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Institut Régional de Formation aux Métiers de la Rééducation et Réadaptation des Pays de la Loire 54 rue de la Baugerie, 44230 SAINT SÉBASTIEN SUR LOIRE RÉÉDUCATION DU MEMBRE SUPÉRIEUR HÉMIPLÉGIQUE GRÂCE À LA THÉRAPIE PAR CONTRAINTE INDUITE : ÉTUDE DE FAISABILITÉ EN UNITÉ NEURO-VASCULAIRE Flora TINCHON Travail Écrit de Fin d’Études En vue de l’obtention du Diplôme d’État de Masseur-Kinésithérapeute Année scolaire 2012-2013 RÉGION DES PAYS DE LA LOIRE

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Institut Régional de Formation aux Métiers de la Rééducation

et Réadaptation des Pays de la Loire

54 rue de la Baugerie, 44230 SAINT SÉBASTIEN SUR LOIRE

RÉÉDUCATION DU MEMBRE SUPÉRIEUR HÉMIPLÉGIQUE

GRÂCE À LA THÉRAPIE PAR CONTRAINTE INDUITE :

ÉTUDE DE FAISABILITÉ EN UNITÉ NEURO-VASCULAIRE

Flora TINCHON

Travail Écrit de Fin d’Études En vue de l’obtention du Diplôme d’État de Masseur-Kinésithérapeute

Année scolaire 2012-2013

RÉGION DES PAYS DE LA LOIRE

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ............................................................................................................................ 1

1. DONNÉES FONDAMENTALES................................................................................................. 2

1.1 L’accident vasculaire cérébral et ses conséquences .................................................................. 2

1.2 La prise en charge masso-kinésithérapique des patients après AVC en unité neurovasculaire . 3

1.3 Les bases théoriques de la thérapie par contrainte induite ....................................................... 5 1.3.1 Non-utilisation acquise ...................................................................................................... 5 1.3.2 Façonnage .......................................................................................................................... 6 1.3.3 Motricité minimale requise ............................................................................................... 6 1.3.4 Modalités « classiques » de la TCI ..................................................................................... 6 1.3.5 Effets de la TCI en phase chronique et subaiguë ............................................................... 6 1.3.6 TCI en phase aiguë ............................................................................................................. 7

2. MISE EN PLACE D’UN PROTOCOLE DE RÉÉDUCATION DU MEMBRE SUPÉRIEUR HÉMIPLÉGIQUE PAR CONTRAINTE INDUITE ........................................................................................................... 8

2.1 Matériel et méthode ................................................................................................................... 8 2.1.1 Population.......................................................................................................................... 9 2.1.2 Méthode de contention..................................................................................................... 9 2.1.3 Protocole de soins par la TCI ........................................................................................... 10 2.1.4 Critères de jugement ....................................................................................................... 11

2.2 Description des patients ........................................................................................................... 12 2.2.1 Patient n°1 ....................................................................................................................... 12 2.2.2 Patient n°2 ....................................................................................................................... 13 2.2.3 Patient n°3 ....................................................................................................................... 14 2.2.4 Patient n°4 ....................................................................................................................... 15 2.2.5 Tableau récapitulatif des patients inclus dans l’étude .................................................... 16

2.3 Résultats ................................................................................................................................... 17 2.3.1 Données des bilans après TCI pour chaque patient ........................................................ 17 2.3.2 Synthèse comparative des données avant et après TCI .................................................. 21 2.3.3 Interprétation .................................................................................................................. 21

3. DISCUSSION ....................................................................................................................... 23

CONCLUSION .............................................................................................................................. 30

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ................................................................................................ 31

ANNEXE 1 – Bilan masso-kinésithérapique type réalisé à l’UNV ................................................... 33

ANNEXE 2 – Mesure de l’indépendance fonctionnelle (MIF)......................................................... 36

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RÉSUMÉ

L’accident vasculaire cérébral est la première cause de handicap non traumatique en France, et entraîne dans la plupart des cas des séquelles chez les patients qui en sont victimes. Ceci explique l’engouement des masseurs-kinésithérapeutes à développer et perfectionner sans cesse de nouvelles techniques de rééducation, comme par exemple la thérapie par contrainte induite. Cette méthode de rééducation, qui consiste à contraindre le membre supérieur sain afin de forcer le patient à utiliser son membre supérieur lésé, a beaucoup été étudiée chez des patients en phase subaiguë et chronique après AVC. Ce travail écrit s’intéresse à l’application de cette technique spécifique en phase aiguë, à travers la mise en place d’une étude incluant quatre patients hospitalisés au sein d’une unité neurovasculaire. Le but est de déterminer si cette pratique rééducative peut être utilisée en période précoce après un AVC, et comment elle est perçue et supportée par les patients.

MOTS CLÉS

Accident vasculaire cérébral

Contrainte induite

Plasticité cérébrale

Rééducation du membre supérieur

Unité neurovasculaire

KEY WORDS

Stroke

Constraint-induced movement therapy

Brain plasticity

Reeducation of the upper limb

Stroke unit

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INTRODUCTION

Ce travail écrit de fin d’études a été entrepris au centre hospitalier universitaire (CHU) Guillaume et René Laënnec, à Nantes (44), durant une période correspondant à un stage de 3ème année d’études en école de masso-kinésithérapie. Ce stage s’est étendu sur une durée de 6 semaines au sein d’une unité neurovasculaire (UNV), c'est-à-dire un service de soins aigus prenant en charge des patients ayant été victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC). D’après le bilan d’activité de l’UNV pour l’année 2011, en moyenne 100 patients sont hospitalisés chaque mois dans cette unité, qui comprend 6 lits de soins intensifs et 16 lits en secteur subaigu. Ceci montre que les patients, âgés en moyenne de 60 ans, séjournent très peu de temps à l’UNV (durée moyenne de séjour : 7,7 jours) avant d’être orientés vers un retour à domicile ou un transfert dans un centre de rééducation fonctionnelle.

L’accident vasculaire cérébral est défini par le ministère de la santé comme « l’obstruction ou la rupture d’un vaisseau transportant le sang dans le cerveau, [de laquelle] résulte un manque d’apport d’oxygène mettant en danger le fonctionnement d’une ou plusieurs zones du cerveau. » (1) En France, environ 130 000 personnes sont touchées chaque année par un AVC (2). C’est la 1ère cause de handicap acquis chez l’adulte, la 2ème cause de démence après la maladie d’Alzheimer et la 3ème cause de mortalité en France. Sur 100 personnes ayant subit un AVC, 30 décèderont dans l’année qui suit. Sur les 70 survivants, 30 ne présenteront aucunes séquelles, 30 présenteront des séquelles, et 10 seront complètement dépendants (3). On peut donc considérer que l’AVC est une réelle préoccupation de santé publique, tant au niveau du nombre de personnes concernées qu’au niveau des dépenses de santé engendrées. C’est pour ces raisons que de nombreuses recherches ont été réalisées dans le domaine masso-kinésithérapique afin de mettre au point un programme de rééducation le plus efficace et le plus adapté possible.

Parmi les nouvelles approches rééducatives, on retrouve celle de la rééducation du membre supérieur grâce à la thérapie par contrainte induite (TCI). Le principe est d’empêcher l’utilisation du membre supérieur sain grâce à un moyen de contention, pour « forcer » le patient à utiliser son membre supérieur hémiplégique. De nombreuses études ont été réalisées afin de montrer ou non la validité de cette technique de rééducation, et surtout pour déterminer si elle est plus efficace qu’une rééducation traditionnelle. Parmi ces études, très peu ont été réalisées chez des patients se trouvant dans la phase aiguë après l’AVC, alors qu’ils sont encore hospitalisés dans une UNV. Le stage sur lequel se base ce travail écrit ayant été réalisé en UNV, la question de la prise en charge masso-kinésithérapique du membre supérieur a été soulevée. Il a été décidé, en accord avec le neurologue et la kinésithérapeute du service, d’essayer de mettre en place un protocole de rééducation du membre supérieur par l’utilisation de la contrainte induite.

Les différentes questions de départ qui ont initié cette étude sont les suivantes :

- Un protocole de thérapie par contrainte induite est-il faisable et applicable au sein d’une unité neurovasculaire ?

- À partir de quel délai après l’accident vasculaire cérébral peut-on appliquer la TCI ? - Comment un protocole de TCI va être perçu et toléré par les patients ?

Toutes ces questions correspondent à une problématique principale :

Comment appliquer un protocole de rééducation par contrainte induite lors de la prise en charge d’un patient hémiplégique, alors que celui-ci se

trouve dans une unité de soins aigus ?

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1. DONNÉES FONDAMENTALES

1.1 L’accident vasculaire cérébral et ses conséquences (4) (5)

L’apport de sang au cerveau est assuré par deux dispositifs artériels : le système carotidien en avant du cou, et le système vertébro-basilaire en arrière. Ceux-ci se divisent en de nombreuses petites artères venant irriguer les différents territoires cérébraux, ce qui explique comment une seule petite zone du cerveau peut être touchée après un AVC. Toutes ces petites artères sont reliées entre elles grâce à des systèmes appelés anastomoses, qui permettent de suppléer dans une certaine mesure la circulation déficitaire dans un territoire. Malgré tout, cette suppléance peut être insuffisante pour assurer une bonne perfusion du cerveau lorsque survient un AVC.

Il existe deux types d’AVC : - l’accident vasculaire cérébral hémorragique, qui représente environ 20% des AVC. Le

mécanisme lésionnel est la rupture d’un vaisseau irriguant une partie du cerveau, de laquelle découle une inondation du tissu cérébral par du sang.

- l’accident vasculaire cérébral ischémique, qui survient dans 80% des cas. Il consiste en l’occlusion d’une artère cérébrale ou à destination cérébrale par un caillot. Cette obstruction est responsable de la diminution voire l’arrêt de la perfusion sanguine d’une partie du cerveau, qui est alors privé d’oxygène. Cela va aboutir à la formation d’un infarctus cérébral, c'est-à-dire à la mort des cellules nerveuses. Si cette occlusion est réversible, on parle dans ce cas d’accident ischémique transitoire, qui n’engendre pas de lésion cérébrale.

Lorsque l’irrigation des cellules nerveuses est perturbée de façon durable, cela entraîne des lésions cérébrales irréversibles. Les conséquences de ces lésions sont différentes en fonction du territoire atteint. La principale conséquence d’un AVC est l’hémiplégie, c'est-à-dire un trouble de la commande motrice volontaire d’un hémicorps, secondaire à une lésion brutale des centres nerveux contrôlant la motricité. Le déficit est retrouvé du côté opposé à celui de la lésion cérébrale : une lésion vasculaire de l’hémisphère cérébral gauche entraine un déficit du côté droit du corps.

Les principales manifestations cliniques de l’hémiplégie vasculaire sont : - un déficit moteur, à type de défaut de la commande motrice volontaire. Ce déficit peut

être total, ce qui engendre une paralysie, ou partiel, on parle alors d’hémiparésie. - une modification du tonus (hypertonie spastique) et une exagération des réflexes ostéo-

tendineux - des troubles de la sensibilité (hypoesthésie voire anesthésie) - des troubles cognitifs (héminégligence, apraxie, gnosies…) - des troubles du langage (dysarthrie, aphasie d’expression, de communication ou mixte) - des perturbations de la vision (hémianopsie latérale homonyme…) - de nombreux troubles associés : encombrement bronchique, troubles

thromboemboliques, dysphagie, paralysie faciale, troubles de l’humeur et du comportement, troubles vésico-sphinctériens…

Il faut retenir qu’il n’y a pas une hémiplégie typique, mais de nombreuses formes cliniques différentes en fonction de la localisation de la lésion et de son étendue.

