigne en préface à cette citation. C'est une variation sur une image bien connue qui peut porter d'autres idées comme on voit dans le Q. Horatii Flacci emble- mata (1607) d'Otto van Veen (fig. 2). Là le singe est exemplaire de ceux qui sont fortunés, mais de qui la fortune ne peut corriger les défauts intel- lectuels et moraux : Fortuna non mutât genus , « Fortune ne change point la race », ou dans une citation de Sénèque que Van Veen attache à ce lieu commun : Non faciunt equum meliorem aurei fraeni : neque hominem praestantiorem fortunae ornamenta , « Des freins dorés ne rendent pas un cheval meilleur, pas plus que les ornements de la fortune n'accroissent la valeur d'un homme ». Van Veen ne retient pas le passage de Claudien dans sa collection d'aphorismes sur ce thème.

*

Aujourd'hui, après l'avoir longtemps délaissé, la communauté des chercheurs en sciences humaines, autant historiens de l'art que littéraires, commence à s'intéresser de nouveau à l'emblème. Secondé par de nouveaux travaux bibliographiques, surtout la grande bibliographie des livres d'emblèmes français ď Alison Adams, Stephen Rawles et Alison Saunders 17 , et dans une moindre mesure la bibliographie de l'embléma- tique jésuite que Peter M. Daly et G. Richard Dimler sont en train de publier 18 , le travail des thèses et des colloques en France depuis vingt ans lance l'étude de l'emblème dans de nouvelles directions très prometteuses 15. Pour ce genre d'ajouts au texte de Montaigne avant 1580, voir Marianne S. Meijer, « L'ordre dans les Essais dans les deux premiers volumes », in Montaigne et les Essais, 1580-1980 , F. Moureau et alii (éd.), Genève, 1983, p. 17-27. 1 6. Claudien, Contre Eutrope, I, 303-307 : « On dirait un singe, habile a copier la figure humaine qu'un enfant, pour s'amuser, a affublé d'une précieuse étoffe de soie, en laissant à nu son derrière et son dos. Il divertit les gens à table, bombe la poitrine et promène ses riches oripeaux, mais n'en est que plus laid sous son brillant déguisement. » 17. A Bibliography of French Emblem Books , 2 vol., Genève, Ďroz, 1999-2002. 18. Jusqu'à présent, quatre volumes ont été publiés sur les cinq prévus : Corpus librorum emblematum : The Jesuit Series, Montréal pour le premier volume, Toronto, 1997.

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■ L'EMBLÈME LITTÉRAIRE : THÉORIES ET PRATIQUES

Fig. 2 : Otto van Veen, Quinti Horatii Flacci emblemata (1612, p. 155).

pour des recherches à venir. En France, ces recherches sont toutes des tentatives pour situer les emblèmes et surtout l'emblématique, comprise au sens plus large, dans la culture ambiante de l'Ancien Régime, comme pièce supplémentaire dans la tentative de mieux comprendre cette culture. Ces enquêtes se répartissent en deux façons d'aborder l'emblématique. Certains cherchent à reconstruire l'évolution de la symbolique de l'emblème entre la Renaissance et l'âge des lumières. C'est le cas pour Anne-Elisabeth Spica et Florence Vuilleumier-Laurens. Anne-Élisabeth Spica 19 étudie l'évolution de la pensée symbolique à partir de la « crise du symbole » de la Renaissance et par rapport à l'emblème et ses genres. Florence Vuilleumier-Laurens en revanche part de la renaissance des symboles de Pythagore sur le même chemin, mais la démarche est diffé- rente, et les auteurs étudiés ne sont pas les mêmes 20 . Ce sont, en fin de compte, deux études complémentaires.

Ce qui est surtout intéressant dans la thèse de Florence Vuilleumier- Laurens sur l'histoire du symbole à l'Ancien Régime, c'est l'analyse intellectuelle et philologique de la théorie du symbole de Claude Mignault, éditeur et traducteur d'Alciat. Il élabora cette théorie dans les 19. Symbolique humaniste et emblématique. L'évolution et les genres (1580-1700), Paris, Honoré Champion, 1996. 20. La Raison des figures symboliques à la Renaissance et à l'âge classique, THR, 340, Genève, Droz, 2000.

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NOUVELLES DIRECTIONS DANS L'ÉTUDE DE L'EMBLÈME FRANÇAIS ■

préfaces aux multiples éditions des emblèmes d'Alciat qu'il donna au cours des trente dernières années du seizième siècle jusqu'en 1602. Cette étude approfondie de Mignault et de sa carrière attire notre attention sur son travail de pédagogue et sur le fait trop peu remarqué que c'était Mignault qui prépara l'édition des Adages d'Érasme que Froben donna en 1570. Ces détails, apparemment d'une importance secondaire, ont le grand mérite de nous rappeler les liens étroits entre l'emblématique et la pédagogie, dès le début du phénomène, et les liens également étroits entre les emblèmes, les adages d'Érasme et les autres formes brèves de la Renaissance21 .

