le tabagisme au travail - santecom.qc.ca
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LE TABAGISME AU TRAVAIL : Tendances, enjeux et stratégies
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INSPQ - Mont
m j[ij[, 3 §567
Canada
S A N T É C O M
Notre mission est d'aider les Canadiens et les Canadiennes
à maintenir et à améliorer leur état de santé, Sami Canada
Us opnwns exprimées dans ce rapport reflètent k pomt-de vue des aucun,
qui n'est pas nécessairement celui de 5anté Canada
Vbus pouvez obtenir des exemplaires du prisent Rapport en communiquant avec
Wniti des publications de Santé Canada.
Téléphone : (613) 954-5995
Télécopieur : (613) 941-5366
Also available in English under [he title:
WORKPLACE SMOKING: Trends, Issues and Strategies
© Ministère des Approvisionnements et Services Canada, 1996
N° de cat : H39-37G/1-1996F
ISBN : 0-662-B1062-7
INSTITUT NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC CENTRE D£ DOCUMENTATION
MONTRÉAL
LE TABAGISME AU TRAVAIL : Tendances, enjeux et stratégies
Un document de travail rédigé pour l'Atelier de planification stratégique de la réduction de l'exposition à la FTA de Santé Canada
Les 19 et 20 octobre 1995 Ottawa (Ontario)
par Graham S. Lowe | Département de sociologie
Université de l'Alberto
' Edmonton (Alberto) T 6 G 2 H 4
o n c e s , e n j e u x e t s t r a t é g i e s Le tabagisme au travail :
i I i
I Sommaire
Dans cet exposé, nous taisons le point sur nos connais-
sances au sujet dé l'exposition des non-fumeurs à la fumée
de tabac ambiante (FTA) au travail. Notre propos est avant
tout de fournir des éléments d'information et d'analyse en
vue d'une planification de nouvelles mesures de réduction
de l'exposition à la FIA dans les lieux de travail. Le docu-
ment fait valoir qu'une action plus concertée est essentielle
en la matière et traite des facteurs qui empêcheront et
faciliteront la réalisation d'un tel objectif. i
La Stratégie nationale de lutte contre le tabagisme (SNLT)
vise 1) à réduire la fréquence globale du tabagisme de
29 % en 1993 à 24 % d'ici l'an 2000» et 2) à ramener de
45 % à 23 % le taux d'exposition des travailleurs à la FIA
de 1992 à l'an 2000. Si le Canada a fait des progrès con-
sidérables contre l'exposition à la FIA au travail, les buts
de la SNLT n'ont j été atteints que dans une poignée de
branches d'activité et de professions. Dans les professions
de cols bleus et un peu partout dans le secteur des ser-
vices, les taux deltabagisme sont bien supérieurs à la
moyenne. Les petites entreprises, qui emploient la majorité
des travailleurs canadiens, demeurent une « boite noire »
pour ce qui est de la réglementation du tabagisme, industrie
de l'accueil et du tourisme devient lentement le point de
mire de l'activité de réglementation. La grande fréquence
du tabagisme dans ce secteur et la foite proportion de
jeunes travailleurs appellent une intensification des inter-
ventions. Ajoutons que l'interdiction absolue de la FTA
n'est pas encore le mot d'ordre dans la réglementation.
Règle générale, les travailleurs se conforment aux lois et
politiques régissant l'usage du tabac, mais pour diminuer
encore plus l'exposition à la FIA, il faudra des stratégies
destinées à contraindre les groupes encore rebelles.
Une stratégie intégrée de réduction de la FTA doit mobilis-
er le gouvernement, les employeurs, les syndicats et les
services de santé publique. Des normes minimales vérita-
blement uniformes jouent aussi un rôle essentiel et on
devrait en établir à l'échelon provincial. Toutefois, c'est au
niveau des municipalités que l'on réussit le plus à bannir
le tabac au travail. Le renforcement des lois sur la santé
et la sécurité au travail peut en fiait représenter une bonne
stratégie de réduction de la FTA dans les lieux de travail où
l'exposition est forte. En conclusion, nous recommandons
des initiatives précises de recherche et de politiques.
Le tabagisme au travail : inees, enjeux et stratégies
Table des matières I
Introduction 3:
Tabagisme au travail : en/eux et tendances 4
Fréquence du tabagisme dans la population active 4
Variations selon les régions 4
Variations professionnelles et industrielles 4
Conséquences sur le plan des politiques
de luttejcontie la FIA 7
Dimension du lieu de travail 8
Conséquences sur le plan des politiques
de lutte! contre la FIA 8
Coup d'oeil au-delà des tendances de la fréquence
du tabagisme ' 8
Interaction avec les risques professionnels 8
Situation socio-économique et tabagisme 9 !
Conséquences sur le plan des politiques
de lutte; contre la FIA 9
Qu'est-ce qu'un lieu de travail? 10
Définition du lieu de travail 10 |
Conséquences sur le plan des politiques
de lutte1 contre la FIA 10 i
Restrictions de l'usage du tabac en miSeu de travail 11 t Variations des restrictions de l'usage du tabac
en milieu de travail 11
Variations selon les régions et le sexe 11
Différences entre régions rurales et
légions'urbaines 12
Variations par taille de l'entreprise 12
Conséquences sur le plan des politiques
de lutte contre la FIA 13
Réglementation canadienne 13
Lois provinciales et règlements municipaux 13
Restrictions dans l'industrie de l'accueil 14
Progrès aux États-Unis vers un milieu
de travail sans tabac 15
Décision de l'Agence de protection
environnementale sur la FTA 15
Autres faits 15
Loi californienne 16
Conséquences sur le plan des politiques
de lutte contre la FIA au Canada 16
Ingrédients de mesures législatives efficaces 17
Réglementation de la FTA par les lois sur la santé
et la sécurité au travail 18
La FTA est maintenant une priorité de santé
et de sécurité au travail aux États-Unis 18
Défis d'une stratégie de SST 18
Précédents judiciaires 19
Recours au régime d'indemnisation des accidentés
du travail contre la FTA 19
Recours à la Loi sur la santé et la sécurité
au travail de l'Ontario contre la FTA 20
Conséquences sur. le plan des politiques
de lutte contre la FTA 20
Répercussions des restrictions de l'usage du tabac
en milieu de travail 21
Respect de la loi 21
Évaluation des règlements de la municipalité
de Toronto 21
Restaurants 22
Interdiction envisagée de la FTA à Vancouver 22
Facteurs sociologiques de l'observation 22
Le tabagisme au travail :
Répercussions sur la fréquence de l'usage du tabac 23
Données des études démographiques 23
Données des études de cas d'employeurs 24
Répercussions des programmes de
renoncement au tabac 25
Avantages limités 25
Évaluation de programmes particuliers 25
Répercussions sur la consommation de
cigarettes et l'accoutumance 26
Consommation hors des heures de travail 26
Accoutumance au tabac 26
Influences professionnelles 27
Appui public des restrictions de l'usage du tabac
en mifieu de travail 27
Appui d'une interdiction totale 27
Conséquences sur le plan des politiques
de la lutte contre la.FTA 28
Variations socio-démographiques des attitudes
et des connaissances 28
Conséquences sur le .plan des politiques
de la lutte contre la FIA 28
Points de vue syndicaux sur la FEA 29
Enjeux généraux . 29
Importants syndicats industriels 29
Syndicats du secteur de l'accueil 30
Conséquences sur le plan des politiques
de la lutte contre la FIA 30
knees, enjeux et stratégies
Coûts et avantages économiques des restrictions
de l'usage du tabac en milieu de travail 30
Coût de pièces pour fumeurs à ventilation distincte 31
Risque de cancer accru 31
Éléments sociopsychologiques 31
Traitement différent des fumeurs 31
Questions du droit du travail aux É.-U. 31
Poursuites en justice 32
Avantages économiques 32
Coûts du tabagisme 32
Analyse des coûts-avantages 32
Répercussions des restrictions de l'usage du tabac
sur les recettes des restaurants et des bars 33
Études américaines 33
Faits probants au Canada 33
Condiaion et recommandations 34
Recommandations de recherche 35
Recommandations de politiques 35
Remerciements 37
Bibliographie 38
2
Le tabagisme au travail : knees, enjeux et stratégies
Introduction
En moins de dix ans, le Canada a réussi à réduire nettement
la consommation de tabac, en partie grâce à l'adoption suc-
cessive de mesures de plus en plus globales de restriction
du tabagisme professionnel aux niveaux fédéral, provincial
et municipal. Leidébut des années 1990 est en quelque
sorte le point tournant dans la campagne des services de
santé publique contre la fumée de tabac ambiante (FTA).
Sous l'aiguillon de la caractérisation en 1992 de la FIA
comme substance cancérigène de catégorie A par l'agence
de protection environnementale (EPA) des É.-U. et du désir
grandissant de la population d'assainir l'air des immeubles,
l'interdiction totale du tabagisme au travail s'est répandue
tant au Canada qu'aux États-Unis.
Malgré ces progrès, un certain nombre de branches d'acti-
vité et de professions présentent des taux de tabagisme et
d'exposition involontaire à la FTA qui sont bien supérieurs
à la moyenne. Ainsi, on voit une industrie de l'accueil et
du tourisme en croissance comme un des secteurs où des
mesures de réglementation s'imposent immédiatement.
La majorité des travailleurs canadiens se trouvent dans de
petites entreprises, où les restrictions de l'usage du tabac
sont cependant moins fréquentes que dans les grandes
entreprises ou lés administrations publiques. Ajoutons .
que l'entier respect de la réglementation actuelle demeure
un but lointain, principalement à cause de la faiblesse
des mécanismes de surveillance et d'application.
La Stratégie nationale de lutte contre le tabagisme (SNU)
vise 1) à réduire la fréquence globale du tabagisme de
29 % en 1993 à| 24 % d'ici l'an 2000, et 2) à ramener de
45 % en 1992 à 23 % d'ici l'an 2000 le taux d'exposition
des travailleurs à la FIA (Santé Canada, 1993,1995a).
Les non-fumeurs sont exposés à la FTA en milieu de travail
dans une proportion approximative de 80 % (Repace et
Lowery, 1985). 11 faut aussi dire que bien des lieux de tra-
vail sont plus fermés et moins bien aérés que le domicile
des gens. En fait, les non-fumeurs constamment exposés
à la FTA au travail courent de plus grands risques sur ce
plan que les conjoints au foyer qui ne fument pas, bien
que la recherche épidémiologique sur les effets sanitaires
de la FTA ait surtout porté jusqu'à récemment sur le
tabagisme au domicile des gens (Hammond, Sorensen,
Youngstrom et Ockene, 1995).
Dans cet exposé, nous faisons le point sur nos connais-
sances au sujet de l'exposition des non-fumeurs à la FIA
au travail, ^information probante contenue dans ce docu-
ment est tirée d'un vaste sondage portant sur l'information
dans le domaine médical et des sciences sociales, ainsi que
sur les données et l'information non publiées de récents
sondages nationaux sur le comportement lié au tabagisme.