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La prise en charge d’un AVC est une urgence vitale. Le pronostic vital immédiat et le pronostic fonctionnel ultérieur dépendent de la rapidité et de la qualité de la prise en charge. C’est pour cela que de nombreuses campagnes de dépistage ont été mises en place, afin de pouvoir prendre en charge le patient le plus précocement possible, idéalement dans les heures qui suivent son AVC. Des structures spécifiques ont aussi été créées face au besoin croissant de soins spécifiques : les unités neurovasculaires. Leur rôle est de prendre en charge les patients dans les toutes premières heures après leur AVC afin de limiter la constitution de lésions cérébrales définitives, et de limiter et traiter les facteurs de co-morbidité (6). Ces unités regroupent des soignants formés au traitement des pathologies neurovasculaires et accueillent les patients 24h/24. Le service est dirigé par un neurologue titulaire d’un diplôme interuniversitaire (DIU) neurovasculaire, et est composé de personnel paramédical (infirmières, aides soignantes, kinésithérapeutes…) pouvant aussi posséder un DIU paramédical neurovasculaire (7). Dans de tels services, la kinésithérapie est une ressource complémentaire au traitement médical, et le masseur-kinésithérapeute (MK) a un rôle bien spécifique à jouer auprès des patients.

1.2 La prise en charge masso-kinésithérapique des patients après AVC en unité neurovasculaire

Le rôle du MK immédiatement après l’AVC est de prendre en charge les co-morbidités liées à ce dernier. Elles sont résumées par l’acronyme « ABC de l’AVC » (7), qui signifie :

- « Airways », les voies aériennes doivent être dégagées - « Breathing », il faut lutter contre l’encombrement bronchique - « Circulation », on doit favoriser la bonne perfusion du cerveau

Les actions du MK à la phase aiguë seront effectuées dans le but de ne pas aggraver la lésion, et de prévenir le risque de récidive. On appelle phase aiguë « la période qui s’étend de l’installation de l’AVC jusqu’au moment où les signes vitaux sont stabilisés et la vie hors de dangers immédiats » (6). Après un AVC, trois phases, d’évolution différente, sont généralement distinguées :

- phase aiguë avant le 14ème jour post-AVC ; - phase subaiguë entre le 14ème jour et le 6ème mois - phase chronique après plus de 6 mois post-AVC

Lors de la rééducation entreprise il ne faut pas oublier que l’UNV est un service de soins aigus : les patients ne sont pas encore stables sur le plan des constantes vitales. A chaque fois que l’on entre dans la chambre d’un patient il faut vérifier ses constantes : fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, saturation en oxygène, pression artérielle.

Le MK pourra agir essentiellement sur le paramètre « saturation en oxygène », en effectuant des manœuvres à visée de désencombrement bronchique.

Dans les premiers jours suivants l’AVC, le patient se trouve dans une phase où sa survie est menacée. Malgré cela, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande « de débuter la rééducation motrice dès que possible » (2). La prise en charge MK commence « si possible dans les premières 24 heures, même si des troubles de la vigilance sont observés » (8). La rééducation devra être « adaptée à l’état clinique du patient et à son état de vigilance et de

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fatigue » (9), et non pas active et intense dès les premiers jours. Les principales actions du MK seront les suivantes (7) :

- Vérification de la bonne installation du patient dans son lit.

Il a été montré que la position la plus adaptée est celle du décubitus dorsal, avec le buste incliné à 30°. Cela permet un compromis pour assurer la bonne perfusion du cerveau par le sang, et permettre une respiration correcte, également dans le but d’oxygéner le cerveau. En plus de cela, si le patient développe de la spasticité, le MK et l’équipe soignante pourront réaliser des installations pour éviter que le patient ne se déforme orthopédiquement.

On pourra à cet effet placer des bottes anti-équin aux pieds, et un coussin entre le bras et le thorax, main posée à plat en pronation (figure 1).

Ces deux équipements sont ceux retrouvés le plus souvent en UNV, car les muscles fléchisseurs plantaires de cheville, adducteurs de l’épaule, fléchisseurs du coude, du poignet et des doigts sont les plus touchés par la spasticité lorsqu’il y en a. Sans une installation adéquate, le patient risque de se fixer dans des positions délétères pour l’éventuelle reprise d’une activité motrice.

- Kinésithérapie respiratoire.

Le patient étant alité, il est peu mobile et respire moins bien. L’hypoventilation et l’immobilité entraînent une stagnation des sécrétions bronchiques, ce qui conduit à l’encombrement du patient. Le but des exercices de kinésithérapie respiratoire est de mobiliser ces sécrétions, si possible les expectorer et aider le patient à mieux ventiler, donc mieux oxygéner son tissu cérébral.

- Prévention des troubles thrombo-emboliques.

Après un AVC, le risque de survenue d’une thrombose veineuse profonde est important. C’est pourquoi le MK participe à la prévention de ce risque grâce à la pose de bandes ou bas de contention, à la mise en déclive des membres et à la mobilisation précoce, tous ces moyens étant associés au traitement médicamenteux.

- Mobilisation passive, active-aidée ou active.

D’après JP Bleton, « la restauration de la motricité est entreprise dès que les risques vitaux sont sous le contrôle du traitement médical. » (6) Le mode de mobilisation dépendra de l’état neuromoteur du patient. Si celui-ci est flasque, c'est-à-dire qu’il n’y a aucune motricité, le MK réalisera de la mobilisation passive afin d’entretenir les amplitudes articulaires. Si la motricité a été préservée dans certaines parties du corps ou qu’elle commence à récupérer,

Figure 1. Installation du patient hémiplégique au lit (source : guide d’installation de la personne hémiplégique,

CHU Limoges (30))

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le MK stimulera le patient pour qu’il conserve ou développe cette motricité. Il ne faut pas oublier que le cerveau contrôle un mouvement et non un muscle : « Le cortex ne sait rien des muscles, il ne connaît que les mouvements. » (10). Les exercices et stimulations proposés seront donc à visée fonctionnelle : venir attraper un objet, serrer la main du MK, se toucher le front…

- Réalisation du premier lever.

Dès que son état vasculaire le permet, et après prescription médicale, le patient sera mis en position assise au bord du lit. Le MK prend la tension artérielle du patient lorsqu’il est allongé, puis lorsqu’il est assis pour analyser comment il réagit suite à la verticalisation. Si cette tension chute trop lors du passage en position assise, cela est délétère pour la vascularisation du cerveau.

- Reprise de la marche.

Après le premier lever, le patient pourra progressivement reprendre une activité de marche si sa motricité lui permet. Sinon, le MK stimulera la motricité grâce à des exercices orientés vers une tâche (ex : venir toucher un objet, faire comme si on tapait dans un ballon de foot…) en fonction des possibilités du patient, et de ses loisirs antérieurs afin de l’intéresser à sa rééducation.

Comme mentionné précédemment, la durée de séjour des patients en UNV est courte. Il est possible que le patient soit transféré au bout de quelques jours dans une unité plus axée sur la rééducation et moins sur la surveillance médicale, comme un service de soins de suite et réadaptation, ou un centre de rééducation fonctionnelle. Si ce n’est pas le cas, le MK continue de stimuler la motricité, de faire marcher le patient … pour préparer son départ vers une autre structure. Le départ de l’UNV est autorisé à partir du moment où l’état médical du patient est devenu stable et que les risques de co-morbidités sont réduits.

1.3 Les bases théoriques de la thérapie par contrainte induite

La thérapie par contrainte induite est une des nombreuses méthodes utilisées pour la rééducation du membre supérieur hémiplégique. Elle consiste à empêcher l’utilisation du membre supérieur sain à l’aide d’un moyen de contention (écharpe, attelle, mitaine…) pour forcer le patient à utiliser son membre supérieur hémiplégique. Elle est mise en place dans le but de « stimuler l’utilisation du membre supérieur hémiplégique après AVC, et de favoriser son intégration dans les activités de la vie quotidienne. » (11)

1.3.1 Non-utilisation acquise

Les premières expériences concernant cette méthode de rééducation ont été réalisées par Taub et ses associés dans les années 1970 à partir d’une population de singes déafférentés (12). Dans cette publication, il est pour la première fois mentionné le phénomène de « non-utilisation acquise » (learned non-use), explicitée par la citation suivante : « les animaux continuent à utiliser le membre supérieur non parétique malgré une récupération spontanée du membre supérieur hémiplégique et évitent de se servir du membre lésé. » (13) Cette non-utilisation est un comportement acquis après la survenue d’une lésion cérébrale, suite aux échecs répétés lors de l’utilisation du membre supérieur

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parétique, qui est donc délaissé au profit du membre sain. Les praticiens ont alors eu l’idée de bloquer pendant plusieurs jours le bras des singes à l’aide d’un moyen de contention. Après ce traitement, ils se sont rendu compte que les animaux réintégraient leur membre supérieur atteint dans leurs activités de la vie quotidienne. Cela a permis de démontrer « qu’au moins une part du déficit moteur n’était pas lié à la paralysie mais à un apprentissage de non-utilisation » et que cette partie du déficit était « réversible par un réapprentissage de l’activité » (14).

1.3.2 Façonnage

Il a été démontré que le fait de contraindre un membre n’était pas suffisant, il faut aussi faire travailler le membre parétique à partir d’un entrainement moteur spécifique appelé « façonnage » (ou « shaping »). Cela consiste à effectuer des mouvements actifs avec le membre supérieur parétique, décomposés en petites étapes, en faisant varier les paramètres vitesse et amplitude du mouvement réalisé. Ces mouvements sont intégrés à un programme de rééducation intensif, répétitif et ciblé sur les difficultés observées (11). Cette technique qui associe la contrainte du membre supérieur et le façonnage a été appliquée à des patients hémiparétiques à partir des années 1990 (15).

1.3.3 Motricité minimale requise

Pour inclure un patient dans un protocole de rééducation basé sur la contrainte, il est nécessaire que son membre supérieur lésé ait un minimum de motricité. En effet, un patient ne présentant aucune ou très peu de récupération motrice ne sera pas à même de réaliser les exercices demandés par le MK, et se trouvera donc dans une situation d’échec, dévalorisante et délétère à la rééducation. La motricité minimale nécessaire a été fixée par Taub et al. dans un article publié en 1993 (16), et ensuite reprise dans de nombreuses études. Les patients inclus dans un protocole de TCI doivent être capables de réaliser une extension active des articulations métacarpophalangiennes et interphalangiennes sur une amplitude de 10°, et une extension active du poignet sur 20°. D’autres critères d’inclusion ont été définis : spasticité inférieure à 2 sur l’échelle d’Ashworth modifiée (annexe 1), douleur du membre supérieur atteint inférieure à 4 sur 10 selon l’échelle visuelle analogique, absence de troubles cognitifs majeurs, absence de trouble de l’équilibre lors de la marche (17)…

1.3.4 Modalités « classiques » de la TCI

Les modalités de réalisation d’un protocole de rééducation par contrainte induite, comme la durée du traitement ainsi que son intensité, n’ont pas encore fait preuve d’un consensus. Dans la plupart des études, le traitement est mis en place sur une durée de 2 semaines, la contrainte est portée par le patient pendant 90% du temps où il est éveillé (ce qui inclus les activités de toilette, habillage, repas, déplacement…). En plus de cela, le patient bénéficie d’environ 6 heures de « surentraînement » par jour, ce qui correspond à des activités rééducatives stimulant le membre supérieur lésé (16).