Cette attention biographique aide à montrer la place de l'emblème dans la culture ambiante. Cette façon d'enchâsser l'emblème dans son contexte social et culturel est même mis davantage en évidence dans l'autre genre de sujet des thèses récentes. Ces études s'organisent autour d'une œuvre et de son auteur. Anne Rolet a choisi Achille Bocchi et ses Symbolicœ quœstiones de 1555 22 . Cette thèse comprend une édition et traduction du texte de Bocchi. L'édition tient compte des différents tirages de la première édition aussi bien que du manuscrit autographe de l'auteur qui se trouve actuellement à Londres. Dans l'étude qui suit cette édition, l'auteur présente une biographie de Bocchi, souligne l'influence de Cicéron sur ses emblèmes, et termine par une enquête approfondie sur la dimension spirituelle de cette œuvre à tendance réformiste. Stéphane Rolet a fait une présentation des Hieroglyphica de Pierio Valeriano23 qui suit également cette voie : après une biographie qui privilégie tout ce qui touche à la genèse de l'œuvre, il étudie le développement des Hierogly- phica et l'histoire de leur publication avant d'esquisser la place et l'emploi des « hiéroglyphiques » dans la culture de la Renaissance. Il termine par un échantillon d'édition significatif, et la traduction annotée de dix livres des Hieroglyphica. Très récemment, Bernard Teyssandier prend le même modèle pour son étude de La Doctrine des mœurs de Marin Le Roy de Gomberville 24 . L'histoire de ce recueil est des plus inté- ressantes, dans la mesure où il est fondé de très près sur les Q. Horatii Flacci emblemata d'Otto van Veen. De si près même que c'est autant un exercice de lecture que de création que fait ici Gomberville ! Ainsi, 21. Voir Claudie Balavoine, « Bouquets de fleurs et colliers de perles : sur les recueils de formes brèves au XVIe siècle », in Les Formes brèves de la prose et le discours discontinu (XVIe -XVI ř siècles), Jean Lafond (éd.), Paris, 1984, p. 52-71, et aussi D. Russell, « Erasmus and Emblems », in The Stone of Ale iato. Literature and Visual Culture in the Low Coun- tries. Essays in Honour of Karel Porteman , Marc van Vaeck et alii (éd.), Leuven, Peeters, 2003, p. 693-709. 22. Les Symbolic# Quaestiones d'Achille Bocchi (1555) : recherches sur les modèles litté- raires, philosophiques et spirituels d'un recueil d'emblèmes à l'époque de la Réforme , thèse de doctorat, Université de Tours, 1998 (à paraître chez Brepols). 23. Les Hieroglyphica de Pierio Valeriano : somme et source du langage symbolique de la Renaissance, thèse de doctorat, Université de Tours, 2000 (à paraître chez Droz). 24. Le prince à l'école des images. La Doctrine des mœurs de Marin Le Roy, sieur de Gomberville, thèse de doctorat, Université Paris IV, 2004.

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■ L'EMBLÈME LITTÉRAIRE : THÉORIES ET PRATIQUES

l'ouvrage est un document précieux pour l'histoire de la réception des livres d'emblèmes.

Ces trois études répandent une lumière nouvelle et nuancée sur l'emblématique, d'abord parce qu'elles reconstituent l'histoire de la publi- cation des œuvres qu'elles prennent pour objet. D'une part, elles montrent que le projet d'un tel livre remonte souvent très loin, à un moment fort éloigné, culturellement aussi bien que temporellement, de la publication du livre. Les origines des Hieroglyphica (1556) semblent dater du début du siècle dans le cercle d'Aide et d'Érasme, tandis que certains des « symboles » de Bocchi qui ne seront publiés qu'en 1555 datent pourtant du pontificat de Léon X. Enfin Gomberville commença La Doctrine des mœurs comme un ouvrage de commande presque dix ans avant sa publica- tion. Les raisons de ces délais sont multiples. La création d'une suite de bois ou de planches pour un livre d'emblèmes entraînait des dépenses considérables : il fallait des artisans qualifiés et un matériel spécialisé, ce qui obligeait parfois l'imprimeur à faire appel à un autre atelier mieux équipé. D'autre part, rien n'obligeait à des délais de publication très courts. À la différence des placards emblématiques associés à des événements de la vie de cour, ces anthologies ne répondaient pas à des besoins ponctuels. Enfin, ces recueils avaient peu ou pas d'unité interne et pouvaient s'allonger indéfiniment. Comme ils n'étaient en quelque sorte jamais finis, rien donc d'interne ni d'externe ne pressait leur publication.