Notre propos est avant tout de fournir des éléments d'infor-
mation et d'analyse pour une planification de nouvelles
mesures de réduction de l'exposition à la FTA dans les
lieux de travail au Canada. Le document fait valoir qu'une
action concertée au travail est essentielle et traite des fac-
teurs qui empêchent ou facilitent la réalisation d'un tel
objectif. Le document donne en particulier de l'information
sur les tendances liées au tabagisme en milieu de travail au
Canada, les restrictions de l'usage du tabac au travail, les
répercussions de ces restrictions et le soutien du public,
ainsi que les répercussions économiques des restrictions de
l'usage du tabac au travail. Dans la conclusion du docu-
ment, nous énumérons des recommandations particulières
sur des mesures politiques à prendre et la recherche à venir
qui découlent de l'analyse.
3
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
Tabagisme au travail : enjeux et tendances
Fréquence du tabagisme dans la population active
Variations selon les régions. Sur les 12,6 millions de
Canadiens faisant partie de la population active (c.-à-d. qui
travaillaient ou étaient en chômage et en quête de travail)
en août 1994, 4,13 millions ou 32,8 % fumaient à ce
moment-là (quotidiennement ou non), soit un peu plus
que la moyenne nationale de 30 % dégagée par l'Enquête
sur le tabagisme au Canada d'août 1994. Avec des données
tirées de cette enquête, la figure 1 présente la fréquence
actuelle du tabagisme chez les personnes occupées et les
chômeurs selon les régions et le sexe. UOntario se situe
bien au-dessous de la moyenne nationale en ce qui con-
cerne la fréquence du tabagisme professionnel (273 %)•
La Colombie-Britannique est aussi un peu au-dessous avec
31 %. Le Québec est la seule région où la fréquence du
tabagisme chez les travailleurs (41,6 %) dépasse nettement
la moyenne nationale.
On relève dans les régions des différences marquées selon
le sexe. Tant en Ontario que dans les provinces des Prairies,
moins de 25 % des travailleuses fument. Dans un tableau
très contrasté, la fréquence du tabagisme dans la main-
d'œuvre masculine ontarienne le cède d'environ 4 points à
la moyenne nationale; le contraire se produit dans la région
des Prairies. Toutefois, le groupe le plus remarquable est
la main-d'œuvre féminine québécoise qui fume dans une
proportion de 46,2 %. Cest là l'écart le plus grand entre
les sexes (7,5 points), et au rebours même de la constata-
tion à l'échelle nationale d'une plus grande tendance au
tabagisme chez les hommes que chez les femmes. De tous
les groupes socio-démographiques, c'est celui des chômeurs
en quête de travail qui fume actuellement le plus avec une
proportion globale de 45,6 % et une proportion féminine
de 51,7 % (données de quartier 2 de l'Enquête sur le
tabagisme au Canada, totalisations spéciales). La figure 1
indique que l'ensemble de la main-d'œuvre féminine
québécoise approche de ce niveau de tabagisme.
Rgurel Fumeurs actuels dan la population active selon In régions et le sexe, août1994
Gcnodo
Région de rAjtfrrntfrfm Région de
rAjtfrrntfrfm >1*3
Québec
Ontario
Réglandes Prairies
sa Ontario
Réglandes Prairies r 3 37,5
G* J m o ïHo 0 10 20 30 40 50
• Total • ta» âOOKB î ESQOCtS OF 1® tOjSOB OD GSB0d BBtlv2 (dOBBfBS BVltt pWODO OCBftaltlsAllMBI BidwdMlt BbDnQi
Variations professionnelles et industrielles. Dans les
figures 2 et 3, on décrit la répartition professionnelle et
industrielle des fumeurs actuels à l'aide des données de
l'Enquête nationale sur la santé de la population 1994-1995.
À la figure 2 d'abord, on peut voir que quatre catégories
professionnelles — celles des sciences naturelles, de l'ensei-
gnement, de la médecine et de la santé, et des sciences
sociales et de la religion — présentent un taux de taba-
gisme inférieur à l'objectif de 24 % fixé par la SNLT pour
l'an 2000. Avec une fréquence de 27,4 %, les professions
de la gestion et de l'administration se situent au-dessous
de la moyenne nationale actuelle.
4
Le tabagisme au travail : ttnjfitanc es» enjeux et stratégies
figure 2 Fumeurs actuels selon les professions, Canada,1994-95
Figure 3 Fumeurs actaiels selon les industries, Canada,1994-1995
Mtdedneetscntâ Sdences soddes et rcQgian Gestion et ud»«JÎMJQtion
Agriculture ArtsetloUrs
Vente Tiawd de bureau
Mœwtention Fabrication
Sente Usinage
Transformation Construction Tnnsports
reenes, uns et ram
» i -« . . -i-nip(8BODn nQH 20 30 40 SO
PininnitiTjT 60
Sown :Enqafia aatioaalB sr tasaaté de le papiattan B94-B9S.
Seraces SDCMMidtureis Agriculture
Administration pcbûque ftwees
Services aux entreprfaes Commerce de détaQ Commerce de 9ms
Mr. de btem non durables Fafar.de Uem durables
Sentes persomeb Transports
Secteur primaire (amfagrkutturc)
Construction
—> • ——1— rapceanonane
1 en valeur absolue et relative Soars: Eoquto ntioade sir ta ntf de ta papriattae B94499S.
À l'opposé, parmi les professions où la fréquence du taba-
gisme est supérieure à la moyenne, quatre professions de
cols bleus dominées par les hommes se détachent. Dans
les professions des pêches, des forêts et des mines, plus de
la moitié (55,4 %) des travailleurs fument actuellement, ce
qui représente presque le double de la moyenne nationale.
Dans les professions des transports et de la construction,
la proportion est d'environ 45 %. Dans deux autres profes-
sions de cob bleus à prédominance masculine (usinage et
transformation), on relève aussi un taux de tabagisme de
plus de 40 %.
On constate toutefois que les professions du secteur des
services ne sont pas loin derrière avec un taux de 37,2 %.
Cette catégorie professionnelle présente des caractéristiques
qui la distinguent d'autres professions où le tabagisme est
fréquent. Premièrement, on y trouve beaucoup d'emplois
de cols blancs dans des domaines comme les services de
restauration, la coiffure, la garde d'enfants, le tourisme, les
hotels et les motels, ainsi que les services de protection
(services de police, d'incendie, de sécurité). Deuxième-
ment, plus de la moitié des travailleurs de ces professions
sont des femmes; elles forment près de 17 % de toute la
main-d'œuvre féminine (Krahn et Lowe, 1993:74,163).
Les services représentent le deuxième secteur professionnel
d'importance après les employés de bureau qui comptent
plus de 13 % de toute la population active. Troisièmement,
les travailleurs des services sont généralement plus jeunes
que ceux des professions de cols bleus. En 1991, 29 %
des employés de 15 à 19 ans travaillaient dans le secteur
des services et représentaient 14 % de tous les travailleurs
de ce secteur (Lindsay, Devereaux et Bergob, 1994:25).
Quatrièmement, il y a plus de fumeurs dans les services
(848 671) que dans les secteurs confondus de la cons-
truction, des transports, et des pêches, des forêts et des
5
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
mines (743 794). De fait, les professions du secteur des
services regroupent plus de fumeurs que toute autre pro-
fession mentionnée à la figure 2. Fait intéressant, les
professions du travail de bureau se classent au deuxième
rang pour le nombre de fumeurs.
La figure 3 analyse la fréquence du tabagisme selon les
industries. Pour interpréter les figures 2 et 3, il est bon de
se rappeler que la profession désigne la nature du travail
exécuté et l'industrie, la nature de ce qui est produit.
Précisons toutefois que les classifications employées par
Statistique Canada pour les professions et les industries se
chevauchent dans certains secteurs (agriculture, transports,
construction, etc). Ces distinctions d'ordre conceptuel
devraient aider à reconnaître des branches d'activité ou des
groupes professionnels précis comme cibles dans l'adoption
de politiques de lutte contre la FIA.
supérieur aux taux confondus de l'industrie primaire
(c.-à-d. la pêche et le piégeage, l'exploitation forestière, les
mines, les carrières et les puits de pétrole) et du secteur
de la construction. Ce chiffre montre la prédominance des
industries de services dans l'économie et explique l'appa-
rent paradoxe de la figure 3 où les services socio-culturels
ont le plus grand nombre de fumeurs, tout en présentant
la plus petite fréquence du tabagisme.
En ce qui concerne les trois caractéristiques de l'emploi
indiquées à la figure 4, on constate que les fumeurs sont
beaucoup plus susceptibles que les non-fumeurs de tra-
vailler régulièrement en fin de semaine, le soir ou la nuit
ou encore dans de petites entreprises (comptant moins
de 20 employés). Ce sont des conditions de travail carac-
téristiques des activités de rang inférieur dans le secteur
des services.
Cest dans les services socio-culturels (éducation, santé et
bien-être social) que le tabagisme est le moins fréquent
(24,5 %). Cest la seule branche d'activité qui atteint presque
l'objectif global de 24 % fixé pour l'an 2000 par la SNU.
À l'exception de l'agriculture, les secteurs industriels où le
taux de tabagisme ne dépasse pas le taux national appartien-
nent au secteur des services; il s'agit de l'administration
publique et des finances. Le tabagisme est le plus fréquent
dans les secteurs de la construction et des ressources (mines,
énergie, forêts, etc.) avec des taux supérieurs à 45 %. Dans
ces secteurs, on travaille surtout en plein air et la réglemen-
tation anritabagisme est difficile à appliquer et à faire respec-
ter. Les catégories qui suivent pour la fréquence du taba-
gisme sont celles des transports et des services personnels.
Là encore, il importe de noter le nombre absolu de
fumeurs (609 478) dans les services personnels, chiffre
figure 4 Fumeur» octucbukm mlubw uiimlérUHquw profaotonneOes, Ccraoda,1990
oon 2635656 1 % '
ToSbdseatftpri»:
VBsfartés 1401704
3*7
3M
20 30 40 50
6
Le tabagisme au travail : ttnjfitances» enjeux et stratégies
Conséquences sur le plan des politiques de lutte contre
Ia FIA. 11 faut soigneusement cibler des stratégies sur les
divers profils démographiques et conditions de travail des
fumeurs dans des professions et des secteurs d'activité où
la fréquence du tabagisme est élevée. À cette fin, les cam-
pagnes de réduction du tabagisme et d'interdiction de l'usage
du tabac au travail visant les camionneurs et les mineurs
nécessiteront des tactiques et un contenu différents de
celles qui visent les travailleurs de la restauration ou les
commis. Lutilisation de catégories confondues de secteurs
d'activité et de professions dans cette analyse ne peut
cependant révéler que de larges tendances. Des ventilations
plus détaillées, ainsi que des études de cas de professions
ou de secteurs d'activité en particulier (p. ex., O'Connor
et Harrison, 1992), permettraient aux décideurs de viser
des groupes de travailleurs en particulier.