1.3.5 Effets de la TCI en phase chronique et subaiguë

De nombreuses études ont été réalisées afin de déterminer les effets de la TCI sur la récupération motrice après AVC, ainsi que pour comparer son efficacité par rapport à des

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techniques de rééducation dites classiques (techniques de facilitation neuromusculaire type Bobath). L’étude qui fait référence actuellement est celle réalisée en 2006 par Wolf et al. (18) C’est une étude prospective randomisée contrôlée qui porte sur 222 patients, répartis en 2 groupes : un groupe portant une mitaine sur la main saine et effectuant des exercices répétitifs de façonnage, et un groupe recevant uniquement un traitement pharmacologique et kinésithérapique classique. Les résultats ont montré une amélioration significative des scores aux tests moteurs et fonctionnels immédiatement après les deux semaines de TCI, et ces résultats persistent au moins pendant un an. Cependant, une revue systématique de la littérature réalisée en 2009 par l’organisme Cochrane (17), étudiant 19 essais contrôlés randomisés, conclue à un impact modéré de la TCI sur la réduction du handicap à la fin de la période de traitement. De plus, le fait que les bénéfices de la rééducation persistent après l’arrêt du traitement n’est pas clairement prouvé. La conclusion est qu’il existe des arguments en faveur de l’efficacité de la TCI, mais que des études randomisées portant sur un plus grand nombre de patients et durant un temps de suivi plus long sont nécessaires. En France, la HAS a publié en juin 2012 des recommandations pour la pratique clinique par rapport aux méthodes de rééducation de l’AVC chez l’adulte. La conclusion à propos de la TCI est la suivante : « la méthode de contrainte induite du membre supérieur […] est recommandée à la phase chronique d’un AVC, à condition d’une récupération motrice des muscles de la loge postérieure de l’avant-bras » (2).

1.3.6 TCI en phase aiguë

La littérature est peu fournie en ce qui concerne les études sur les effets de la TCI appliquée en phase aiguë de l’AVC. Dromerick et ses collaborateurs sont ceux qui ont effectué le plus de recherches avec des patients en phase aiguë. Une étude sur les effets de la TCI publiée en 2000 a comme critère d’inclusion la survenue d’un AVC ischémique dans les 14 jours précédant l’entrée dans le protocole de rééducation (19). Les résultats obtenus montrent qu’un tel essai clinique est faisable à la phase aiguë, et que la faiblesse du bras parétique a diminué à l’issue du traitement. Une autre étude du même auteur, réalisée à 2009, incluant des patients en moyenne à 9,65 jours après AVC, conclue sur le fait que la TCI est aussi efficace qu’une dose équivalente de rééducation traditionnelle, mais pas plus efficace (20). De plus, les auteurs ont remarqué que la TCI appliquée avec une forte intensité entraîne une amélioration moins significative de la récupération motrice, par rapport à une rééducation classique ainsi qu’une rééducation par contrainte induite de plus faible intensité. Ils supposent donc qu’une haute dose de rééducation à la période aiguë peut être délétère.

Le peu de données scientifiques sur l’utilisation de la TCI en phase aiguë de l’AVC est à l’origine du questionnement qui a fait émerger ce travail écrit. L’intérêt de la mise en place d’un protocole de rééducation par la contrainte induite en UNV est de décrire si une telle méthode peut être appliquée sur une population à risque, car ayant été victime d’un AVC récemment, et dans un milieu aussi particulier qu’une UNV.

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2. MISE EN PLACE D’UN PROTOCOLE DE RÉÉDUCATION DU MEMBRE SUPÉRIEUR HÉMIPLÉGIQUE PAR CONTRAINTE INDUITE

2.1 Matériel et méthode

Au cours du stage au sein de l’UNV, l’opportunité de tenter de mettre en place un protocole de TCI s’est présentée. Avant de mettre en application la technique de rééducation, il a fallu définir un protocole de soins par la TCI avec l’aide de l’équipe soignante. L’accord du médecin en charge du service, ainsi que celui de la tutrice de terrain ont été recueillis avant tout, étant donné la sensibilité d’une telle approche en UNV. La littérature a ensuite été interrogée pour trouver si des études avaient été réalisées en phase aiguë de l’AVC, et si c’était le cas quelle avait été les modalités d’application utilisées. Les données collectées sont les suivantes :

- une étude a porté sur 23 patients, inclus dans les 14 premiers jours après leur AVC. Le traitement par contrainte s’est déroulé sur 14 jours consécutifs, durant lesquels les patients doivent porter une mitaine rembourrée sur leur main saine au moins 6h par jour. Durant la journée, ils reçoivent 2h de rééducation centrée sur le membre supérieur atteint à partir de tâches fonctionnelles, et cela pendant 5 jours par semaine (19).

- une seconde étude incluant de même des patients dans les 14 premiers jours après AVC, a mis en place en protocole contenant 3h de rééducation par jour, pendant 14 jours à une fréquence de 6 jours par semaine en excluant le dimanche. Les patients doivent porter une mitaine de contention sur leur main saine pendant 90% du temps où ils sont éveillés, à l’exception des activités où un risque de blessure peut survenir (21).

- une troisième étude inclus 52 patients, en moyenne dans les 10 premiers jours après leur AVC. Le traitement intervient 5 jours par semaine pendant 2 semaines consécutives. Les patients sont répartis en 2 groupes : les premiers doivent porter une mitaine pendant 6h par jour et effectuer 2h par jour de rééducation par façonnage. Les seconds doivent porter la mitaine pendant 90% du temps éveillé et effectuer 3h par jour de rééducation (20).

Après avoir évalué dans le service les moyens techniques disponibles, il a été décidé que le moyen de contention utilisé serait un bandage de Gilchrist en jersey (figure 2, p.9), l’UNV n’ayant pas de mitaines à sa disposition. Du fait de la courte durée du stage (6 semaines) et du faible nombre de patients de l’UNV susceptibles d’entrer dans le protocole, il a été choisi que le critère évalué serait la faisabilité d’un protocole de soins par la TCI, grâce à l’analyse de sa perception par un groupe de patients, et non pas l’efficacité de la TCI en comparant un groupe témoin et un groupe recevant la TCI. Cette étude porte donc sur une série de cas cliniques, et n’est pas un essai contrôlé avec présence d’un groupe témoin. Le MK ayant d’autres patients à prendre en charge que ceux inclus dans le protocole, le temps de rééducation accordé à chaque patient a été évalué à une séance de rééducation par jour. Dans l’UNV étudiée, cela correspond à environ 20 à 30 minutes par jour, selon la fatigabilité du patient et aussi selon les disponibilités du MK. Afin d’augmenter le temps de port de la contrainte, il a été décidé, en accord avec l’équipe soignante, que les patients porteraient la contrainte au cours de la toilette du matin, ainsi que du repas du midi.

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2.1.1 Population

La population concernée par la mise en place du protocole de TCI est constituée des patients hospitalisés dans l’UNV du CHU Laënnec à Nantes. Ces patients sont présents dans cette UNV car ils ont été victimes d’un AVC récemment (le délai varie de quelques heures après l’AVC à plusieurs jours).

- Critères d’inclusion

Sont inclus tous les patients présentant une ébauche de motricité des 3 articulations du membre supérieur (épaule, coude et poignet) et des doigts.

- Critères de non inclusion

Ne sont pas inclus les patients dont l’état clinique n’est pas stable sur le plan médical et risque de fluctuer au cours de la rééducation (état cardiaque, respiratoire…)

- Critères d’exclusion

Le fait de ne pas supporter la contrainte du membre supérieur sain (pleurs, énervement, découragement).

Les patients présentant des troubles cognitifs se révélant trop gênants pour mener à bien le protocole de rééducation.

L’exclusion est rendue possible en cours de protocole, et non pas avant d’inclure des patients. Cela est nécessaire du fait des conditions sur le terrain : peu de patients présentaient les critères nécessaires à leur inclusion ; en rajoutant à cela des critères d’exclusion d’emblée, le nombre de patients qui auraient pu participer à l’étude aurait été extrêmement réduit. Nous sommes partis du principe que nous mettrions en place le protocole chez tous les patients remplissant les critères d’inclusion, et que nous verrions en cours de traitement s’il fallait en exclure certains.

2.1.2 Méthode de contention

Le matériel utilisé afin de contenir le membre supérieur sain est un bandage de Gilchrist en jersey, plus connu sous le nom de « Mayo Clinic » ou sous son nom francisé de « Maillot Clinique » (figure 2).

Le principe est d’utiliser une bande de jersey d’un diamètre suffisant pour pouvoir y entrer le bras du patient jusqu’à l’épaule. Pour mesurer la longueur de jersey nécessaire, on prend la distance entre le bout des doigts du patient jusqu’à son cou, et on coupe une bande faisant 3 fois cette longueur. On découpe une encoche au tiers de la bande afin d’enfiler le bras du patient dans la bande jusqu’à l’épaule. La bande passe derrière le cou, en dessous du poignet puis repasse devant le poignet et est attachée à l’aide d’une épingle à nourrice. L’autre

extrémité du jersey englobe la main, passe dans le dos, entre le bras sain et le dos, passe devant le bras, pour finir par une attache avec une épingle derrière le bras (22). Les articulations du coude, du poignet et de la main sont ainsi immobilisées, et toute participation du membre supérieur sain est impossible.

Figure 2. Contention par un bandage de Gilchrist, ou maillot clinique.

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2.1.3 Protocole de soins par la TCI

La contrainte du membre supérieur sain est mise en place pendant 3 séquences au cours de la journée :

- la toilette du matin (figure 3).

Lors du port de la contrainte pour la 1ère fois, le MK assiste à la toilette du patient afin d’observer comment ce dernier agit et pour lui donner des conseils. La toilette des jours suivants pourra uniquement être supervisée par une aide soignante.

- au cours du repas du midi. Ce repas avec la contention est pris sous la surveillance du MK en fonction de ses disponibilités. Ce dernier observe comment le patient agit dans un contexte fonctionnel, et peut aider si nécessaire (couper de la viande, ouvrir un yaourt…)

- pendant une séance de rééducation avec le MK. Ce temps de rééducation dure environ 20 minutes, mais peut varier selon la fatigabilité du patient. Les exercices réalisés stimuleront l’utilisation du membre supérieur hémiplégique grâce à des tâches orientées : venir chercher un objet que le MK tend, aller toucher un endroit précis, lancer et recevoir une balle… On présentera au patient un maximum d’activités fonctionnelles : prendre des pâtes dans une cuillère et les mettre dans un bol (figure 4), faire un puzzle, jouer à des jeux d’adresse (figure 5)… La précision des mouvements demandés sera différente en fonction du niveau de récupération motrice du patient, et augmentera au cours de la rééducation.

Figure 3. Brossage des dents avec la contrainte.

Figure 4. Exemple d’exercice proposé en rééducation Figure 5. Deuxième type d’exercice rééducatif

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Une question se pose quant à la durée de mise en place de la contrainte : en effet, le séjour à l’UNV est souvent court, en moyenne 7 à 8 jours, avant que le patient soit orienté vers un centre de rééducation fonctionnelle ou un retour à domicile (76% des patients selon le rapport d’activité 2011 de l’UNV), avec ou sans aides (ménage, portage des repas…). Il a été décidé que le protocole serait mis en place dès que possible (patient remplissant les critères d’inclusion et non inclusion) et durerait aussi longtemps que le séjour du patient à l’UNV le permet.

2.1.4 Critères de jugement

Différents tests ont été réalisés avant et après l’inclusion des patients dans le protocole de TCI :

- L’index moteur de Demeurisse (annexe 1) : il permet d’évaluer la motricité du membre supérieur de façon globale, avec des mouvements élémentaires (pince pouce-index, flexion du coude, abduction de l’épaule). La cotation est effectuée entre 0 - qui correspond à une absence de mouvement - et 33 - qui correspond à un mouvement avec une force normale. Le score du membre supérieur est calculé en additionnant la cotation obtenue à chacun des 3 mouvements, en y ajoutant 1 et en divisant le tout par 100.

- Le Frenchay Arm Test (annexe 1) : il évalue de façon qualitative les fonctions du membre

supérieur. Les mouvements demandés sont fonctionnels : attraper un verre d’eau à moitié plein, prendre et remettre une pince à linge sur une tige, peigner ses cheveux… Au total 5 mouvements sont testés. Si la tâche est effectuée complètement on donnera le score de 1, sinon la cotation sera 0. Ce qui donne un score total sur 5 points.