La biographie de chaque auteur fournit d'autres aperçus inattendus. Chacun de ces auteurs est, bien entendu, déjà assez bien connu, mais sous un autre angle. Comme la description, la biographie est un travail de sélection autant que de combinaison, et la sélection précède le travail de construction de la narration. Donc, si la sélection est gouvernée par une préoccupation avec l'emblématique, comme c'est le cas dans les études citées ici, on peut s'attendre à des trouvailles. Parmi maints exemples, je voudrais signaler le portrait que Stéphane Rolet trace de Valeriano et son milieu. J'ai déjà évoqué la description de son association avec le cercle d'Aide, et il est également intéressant de noter la pièce liminaire des Hieroglyphica par Lodovico Domenichi, correspondant et éditeur de Paolo Giovio dont le Dialogo dell'imprese militari et amorose sortit en 1555 et initia le débat théorique sur les formes emblématiques.

Deux autres thèses de doctorat ne trouvent pas leur place dans le schéma que j'ai utilisé jusqu'ici. L'une, en littérature, d'Agnès Guider- doni-Bruslé sur l'emblématique sacrée25 présente la première étude géné- rale des emblèmes religieux. L'autre est le premier en date de ces ouvrages impressionnants, le plus vaste dans sa portée, et le plus sûr dans sa maîtrise du terrain : c'est la magistrale thèse d'État en histoire de l'art 25. De la figure scriptuaire à la figure emblématique. Emblématique et spiritualité. 1540- 1740, thèse de doctorat, Université Paris IV, 2002.

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NOUVELLES DIRECTIONS DANS L'ÉTUDE DE L'EMBLÈME FRANÇAIS ■

soutenue par Paulette Choné sur Emblèmes et pensée symbolique en Lorraine (1525-1633)26 . On dirait presque la « biographie » d'une culture ducale, plus ou moins autonome, vue de la perspective de sa présentation symbolique au monde. L'auteur montre comment cette société fonctionne comme plaque tournante des influences emblématiques parcourant l'Europe au seizième siècle. Elle expose en même temps à quel point le phénomène gardait une spécificité locale tout en étant un « symptôme d'un état d'esprit cosmopolite » 27 . Depuis 1997, Paulette Choné organise une série de colloques à l'Université de Dijon sur différents thèmes des emblèmes et de l'emblématique, parmi lesquels l'amitié, l'optique, la cité, la coquille, et les fleurs 28 .

Un dernier mot sur le travail qui se fait en France sur les emblèmes et le domaine de l'emblématique. Valérie Hayaert a soutenu une thèse sur Pierre Coustau qui fait beaucoup mieux connaître cet emblémiste peu connu et son milieu. Dans un article récent 29 , elle montre que Coustau utilisa une variété de noms de plume selon le domaine où il écrivait (exégèse biblique, droit, emblématique). Donc, sa biographie est restée en quelque sorte cachée. Le résultat principal de son analyse de plusieurs images du Pegma est de montrer qu'Alciat n'était pas le seul chez qui la démonstration juridique et l'emblématique étaient intimement liés.

En dehors de la France, on trouve un centre de recherches sur l'emblème à l'Université de Glasgow qui s'intéresse beaucoup au domaine français. Depuis 1996, le Centre for Emblem Studies , sous la direction ď Alison Adams, publie la collection des Glasgow Emblem Studies. Sur les neuf volumes parus jusqu'à présent, quatre traitent exclu- sivement ou principalement des emblèmes français. En outre, le Centre entreprend en ce moment la numérisation du corpus entier des livres fran- çais d'emblèmes du seizième siècle sous une forme qui permet des recherches à l'intérieur du corpus numérisée (fully searchable). Enfin, il faut signaler trois livres récents par des membres de ce groupe. Alison Saunders, qui travaille souvent avec l'équipe de Glasgow, a publié une étude générale sur l'emblème en France au dix-septième siècle 30 . Laurence Grove est l'auteur d'un livre sur l'emblématique en France au dix-septième siècle, où il interroge à titre d'exemple quatre écrivains de l'époque, Descartes, Tristan, La Fontaine et Charles Perrault, dans leurs rapports avec la culture de l'emblème31 . De plus, il va publier une mono- 26. Paris, Klincksieck, 1991. 27. p. 687. 28. Ces colloques ont donné lieu à deux publications : Le point de vue de l'emblème, Paulette Choné (éd.), Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2001 et Flore au paradis. Emblématique et vie religieuse aux XV Ie et XVI Ie siècles, in Glasgow Emblem Studies, 9, Paulette Choné et Bénédicte Gaulard (éd.), Glasgow, 2004. 29. « Pierre Coustau' s Le Pegme (1555) : Emblematics and Legal Humanism », Emblema- tica, 14, 2005. 30. The Seventeenth-Century French Emblem : A Study in Diversity, Genève, Droz, 2000. 31. Emblematics and 17th Century French Literature, Charlottesville, VA, 2000.