Bien que les études spécialisées distinguent les cols bleus
comme groupe hautement prioritaire à des fins de recherche
et de réglementation, cette généralisation repose sur des
hypothèses déjà presque désuètes au sujet de la composi-
tion de la population active. Il faut voir que plus de 70 %
de la main-d'œuvre canadienne se trouve aujourd'hui dans
le secteur des services et que 44 % de tous les travailleurs
sont des femmes. Lors de l'élaboration d'une politique à
l'avenir, il faut tenir compte du fiait que le palier inférieur
du secteur des services affiche une fréquence du tabagisme
très élevée et compte le plus grand nombre de fumeurs —
et par conséquent, le nombre le plus élevé de non-fumeurs
exposés à la FIA. Les employés qui ont le moins de règle-
ments contre la FTA dans le secteur des services travaillent
dans les restaurants, les bars, les salons, les hôtels et les
motels, les casinos et d'autres établissements connexes.
De plus, les emplois chez les cols bleus diminuent cons-
tamment et augmentent constamment chez les cols blancs.
Les lieux de travail dans la fabrication peuvent actuelle-
ment poser un risque moindre pour la santé en ce qui a
trait à l'exposition à la FTA que les bureaux où une propor-
tion plus grande de la main-d'œuvre est employée. Dans
une récente étude, on a utilisé des moyens de surveillance
passifs afin de prélever des échantillons de concentration
hebdomadaire de FTA dans 25 lieux de travail et ils ont
révélé que dans les lieux de travail sans restriction de l'usage
du ubac, un pourcentage plus élevé de travailleurs dans
les bureaux que dans le secteur de la fabrication étaient
exposés à la FTA à des degrés posant un risque particu-
lier pour la santé (Hammond, Sorensen, Youngstrom et
Ockene, 1995:958).
Dans le secteur de l'accueil, les employés sont aussi
exposés à des degrés élevés de FIA. Le degré de FTA dans
les restaurants est de 1,6 à 2 fois plus élevé que dans les
bureaux et 1,5 fois plus élevé que dans les résidences
comptant au moins un fumeur (Siegel, 1993, voir aussi
Jarvis, Foulds et Feyerabend, 1992). Les degrés dans les
bars sont de 3,9 à 6,1 fois plus élevés que dans les bureaux
et de 4,4 à 4,5 fois plus élevés que dans les résidences
comptant des fumeurs. 11 peut y avoir une augmentation de
50 % du risque du cancer du poumon chez les employés
du secteur des services de la restauration qui peut être
attribué en partie à l'exposition à la FIA, comparativement
au risque dans la population en général (Siegel, 1993).
Compte tenu de ce genre d'information épidémiologique
probante, le secteur de l'accueil qui connaît une croissance
rapide est devenu la cible de récentes lois sur le contrôle
du tabagisme au Canada et en particulier aux États-Unis —
et il deviendra sans doute le champ de bataille contre
l'industrie du tabac si l'on peut réaliser des progrès afin
d'éliminer l'exposition à la FTA.
7
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
Dimension du lieu de travail
La dimension du lieu de travail est directement liée à la
fréquence du tabagisme chez les employés. La figure 4 révèle
que dans les entreprises comptant moins de 20 employés,
37,4 % sont actuellement des fumeurs. La fréquence du
tabagisme diminue constamment dans la mesure où la
dimension de l'entreprise augmente et s'établit à 30,5 %
dans des grandes organisations (500 employés ou plus). La
fréquence du tabagisme diminue le plus lorsqu'on atteint
100 employés. Encore plus révélateur est le fait que dans
la figure 4 les fumeurs dans les petites entreprises sont plus
nombreux que dans les grandes. De plus, les petits lieux
de travail sont beaucoup moins susceptibles d'avoir une
politique antitabac que les grands.
Près de la moitié (47,4 %, tableau spécial de l'Enquête sur
la promotion de la santé 1990) des Canadiens travaillent
dans des lieux comptant moins de 100 employés et les
petites entreprises du secteur des services ont été pendant
un certain temps la principale source de création d'emplois.
En fait, les plus petites entreprises (moins de 20 employés)
comptent environ 25 % de toutes les heures travaillées
dans des emplois à plein temps (Morissette, 1991:40).
Ce fait suggère que l'exposition à la FIA des travailleurs
non-fumeurs dans ce secteur est importante. Les petites
entreprises sont concentrées dans les services de la con-
sommation et de la construction. Elles sont beaucoup
moins fréquentes en exploitation forestière et dans les
mines, ainsi que dans les secteurs de la fabrication, des
services de distribution et des services aux entreprises. Les
travailleurs dans les petites entreprises, comparativement
à ceux des grandes (500 employés ou plus), ont tendance
à avoir moins d'instruction, moins d'expérience de travail,
un taux de roulement plus élevé et à être moins bien
rémunérés (Morissette, 1991).
Conséquences sur le plan des politiques de lutte contre
la FIA. Ces observations sur la dimension de l'entreprise
ont des conséquences importantes sur la prise de décisions
visant la FIA. Unaction politique dans le secteur des petites
entreprises désavantage encore plus un groupe de tra-
vailleurs qu'il l'est déjà. Les différences socio-économiques
actuelles selon l'état de la santé peuvent être accentuées
parce que dans les grandes entreprises où les conditions de
travail sont bien meilleures, les non-fumeurs ont été le plus
avantagés par les restrictions de l'usage du tabac. De plus,
en ne visant pas les petites entreprises où les jeunes tra-
vailleurs entrent souvent sur le marché du travail, les
responsables des politiques prennent le risque de laisser
les adolescents et les jeunes adultes travailleurs exposés
à la socialisation du tabagisme au travail.
Coup d'oeil au-delà des tendances de la fréquence
dutabagisme
interaction avec les risques professionnels. Pour concevoir
une stratégie féconde de réduction du tabagisme, il faut
mieux comprendre œ qui sous-tend les variations profes-
sionnelles et industrielles de la fréquence de l'usage du
tabac. Si la situation professionnelle sert de variable de
prévision ou de contrôle dans certaines études du tabagisme,
elle a été bien moins étudiée que d'autres facteurs socio-
démographiques comme l'âge, le sexe ou l'instruction. En
réalité, Sterling et Weinkam (1990:457) soutiennent que
les études épidémiologiques du tabagisme ont tendance à
négliger les aspects professionnels. Cest ainsi que les effets
de confusion entre l'usage du tabac et d'autres risques spé-
cifiques aux professions restent souvent dans l'ombre.
Ces chercheurs se reportent aux données américaines de
la National Health Interview Survey pour démontrer que
les industries et les professions où les travailleurs étaient
le plus exposés aux émanations toxiques et à la poussière
8
Le tabagisme au travail : ttnjfit a n c e s » e n j e u x e t s t r a t é g i e s
étaient celles qui présentaient aussi la plus grande pro-
portion de fumeurs et le taux le plus bas de renoncement
au tabac.
On connaît bien les effets synergiques de la fumée de tabac
et d'autres produits dangereux au travail (Douville, 1990).
Ainsi, la bronchite chronique est liée à une exposition
professionnelle au charbon, aux céréales, à la silice, aux
polluants de la soudure et, dans une moindre mesure,
à l'anhydride sulfureux et au ciment. Chez les fumeurs
exposés, la bronchite est plus fréquente que chez ceux
qui ne le sont pas. Les risques de cancer du poumon pour
les fumeurs exposés à l'amiante s'accroissent d'un facteur
supérieur à la somme des risques d'une seule exposition
au tabac ou à l'amiante. Il y a aussi des indices que l'inter-
action de la fumée de tabac et des polluants professionnels
favorise l'apparition du cancer du poumon chez les tra-
vailleurs des cokeries et des établissements gàziers, du
cancer du pancréas chez les travailleurs des raffineries,
du cancer de la rate chez les concierges, les préposés au
nettoyage, les mécaniciens, les machinistes miniers, les
opérateurs de presse, les travailleurs des mines métalliques,
etc. Les travailleurs du caoutchouc risquent davantage de
souffrir de déficience pulmonaire s'ils sont exposés à la fois
aux particules et au tabac en milieu de travail. La byssinose
et la bronchite sont plus fréquentes et plus graves chez les
cotonniers qui fument que chez ceux qui ne fument pas.
Situation socio-économique et tabagisme. Les recherches
consacrées au Canada aux 1 entre les différentes profes-
sions et le risque de tabagisme sont restreintes. Les études
sont étroites, puisqu'elles portent uniquement sur la fré-
quence des restrictions du tabagisme en milieu de travail
selon des catégories d'ensemble (p. ex., Millar, 1986b,
Krahn et van Rposmalen, 1991). Ces études descriptives
n'en révèlent pas moins des variations frappantes du
comportement d'usage du tabac selon la situation socio-
économique. La profession est un indicateur clé de cette
situation. 11 est donc essentiel d'examiner l'ensemble com-
plexe de facteurs économiques, écologiques, sociaux et
culturels qui sont à la base du tabagisme comme com-
portement caractéristique d'une classe. Ainsi, Letourneay
et Bujold (1990:28-29) ont vu, dans leurs recherches sur le
tabagisme chez les francophones du Québec, les cols bleus
moins instruits et à faible revenu comme un groupe à haut
risque exigeant l'adoption de stratégies spéciales d'interven-
tion en milieu de travail. Règle générale, une basse situa-
tion socio-économique — mesurée par l'instruction et le
revenu — est un des meilleurs indices du tabagisme (Millar,
1988b. Millar et Hunier, 1990, Santé Canada, 1994).
Les éléments ethniques et culturels ont aussi des répercus-
sions sur la fréquence du tabagisme et peuvent avoir une
interaction avec la situation socio-économique. Même si
la portée du présent rapport n'est pas d'examiner ces élé-
ments, disons simplement que du point de vue de l'élabo-
ration d'une politique antitabac au travail, il est important
de comprendre comment la composition ethnique d'une
main-d'œuvre en particulier peut avoir des répercussions
sur les attitudes et le comportement envers le tabagisme.
Au fanaHa par exemple, 59 % des Autochtones sont des
fumeurs réguliers, comparativement à 11 % seulement
des Asiatiques canadiens (Millar, 1992, voir aussi Lando,
Johnson, Graham-Tomasi, McGovem et Solberg, 1992).
Conséquences sur le plan des politiques de lutte contre
la FTA. Pour bien des travailleurs industriels, le tabagisme
n'est qu'un des grands risques sanitaires qu'ils courent
habituellement au travail. Cette indication peut être utile
dans des campagnes de santé au travail visant à lutter
9
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
contre le tabagisme, mais pour avoir du succès il ne suffira
pas de reconnaître en soi l'usage du tabac comme le prin-
cipal problème. Les syndicats qui représentent ces tra-
vailleurs pensent que l'on doit s'occuper de tous les risques
professionnels, et non pas du seul tabagisme. En distin-
guant le tabagisme chez les travailleurs, on se trouve à
« blâmer la victime », c'est-à-dire à laisser dans l'ombre
la responsabilité qu'a l'employeur d'éliminer une foule
d'autres polluants ou toxines en milieu de travail.
Qu'est-ce qu'un lieu de travail?