- La mesure de l’indépendance fonctionnelle (MIF) (annexe 2) : elle permet d’évaluer

l’autonomie du patient dans les activités de la vie quotidienne. L’échelle regroupe 17 items allant de l’habillage, la locomotion, la communication à la conscience du monde extérieur. Pour ce travail seuls les items concernant les soins personnels ont été évalués. En effet, toutes ces activités sont réalisées avec les membres supérieurs, de façon plus ou moins bi-manuelle. Les activités cotées sont la capacité à s’alimenter, à réaliser les soins de l’apparence, la toilette, à effectuer l’habillage du haut et du bas du corps, et enfin la capacité à se rendre aux toilettes. La dépendance des personnes lors de la réalisation de ces activités est classée selon 7 niveaux : le niveau 1 correspond à une aide totale de la part d’une tierce personne, alors que le niveau 7 correspond à une indépendance complète, appropriée aux circonstances et sans danger. Avec les 6 items évalués, le score maximal que peut obtenir un patient est de 42.

- La marche a aussi été évaluée. Il s’agit tout d’abord de dire si celle-ci est possible, et si

oui est-ce que le patient a besoin d’aides de marche ou non. L’autonomie à la marche est évaluée grâce à la cotation FAC (Functionnal Ambulation Classification) (annexe 1). Cette dernière permet de définir 6 cotations : la plus faible est le 0, qui représente un patient ne pouvant marcher ou ayant besoin de l’aide de plus d’une personne. La plus forte cotation correspond à un patient marchant seul quelle que soit la surface (escaliers, pente, terrain accidenté…)

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Bien que tous ces tests aient été réalisés afin d’objectiver la progression des patients, le principal critère de jugement de cette étude n’est pas l’efficacité de la TCI sur la récupération du membre supérieur, mais bien l’évaluation de la faisabilité d’une telle méthode de rééducation en UNV. Afin de mesurer celle-ci, des critères subjectifs peuvent être utilisés. On interroge les patients sur leur ressenti avant, pendant et après le port de la contrainte. On se base aussi sur les signes physiques qu’ils présentent lorsque la contrainte est en place : grimaces, soupirs, agacement, épuisement, refus de faire un exercice… L’applicabilité d’un tel protocole est aussi évaluée du point de vue des soignants : cela nécessite-t-il un investissement supplémentaire important pour le rééducateur, tant du point de vue matériel qu’au niveau du temps nécessaire à la rééducation.

2.2 Description des patients

Au cours du stage de 6 semaines au sein de l’UNV, seulement 4 patients ont pu remplir les critères d’inclusion cités précédemment. Ces patients ont été vus une 1ère fois par le MK afin de réaliser un bilan de début de protocole. Ce bilan a été réalisé pour tous les patients alors qu’ils se trouvaient encore en phase aiguë post-AVC : deux des patients ont été vus à 3 jours de leur AVC, un autre à 10 jours et le dernier à 11 jours post-AVC. Le bilan débute par la lecture du dossier de soin, puis sont recueillies auprès du patient les données éventuellement manquantes, si celui-ci est en capacité de s’exprimer (absence d’aphasie gênant la communication). Les questions concernent alors le mode de vie du patient (célibataire, marié, avec ou sans enfants…) la description de son logement (maison de plain pied ou appartement sans ascenseur), sa profession, ses loisirs (marche le dimanche ou sport à haut niveau), l’éventuelle présence d’aide à domicile (ménage, repas…).

Vient ensuite le temps du bilan masso-kinésithérapique à proprement parler : examen des fonctions supérieures, de la douleur, examen cutané/trophique/vasculaire, bilan de la sensibilité, de la motricité, et enfin bilan fonctionnel. A cela s’ajoute le bilan type réalisé habituellement dans le service de l’UNV (annexe 1). Il comprend certains items déjà cités comme l’examen des fonctions supérieures, la mobilité articulaire, l’évaluation de la spasticité, l’examen de la sensibilité et de l’autonomie. Il y a aussi de nouveaux items, importants pour déterminer l’évolution du patient au cours du protocole : l’index moteur de Demeurisse et le Frenchay Arm Test, qui sont deux tests utilisés pour évaluer la motricité du patient. Après avoir réalisé tous ces bilans, le MK a un tableau d’ensemble des déficits et limitations du patient ainsi que ses capacités, et sait sur quoi axer sa rééducation et quels moyens rééducatifs utiliser. Les quatre patients inclus dans le protocole présentaient un déficit à dominance brachio-faciale. La rééducation s’est donc concentrée sur le travail du membre supérieur hémiplégique grâce à la TCI, tout en ne négligeant pas les autres fonctions : équilibre, marche…

2.2.1 Patient n°1

Le premier patient est un homme de 32 ans, entré le 18/09/2012 à l’UNV suite à un AVC ischémique sylvien droit. Lors de l’examen d’entrée, on retrouve un déficit moteur quasiment complet au membre supérieur gauche et sévère au membre inférieur gauche, une paralysie faciale gauche ainsi qu’une hémi-négligence. Au cours de l’examen MK réalisé trois jours plus tard, le temps que les constantes vitales soient stables, le tableau clinique a

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changé. Le patient présente une motricité sur tout l’hémicorps gauche, avec un score maximal à l’index de Demeurisse pour le membre supérieur. Il subsiste néanmoins un déficit de force musculaire localisé au niveau distal, touchant l’abduction du pouce et l’extension du poignet. Le bilan des fonctions supérieures, de la douleur, de la peau, de la sensibilité ne présente aucune particularité. Il n’y a pas de limitation d’amplitude articulaire. On retrouve de la spasticité sur les fléchisseurs du coude, cotée à 1 sur l’échelle d’Ashworth modifiée (annexe 1). Le patient nécessite une aide modérée en ce qui concerne la toilette, l’habillage et la prise des repas. La MIF (annexe 2) est à 24 sur 42 concernant les soins personnels (alimentation, toilette, habillage, soins de l’apparence…). Le patient a un régime alimentaire mouliné et boit de l’eau gazeuse, à cause du risque de fausse route du fait de sa paralysie faciale. Les transferts sont réalisés de façon sûre et autonome. Les déplacements s’effectuent en marchant sans aide technique, mais le patient a besoin d’un guidage verbal sans contact physique du fait de sa négligence.

Au total, le patient présente une hémiplégie gauche à dominante brachio-faciale. La motricité est déficitaire au niveau distal du membre supérieur ainsi que sur l’hémiface gauche. Il y a présence d’une négligence motrice, caractérisée par une sous-utilisation de l’hémicorps gauche et un déficit d’exploration de l’hémi-espace gauche. Il présente tous les critères pour être inclus dans le protocole de thérapie par contrainte induite, qui est indiquée chez lui du fait de sa sous-utilisation motrice de l’hémicorps gauche.

Après avoir été informé des modalités d’application d’un protocole de thérapie par contrainte induite, le patient a donné son consentement pour y être inclus. Nous lui avons expliqué le déroulement de la méthode, décrite précédemment. Il a aussi été mis en garde sur l’éventuelle difficulté à supporter le fait que son membre supérieur sain soit contraint, et la possibilité d’être mis en échec en utilisant uniquement son membre supérieur parétique. Il se trouve alors à trois jours de distance de son AVC quand il est inclus dans le protocole.

2.2.2 Patient n°2

Le deuxième patient est un homme de 74 ans, admis le 07/09/2012 à l’UNV suite à un AVC ischémique sylvien supérieur gauche. Au cours de l’examen masso-kinésithérapique, le patient est conscient, il répond aux ordres simples (« ouvrez les yeux », « serrez-moi la main ») mais pas aux ordres complexes. La communication est difficile du fait d’une aphasie mixte, c'est-à-dire que la compréhension et l’expression sont altérées. De plus le patient est somnolent, ferme les yeux, soupire, est très fatigué et fatigable. Sa coopération et sa participation lors du bilan initial ont été très difficiles à obtenir. L’examen des fonctions respiratoire, circulatoire et algique ne montre aucun trouble. La sensibilité a été testée, mais aucune réponse claire n’a été formulée par le patient lorsqu’on lui demande s’il sent ou non. Il n’y a pas de limitation de la mobilité articulaire, ni d’attitude vicieuse. On retrouve de la spasticité au membre supérieur droit sur le triceps, le biceps et les fléchisseurs du poignet, cotée à 1 sur l’échelle d’Ashworth modifié. La motricité est présente au membre supérieur droit mais elle n’est pas utilisée de façon volontaire ni sur commande : le patient est capable spontanément de se gratter le nez, la tête, mais ne réalise aucun des mouvements qui lui sont demandés, quelque soit l’ordre donné par le MK ou la stimulation utilisée (présenter un stylo, une cuillère, un téléphone qui sonne…). Au niveau fonctionnel le patient nécessite une aide importante pour la toilette et l’habillage, une aide modérée pour les repas, l’écriture est impossible, les transferts sont possibles avec l’aide de plusieurs soignants. La mesure de

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l’indépendance fonctionnelle montre un score de 11 sur 42 en ce qui concerne les soins personnels. La marche est possible sans aide technique mais le patient a besoin de l’aide de deux personnes pour le soutenir et le guider.

Le patient présente une hémiplégie droite à dominante brachio-faciale. Le membre supérieur droit est touché par une faible spasticité sur les fléchisseurs du coude et du poignet et l’extenseur du coude, qui n’entrave pas la mobilité. La motricité est présente au niveau de tout l’hémicorps droit mais elle n’est pas utilisée de façon volontaire.

2.2.3 Patient n°3

Le troisième patient est une femme de 56 ans, entrée le 28/09/2012 à l’UNV suite à un AVC ischémique du tronc cérébral gauche survenu le 21/09/2012. Elle est admise le 22/09/2012 aux Nouvelles Cliniques Nantaises et présente alors une hémiparésie droite proportionnelle. Le 28/09/2012, elle est transférée au CHU Laënnec suite à une recrudescence des signes cliniques. Sur le plan des antécédents médicaux elle a présenté une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche il y a quatre ans, et a ensuite développé un syndrome douloureux régional complexe (SDRC) suite à cette lésion. Au niveau des antécédents familiaux, on retrouve de nombreux cas d’AVC dans son arbre généalogique, sa mère et son frère étant tous les deux décédés d’un AVC. Des recherches génétiques ont été entreprises car les médecins suspectent un Cadasil, c'est-à-dire une maladie génétique qui se traduit par des crises de migraines et des AVC, aboutissant à une altération intellectuelle.

La patiente ne ressent aucune douleur spontanée ni provoquée, mais on notera tout de même les antécédents de SDRC. L’examen cutané/trophique/vasculaire ne présente aucune particularité. L’observation morphostatique met en évidence le fait que la patiente ne relâche jamais complètement son bras droit, elle le soutient constamment en élevant le moignon de l’épaule, et le porte en abduction, flexion de coude et supination (figure 6).

Figure 6. Attitude vicieuse en élévation du moignon de l’épaule, abduction,

flexion de coude et supination

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Le bilan de la sensibilité révèle des troubles de la sensibilité superficielle, avec une hypoesthésie de tout l’hémicorps droit. La patiente présente des paresthésies à type de fourmillements, elle décrit son côté droit comme « engourdi ». Il n’y a pas de limitation d’amplitude articulaire ni de spasticité. L’examen de la motricité volontaire montre la présence de motricité contre pesanteur et contre légère résistance pour tout le membre supérieur droit. On perçoit un déficit de puissance dans la commande motrice, et une difficulté à la manipulation d’objets ainsi que la réalisation de prises fines. La patiente est autonome en ce qui concerne les transferts, elle marche sans aide technique mais avec l’aide intermittente du soignant. Son équilibre debout est normal, mais l’équilibre unipodal est précaire (ne tient pas cinq secondes sur un pied), surtout en appui sur le pied droit. Étant gauchère elle est capable de prendre ses repas et d’écrire seule. Elle nécessite une aide modérée pour la toilette et l’habillage. Cela équivaut à un score de 25 sur 42 à la MIF en ce qui concerne les soins personnels.

En résumé, les bilans effectués mettent en évidence la présence d’une hémiparésie droite proportionnelle (c'est-à-dire présente au niveau de la face, du membre supérieur et inférieur) avec hypoesthésie et paresthésie de l’hémicorps droit. Il y a un manque de force et de puissance lors du recrutement de la commande motrice volontaire.

