RER : le mystre des trains courts aux heures de pointe

Sur le quai bond, lambiance hsite, comme tous les matins, entre impatience, ennui et rsignation. Larrive du RER napporte quune fugace dlivrance. Fugace, car le convoi qui vient dentrer en gare est un train court. Tous les habitus du rseau francilien connaissent les "trains courts". Composs dune seule rame dune centaine de mtres de long, au lieu de deux, ils noccupent quune partie du quai. Les voyageurs qui ont eu la prsence desprit de se positionner correctement sont chanceux. Les autres se mettent courir.En principe, les trains courts sont dment signals par laffichage lumineux et une pancarte

trs claire indique lendroit prcis o ils stoppent : "arrire des trains courts". Mais il y a encore des voyageurs occasionnels, des tourdis et des surprises. Habituellement, lheure de pointe, le train compte deux rames, quon appelle "une unit double" dans le jargon ferroviaire, mais ce matin-l, exceptionnellement, a sera une "unit simple". Mille passagers au lieu de 2 000. Un train court une heure daffluence, cest la jacquerie assure. Le Blog en commun, qui runit les habitus des diverses lignes, proteste rgulirement. "Un train court = un mail" ( envoyer la direction de Transilien), proposait, en fvrier 2012, un usager agac de la ligne H (Paris Nord-Luzarches).Remplis 40 %. Le Syndicat des transports dIle-de-France (STIF), lautorit responsable, nignore pas le hiatus. En principe, la longueur des trains "sadapte au trafic". Par ailleurs, les RER et Transilien pleins craquer demeurent une espce relativement rare, mais concentrs dans le temps. "Le taux de remplissage des trains en Ile-de-France ne dpasse pas 40 % en moyenne. Mais aux heures de pointe, il atteint 200 %", confie un dirigeant de la SNCF.Reste doser leffort. En principe, les trains courts sont limits aux week-ends, aux soires et aux priodes de vacances, lhiver entre la veille de Nol et le lendemain du Jour de lan, et lt entre le 15 juillet et le 31 aot, explique-t-on au STIF. Il arrive toutefois que les transporteurs, SNCF et RATP, soient amens immobiliser du matriel. Par exemple lorsquun train a heurt un sanglier, ou que sest produit un accident un passage niveau, prcise Transilien, la branche francilienne de la SNCF. "Quand on na pas assez de matriel pour faire circuler lensemble des trains, on doit choisir entre supprimer des convois ou rduire leur composition", prcise Transilien. Cest gnralement la deuxime solution qui est prfre.Variations saisonnires. En outre, les heures de pointe dfinies de longue date par les transporteurs ne correspondent

plus aux usages. "Certains vendredis ou samedis soirs, vers 20 h 30, les trains sont parfois courts alors que laffluence est norme, entre les touristes et les gens qui sortent", tmoigne Cdric Gentil, conducteur du RER A. "En quelques annes, lamplitude de lheure de pointe est passe denviron deux heures trois heures ou trois heures et demie", prcise-t-il. Le STIF assure tenir compte de cette volution. En dcembre 2012, la ligne D du RER (nord-sud) a t dote de trains longs supplmentaires le week-end. La mesure, qui cote 1,8 million deuros, "est finance 100 % par le STIF", nomet pas de souligner lorganisme dans son communiqu. En 2014, dans le cadre dun plan d"amlioration des performances" de la ligne C (ouest-sud), six trains circulant entre Versailles-Rive-Gauche et Versailles-Chantiers (en faisant une boucle par Paris et lEssonne) passeront "de 6 8 voitures", prcise le STIF. De mme, puisque le creux estival de deux mois appartient au pass, "les horaires classiques ont t tendus aux deux premires semaines de juillet".Chandelles

Il nempche que ces amnagements au cas par cas laissent songeur. Ne serait-il pas plus simple de faire circuler, sur toutes les lignes, et toute la journe, des convois deux rames ? Une dpense de 1,8 million deuros destine allonger des trains est prsente comme un effort financier apprciable, alors que la rgion et lEtat se sont engags dpenser 30 milliards deuros pour construire le super mtro du Grand Paris. "Des conomies de bouts de chandelle", tranche M. Gentil, dans sa cabine de conducteur. Les trains courts, rappellent volontiers les conducteurs de RER, ne handicapent pas seulement les passagers. "Cela ralentit le trafic", observe Laurent Gallois, qui officie sur la ligne B. "Les gens courent sur le quai ; on a tendance les attendre ; ils bloquent les portes pour que leurs amis les rejoignent puis saperoivent que le train ne dessert pas leur gare", raconte lemploy de la RATP, par ailleurs dlgu syndical de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA). A Chtelet-Les Halles, le "hub" o se croisent les lignes A, B et D, larrive dun train court une heure daffluence provoque facilement un retard. "Les voyageurs quittent le RER A, deux rames, et cherchent entrer dans le RER B, qui nen a quune", raconte M. Gallois. Embouteillage assur.PS : pour se dtendre, on peut lire un texte en forme dhommage l'arrire des trains courts, trouv sur le Net et sign Guillaume Augias.Making of : avez-vous remarqu, dans ce post, que les conducteurs de RER sexpriment librement, alors que les institutions, STIF et Transilien, sabritent derrire leurs services de communication ?

Olivier Razemon - 14 mai 2014