Définition du lieu de travail Une grande faiblesse des lois
actuelles réside dans la définition de « lieu de travail ». Il
n'y a foncièrement aucune définition cohérente et complète
qu'emploient les législateurs. Par le passé, les lieux publics
qui constituaient des lieux de travail — les restaurants et
les bars en sont les principaux exemples — ont été traités
à part dans les lois portant sur l'assainissement de l'air
des immeubles (Americans for Non-Smokers' Rights and
Prospect Associates, 1994). De tels lieux de travail relèvent
habituellement des règlements locaux relatifs aux « lieux
publics », puisqu'on suppose que c'est le client, et non
pas le salarié, qui doit Être protégé contre la FIA.
Même dans les lois qui visent à restreindre l'usage du tabac
au travail. Le « milieu de travail » peut être uniquement
les locaux des immeubles ou se limiter aux bureaux. On
se rappellera que le tabagisme est le plus fréquent dans les
professions de cols bleus où le gros du travail s'accomplit
en plein air. Les définitions plus générales du lieu de travail
comme tout « lieu d'emploi » sont moins répandues. Cer-
tains règlements excluent le domicile des gens et les éta-
blissements d'entrepreneurs indépendants ou d'associations
ou encore les manifestations sociales privées qui ont lieu
dans des lieux de travail normalement réglementés.
La définition type de travail retenue dans presque toutes
les lois est le travail rémunéré. Il y a rarement mention
expresse du bénévolat ou du travail dans des organismes
de bénévolat.
Les responsables des politiques devraient soigneusement
s'attacher au domicile comme lieu de travail, et ce, dans
une perspective qui n'a rien de futuriste. La révolution de
l'infonnatique, jointe à la montée de la sous-traitance à la
faveur de la réduction des effectifs des organismes, a fait
se multiplier les entreprises ayant pour cadre le domicile
des gens. Le télétravail est également en progression. Un
nombre croissant de salariés accomplissent leur travail à
leur domicile ou dans d'autres lieux « éloignés » grâce à
l'ordinateur, au télécopieur et au modem En 1991, plus
de 500 000 salariés canadiens travaillaient à domicile; la
plupart appartenaient aux secteurs de l'administration
publique, des finances, de l'infonnatique et des télécom-
munications (Frank, 1995:7). Un sondage Gallup de 1991
estime que 23 % de la main-d'oeuvre accomplit un travail
rémunéré à la maison (travail à la maison à plein temps ou
à temps partiel à titre d'employé ou d'employé autonome, au
moins une journée par semaine) (Oiser et Foster, 1992:69).
On connaît encore mal ces nouvelles formes de travail.
Conséquences sur le plan des politiques de lutte contre
la FIA. La question donc est celle de la capacité de toute
mesure législative à tenir compte de tous les lieux où tra-
vaillent les gens. La distinction habituellement établie
aujourd'hui dans les lois canadiennes entre lieux publics et
lieux de travail a soustrait un certain nombre de branches
d'activité aux restrictions de la FIA en milieu de travail. Il
faudra une définition plus complète du « lieu de travail »
si on entend que de telles mesures législatives profitent
à tous les travailleurs qui ne fument pas.
10
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
Du point de vue des politiques de la santé, il nous faut savoir
dans quelle proportion les fumeurs exercent leur activité
à la maison ou font du télétravail. Les fumeurs à qui on
interdit de fumer à leur lieu de travail seront-ils plus
enclins à travailler à domicile s'ils ont le choix? Jusqu'à
quel point l'exposition des autres membres du ménage, et
surtout des enfants, à la FTA risque d'être grande à cause
des travailleurs à domicile qui fument. Comme le travail
à domicile est une perspective séduisante pour les femmes
ayant de jeunes enfants, ce qui pour les tenants d'un milieu
de travail accueillant comme le milieu familial a l'appa-
rence d'une solution pourrait en réalité faire courir plus
de risques sur le plan de la santé aux enfants de mères
fumeuses qui normalement travailleraient hors du foyer.
Restrictions de l'usage du tabac en milieu de travail
Variations des restrictions de tusage du tabac en mŒeu
de travail
Variations selon les régions et le sexe. Le tableau 1 fait
état de variations régionales des politiques de lutte contre
le tabagisme professionnel tant chez les hommes que chez les
femmes. En août 1994, environ 4 salariés sur 10 (4.5 mil-
lions) ont déclaré que le tabac était totalement interdit dans
leur milieu de travail. La proportion oscillait entre 46.6 %
en Colombie-Britannique et 25.4 % au Québec. (Une ven-
tilation provinciale, qui ne peut être présentée au complet
après prise en compte du sexe à cause de coefficients de
variation élevés, indique un pourcentage de 52 % à Terre-
Neuve.) Une proportion semblable de salariés ont signalé
que les gens fumaient dans certaines zones seulement dans
leur milieu de travail. Enfin, un salarié sur cinq (2,29 mil-
lions de travailleurs) a mentionné une absence complète de
restrictions antitabagisme.
11
Itafalaoul Restrictions refatfeesft ronge du tafcaecuttwaB selon ta région et le saxe, Canada, ooOtBM
Estimation delà
population (m&fiers)
nterdcbor totale <%)
Interdiction partielle
<%) Aucune «striction
Canada total « • nORUnB Femmes
11489 6922 4567
39,6 33.1 49A
40S 4X1 39,7
19,9 208 109
Région de r A II ,t|.. , , rAtnnaqne
Total Homines Fa ims
909 536 373
-AAA 37,9 5*7
309 343 37.5
106 273
Québec Totsd Hommes Femmes
2788 1724 1065
2 M 20,1 34,1
44,2 419 473
304 300 100
.Ontario Total n -i, . noranes
4213 2531 1682
482 405 602
302 413 304
106 101 04
Région des tories
Total « « nommes Femmes
2057 1221 835
333 209 410
47,4 4ÎA 473
10B 207 tir
Colombie-^ «- « eraanncpie
Total Hommes
1521 909 612
408 403 504
306 34,1 42J9
106 206 107"
Soira:Enquta ar ia tàcgiattauGmdoBM-SO Quartier 2.
• WoMtttfédBrtfcmogefleiée.
Depuis huit ans, le Canada a fait un pas de géant dans
la réduction de l'exposition des travailleurs à la FTA. En
1994,80 % des travailleurs de notre pays étaient visés
par des restrictions de l'usage du tabac au travail. Cest
le double de la proportion de travailleurs qui, en 1986,
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
étaient assujettis à une forme quelconque de politique
antitabagisme (Millar et Bisch, 1989). En 1986, moins
de 10 % des salariés signalaient une interdiction totale du
tabac dans leur milieu de travail et, en 1994, quatre fois
cette proportion.
Tout aussi importantes sont les différences d'exposition à la
FTA au travail selon le sexe. Le tableau 1 confirme que les
femmes tirent plus d'avantages que les hommes des inter-
dictions totales de l'usage du tabac. La moitié des femmes
occupées ont une telle interdiction dans leur milieu de tra-
vail; chez les hommes, la proportion est juste du tiers. On
relève la plus grande différence régionale entre l'Ontario
(60,2 %) et le Québec (34,1 %) pour ce qui est de la pro-
portion de travailleuses jouissant d'une interdiction totale
du tabac. Chez les hommes, les variations régionales ne
sont pas aussi prononcées.
À l'échelle nationale, 25,8 % des hommes et 10,9 %
des femmes indiquent une absence de restrictions de
l'exposition à la FIA. La seule région où les proportions
d'hommes et de femmes soient bien supérieures à la
moyenne nationale est le Québec. Dans cette province,
38 % des hommes et 18 % des femmes dans la population
active s'exposent à la FIA non réglementée. Fait remar-
quable, seules 6,4 % de toutes les travailleuses ontariennes
appartiennent à cette catégorie.
Différences entre régions rurales et régions urbaines.
Peu d'études se sont attachées aux différences de compor-
tement ou aux restrictions sur le tabagisme professionnel
entre la ville et la campagne. Une exception est l'enquête
menée en 1990 en Alberta, qui a permis de constater une
réceptivité dans toute la province aux politiques antitaba-
gisme, malgré la constatation d'un taux de tabagisme
plus élevé en région rurale et d'une fréquence moindre des
restrictions en milieu de travail (Krahn et van Roosmalen,
1991). Les chercheurs signalent que le tabagisme est plus
fréquent en milieu rural surtout chez les hommes plus
jeunes, groupe démographique qui est généralement moins
susceptible de travailler dans un organisme doté d'une
politique antitabagisme, en grande partie parce qu'il est
surreprésenté dans les professions de cols bleus et habite
des villes, des villages ou des zones rurales où de telles
politiques sont moins répandues.
Variations par taille de l'entreprise. Plusieurs études ont
révélé un lien entre la taille de l'entreprise et les restrictions
de l'usage du tabac au travail. La seule étude canadienne
qui traite de cette question est peut-être l'évaluation des
règlements antitabac au travail et dans les lieux publics
de la ville de Toronto en 1993 (Kendall, 1994). Létude
a permis de découvrir que dans les petits lieux de travail
(moins de 20 employés), il est plus probable qu'un milieu
sans fumée soit fourni si les propriétaires ou les gestion-
naires ne fument pas. Cet élément n'a rien à voir avec la
présence de politiques antitabac dans les lieux de travail
plus importants.
La recherche américaine élabore sur cette constatation. Dans
une évaluation de l'incidence du programme antitabagisme
de la Californie, on a constaté que, si la proportion d'entre-
prises où on avait banni le tabagisme avait presque doublé
de 1990 à 1993, la progression avait eu lieu en majeure par-
tie dans les grandes entreprises (Pierce, Evans, Farkas et al.,
1994). Les entreprises employant moins de 50 personnes
étaient moins susceptibles de s'être dotées de politiques
antitabagisme et un nombre proportionnellement moindre
d'entre elles avaient adopté de nouvelles restrictions dans
ce domaine de 1990 à 1992. Le succès global de la stratégie
12
Le tabagisme au travail : SSaànces, enjeux et stratégies
californienne antitabac demeure impressionnant, puisqu'une
proportion de 87 % des salariés travaillant à l'intérieur des
immeubles était visée par des interdictions du tabagisme
professionnel en11993. Pour accroître cette proportion,
il faudra des initiatives dans le secteur de la petite entre-
prise et donc, bien sûr, dans l'industrie de l'accueil et
du tourisme.
Dans une étude du respect d'un règlement municipal
complet antitabagisme par les employeurs à Cambridge,
au Massachusetts, trois et 24 mois après sa mise en appli-
cation, on a reconnu plusieurs entraves à son « autoap-
plication » dans les petites entreprises (Rigotti, Stoto et
Schelling, 1994). Quelque 65 % des entreprises étudiées
étaient petites — moins de 10 salariés — et près de la
moitié appartenaient au secteur des services. Nombreuses
étaient celles qui comprenaient mal le règlement ou en
étaient mal informées. Contrairement aux gros employeurs,
les petits ne se dotent pas d'une politique écrite régissant
officiellement le comportement du personnel, aussi une loi
ou un règlement qui les y oblige va-t-elle à rencontre des
pratiques. Lappui et le respect du règlement municipal
étaient liés à la proportion de fumeurs dans le personnel.