2.2.4 Patient n°4

Le quatrième patient est une femme de 48 ans, admise le 01/10/2012 à l’UNV suite à un AVC ischémique gauche survenu le 01/10/2012. Elle a présenté au moment de son réveil une lourdeur du membre supérieur droit, avec aggravation des signes cliniques vers 7h15 alors qu’elle est au volant de sa voiture. Elle a directement été admise à l’UNV, après l’examen d’entrée et l’IRM. A l’examen neurologique d’entrée elle présente une hémiparésie droite avec possibilité de lever le membre supérieur contre pesanteur mais moins de dix secondes, pas de possibilité d’effort contre pesanteur du membre inférieur, une hypoesthésie, une dysarthrie modérée accompagnée d’une paralysie faciale droite. Elle ne présente pas de douleur spontanée ni provoquée. Elle a présenté il y a environ un an une tendinite de l’épaule gauche qui l’a fait souffrir, et il reste des séquelles de cet épisode au niveau des amplitudes articulaires et de la force musculaire. Au niveau morphostatique, elle ne présente aucune déformation articulaire ni attitude vicieuse. L’examen de la sensibilité superficielle montre une hypoesthésie de l’hémicorps droit. Il n’y a aucun trouble de la sensibilité proprioceptive. La patiente ne présente pas de limitation de mobilité articulaire, ni de spasticité, ni de syncinésie. Le bilan de la motricité volontaire met en évidence la présence de motricité dissociée au niveau des trois articulations du membre supérieur droit, et les mouvements sont possibles contre la pesanteur. La motricité est plus grossière en ce qui concerne le membre inférieur. Il y a globalement une diminution de la force musculaire. La patiente nécessite une aide modérée en ce qui concerne la toilette et les repas, et une aide importante pour l’habillage. Au jour du bilan d’entrée la patiente est en repos strict au lit, les transferts et déplacements n’ont donc pas été testés. A son entrée on lui a posé une sonde urinaire du fait des déficits sphinctériens. La MIF établit un score de 21 sur 42 en ce qui concerne les items des soins personnels.

En conclusion, la patiente présente une hémiplégie droite accompagnée d’une hypoesthésie de l’hémicorps droit, d’un déficit de motricité volontaire et d’une paralysie faciale droite.

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2.2.5 Tableau récapitulatif des patients inclus dans l’étude

Patient n°1 Patient n°2 Patient n°3 Patient n°4

Sexe Homme Femme Femme Femme

Age 32 ans 74 ans 56 ans 48 ans

Délai d’entrée dans le protocole

J+3 post AVC J+11 J+10 J+3

Latéralité Droitier Droitier (se dit ambidextre)

Gauchère Droitière

Profession Ouvrier dans une

cimenterie Infirmier retraité

Femme de ménage (en arrêt de travail)

Agent de service hospitalier

Lésion AVC ischémique

sylvien droit AVC ischémique sylvien gauche

AVC ischémique du tronc cérébral

gauche

AVC ischémique gauche

Déficits Hémiplégie gauche

à dominante brachio-faciale

Hémiplégie droite à dominante brachio-

faciale

Hémiparésie droite proportionnelle

Hémiplégie droite à dominante brachio-

faciale

Antécédents et facteurs de risque

-Episodes fréquents de migraines - Fumeur (1/2 paquet/jour)

- Alcool occasionnel (2-3 verres de whisky/jour)

-Non connus

- Terrain familial d’AVC

- SDRC épaule gauche suite

rupture coiffe des rotateurs

- Fumeuse (>30 paquet- année)

- Tendinite épaule gauche (>1 an)

Particularités

- Héminégligence motrice gauche

- Paralysie faciale gauche (fausses

routes à l’eau plate + régime

alimentaire mouliné)

Communication et participation du

patient très limitées

- Hypoesthésie de l’hémicorps droit à

type de fourmillements et engourdissement

- Attitude vicieuse en élévation du

moignon de l’épaule, abduction, flexion de coude et

supination

Hypoesthésie de l’hémicorps droit

Tableau I - Patients inclus dans l'étude

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2.3 Résultats

Les résultats obtenus au cours de la mise en place du protocole de TCI seront d’abord présentés et analysés patient par patient, puis une synthèse sera réalisée et enfin une interprétation.

2.3.1 Données des bilans après TCI pour chaque patient

Le patient n°1 a été inclus dans le protocole le vendredi 21/09/2012, et est sorti de l’UNV le mercredi 26/09/2012. Cela équivaut à trois jours de port de la contrainte, en comptant le weekend où il n’y a pas de prise en charge MK, et le dernier jour qui a été consacré à des bilans de sortie. En ce qui concerne l’évolution des scores aux tests moteurs réalisés :

- Son score initial à l’index moteur de Demeurisse était au maximum, et il a été le même lors de l’examen de sortie. Cependant quand on s’intéresse à la réalisation des mouvements de façon qualitative, on peut observer que les prises sont plus fines, plus précises, et les exercices demandés sont effectués avec plus de rapidité.

- Le Frenchay Arm Test n’avait pu être réalisé lors du bilan initial faute de moyens, on ne

peut donc pas comparer par rapport à son score de 4 sur 5 lors du bilan final.

- La marche était possible sans aides techniques dès le début de la prise en charge, mais du fait de son héminégligence le patient avait tendance à se coller aux murs du côté gauche, et à ne pas explorer l’hémi-espace gauche. Lors du bilan de sortie, le guidage verbal nécessaire au patient pour se déplacer en sécurité était plus modéré. Après interrogatoire le patient affirme « se sentir plus stable », il explore mieux l’espace situé sur sa gauche, même s’il reste une légère déficience. En effet, au cours de l’examen de sortie, le patient a percuté un lit situé sur sa gauche dans un couloir. Suite au questionnement du MK, il affirme qu’il l’avait bien vu, mais il n’avait pas intégré le fait qu’il fallait se déporter sur le côté droit pour éviter de rentrer en collision avec l’obstacle.

- Les scores de la MIF sont ceux qui ont le plus évolué : le score d’autonomie initial pour

les soins personnels était de 24/42, correspondant à une aide minimale nécessaire pour les six items. A sa sortie, le patient présente un score de 40/42, c'est-à-dire qu’il est complètement autonome pour tous les soins personnels, sauf en ce qui concerne la toilette qui nécessite une surveillance.

- Une évaluation qualitative de la motricité a aussi été effectuée par le MK au cours des

séances. A son arrivée à l’UNV, le patient est capable de réaliser tous les gestes de la vie quotidienne, étant donné qu’il est droitier et que son atteinte touche l’hémicorps gauche. Il ne pense donc pas spontanément à utiliser son côté hémiplégique. Lorsque le MK lui propose d’intégrer le protocole de TCI le patient accepte facilement la proposition. Quand la contrainte est mise en place, il pense d’abord à se servir de son membre supérieur droit, qui se mobilise d’ailleurs légèrement dans le Maillot Clinique (extension du poignet, antépulsion de l’épaule, manque de relâchement du moignon de l’épaule) puis se rend compte qu’il est bloqué donc utilise son membre atteint. Au cours de la dernière séance avec la contrainte, le patient a bien intégré le fait que l’un de ses membres supérieurs est bloqué et qu’il doit utiliser l’autre. La motricité fine, qui était le

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déficit le plus important chez ce patient, s’est nettement améliorée, elle est moins grossière et le contrôle moteur est meilleur. Il est capable par exemple de tenir une vis dans sa main gauche, et de visser un boulon dessus avec la même main.

- Au niveau des critères d’évaluation subjectifs, le patient a un caractère de base peu

enjoué, il est assez taciturne, ne communique qu’après sollicitations, n’a pas tendance à s’exprimer sur ce qu’il pense ou ce qu’il ressent. Il dit n’avoir « ressenti aucune douleur » lors du port de la contrainte. Cette dernière a été facilement acceptée, il n’y a jamais eu de refus de la part du patient quant à la participation à la rééducation. Le seul point négatif rapporté par le patient a été le fait que l’écharpe en jersey tienne chaud au bras et fasse transpirer. On peut tout de même noter que le patient a fugué du service la veille de son retour à domicile. Il est parti raccompagner un visiteur à l’accueil du CHU, n’a jamais voulu revenir dans le service malgré l’intervention des soignants. Il est revenu le lendemain matin pour effectuer une prise de sang nécessaire à sa sortie. Ce retour a permis de réaliser le bilan de sortie du patient. Celui-ci est rentré chez lui, sans prescription de séances MK à domicile.

Le patient n°2 est entré le 07/09/2012 à l’UNV, mais il n’a été inclus dans le protocole que le 19/09/2012 du fait de l’importance de ses troubles de vigilance (patient très somnolent). Il a été transféré le 01/10/2012 dans un centre de rééducation fonctionnelle pour poursuivre la rééducation.

- L’index moteur de Demeurisse n’avait pas été fait lors du bilan initial, faute de coopération du patient. Au cours du bilan de sortie, le score obtenu était maximal.

- Le Frenchay Arm Test n’a été réalisé ni au début ni à la fin du protocole, toujours à cause

des difficultés de prise en charge du patient.

- Au début du protocole, la marche est possible mais avec un soutien très fort de deux soignants, et uniquement sur un périmètre de dix mètres. Avant son transfert en rééducation, la marche est réalisée avec l’aide importante d’un soignant. Le patient a une forte tendance à dévier vers la droite et s’agrippe à tout ce qu’il peut trouver.

- Le score de la MIF est de 11/42 à l’inclusion dans le protocole. Le patient a besoin d’une

aide totale pour deux items, d’une aide maximale pour trois items et d’une aide moyenne pour le dernier. A sa sortie, le score est de 21/42, avec trois items nécessitant une aide moyenne et trois réalisés avec une aide minimale.

- Au cours des huit jours effectifs de rééducation, le patient n’a accepté de porter la

contrainte qu’une seule fois, au cours de la première séance de rééducation. Même à ce moment là, les seuls mouvements qu’il a bien voulu réaliser ont été d’attraper une cuillère, et serrer la main lorsque le MK lui tend la sienne. Il n’a consenti à aucun autre mouvement malgré l’essai de différentes stimulations. Ses troubles de vigilance étaient encore au premier plan, avec un patient très fatigable, qui souffle beaucoup, soupire, ferme les yeux pendant la séance. Le Maillot Clinique a donc été retiré, et un deuxième essai a été fait au cours du repas du midi : le patient soupire dès qu’il aperçoit la contention, puis refuse catégoriquement de manger. Il passe le reste de l’après-midi au

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lit, refusant de se mettre au fauteuil. Les jours suivants, le MK se contente de travailler la marche et l’équilibre avec ce patient, en espérant qu’une pause dans le travail du membre supérieur permettra de reprendre le protocole quelques jours plus tard. Les repas sont réalisés sous supervision du MK, mais sans l’écharpe, juste en stimulant l’utilisation du membre supérieur droit hémiplégique. Pour cela on lui présente les couverts du côté droit, on lui donne son verre d’eau à droite, on l’incite à prendre les aliments avec la main droite lorsqu’il le fait spontanément avec la gauche. Les repas se déroulent alors mieux, le patient accepte de manger, même s’il reste confus : il essaye d’ouvrir son yaourt avec son couteau, il coupe sa viande avec le manche du couteau… Après un deuxième essai infructueux avec la contrainte, il a finalement été décidé de l’abandonner également pendant les séances de rééducation. Les exercices utilisés stimulent tout de même le membre supérieur droit, grâce au lancer de ballon orienté vers la main droit par exemple. Lors du bilan de sortie, le patient est plus coopérant qu’au début du traitement, même s’il refuse de temps en temps d’effectuer des exercices. La fatigabilité du patient a aussi entravé sa rééducation. Les séances ne duraient jamais plus de quinze minutes, le patient se mettant rapidement à bailler, souffler, à saturer des exercices et d’un seul coup refuser de faire quoi que ce soit.