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■ L'EMBLÈME LITTÉRAIRE : THÉORIES ET PRATIQUES

graphie sur la bande dessinée considérée à partir de la tradition des emblèmes. Alison Adams vient de faire paraître une étude des livres d'emblèmes de trois auteurs réformés du dernier tiers du seizième siècle : Georgette de Montenay, Théodore de Bèze, et Jean-Jacques Boissard 32 .

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Que reste-t-il à faire pour profiter au maximum des possibilités offertes par ce nouveau domaine de recherches qui s'ouvre devant nous ? On sait mieux ce que sont l'emblème et la devise. De nombreux cher- cheurs, travaillant dans le cadre de cultures nationales variées, en ont fixé une définition, et les différents travaux bibliographiques existant nous ont fourni une carte assez claire et détaillée de cette mode dont l'envergure a produit des milliers de livres d'emblèmes ayant circulé dans un volume excédant largement le million d'exemplaires ! De tels chiffres nous rappellent, si besoin était, que l'emblème est un phénomène d'une grande importance, et qui avait besoin pour se produire de la généralisation de l'imprimerie : l'emblème n'aurait jamais pu naître et prospérer dans une culture du manuscrit.

Le moment est donc venu de passer de l'étude de l'emblème à celle de l'emblématique, pour comprendre ce phénomène et son rôle dans la culture de l'Europe entre la fin du Moyen Âge et l'arrivée du romantisme au milieu du XVIIIe siècle. Pour ce faire, il faut revenir à une définition du mot « emblématique » qui remonte avant le dix-neuvième siècle. Depuis ce temps, le mot est presque exclusivement un adjectif, comme le montrent à l'envi les dictionnaires. Pour passer à l'étape suivante de ce qu'on appelle en anglais emblem studies , il faut également lui recon- naître son sens en tant que substantif. C'est ce que font les travaux fran- çais récents et c'est ce qui leur permet de se situer tous plus ou moins dans ce deuxième stade des études de l'emblème et des conditions de son développement.

Il y a dix-sept ans, dans cette même revue, j'ai décrit l'emblème comme le symptôme d'un état de transition épistémologique 33 . Comment décrire cette transition ? L'emblème contient certains éléments d'une réponse possible. L'emblème est en effet une première tentative d'intégrer discours et description, et dans le cas des emblèmes construits autour des fables, discours et narration. Voilà donc le projet le plus ardu que j'ai à proposer aux chercheurs dans l'emblématique, mais aussi le plus impor- tant : analyser cette transition épistémologique du point de vue de l'emblème. 32. Webs of Allusion : French Protestant Emblem Books of the Sixteenth Century , Genève, Droz, 2003. 33. « Emblème et mentalité symbolique », Littérature, 78, 1990, p. 11-21.

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Il existe pourtant d'autres voies de recherche mieux définies et plus limitées où il reste sans doute de belles découvertes à faire. En partant des Essays des merveilles de Nature (1621) d'Étienne Binet, on pourrait faire une étude intéressante sur la construction emblématique des sermons en France. Stéphane Rolet a déjà mis à contribution la numismatique dans son étude des sources des Hieroglyphica : comme Francis Haskell34 l'a si bien montré, les images du passé - art, décor, monuments, monnaies - sont autant de témoins muets qui peuvent raconter beaucoup, pour qui sait les faire parler ! Et l'emblématique peut jouer un rôle important dans le travail de décryptage. Un bel exemple nous est fourni par le livre de Nicolas Milovanovic, conservateur au château de Versailles, Du Louvre à Versailles. Lecture des grands décors monarchiques 35 . De même, il reste toutes les constructions éphémères de la vie de cour à explorer d'un point de vue emblématique : entrées, mariages et tout le cérémonial solennel de la cour. Le projet du GRES (Groupe de Recherche sur les Entrées Solen- nelles) de publier le corpus des entrées française de la Renaissance fait ainsi une large part à l'aspect emblématique de ces spectacles. D'autres fêtes ont laissé également des traces où la part de l'emblématique n'est pas négligeable, surtout dans les placards, dont il y a plusieurs collections àia BNF36.

Il reste donc encore beaucoup à faire avant de comprendre le vrai rôle de ce phénomène d'une importance fondamentale dans la culture de l'Ancien Régime et on a donc toute raison d'espérer de nouvelles thèses, éditions et traductions de la compétence, de la qualité, et de l'intérêt de celles qui sont parues depuis mon dernier état présent des études de l'emblème en France.

34. History and its Images. Art and the Interpretation of the Past , New Haven, Yale University Press, 1993. 35. Paris, Belles Lettres, coll. Le Cabinet des Images, 2005. 36. Par exemple au Département des Estampes, Qb. 1 .

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