Un autre élément de poids était l'usage du tabac par le
propriétaire, étant donné le rôle que joue celui-ci dans
l'établissement de politiques.
Fait intéressant, il y a une étude qui montre que les petits
employeurs sont plus susceptibles d'établir des politiques
antitabagisme. Nelson, Sacks et Addiss (1993) ont décrit
les politiques de restriction de l'usage du tabac dans les
garderies autorisées aux États-Unis. Quelque 55 % des
garderies agréées de l'étude étaient sans fumée à l'intérieur
et à l'extérieur. Elles avaient tendance à être situées à l'ouest
ou au sud, étaient plus petites, de propriété indépendante
et avaient une politique écrite antitabagisme. Les cher-
cheurs n'expliquent pas pourquoi la taille ou la propriété
ont de l'importance.
Conséquences sur le plan des politiques de lutte contre
la FIA. Du point de vue des politiques, il est primordial
de voir les variations selon les régions et le sexe de l'adop-
tion en milieu de travail de restrictions antitabagisme. Les
taux élevés de tabagisme dans la main-d'œuvre québécoise
et plus particulièrement chez les femmes font ressortir la
nécessité d'interventions réglementaires plus sévères dans
cette région. Ajoutons que les tendances de l'emploi dans
les zones rurales et urbaines nous livrent certains indices
au sujet de la plus grande fréquence du tabagisme dans
certains groupes démographiques. Il faut aussi tenir compte
de nos observations sur la taille de l'entreprise afin de
décider de politiques de lutte contre la FTA. La résistance
aux lois sur les restrictions sera probablement plus forte
dans les petites entreprises. Puisque les grandes entreprises
appliquent souvent volontairement des restrictions de
l'usage du tabac, les lois sur la FTA auront probablement
davantage de répercussions sur les petites entreprises. La
connaissance de la loi étant un élément primordial lorsqu'il
s'agit d'élaborer une politique en milieu de travail, il faut
que l'éducation concertée, la surveillance et les inspections
du lieu de travail soient le point central de toute loi visant
les petites entreprises.
Réglementation canadienne
Lois provinciales et règlements municipaux. Le tabac est
aujourd'hui interdit dans les administrations provinciales
en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, en Ontario, au
Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve
et dans l'administration des Territoires du Nord-Ouest. La
loi de 1987 du Québec est certainement la plus faible des
i 13
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
lois provinciales (Québec, 1987). Les gestionnaires
du secteur public du Québec sont chaigés de décider
comment et à quel point l'usage du tabac sera restreint.
D'ordinaire, les établissements privés ne sont pas directe-
ment réglementés. Il existe trois grandes exceptions :
1) Terre-Neuve interdit le tabac dans tous les lieux de tra-
vail et énonce des règles de ventilation des salles fermées
destinées aux fumeurs, 2) l'Ontario restreint le tabagisme et
permet l'usage du tabac dans des lieux désignés sans venti-
lation particulière pouvant représenter jusqu'au quart de la
superficie de l'établissement, et 3) la loi fédérale de 1988
sur la santé des non-fumeurs confine le tabagisme dans des
zones ou pièces désignées dans les lieux de travail relevant
de la compétence du fédéral. Les établissements carcéraux
fédéraux, qui ne sont pas assujettis à cette loi, prévoient
bannir entièrement le tabac d'ici avril 1998 (Globe and
Mail, 1995).
lalmsurle tabagisme au travail de 1990 de l'Ontario
contient de nombreuses lacunes dont l'une, et non la
moindre, est la protection inadéquate des non-fumeurs en
permettant de réserver jusqu'à 25 % du lieu de travail aux
fumeurs et elle ne contient aucune disposition sur la venti-
lation. La Smoke-Free Environment Act de 1993 de Terre-
Neuve va peut-être le plus loin parce qu'elle exige que les
endroits réservés aux fumeurs respectent des nonnes de
ventilation déterminées. Les lois de l'Ontario et de Terre-
Neuve protègent les employés contre les mesures punitives
lorsqu'ils cherchent à appliquer les dispositions de la
loi (Centre national de documentation sur le tabac
et la santé, 1995).
11 y a aussi de plus en plus de règlements municipaux
antitabagisme. Ils visent le plus souvent les lieux publics,
mais englobent de plus en plus les lieux de travail.
En mai 1995, 39 % des municipalités (270 sur 698) de
plus de 10 000 habitants étaient dotées de tels règlements
et 4 % avaient une politique antitabac (Santé Canada, 1995b).
•Seuls 15 % de ces règlements restreignent le tabagisme au
travail en dehors des services municipaux. La plupart exi-
gent que les employeurs aient une politique écrite, se char-
gent de la faire appliquer et désignent des zones pour les
fumeurs où on réduit la fumée de tabac par la ventilation,
la taille des lieux ou des dispositifs de retenue.
Restrictions dans l'industrie de l'accueil Plus de la moitié
des municipalités (52 %) restreignent l'usage du tabac dans
les restaurants et la plupart exigent que la moitié des places
soient réservées aux non-fumeurs. En juin 1994, le Canada
ne comptait aucune municipalité qui interdisait entière-
ment le tabac dans les restaurant. Aux États-Unis, on
en dénombrait 146 (Conseil anti-tabagisme de l'Ontario,
1995). Peu imposaient de restrictions aux établissements
contrôlés par permis. En avril 1995, un grand nombre de
municipalités ontariennes envisageaient une réglementa-
tion antitabagisme prévoyant une interdiction totale dans
les restaurants ainsi que dans les bars dans certains cas.
Ce sont des initiatives auxquelles s'opposent vivement
l'Ontario Restaurant Association et l'Association canadienne
des restaurateurs et des services alimentaires (Campagne
ontarienne d'action contre le tabac, 1995). La Loi sur la
protection et la promotion de la santé interdit déjà aux tra-
vailleurs des restaurants de fumer dans ces établissements.
Plusieurs grandes municipalités de Colombie-Britannique
étudient les moyens d'éliminer entièrement le tabac des
restaurants, des bars, des salles de bingo, des casinos
et des autres établissements de l'industrie de l'acciiéil
(Municipalité de Vancouver 1994).
14
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
Dans le secteur privé, on est plus susceptible d'interdire
volontairement le tabac dans les grandes entreprises (Lowe
et Neale 1992).1 On en relève les exemples les plus récents
dans l'industrie de la restauration rapide : restaurants
McDonald exploités en propriété, chaîne Taco Bell et
un certain nombre d'établissements Tim Horton (Santé
Canada, 1995a, Centre national de documentation sur le
tabac et la santé, 1995). 11 y a aussi des entreprises plus
petites qui ont décidé d'interdire entièrement le tabac.
Ainsi, en Colombie-Britannique, on dénombre au moins
550 restaurants où on ne fume pas (Campagne ontarienne
d'action contre le tabac, 1995:8).
Progrès aux États-Unis vers un mffieu de travail sans tabac
Décision de l'agence de protection environnementale sur
la FIA. Un point tournant dans le mouvement d'interdic-
tion de la FTA en milieu de travail a été le rapport de 1992
de 1*EPA qui caractérise la FIA comme substance cancéri-
gène de catégorie A (connue) pour les humains (agence
de protection environnementale des É.-U., 1993). Cette
caractérisation est principalement fondée sur le lien de i
causalité entre l'exposition à la FTA et le cancer du
poumon. Cet organisme était auparavant parvenu à la con-
clusion que la FIA est le polluant de l'air intérieur le plus
répandu et le plus nocif et constitue un des grands facteurs
de pollution de l'air (agence de protection environnemen-
tale des É.-U., 1993). Tant FEPA que le National Institute
for Occupational Safety and Health oni recommandé soit
d'éliminer le tabac dan* les immeubles, soit de prévoir
des zones fermées pour les fumeurs avec des dispositifs
distincts de ventilation et d'évacuation directe à l'air
libre (Americans for Non-Smokers1 Rights and Prospect
Associates, 1994).
Le rapport de l'EPA a éveillé l'intérêt des législateurs et
des responsables des politiques pour le tabagisme passif
comme question de santé publique (Maskin, Connolly et
Nooman, 1993). Il a aussi eu des effets marqués sur les
perceptions du public qui, à leur tour, devraient inciter les
employeurs à mieux se protéger au sujet de la responsabi-
lité civile en mettant fin à l'exposition des travailleurs à la
FTA. On peut faire remonter la récente tendance à l'inter-
diction totale au lieu de la création de zones désignées
pour fumeurs à ces recommandations de l'EPA aux États-
Unis (Americans for Non-Smokers' Rights and Prospect ..
Associates, 1994:10). Ce mouvement est renforcé par
des données scientifiques sur l'exposition réelle des non-
fumeurs en milieu de travail, qui semblent indiquer que
l'interdiction totale est la seule politique sûre (Repace
et Lowery, 1993:470).
Autres faits. En mai 1993, 16 procureurs généraux améri-
cains se sont réunis en groupe de travail pour étudier les
questions de tabagisme, y compris celle de l'exposition à
la FTA dans les établissements de restauration rapide. Leur
principal sujet d'inquiétude était l'exposition des enfants
à la FTA Létude a également porté sur les travailleurs du
secteur de la restauration rapide qui, selon les estimations,
sont âgés de moins de 18 ans dans une proportion de
40 % (Conseil antitabagisme de l'Ontario, 1995). Après
que le procureur général du Texas eut donné suite par
des mesures judiciaires à la recommandation faite par le
groupe de travail d'éliminer le tabac dans les établisse-
ments de restauration rapide, McDonald et Taco Bell
ont banni le tabac dans toutes leurs succursales exploitées
en propriété.
15
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
La loi de 1990 sur les Américains atteints de déficience
a également eu pour effet d'encourager les employeurs à
interdire volontairement le tabagisme. Elle s'est attaquée
à la FTA en exigeant des employeurs (ayant 15 employés
ou plus) d'interdire le tabac afin de protéger les non-fumeurs
dont la sensibilité à la fumée de tabac était démontrée.
11 y a toutefois des avis juridiques selon lesquels les fumeurs
pourraient tirer parti des dispositions de cette loi pour
intenter des poursuites en justice si on leur refusait un
emploi du fait qu'ils étaient « réputés être » atteints
d'un handicap par leur dépendance à l'égard du tabac.
À l'heure actuelle, la jurisprudence est trop mince
pour que l'on puisse prévoir comment ces mesures
législatives sont susceptibles de s'appliquer aux fumeurs
(Sugerman, 1993:168).
Loi californienne. Les questions politiques liées à la nou-
velle loi californienne interdisant le tabac dans les lieux de
travail fermés donnent déjà une idée du genre de pressions
auxquelles le législateur pourrait s'exposer au Canada.
Il intention du législateur californien était de protéger les
travailleurs de cet État contre les « graves effets sur la santé »
de la FTA en interdisant l'usage du tabac dans tous les
lieux de travail, la seule exception étant les chambres des
hôtels et des motels (Sénat de l'État californien, 1993). Le
projet de loi avait été parrainé par une large coalition com-
prenant la California Restaurant Association, la California
Medical Association, la California Labour Federation
AFL-COl, l'American Heart Association, l'American Lung
Association, la California Hotel and Motel Association
et la Building Owners and Managers Association.