La troisième patiente est entrée à l’UNV après un séjour d’une semaine dans une clinique privée. Elle a été transférée à l’UNV devant une recrudescence des signes cliniques, mais n’y restera que cinq jours (weekend compris) devant la stabilité de ses signes cliniques et son bon état général.

- L’index moteur de Demeurisse présente un score de 0,77 à son entrée : les trois mouvements évalués sont réalisés, mais avec une faiblesse comparé au côté sain. A sa sortie, le score est passé à 0,92 : la pince pouce-index et la flexion du coude sont réalisées avec une force comparable au côté sain, mais pas l’abduction d’épaule qui reste plus faible.

- Le score initial obtenu au Frenchay Arm Test est maximal. Malgré tout, lors de l’épreuve

consistant à prendre une pince à linge sur une baguette puis la remettre dessus, la patiente fait tomber la pince à linge sur la table avant de la remettre. Au cours du bilan final, on ne retrouve plus ce petit déficit.

- La marche est possible sans aide technique, mais avec l’aide intermittente d’un

soignant. En effet, la patiente présente une boiterie à type d’esquive d’appui sur le membre inférieur droit, ce qui diminue la longueur du pas à gauche. De plus elle est peu sûre d’elle et s’agrippe à tout ce qu’elle peut trouver. Du fait de son temps de séjour court, la marche a peu évolué lors de sa sortie, même si elle se « sent plus sûre d’elle » et a uniquement besoin d’un soutien verbal pour l’encourager.

- Le score de la MIF est identique à l’entrée et à la sortie, avec 25/42. La plupart des

activités sont réalisées avec une aide moyenne à minimale, et certaines uniquement sous surveillance.

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- Le temps effectif de port de la contrainte chez cette patiente n’a été que de deux jours. Cela n’a pas été suffisant pour permettre d’évaluer la tolérance de la patiente quant au moyen de contention. De plus, le fait qu’elle soit gauchère alors qu’elle présente une hémiparésie droite signifie que les troubles la gênent moins au niveau fonctionnel que s’ils touchaient son hémicorps gauche. La patiente affirme « bien supporter » le Maillot Clinique, et arrive à effectuer tous les exercices demandés en rééducation, malgré une lenteur d’exécution.

La dernière patiente est entrée le 01/10/2012 à l’UNV, mais n’a pu être inclue dans le protocole que trois jours plus tard, le temps que son état neurologique et sa vigilance se stabilisent. Elle est transférée dans un centre de rééducation fonctionnelle le 08/10/2012. Le temps réel d’inclusion dans le protocole n’a donc été que de deux jours, étant donné la présence du weekend et le dernier jour ayant été consacré aux bilans.

- L’index moteur de Demeurisse présente un score de 0,77 à son entrée : les trois mouvements évalués sont réalisés, mais avec une faiblesse comparé au côté sain. A sa sortie, le score est passé à 0,92 : la pince pouce-index et l’abduction d’épaule sont réalisées avec une force comparable au côté sain, mais pas la flexion du coude qui reste plus faible.

- Le Frenchay Arm Test montre un score maximal dès le bilan initial, et il n’a pas pu être

réalisé en bilan final du fait du transfert de la patiente.

- La marche est initialement possible sans aide technique mais avec l’aide intermittente d’un soignant. La patiente possède un défaut de mise en charge sur le côté droit, et une faiblesse des fessiers compensée par une inclinaison du tronc vers l’arrière. Elle a tendance à marcher en rigidifiant les membres inférieurs, la déambulation n’est pas fluide. Lors de son transfert, la marche est toujours hésitante, plus du fait de l’appréhension de la patiente que du déficit qui est très léger. Il y a toujours un défaut de mise en charge sur l’hémicorps droit. La patiente marche seule et a besoin d’un contact verbal sans contact physique, alors qu’à son arrivée elle avait besoin de l’aide permanente d’une personne.

- En début de traitement, la MIF est à 21/42, avec quatre items réalisés grâce à une aide

moyenne et deux items avec une aide minimale. A sa sortie, le score est de 39/42, quatre items étant réalisés avec une indépendance complète, un avec une indépendance modifiée (l’utilisation des WC est remplacée par la présence d’une sonde urinaire), et un dernier item est réalisé sous surveillance uniquement.

- En ce qui concerne l’évaluation du ressenti de la patiente, cette dernière affirme « bien

supporter la contrainte », il n’y a pas d’apparition de douleur, seulement le fait que la contention tient chaud. Elle confie que grâce à ce moyen elle « fait des choses qu’elle n’aurait pas faites sans la contrainte ». C’est une patiente très motivée, qui dit que « plus elle en fera mieux elle sera », que « c’est pour [son] bien ».

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2.3.2 Synthèse comparative des données avant et après TCI

Patient n°1 Patient n°2 Patient n°3 Patient n°4

Avant TCI Après TCI Avant TCI Après TCI Avant TCI Après TCI Avant TCI Après TCI

Délai post-AVC J+3 J+8 J+11 J+24 J+10 J+11 J+3 J+7

Index moteur de Demeurisse, membre supérieur (score max = 1)

1 1 Non testé 1 0,77 0 ,92 0,77 0,92

Frenchay Arm Test (score max = 5)

Non testé 4

(un item non testé)

Non testé Non testé 5 5 5 Non testé

MIF, soins personnels (score max = 42)

24 40 11 21 25 25 21 39

Marche (sans aide technique)

Guidage verbal

Guidage verbal plus

modéré

Aide de 2 soignants pour le soutenir et le

guider

Aide permanente d’1 soignant

Aide intermittente d’1 soignant

Soutien verbal sans contact

physique

Aide intermittente d’1 soignant

Soutien verbal sans

contact physique

Tableau II - Récapitulatif des résultats obtenus aux tests, avant et après TCI

2.3.3 Interprétation

Au total, on peut tout d’abord mettre en avant le fait que les patients présentent peu d’amélioration des scores en ce qui concerne l’évaluation de la motricité, mais qu’il n’y a pas de régression. Si on s’intéresse uniquement à l’aspect quantitatif, la plupart des mouvements demandés pour l’index moteur de Demeurisse et le Frenchay Arm Test sont réalisés par les patients aussi bien avant qu’après le protocole de TCI. Si on étudie le côté qualitatif de la motricité, on remarque que la motricité fine s’est améliorée, les mouvements sont réalisés avec moins de lenteur, moins d’hésitations. La faible évolution des scores peut s’expliquer par le fait que les patients avaient déjà un haut niveau de motricité lors de leur inclusion dans le protocole. De plus, les deux tests effectués étudient uniquement le côté quantitatif de la motricité, c'est-à-dire si elle est présente ou non, et pas le versant qualitatif, c'est-à-dire la façon dont sont réalisés les mouvements.

Dans l’ensemble, la marche a progressé, dans le sens où tous les patients ont vu diminuer le niveau d’aide apporté par le MK (passage d’une aide intermittente à un soutien verbal uniquement par exemple). Il persiste par contre chez tous les patients des défauts de marche : deux patients présentent une boiterie due à un défaut de mise en charge du côté

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hémiplégique, un patient nécessite encore l’aide permanente d’un soignant, et le dernier a un défaut d’exploration de l’espace qui l’entoure du fait de son héminégligence.

Les scores qui ont le plus augmenté sont ceux de la MIF : les patients ont gagné en moyenne 15 points entre le bilan initial et le bilan final, en excluant la troisième patiente qui n’a présenté aucune amélioration, ce qui peut s’expliquer par le fait que les deux bilans ont été réalisés à seulement un jour d’intervalle. Il a été montré qu’une des difficultés chez les patients hémiplégiques est le transfert des acquis de la rééducation dans les activités de la vie quotidienne. C’est peut être ce qui pourrait expliquer la progression des scores de la MIF. En effet, les patients présentaient déjà une bonne récupération motrice au moment de leur inclusion dans le protocole, mais cette motricité n’était pas utilisée dans les AVQ. Grâce à la TCI, cela leur a peut être permis de se rendre compte de cette sous-utilisation. Le fait de réaliser des exercices avec leur membre supérieur atteint leur a fait prendre conscience qu’ils étaient capables de se servir de ce membre atteint, même pour des activités nécessitant une motricité très fine, et ainsi utiliser ces compétences pour réaliser leurs soins personnels.

En ce qui concerne la tolérance des patients face à la contrainte et leur perception de ce moyen de rééducation, les retours sont positifs pour trois des quatre patients. Le fait d’être bloqué n’est pas perçu négativement, n’entraine pas de douleur. Cela peut s’expliquer par le fait que les patients inclus dans le protocole doivent avoir un minimum de motricité au niveau du membre supérieur (16), ce qui limite les situations de mise en échec devant une tâche qui ne serait pas réalisable. La contrainte est alors vécue comme un moyen de stimuler le membre supérieur déficitaire et développer ses capacités motrices, afin de l’intégrer le plus possible dans la vie de tous les jours. Un commentaire a été formulé deux fois concernant le fait que l’écharpe en jersey tenait chaud. On pourrait envisager de réaliser la contention dans une matière plus respirante afin de limiter cette augmentation de température corporelle. Une des patientes a mis en avant le fait que la contrainte lui « fait faire des choses qu’elle n’aurait pas faites », ce qui est exactement l’effet recherché par la mise sous contrainte. Un des patients n’a pas du tout supporté le fait d’être contraint : le Maillot Clinique a été mis en place une seule fois, et l’expérience s’est révélée négative pour le patient et le MK. Ce patient présentait un état de vigilance altéré, une forte somnolence, une tendance à l’énervement assez rapidement et une « forte personnalité » déjà avant son AVC d’après l’entourage. Ces facteurs pourraient en partie expliquer pourquoi la contention n’a pas fonctionné avec ce patient. Il a fallu dans ce cas adapter la prise en charge, en supprimant complètement la notion de contrainte matérielle. Le MK était présent lors du repas pour inciter le patient à utiliser son membre supérieur hémiplégique, le stimuler verbalement plutôt que de l’empêcher d’utiliser son membre sain. Lors de la séance de rééducation, les exercices étaient présentés de façon à ce que le membre supérieur atteint soit utilisé préférentiellement : présenter les objets du côté hémiplégique, lancer une balle de manière à ce que le patient ne puisse l’attraper qu’avec son membre supérieur déficitaire…

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3. DISCUSSION

Quels sont les points forts et les points faibles de la méthodologie utilisée lors de la mise en place du protocole de TCI ?

La méthodologie de mise en place du protocole de TCI a été inspirée par les publications à propos d’essais cliniques appliqués chez des patients en phase aiguë de l’AVC. Après réflexion avec la MK du service, un accord a été fait sur le matériel qui serait utilisé pour contraindre le membre supérieur sain. Au vu des moyens matériels disponibles dans l’UNV du CHU Laënnec, le moyen de contention retenu a été le Maillot Clinique en jersey : il nécessite du matériel peu coûteux, en petite quantité, les patients peuvent avoir chacun leur écharpe. Néanmoins, dans la plupart des études, le port d’une mitaine est préféré. En effet, celle-ci empêche l’utilisation des doigts de la main saine et donc l’utilisation du membre sain dans les activités fonctionnelles. En plus de cela, le fait de laisser l’articulation du coude libre permet aux patients d’avoir des mouvements de protection des membres supérieurs en cas de perte de l’équilibre (23). Cette option n’a pas été retenue dans le protocole car il n’était pas possible de fournir des mitaines aux patients compte tenu des moyens disponibles au CHU. De plus, les patients inclus dans le protocole se rendaient toujours accompagnés du MK en salle de rééducation, afin de les sécuriser lors de leurs déplacements et prévenir les éventuels troubles de l’équilibre pouvant conduire à une chute. Le patient n°2, qui ne se déplaçait qu’avec l’aide d’un déambulateur, était conduit en salle de rééducation dans un fauteuil sur roues.