La California Restaurant Association a évoqué pour sa part
le nombre croissant de demandes d'indemnisation des
travailleurs à cause d'une exposition à la FTA en milieu
de travail, surtout à la suite de la décision de l'EPA men-
tionnée ci-dessus. Elle a cité un cas où un non-fumeur en
santé qui servait dans un restaurant a reçu plus de 80 000 $
en indemnités pour une attaque cardiaque qu'il a dit avoir
été causée par la FTA. ^uniformisation des régies à l'échelle
de l'État californien où les ordonnances locales se distin-
guent par leur diversité était également une importante
considération. Fait assez étrange, rAmericans for Non-
Smokers' Rights s'est jointe au Tobacco Institute pour
s'opposer à ces mesures législatives, pour des motifs
différents bien sûr. L'opposition de rAmericans for Non-
Smokers' Rights s'explique par l'absence d'une clause
antisubstitution permettant explicitement des ordonnances
locales plus fermes, ainsi que par le manque de dispositions
d'application locale de la loi.
Conséquences sur le plan des politiques de lutte contre
la FIA au Les lois et les politiques nouvellement
adoptées aux États-Unis ont fiait faire un pas en avant dans
la réalisation de l'objectif d'un milieu de travail et des lieux
publics sans tabac (Maskin, Connolly et Noonan, 1993:65).
Les grandes initiatives nouvelles ont pour cadre le secteur
de l'accueil. Les États du Vermont, de lTJtah et de la
Californie interdisent entièrement le tabagisme dans les
restaurants et, en 1997, l'interdiction californienne s'étendra
aux bars (Americans for Non-Smokers' Rights and Prospect
Associates, 1994, Campagne ontarienne d'action contre
le tabac, 1995). Les municipalités canadiennes n'ont pas
encore frappé le tabac d'une interdiction totale dans
les restaurants. En revanche, 136 municipalités américaines
avaient pris des mesures en ce sens en juin 1994 (Conseil
anti-tabagisme de l'Ontario, 1995). 11 expérience américaine
suggère qu'un avantage de cette approche locale de la
réglementation de la FTA est que l'industrie du tabac a
éprouvé une plus grande difficulté à faire du lobbying
16
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
contre une centaine d'initiatives décentralisées que dans le
cas de la loi fédérale ou de l'État (Kagan et Vogel, 1993:43).
Les politiques actuellement établies par l'Occupational
Safety and Health Administration (OSHA) peuvent donner
une idée de la façon de réformer les lois canadiennes de la
santé et de la sécurité au travail (SST) et de l'indemnisation
des accidentés du travail pour que la FIA disparaisse des
lieux de travail. i
Ingrédients de mesures législatives efficaces
D'après un examen des lois régissant la qualité de l'air
des immeubles (air intérieur), on peut voir les exigences
minimales suivantes pour des mesures législatives efficaces
dans ce domaine :
»
1) interdiction du tabagisme dans tous les lieux de
travail, ou ,
2) interdiction de l'usage du tabac dans tous les lieux de
travail, sauf dans une zone désignée pour fumeurs
qui est fermée et à ventilation distincte et dont l'air
est directement évacué à l'extérieur,
3) si on permet l'usage du tabac dans des zones désignées,
interdiction de fumer dans toutes les aires communes
et indication que, en cas de conflit au sujet du taba-
gisme dans un lieu de travail, les droits des travailleurs
qui ne fument pas prévaudront,
4) clause protégeant les non-fumeurs qui affirment les
droits que leur confère la loi contre les représailles
des employeurs,
5) obligation pour les employeurs de se doter d'une poli-
tique antitabagisme écrite conforme aux prescriptions
de la loi, de la communiquer aux travailleurs et de
placarder des avis « Défense de fumer »,
6) imposition de pénalités sévères en cas de dérogation
aux dispositions, et
7) non-substitution d'une loi provinciale à des règlements
municipaux plus exigeants.
Dans les milieux des politiques aux É.-U., on juge égale-
ment important de prévoir dans de telles lois des disposi-
tions interdisant aux employeurs d'user de discrimination
contre les fumeurs dans les décisions d'embauchage, de
cheminement de carrière ou de renvoi (Americans for
Non-Smokers' Rights and Prospect Associates, 1994:9).
À mesure que les règlements municipaux gagnent en
rigueur et s'étendent au secteur de l'accueil et du tourisme,
il est primordial de prévoir dans toute nouvelle initiative
législative une consultation de la population (comme on
l'a fait à Vancouver), ce qui aidera à mobiliser les appuis
dans la collectivité. 11 importe tout autant d'oiganiser une
campagne globale d'information et d'éducation, comme
quand il s'est agi en 1993 de renforcer la réglementation
municipale à Toronto. De telles campagnes doivent être
souples et adapter leur message aux divers groupes socio-
démographiques. Si on entend avoir du succès avec des
restrictions antitabagisme dans le secteur des petites entre-
prises, et plus particulièrement dans les restaurants et les
bars, il faudra des consultations et des campagnes d'infor-
mation qui apaiseront les craintes de perte d'achalandage.
Il est donc important d'admettre que le soutien des restric-
tions de l'usage du tabac peut être refusé à cause de la cul-
ture de ces milieux de travail, de la crainte de représailles
ou d'un désir d'éviter les conflits avec leurs collègues
qui fument.
17
Le tabagisme au travail : ttnjfitances» enjeux et stratégies
Réglementation de h FTA parles lois sur la santé et
la sécurité au travail
Les mesures récentes de l'EPA et de l'OSHA aux États-Unis
ont attiré l'attention des responsables des politiques au
Canada sur les possibilités des régimes de SST et d'indem-
nisation des accidentés du travail comme moyen d'éliminer
la FTA dans les lieux de travail. Contrairement aux États-
Unis où les règlements de l'OSHA sur le tabagisme au tra-
vail peuvent avoir préséance sur les ordonnances locales
moins rigoureuses, il n'y a aucune entité administrative
fédérale au Canada ayant des pouvoirs nationaux en la
matière. Certaines provinces cependant, en particulier
la Saskatchewan, commencent à adopter des mesures
contre la FIA par l'intermédiaire de la SST.
La FTA est maintenant une priorité de santé et de
sécurité au travail aux États-Unis. L'OSHA des É.-U., qui
est chargée de veiller sur la santé et la sécurité'au travail,
a entrepris de s'attaquer aux risques de l'exposition à la
FTA en milieu de travail. Avant que l'EPA ne présente son
rapport, elle ne considérait pas la FTA comme prioritaire.
Aujourd'hui, les spécialistes soutiennent que la loi améri-
caine sur la santé et la sécurité au travail pourrait cons-
tituer la principale arme dans l'arsenal des mesures
législatives antitabagisme (Short, 1992:66). LOSHA
coordonne ses efforts d'éducation du public avec ceux
du Département de la santé et des services humains et
les « Centres for Disease Control » ont lancé des directives
d'élimination du tabac en milieu de travail, proposant de
bannir carrément le tabagisme à l'intérieur des lieux de tra-
vail. La Building Owners' and Managers' Association est
d'accord et a demandé que l'on impose de telles restric-
tions en 1993, invoquant le fiait que le tabac est la prin-
cipale cause des incendies d'immeubles de bureaux
(Municipalité de Vancouver, 1994).
Défis d'une stratégie de SST. La conception de stratégies
appropriées dans le domaine de la santé au travail pose de
grands problèmes pour les responsables des politiques au
Canada. Premièrement, pourrait-on facilement modifier
les lois provinciales de SST et le Code canadien du travail
pour qu'ils tiennent expressément compte de la FTA comme
danger professionnel pour la santé? Deuxièmement, quelles
faiblesses des lois sur la SST existantes pourrait-on devoir
corriger pour qu'elles soient plus capables de lutter contre
la FTA? Troisièmement, comment de telles dispositions
pourraient-elles efficacement s'appliquer dans les divers
lieux de travail de manière à dépasser les réductions de
l'exposition à la FTA déjà réalisées par les lois et les poli-
tiques antitabac actuelles? Quatrièmement, comment les
différences provinciales actuelles des régimes de SST
dans des questions primordiales comme celles du droit de
refuser un travail dangereux et des exigences portant sur la
création de comités paritaires de santé et de sécurité dans
les établissements influeront-elles sur la capacité d'établir
des objectifs et des normes de réduction uniformes de la
FTA au Canada? La réponse à ces questions aidera à orien-
ter les discussions de politique sur la façon de cheminer
sur ce nouveau terrain de réglementation.
Dans un atelier sur la FTA organisé plus tôt cette année par
Santé Canada, on a recommandé de se servir des lois sur
la SST existantes pour réglementer la FTA (Santé Canada,
1995a), car ces lois exigent des employeurs qu'ils créent
un milieu de travail sans danger. 11 serait possible aux
travailleurs d'en invoquer les dispositions pour forcer le i
respect des restrictions antitabagisme. En principe, Us
devraient avoir le droit de refuser de travailler dans un
milieu où la FTA abonde. Le législateur devrait fixer des
seuils d'exposition à la FTA et habiliter les travailleurs à
surveiller les concentrations de FTA. Comme bien des
18
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
lieux de travail n'appliquent pas d'interdiction totale du
tabac, il est essentiel d'établir une « norme de qualité de
l'air applicable;» pour la FIA afin de permettre aux respon-
sables de la surveillance et de l'application des restrictions
de mesurer les concentrations de fumée en milieu de tra-
vail (Repace et Lowery, 1993:464). Avec cet objectif, il
serait aussi nécessaire de définir avec plus de précision
la fréquence de l'exposition à la FIA pour des groupes pré-
cis de personnes dans un lieu de travail (Bums, Axelrad,
Bal et al. 1992:S15). Cest peut-être là un des grands défis
que devra relever le législateur s'il veut faire tomber la
FTA sous le coup des lois sur la SST.
Précédents judiciaires. Il y a en Ontario ainsi qu'en Grande-
Bretagne et aux États-Unis des précédents judiciaires qui
établissent que le devoir de l'employeur de maintenir un
milieu de travail sans danger peut être une raison pour
exiger que l'on restreigne l'exposition à la FIA (Conseil
anti-tabagisme: de l'Ontario, 1995:24). Parmi les autres
aspects du régime canadien de SST qui pourraient avoir
directement à voir avec la FIA, mentionnons la réglemen-
tation des substances que renferme la fumée de tabac
(peut-être dans le cadre du Système d'information sur les
matières dangereuses utilisées au travail ou S1MDUT) et
les exigences de création de comités paritaires de santé
et sécurité. Ainsi, le Règlement canadien sur la santé et la
sécurité au travail, qui relève du Code canadien du travail,
fixe des valeurs limites (seuils) et des indices d'exposition
biologique pour le monoxyde et le bioxyde de carbone et
énumère en outre diverses substances cancérigènes pour
les humains. Toutefois, certains juristes jugent que ces dis-
positions générales ne permettent pas de lutter efficacement
contre la FIA, les tribunaux préférant des dispositions plus
précises (Grossman et Price, 1992:6-19).
Aux États-Unis, les travailleurs cherchant à faire éliminer
le tabac de leur milieu de travail en s'appuyant sur les
dispositions de la loi américaine sur la santé et la sécurité
au travail n'ont pas eu de succès dans leurs démarches en
justice contre les employeurs. Cette loi ne confère pas aux
travailleurs le droit de poursuivre les employeurs, lequel
aurait pu servir de base à des plaintes des salariés concer-
nant la FTA (Bowers, 1992:42). Bien que la loi exige des
employeurs privés qu'ils créent un milieu de travail exempt
des dangers reconnus qui causent ou sont susceptibles de
causer la mort ou un grave tort physique à un travailleur,
encore en 1990 les tribunaux n'avaient pas dit que cette
exigence appelait une interdiction du tabagisme (Vaughn,
1992:125). Et pourtant, comme nous l'avons indiqué plus
haut, ce cadre de réglementation pourrait changer si l'OSHA
en vient à tenir compte de la FTA dans sa réglementation.
Recours au régime <f indemnisation des accidentés du
travail contre la FTA. La Colombie-Britannique s'engage
Ame une voie à peu près semblable, celle du régime d'indem-
nisation des accidentés du travail. La commission des
accidents du travail de cette province a conçu une régle-
mentation de la qualité de l'air intérieur (air des immeubles)
où la FIA est considérée comme un danger professionnel
pour la santé et elle recommande de créer des zones
désignées pour les fumeurs (Workers' Compensation Board
of British of Columbia, 1994:77-78). Dans un rapport, le
sous-comité de l'hygiène du travail de cet organisme dit
que les non-fumeurs devraient pouvoir travailler dans un
milieu sans tabac. Il recommande de confier la responsabi-
lité des interdictions aux employeurs ou celle d'aménager
des zones désignées pour fumeurs qui soient fermées, à
ventilation et conformes aux normes de l'American
Society of Heating, Refrigeration and Air-Conditioning
19
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
Engineers (ASHRAE). II propose en outre d'appliquer les
normes de l'ASHRAE à l'approvisionnement en air frais
dans les restaurants, les boites de nuit et les salles de jeux,
ainsi qu'à l'utilisation d'appareils d'élimination de la fumée. .
Recours à Ia Loi sur la santé et la sécurité au travail de
l'Ontario contre la FTA. Lanalyse que fait Cunningham
(1995) de la Loi sur la santé et la sécurité au travail de
l'Ontario indique 11 possibilités de mettre cette loi au
service de l'élimination de la FIA en milieu de travail :
1) obligation pour les employeurs de faire connaître
les risques aux travailleurs et de prendre « toutes
les précautions raisonnables dans les circonstances
pour assurer la protection du travailleur »,
2) obligation semblable pour les cadres,
3) interdiction faite aux travailleurs de ne pas travailler
d'une manière sécuritaire pour eux-mêmes ou les
autres travailleurs,
4) règlement sur les établissements industriels interdisant
l'usage du tabac là où se trouvent des substances
toxiques,
5) règlement interdisant un degré supérieur aux normes
d'exposition à certains agents que contient la FIA,
6) (autre possibilité) règlement interdisant toute
exposition,
7) droit de refuser de travailler quand les conditions
matérielles dans un lieu de travail pourraient menacer
les travailleurs,
8) ordre donné par deux membres agréés du comité
paritaire de mettre fin aux circonstances dangereuses,
9) ordre donné par le directeur à l'employeur d'interdire
ou de restreindre l'usage d'agents susceptibles de
constituer un danger pour la santé des travailleurs,
10) habilitation d'un comité paritaire à faire des recom- .
mandations à l'employeur, et
11) exploitation des pouvoirs conférés par la loi pour
que le gouvernement restreigne ou élimine l'usage
du tabac en milieu de travail.
Conséquences sur le plan des politiques de lutte contre
la FTA. Avant que les responsables des politiques de santé
publique n'optent pour une de ces stratégies, ils doivent
être bien conscients des limites propres à la réglementation
sur la SST. La plupart des lois sur la SST au Canada reposent
sur le principe du « régime de responsabilité interne »
(RRI) qui, s'inspirant de modèles européens, pose que les
travailleurs directement exposés à des risques ou dangers
sont les mieux placés pour trouver des solutions appro-
priées à leur milieu particulier de travail. La pierre angu-
laire de ce régime est le droit du travailleur de connaître
les dangers de son lieu de travail (à l'aide des données du
S1MDUT), d'Être consulté par la direction sur les questions
de santé et de sécurité et de refuser un travail dangereux
(Krahn et Lowe, 1993:281-283). Toutefois, la recherche
fait voir la difficulté pour les travailleurs de mettre en pra-
tique ces droits et ces responsabilités. Ils ignorent fréquem-
ment leurs droits et, souvent, n'ont pas les connaissances
voulues pour s'attaquer à des problèmes complexes de
santé et de sécurité (Sass, 1986, Walters et Haynes, 1988).
Nul doute qu'ils connaissent beaucoup mieux les dangers
sanitaires du tabagisme. 11 reste cependant que ces questions
de base sont autant d'obstacles possibles à l'élimination
de la FIA par la réglementation de la SST.
20
Le tabagisme au travail : ttnjfitan
Répercussions des restrictions de l'usage du tabac en milieu de travail
Respect de la bi
Quelle est l'efficacité des diverses restrictions qu'impose le
législateur aux fumeurs en milieu de travail et dont la vaste
majorité font l'objet d'une « autoapplication »? D'habitude,
les règlements municipaux obligent les employeurs à noti-
fier à leur personnel l'adoption d'une politique antitaba-
gisme, à appliquer celle-ci et à veiller à ce qu'elle soit
respectée. Une enquête de 1994 auprès des municipalités
canadiennes (Conseil anti-tabagisme de l'Ontario, 1995:57)
a permis de constater les problèmes suivants d'observation
dans le cas des règlements restreignant l'usage du tabac
en milieu de travail :
• plaintes des travailleurs et du public au sujet de
l'inobservation des restrictions,
• absence d'exécution de, la part de l'employeur, difficultés
de faire respecter les règles,
• plaintes des travailleurs au sujet de l'insuffisance ou
de l'absence de zones désignées pour fumeurs, et
• plaintes au sujet des fumeuis qui vont griller leur
cigarette dans les portes d'entrée des immeubles
(Conseil anti-tabagisme de l'Ontario, 1995:57).
On ne dispose toutefois pas de données sur l'ampleur
de ces diverses plaintes.
Évaluation des règlements de la municipalité de Toronto.
Dans une évaluation complète des règlements de 1993 de
la municipalité de Toronto quirestreignent l'usage du tabac
dans les lieux de travail et les lieux publics, on a constaté
ces» enjeux et stratégies
que les restrictions étaient largement observées par les gens
trois mois après leur mise en application (Kendall, 1994).
Le règlement sur l'usage du tabac dans les lieux de travail
exige une élimination complète du ubac dans ces lieux,
sauf si on y crée une zone désignée pour fumeurs, laquelle
doit être entièrement fermée, dotée d'un système de venti-
lation avec évacuation directe à l'extérieur, ne pas occuper
plus du quart de la superficie intérieure et ne pas se situer
dans une partie essentielle du lieu de travail. Les établisse-
ments de santé relèvent du règlement sur l'usage du tabac
dans les lieux publics et le tabac doit y être banni, les seules
exceptions prévues étant les patients ou les occupants des
établissements pour malades chroniques.
Au total, 9 lieux de travail sur 10 avaient éliminé le tabac,
83 % entièrement et 7 % en créant une zone entièrement
fermée et à ventilation distincte pour les fumeurs. Le
principal facteur lié à la création d'un milieu de travail
sans tabac était une proportion maximale de 10 % des
travailleurs qui fument. Les employeurs s'inquiétaient de
penes éventuelles de productivité à cause des « pauses
tabac » et craignaient en outre d'obligeT les travailleurs à
aller fumer dehors malgré les intempéries ou leurs ennuis
de santé. Des entrevues avec les fumeurs ont permis de
constater une acceptation générale des zones d'interdiction
du tabac dans les bureaux. Comme ces règlements et
d'autres sont essentiellement destinés à l'« autoapplication »,
il est essentiel d'informer le public et les entreprises de
la nécessité d'une loi et des exigences qu'elle énonce. Cest
pourquoi Toronto a chargé un agent d'information de sur-
veiller à plein temps ses programmes de communication
et d'éducation concernant les règlements de 1993.
21
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
Restaurants. Dans les restaurants, on relevait un taux
d'observation de 86 % du règlement relatif aux lieux
publics, mais le rapport Kendall (1994) a à redire contre
les sections « fumeurs » des restaurants qui occupent la
moitié de la superficie de l'établissement, parce que les
non-fumeurs se trouvent toujours exposés à de fortes
concentrations de FIA. À peine 4 % des restaurants inter-
disaient volontairement l'usage du tabac. On a eu de la
difficulté à faire observer par les restaurants le devoir
d'informer que leur impose le règlement.
La solution proposée aux problèmes d'inobservation con-
siste à convaincre les propriétaires de restaurants qu'ils ne
perdront pas d'achalandage et qu'il existe bel et bien une
clientèle qui apprécie un air non pollué dans les établisse-
ments de restauration (Kendall, 1994:59). Le rapport con-
clut en disant qu'une stratégie d'élimination complète du
tabac serait la meilleure façon de mettre fin à la FTA, dans
le cadre des restrictions. Il précise cependant que l'on doit
bien choisir le moment de la mise en application d'une
telle politique pour favoriser le plus possible le respect
de ses dispositions dans l'industrie de la restauration.
Interdiction envisagée de là FIA à Vancouver. Les pré-
paratifs des services de santé de Vancouver en vue de
l'application en janvier 1996 d'un règlement d'élimina-
tion complète du tabac à l'intérieur des immeubles
soulèvent aussi des questions d'observation (Municipalité
de Vancouver, 1994). Les dispositions feraient l'objet
d'une autoapplication, mais les services de santé ont pour
stratégie de consulter la population sur la meilleure façon
d'en venir à éliminer la FIA. Us prévoient en outre une
réalisation progressive pour qu'on ait le temps d'éduquer,
de faire accepter le règlement et de vaincre les résistances.
Les consultations publiques ont mis en évidence des points
de résistance et le non-respect éventuel de la loi. Des asso-
ciations représentant les salles de quilles, les pubs, les
cabarets, les hôtels, les casinos, les restaurants et les éta-
blissements de services alimentaires se sont opposées à
l'interdiction, craignant surtout les pertes d'achalandage.