Le temps de mise en place de l’écharpe de contention et celui accordé à la rééducation a été décidé arbitrairement : du fait des disponibilités du personnel de rééducation, il n’était pas possible d’envisager 3h d’exercices rééducatifs par jour et par patient comme c’est le cas dans les études publiées. Il faut prendre en compte le fait que l’étude a été réalisée par une seule personne (aidée par un MK si besoin), qui devait prendre en charge d’autres patients en plus des 4 inclus dans l’étude. Il y a aussi des contraintes qui ont parfois réduit la quantité de prise en charge : visite médicale, patient parti pour un examen, prise en charge par un autre rééducateur… Tous ces facteurs conduisent à diminuer la disponibilité du patient et son investissement dans la rééducation entreprise. Idéalement, la contrainte devait aussi être portée par les patients pendant la toilette du matin et le repas du midi. Cela s’est révélé difficile à mettre en place en pratique. Seuls 2 patients sur les 4 ont pu bénéficier de ces conditions lors de la toilette, une seule fois pendant toute la durée de l’étude. Pour la prise du repas, tous les patients ont bénéficié du port de la contrainte avec présence du MK, mais uniquement pendant un repas du midi sur tous ceux pris au cours du protocole. L’explication est double : tout d’abord, la présence du MK au cours du repas est souhaitable pour aider le patient s’il le demande, pour l’encourager, le conseiller, le guider par rapport à l’utilisation de son membre supérieur lésé. Mais le MK ne peut rationnellement pas assister aux repas des 4 patients en même temps, il a donc fallu faire des choix pour que chacun des patients puisse profiter de cette expérience au moins une fois. Dans un second temps, la toilette et le repas auraient pu être effectués sous la surveillance d’une aide-soignante ou une infirmière (selon les disponibilités), mais là encore les contraintes sont multiples. Il y a une nécessité d’efficacité au cours de ces activités, pour que tous les patients puissent être lavés et recevoir leur repas dans un temps donné, afin de coller au programme du déroulement de la journée. De plus, le nombre de personnel soignant est limité dans le service, avec même un sous-effectif certains jours. Dans ces cas

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là, la priorité est donnée aux actes essentiels : soins infirmiers, examens médicaux, surveillance des patients instables sur le plan vital.

En ce qui concerne le critère de jugement principal et son évaluation, il a été difficile de déterminer réellement les résultats car il n’y a pas d’échelle d’évaluation objective du ressenti des patients. C’est une perception subjective, que chacun va exprimer différemment suivant son caractère, son profil psychologique, ses expériences vécues (expression différente pour un patient ayant tendance à se plaindre souvent et exprimer facilement sa douleur, et pour un patient parlant peu de son ressenti et se disant « dur au mal »). Pour évaluer le ressenti, le MK demandait à chaque séance si le patient supportait bien l’écharpe de contention, si les exercices n’étaient pas trop difficiles à réaliser avec, ce que le patient ressentait en portant l’écharpe. Il aurait peut être été intéressant d’élaborer un questionnaire protocolisé avec des questions ciblées sur le ressenti, qui auraient été posées lors de chaque séance aux patients. Au-delà du critère principal de perception, il a aussi fallu évaluer la motricité des patients et leur autonomie dans les AVQ, afin de s’assurer que la TCI n’entraîne pas de stagnation des progrès moteurs, voire même une régression motrice. L’index moteur a été utilisé pour objectiver l’absence de régression de la motricité, le Frenchay Arm Test pour rendre compte de la fonction du membre supérieur lésé, la MIF pour évaluer l’autonomie dans les AVQ. A ces critères auraient pu s’ajouter l’évaluation de la douleur grâce à l’échelle visuelle analogique (EVA), pour vérifier l’absence d’apparition ou de majoration de la douleur au niveau du membre hémiplégique lors du port de la contrainte.

Le facteur « temps de séjour des patients » a été une des limites à la réalisation du mémoire dans des conditions optimales. La plupart des études réalisées en phase aiguë sélectionnent leurs patients sur une période de 3 ans en moyenne. Le stage au cours duquel a été réalisée l’étude s’est déroulé sur 6 semaines seulement, et sur le nombre important de patients transitant à l’UNV (en moyenne 98 patients par mois) seules 4 personnes ont pu être inclues dans l’étude. On constate que les données sont les mêmes dans les études réalisées sur une plus longue période, avec à la clé un petit nombre de patients réellement inclus dans le protocole du fait de l’exigence des critères d’inclusion. En effet, une grande partie des études montrent que les critères d’inclusion choisis (minimum de motricité requise, spasticité et douleur inférieures à une certaine cotation, capacité d’équilibre et de marche sans que la contention n’entraine de danger, absence de troubles cognitifs gênants, pas de récidive d’AVC, possibilité de comprendre et d’accepter le protocole, pas de limitation orthopédique du membre supérieur, pas de participation à une autre étude en cours ou déjà réalisée…) excluent finalement une grande majorité des patients hospitalisés dans les unités à partir desquelles sont sélectionnés les sujets. Moins de 5% des patients admis pour un AVC réunissent les critères nécessaires pour entrer dans les protocoles (21). La taille réduite des échantillons évalués est une conséquence directe de ces critères exigeants, et ne permet pas d’obtenir des résultats généralisables à plus grande échelle. Dans l’étude menée pour ce travail écrit, les critères d’inclusion ont été modifiés et l’exigence revue à la baisse, sinon il est probable qu’aucun patient n’aurait pu prendre part à la rééducation par TCI. Au lieu des critères moteurs très précis habituellement retrouvés (20° d’extension du poignet, 10° d’extension des doigts), le minimum moteur requis est une ébauche de motricité au niveau des 3 articulations du membre supérieur (épaule, coude et poignet) et des doigts.

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L’application d’un protocole de TCI est-elle possible en UNV ? Existe-t-il d’autres façons de procéder ?

Le terme applicable est défini par le Larousse comme quelque chose qui peut être utilisé, mis en pratique, et on pourrait remplacer ce mot par adéquat, pertinent, adapté. Le terme faisable est lui expliqué comme quelque chose que l’on peut faire, qui est possible, réalisable.

Les études portant sur l’application de la TCI en phase aiguë (19) (20) (21) ont démontré que la réalisation d’un protocole de rééducation par TCI ou TCI modifiée est faisable et sans danger pour les patients. En effet, aucun évènement indésirable significatif ne s’est produit durant le traitement. De plus, aucune perte de fonction motrice causée par la contention du membre sain n’a pu être détectée (21). Dans notre étude, l’éventuel effet indésirable de la TCI sur la motricité a été mesuré grâce aux tests moteurs réalisés avant et après inclusion des patients dans le protocole. Les résultats (tableau II) ne montrent pas de régression des capacités motrices des patients, mais au contraire mettent en évidence une amélioration de ces capacités. On peut donc penser que la TCI telle qu’elle a été appliquée au cours de cette étude n’a pas eu d’effet délétère sur la récupération motrice. L’amélioration des scores est cependant à pondérer : il existe un important phénomène de récupération spontanée à cette période aiguë de prise en charge.

Concernant la perception de la contrainte par les patients, les commentaires sont positifs dans l’ensemble. 3 patients sur les 4 inclus ont exprimé un avis globalement favorable : l’écharpe en jersey n’entraîne pas de douleur et n’entrave pas la rééducation. Elle est par contre responsable d’une augmentation de la température et une sudation du membre sain. Il est difficile psychologiquement pour les patients d’accepter la contrainte, qui revient à supprimer toutes les possibilités de manipulation, préhension, déplacement et d’autonomie du patient en lui interdisant l’usage de son membre sain. La TCI met parfois le patient face à sa déficience en cas d’échecs survenant lors de l’utilisation du membre parétique. Malgré cela, aucune plainte n’a été exprimée par les 3 patients, aucun d’entre eux n’a souhaité interrompre le protocole. Une patiente a même dit qu’elle « faisait des choses qu’elle n’aurait pas faites » sans la contrainte. Il faut par contre tenir compte des difficultés qu’a éprouvées un des 4 patients : le port de la contrainte s’est révélé être un échec dès la 1ère séance de rééducation, le patient refusant de faire tout ce qui lui était proposé. L’écharpe en jersey a alors été supprimée, et la rééducation s’est plutôt concentrée sur la rééducation de la marche du fait des problèmes de coopération du patient. Lors de la reprise de la rééducation centrée sur le membre supérieur, le MK s’est contenté d’inciter l’utilisation du membre supérieur lésé et décourager le patient d’utiliser son membre sain par des remarques orales, et en orientant les exercices de telle manière que le patient était obligé de solliciter son membre lésé.

Le principal problème de la TCI proposée dans sa version classique est sa faisabilité en pratique courante : permettre à chaque patient de bénéficier tous les jours de 6h de rééducation implique un investissement considérable de la part des rééducateurs. Des équipes ont donc tenté d’apporter des alternatives à cette version classique.

Une étude réalisée en 2005 par Page et ses collaborateurs évalue l’effet de la contrainte induite modifiée par rapport à la rééducation traditionnelle (24). Dix patients sont répartis en deux groupes : un groupe dont le poignet et la main sont restreints par une mitaine tous

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les jours pendant cinq heures et recevant trois fois par semaines pendant dix semaines des séances de 30 minutes de rééducation basées sur la pratique d’AVQ avec le membre supérieur parétique. Le deuxième groupe reçoit une rééducation standard du membre hémiplégique trois jours par semaine pendant dix semaines. Les résultats montrent qu’après dix semaines de traitement, les patients ayant reçu la TCI modifiée ont uniformément présenté une augmentation de l’usage de leur membre parétique lors des AVQ. Alors que les patients ayant suivi une rééducation standard montrent des changements moteurs plus modestes. Ces résultats sont encourageants mais nécessitent des études à plus grande échelle pour apporter des éléments de preuve quant à l’applicabilité clinique.

En attendant, la rééducation des patients hémiplégiques présentant un déficit au membre supérieur peut s’en inspirer. On pourrait imaginer mettre en place une technique de contention moins contraignante, en particulier pour les patients supportant mal ou refusant l’écharpe en jersey. Une mitaine est déjà un moyen moins radical d’immobiliser le membre supérieur parétique, étant donné que seule la main est bloquée. Cela permet au patient de pouvoir utiliser son membre supérieur sain a minima si besoin : situation à risque de chute… Pour des patients ne supportant pas du tout de porter un moyen de contention (comme le patient n°2 de notre étude par exemple), on peut alors envisager de supprimer complètement la contention physique, tout en maintenant un usage sous contrainte. En effet, toute stratégie rééducative qui encourage l’utilisation du membre supérieur lésé constitue un mode de contrainte qui peut être assimilé à la TCI (23). La rééducation serait alors basée sur des encouragements et des guidances verbales afin de dissuader le patient de réaliser les tâches proposées avec son membre sain, et l’inciter à utiliser son membre lésé.

Quelle est la proportion de la récupération spontanée après AVC et celle des effets réellement apportés par la rééducation ?

La récupération fonctionnelle après un AVC est paradoxale : il y a une perte définitive de tissu cérébral, avec l’infarctus cérébral et donc la mort de neurones qui ne peuvent se régénérer. On assiste pourtant à une amélioration spontanée de certains déficits dans les mois suivant la survenue de l’AVC. C’est donc qu’il existe un mécanisme interne à l’organisme qui permet de contourner la zone nécrosée et ainsi retrouver une certaine fonctionnalité.

Dans les premiers jours suivants l’AVC, la récupération spontanée peut être expliquée par la diminution de l’œdème intracérébral, qui jusqu’alors comprimait certaines zones. Un deuxième phénomène entre en jeu dans cette période critique de l’AVC : la levée de la zone de pénombre. Au sein même d’une zone ischémiée, on retrouve l’existence de 2 zones différentes : une zone centrale sévèrement touchée, dans laquelle les lésions sont irréversibles, et une zone à la périphérie (« zone de pénombre ischémique ») dans laquelle il subsiste une très faible perfusion sanguine et où les lésions sont potentiellement réversibles. (25) C’est cette zone qui est la cible de tous les traitements administrés en UNV et visant à assurer la revascularisation du tissu cérébral et la protection des neurones. (4) Ce mécanisme de levée d’hypoxie d’une zone cérébrale est essentiellement influencé par la précocité et la qualité des soins dispensés, qui sont effectués au mieux dans une UNV (26).

Par contre, l’amélioration du déficit neurologique dans les semaines qui suivent suggère l’existence de phénomènes agissant à plus long terme. Un tel mécanisme a été décrit dans la

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littérature sous le terme de « plasticité cérébrale », qui désigne « l’ensemble des changements de l’organisation cérébrale secondaires à un stimulus répété. » (27) Ce terme exprime la capacité du cerveau à remodeler, modifier et réorganiser les réseaux neuronaux en fonction des expériences vécues par l’organisme (28), en réponse à des changements internes (lésion, vieillissement) ou externes (modifications de l’environnement) (14). Cette neuro-plasticité est « activité-dépendante » : en effet, la richesse et la quantité des stimulations sensitivo-motrices a un impact sur l’initiation des modifications structurales du cerveau pour s’adapter ou compenser une déficience. Cette notion valide l’utilisation en rééducation d’exercices forcés d’utilisation du membre supérieur paralysé. L’activité motrice permet d’orienter le remodelage du cerveau par le phénomène de plasticité cérébrale, pour parvenir à une meilleure récupération fonctionnelle après une lésion du système nerveux (14).

De plus, il existe une communication entre les deux hémisphères cérébraux qui fonctionnent en réseau. Cette communication a une action essentiellement inhibitrice sur l’hémisphère controlatéral. En cas de lésion d’un seul hémisphère, comme c’est le cas lors de l’AVC, seul l’hémisphère sain exerce son action inhibitrice. Cela vient majorer l’hypoactivité de l’hémisphère lésé et ainsi contribuer à la majoration du déficit moteur (27). Le principe de la TCI est de « désactiver » l’hémisphère sain en immobilisant le membre sain, ce qui va ainsi réduire l’activité inhibitrice sur l’hémisphère lésé. Dans un deuxième temps, on va stimuler le membre supérieur hémiplégique donc activer les neurones situés autour de la zone ischémiée, et ainsi favoriser la réorganisation du cortex moteur (figure 7).

Quel est le délai optimal après un AVC pour débuter la TCI ?

Le délai post-AVC optimal pour débuter la TCI n’a pas encore été déterminé (23). De même, le moment adéquat auquel débuter la kinésithérapie active est lui aussi encore à définir (26). Par rapport à la précocité de prise en charge, la HAS recommande de « débuter

Figure 7. Principes de la contrainte induite. Immobiliser ou « contraindre » le membre supérieur sain va « désactiver » l’hémisphère sain et diminuer l’inhibition exercée par ce dernier sur l’hémisphère lésé. Le symbole de l’étoile représente la lésion et les flèches l’effet de la contrainte (inhibition ou stimulation) (27)

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la rééducation motrice dès que possible », qu’il « importe que la rééducation soit commencée tôt » (2). Malgré tout, ces recommandations restent assez floues car aucune réelle limite de temps n’est donnée. Il y a un consensus professionnel autour du fait de débuter précocement la kinésithérapie, mais le contenu de la rééducation entreprise reste encore à définir pour cette période aiguë. La plupart des professionnels s’accordent sur le fait qu’il faut effectuer un travail de prévention des complications liées à l’AVC : encombrement bronchique, déformations orthopédiques, thrombose veineuse profonde… comme mentionné dans ce travail à la partie 1.2. Mais le contenu des exercices, leur intensité et le meilleur moment pour les débuter n’est pas encore connu (26). Cela est sûrement du au principe de précaution : on sait que la période juste après l’AVC est favorable pour débuter la rééducation, du fait des phénomènes de lever de pénombre et de plasticité cérébrale activité-dépendante. Mais on sait aussi qu’une activité précoce et intense pourrait accentuer les lésions cérébrales et donc être délétère pour la récupération motrice. On fait donc des compromis en débutant la kinésithérapie parfois dès le lendemain de l’AVC (en fonction tout de même de l’état vital du patient), mais en appliquant une rééducation axée sur la protection et la conservation des capacités restantes plutôt que sur la récupération des capacités altérées par l’AVC.

Sur le plan pratique, un problème se pose quant à la classification d’un patient dans la phase aiguë, subaiguë ou chronique de son AVC. En effet, il y a une incohérence au sein même du rapport publié par la HAS en 2012 (2). La phase aiguë est bien définie entre le jour de survenue de l’AVC et le 14ème jour post-AVC. Par contre la phase subaiguë est définie de différentes manières : entre le 14ème jour et le 6ème mois, les 3 premiers mois post-AVC, AVC depuis moins de 30 jours, moins de 6 semaines après l’AVC, 3 à 9 mois après l’AVC… Il en est de même pour la phase chronique : après plus de 6 mois post-AVC, après 12 mois. Le document souligne le fait que ce découpage du temps est « communément accepté » mais qu’ « aucun consensus n’existe réellement ». C’est pourquoi dans les études entreprises, il est toujours précisé en plus d’aigu/subaigu/chronique le temps moyen post-AVC des patients inclus, afin de pouvoir identifier réellement la phase étudiée. Ces découpages sont effectués car les processus de récupération diffèrent en fonction du temps : en phase aiguë et subaiguë les progrès du patient sont importants du fait d’importants mécanismes de lever de pénombre et de plasticité cérébrale. Quand le patient entre en phase chronique, il est communément admis que ces mécanismes « s’essoufflent » et que les progrès se stabilisent : on entre alors dans la phase de réadaptation et réhabilitation, alors que la phase précédente était axée sur la rééducation.

Quelle est l’influence de la TCI appliquée en phase aiguë sur les processus de récupération ? Entraine-t-elle un risque d’aggravation des lésions ?

La HAS a publié en juin 2012 une synthèse des recommandations concernant les méthodes de rééducation à appliquer après un AVC. Sur la contrainte induite, voici les conclusions qu’elle tire : « l’état actuel des connaissances ne permet pas de conclure sur l’intérêt de la contrainte induite du membre supérieur à la phase subaiguë d’un AVC. Elle pourrait avoir un effet délétère à la phase aiguë. » (2)

Concernant ce possible effet délétère, des études ont été réalisées notamment chez le rat. Il a été démontré qu’une activation trop précoce ou trop intense, survenant durant les sept voire les quatorze premiers jours après l’AVC « serait susceptible d’aggraver les lésions

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anoxiques initiales » (29). Toujours d’après cette même étude, on apprend qu’une « activité forcée trop intense ou réalisée trop précocement au cours des sept, voire des quinze premiers jours suivant l’installation d’une lésion cérébrale peut conduire à une extension des lésions initiales ». Les phrases sont formulées au conditionnel ou sous une forme incertaine (« peut conduire… »), ce qui signifie que des preuves scientifiques formelles sont encore manquantes afin de pouvoir affirmer ces faits. La revue de la littérature effectuée par Cochrane en 2009 sur 19 études réalisées en phase chronique d’un AVC montre que « bien que les preuves [de l’efficacité de la TCI] soient prometteuses, les études incluses […] n’ont pas évalué les potentiels préjudices de la TCI. » (17) L’effet délétère de la TCI a par contre été plus largement évalué parmi les études concernant la phase aiguë de la rééducation. La première étude de Dromerick sur des patients en période aiguë a montré que la TCI « introduite au 14ème jour pendant deux semaines […] s’avère plus efficace que la rééducation traditionnelle, sans générer d’effets indésirables. » (19)

Dans sa seconde étude publiée en 2009, l’auteur a cette fois-ci comparé trois groupes de patients en phase aiguë : un groupe recevant de la rééducation classique, un groupe avec contrainte induite par une mitaine six heures par jour ainsi que deux heures de rééducation selon le principe de « façonnage », et enfin un troisième groupe rééduqué grâce à la contrainte induite par une mitaine pendant 90% du temps éveillé et trois heures par jour d’exercices de façonnage. Les résultats ont montré une amélioration équivalente pour les deux premiers groupes en ce qui concerne la déficience et le handicap du membre supérieur atteint. Par contre, les résultats pour le troisième groupe recevant la TCI à une plus haute dose, se sont révélés significativement moins bons pour les mêmes critères de déficience et de handicap. La conclusion apportée par les auteurs est qu’une plus haute dose de TCI conduit à une amélioration moins significative du déficit moteur chez les patients en phase aiguë. L’hypothèse d’un effet délétère est même avancée : « des doses [de rééducation] supérieures à une moyenne optimale pourraient être moins efficaces que des plus faibles doses, et même préjudiciables. » (20)

Un second paramètre a également été évalué dans cette étude : est-ce que le fait d’appliquer très tôt la TCI pouvait entraîner une expansion des lésions cérébrales ischémiques ? Les auteurs ont donc réalisé une IRM cérébrale (imagerie par résonnance magnétique) chez 9 des 52 patients avant le début du traitement, et une deuxième série de clichés 7 à 9 jours après. Les résultats n’ont montré aucune preuve d’agrandissement de la lésion cérébrale qui aurait pu être causé par la contrainte induite appliquée de façon précoce.

La conclusion de ces études est la suivante : appliquée à une dose raisonnable, la TCI débutée en phase aiguë de l’AVC est aussi efficace qu’une rééducation classique, n’entraîne pas de risque d’aggravation des lésions cérébrales et n’entrave pas la récupération du déficit sensitivo-moteur. A l’échelle de ce travail écrit, les résultats ont montré que 3 des 4 patients ayant participé à l’étude ont bien supporté et perçu positivement le port de la contrainte. De plus, grâce à l’évaluation de la motricité, de la fonctionnalité du membre supérieur lésé et de l’autonomie du patient dans les AVQ, ceci avant et après TCI, il a été montré l’absence d’effet délétère de la TCI appliquée en phase aiguë.

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CONCLUSION

La démarche de ce travail écrit a été d’analyser une technique spécifique de rééducation qu’est la thérapie par contrainte induite. Elle a été appliquée chez des patients en phase aiguë post-AVC et présentant des déficits moteurs au niveau du membre supérieur lésé, induisant une diminution de l’utilisation de ce membre dans les activités de la vie quotidienne. Le but était d’évaluer s’il est possible de mettre en place cette méthode rééducative de manière précoce après un AVC, dans un service de soins aigus. Au vu des résultats obtenus, on peut considérer que cette technique est applicable en phase aiguë de l’AVC, à condition de sélectionner soigneusement les patients auxquels on propose la TCI, et d’adapter le mode de prise en charge en termes de durée du port de la contrainte et d’intensité des exercices rééducatifs.

Cette technique pourrait donc être proposée lors de la rééducation du membre supérieur chez les patients hémiplégiques, aussi bien en phase aiguë qu’à distance de l’AVC. Malgré tout, elle n’a pas encore fait ses preuves en ce qui concerne son efficacité, en comparaison avec d’autres techniques émergentes (rééducation assistée par robotique, imagerie mentale, réalité virtuelle…). C’est donc une méthode de rééducation adaptée pour la prise en charge du patient après AVC, mais elle doit tout de même être associée à la rééducation dite « classique » (mobilisation passive, stimulation de la motricité par des techniques neuro-facilitatrices, étirements, renforcement musculaire…).

La rééducation d’un patient hémiplégique est très riche et variée car elle offre de nombreuses possibilités d’action au MK, et permet de proposer aux patients un programme de soins attractif. Néanmoins, l’état actuel des connaissances ne permet pas de recommander un type particulier d’activité ni une durée précise d’entrainement (2). Il revient donc à l’appréciation du MK de choisir les techniques qui lui semblent les plus appropriées au patient traité. Dans les années à venir, avec la perspective de mise en route de nouvelles études, on pourra peut être réussir à déterminer quelle technique est la plus efficace pour un patient, en fonction du type de lésion cérébrale, de la distance par rapport à l’AVC, du potentiel du patient…

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ANNEXE 1 – Bilan masso-kinésithérapique type réalisé à l’UNV

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ANNEXE 2 – Mesure de l’indépendance fonctionnelle (MIF)