Leur préférence idéologique va au « laissons le marché
décider » (Strategic Action Group, 1995). L'Union des
employés d'hôtel et des employés de restaurants a fait pan
de ses appréhensions au sujet de la santé de ses membres,
maig se disait opposé à une interdiction totale (Strategic
Action Group, 1995). Dans le cadre des consultations
publiques, un employé municipal a prétendu que la poli-
tique appliquée par la municipalité était enfreinte dans
les ateliers mécaniques. Il recommandait de renforcer
l'exécution en faisant remarquer que les travailleurs qui ne
fument pas hésitent à se plaindre, craignant les réactions
ou croyant que toute démarche serait vaine. Cette plainte
n'a probablement rien d'un incident isolé. Dans les
bureaux, les normes sociales favorisent probablement
davantage les non-fumeurs. Dans d'autres milieux de tra-
vail, et notamment en plein air, le cadre d'autoapplication
s'effondre, surtout si par leurs connaissances, leurs valeurs
et leurs comportements, les travailleurs ne jugent pas
prioritaire la promotion de la santé.
Facteurs sociologiques de l'observation. Comment expli-
quer le degré d'observation relativement élevé des restric-
tions contre l'usage du tabac au travail en Amérique du
Nord? Kagan et Skolnick (1993) soutiennent que les coûts
de l'observation sont bas, les dérogations sont difficiles
à dissimuler et ceux qui violent les régies ne peuvent
s'appuyer sur une sous-culture déviante de résistance à
l'imposition de règlements. Ils ajoutent que les valeurs
qui s'attachent au comportement d'usage du tabac ont
22
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
radicalement changé. Kagan et Skolnick (-1993:79) con-
cluent que, aux États-Unis, il n'y a eu rien de moins qu'une
transformation radicale des régies du civisme de l'usage du
tabac. Ils soutiennent que les traditions et les valeurs en ce
qui a trait à la santé de la société américaine ont transformé
le terme * cancérigène » — un mot tabou — en un atout
qui a permis (Kagan et Skolnick, 1993:84) aux non-fumeurs
d'affirmer leur droit à un air non pollué.
Des valeurs sociales sous-tendent aussi les différences
transnationales, voire interrégionales sur le plan de la
tolérance du tabagisme. Deux exemples mettront ce point
en relief. Quand la direction d'une succursale de la Hewlett-
Packard en France a tenté, par exemple, de restreindre
l'usage du tabac, un personnel en colère a menacé de barri-
cader les portes du restaurant de l'entreprise et d'ainsi en
interdire l'accès aux personnes grasses en disant que si de
telles personnes y mangeaient, ce serait mauvais pour leur
santé (Kagan et Skolnick, 1993:85). Ni la disponibilité de
données scientifiques imputant à la FTÀ.un risque accru
de morbidité et de mortalité, ni les interventions législa-
tives n'ont modifié les valeurs sous-jacentes à cette réac-
tion. Des différences « culturelles » semblables aident aussi
à expliquer les écarts de fréquence de l'usage du tabac au
Canada et la réceptivité aux règlements contre la FTA par
région, secteur d'activité, profession et lieu de travail.
Répercussions sur la fréquence de l'usage du tabac
Données des études démographiques. Il y a des indications
considérables que, en restreignant ou interdisant l'usage
du tabac dans les lieux de travail, on réduit la fréquence du
tabagisme et la consommation de cigarettes chez ceux
qui continuent à fumer. Lexamen d'études représentatives
indique cependant que ces gains restent modérés au mieux.
Le programme de lutte contre le tabagisme de la Californie
s'est révélé un grand succès (Pierce, Évans, Farkas et al.,
1994). La proportion d'établissements où le tabac a été
banni a presque doublé de 1990 à 1993 et l'exposition des
non-fumeurs à la FTA a fléchi du quart environ. Le main-
tien d'un milieu de travail sans tabac était lié à une baisse
globale de 14 % de la fréquence du tabagisme. Ladoption
d'une politique d'élimination du tabac en milieu de travail
faisait baisser de 10 % la consommation de cigarettes par
habitant Ce chiffre montait à 26 % en cas de maintien
de cette politique. De plus, ce maintien contribuait à aug-
menter les taux de renoncement avec le temps, surtout
chez les gens qui fumaient peu. Dans le cas des fumeurs
qui sont passés d'un milieu de travail sans tabac à un
établissement où les restrictions antitabagisme étaient
moindres de 1990 à 1992, la fréquence et la consommation
se sont accrues.
D'autres chercheurs calculent (à l'aide des données de
l'enquête californienne sur le tabac de 1990) que la con-
sommation de cigarettes chez les salariés qui travaillent à
l'intérieur est de 21 % inférieure à ce qu'elle serait s'il n'y
avait pas de restrictions (Woodruff, Rosbrook, Pierce et
Glantz, 1993). De plus, une analyse à plusieurs variables
a permis de constater que, après prise en compte des effets
de l'âge, de l'instruction, de l'ethnicité et du sexe, les tra-
vailleurs des établissements où le tabac était interdit dans
reïtftjniy zones étaient 1,15 fois plus susceptibles de fumer
que ceux des établissements où il était complètement pro-
scrit. Ce rapport était porté à 1 3 fois dans les établisse-
ments où les restrictions étaient plus faibles ou inexistantes
(Waodruff, Rosbrook, Pierce et Glantz, 1993:1489). Dans
l'État de Washington, on a aussi relevé des résultats sem-
blables des restrictions imposées par le législateur aux
fumeurs en milieu de travail (Kinne, Kristal, White et
23
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
Hunt, 1993). Cela semble indiquer que si les politiques
gagnent en sévérité, les taux de renoncement augmenter
ront, mais le profil transversal de ces enquêtes par sondage
empêche toute inférence d'ordre causal.
Dannies des études de cas d'employeurs. On peut trouver
d'autres données sur les bienfaits des interdictions du taba-
gisme dans des études de cas d'employeurs déterminés.
Dans l'évaluation faite par Millar (1988a, 1988c) des _
restrictions portant sur le tabagisme en 1986, Santé et
Bien-être social Canada a comparé les comportements
d'usage du tabac cinq mois avant l'adoption d'une poli-
tique et 13 mois après sa mise en application. Les tenta-
tives de renoncement au tabac étaient bien supérieures
à la moyenne nationale, mais 3 % seulement des fumeurs
avaient renoncé au tabac une année entière. Le taux
demeurait cependant environ le décuple du taux d'aban-
don une année de suite dans l'ensemble de la population
à ce moment-là. On relevait également une légère diminu-
tion du nombre de cigarettes fumées par jour, et une baisse
plus importante du nombre moyen de cigarettes consom-
mées au travail. Un volet clé de la politique était un pro-
gramme dit de désaccoutumance individuelle au tabac.
Environ 16 % des fumeurs inscrits aux cours prévus
parvenaient à cesser de fumer une année de suite, pro-
portion légèrement supérieure à celle que l'on relevait
pour l'ensemble des travailleurs qui fument.
Des études de cas récents corroborent ces constatations.
Dix-huit mois après l'entrée en vigueur d'une interdiction
totale du tabagisme à Telecom Australia, par exemple,
les fumeurs consommaient de trois à quatre cigarettes de
moins par jour ouvrable et le nombre de fumeurs avait
diminué dans une proportion environ double de celle
de la collectivité (Hocking, Borland, Owen et Kemp, 1991).
Dans cette étude, on a aussi voulu voir comment l'interdic-
tion influait sur le rendement au travail. On a pu voir que
75 % des travailleurs étudiés signalaient des effets positifs.
Ce sont surtout les fumeurs qui parlaient d'effets négatifs
à cause du temps qu'ils devaient prendre pour sortir s'ils
voulaient griller une cigarette.
Au cours d'une étude sur l'interdiction de fumer à l'Hôpital
Johns Hopkins de Baltimore, on a fait un sondage auprès
des employés six mois avant l'interdiction totale et six mois
après avoir appliqué l'interdiction (Stillman, Becker, Swank
et al, 1990). Les taux d'abandon du tabac variaient de 9 %
à 20 %, selon les paramètres d'évaluation utilisés. La con-
sommation de cigarettes quotidienne totale et au travail des
employés qui ont continué de fumer a diminué de 25 %.
Il est aussi intéressant de constater que l'analyse à variables
multiples a déterminé le nombre de cigarettes fumées
lors du sondage de base et le niveau d'instruction comme
variables prédictives indépendantes d'abandon pendant des
périodes de plus de trois mois. Cela signifie qu'en vérifiant
d'autres caractéristiques sociodémographiques et de l'em-
ploi, les fumeurs qui consomment moins de cigarettes et
qui ont un niveau d'instruction plus élevé étaient le plus
susceptibles d'abandonner lorsque la politique était appli-
quée. ^interdiction a été fermement soutenue par des acti-
vités d'abandon du tabac, de promotion de la santé et
d'éducation. Ces éléments, ajoutés à la conception de
l'étude selon la cohorte prospective, peuvent expliquer
en partie les résultats positifs.
En revanche, dans une étude aléatoire sur deux ans de
diverses restrictions antitabac dans 32 lieux de travail, les
auteurs (Jeffeiy. Kelder, Forster, French, Lando et Baxter,
1994) sont parvenus à des résultats « partagés ». Peu de
données longitudinales indiquaient que des politiques
24
Le tabagisme au travail : ttnjfi
restrictives (par[opposition à une absence de restrictions)
augmentaient les taux de renoncement. Toutefois, on obser-
vait chez les fumeurs des établissements qui adoptaient des
restrictions au cours de l'enquête une baisse de 10 % de
la consommation quotidienne de cigarettes. Les chercheurs
mettent en doute les avantages sanitaires obtenus. Dans
une autre étude sur le personnel hospitalier aux États-
Unis, on a pu voir que, cinq mois après l'entrée en vigueur
d'une interdiction totale de l'usage du tabac àlintérieur
des immeubles, la consommation de cigarettes par jour
ouvrable fléchissait, mais sans que s'élèvent les taux de
renoncement au tabac (Daughton, Andrews, Orona,
Patil et Rennard, 1992).
Répercussions des programmes de renoncement autabac
Avantages limités. Les estimations suggèrent qu'une
minorité importante d'employeurs subventionnent les
programmes d'abandon du tabac (Benowitz et Leistikow,
1994). 11étude de Santé et Bien-être Canada qui vient d'être
mentionnée suggère des avantages modestes à cet égard.
La recherche récente sur les répercussions des études
d'abandon du tabac a cependant eu des résultats mitigés.
Nous ne comprenons toujours pas bien ce qui constitue
un programme d'abandon efficace. Une méta-analyse de
20 études de programmes d'abandon du tabac au travail
a révélé un taux d'abandon moyen de 13 % après 12 mois
(Fisher, Glasgow et Teiboig, 1990). Les interventions réussies
étaient davantage intensives, utilisaient une combinaison
de temps de travail et de temps des employés et étaient
menées dans de plus petites organisations. Les taux d'aban-
don semblent plus élevés chez les grands fumeurs. Ces
éléments expliquent cependant uniquement en partie
l'écart de succès des programmes d'abandon.
tances» enjeux et stratégies
Évaluation de programmes particuliers. Des spécialistes
soutiennent que les lieux de travail n'ont pas encore réalisé
les taux élevés de renoncement au tabac qu'ils étaient
capables de faire naître (Hymowitz, Campbell, Feuerman,
1991:366). Un exemple de tentative d'accroissement
des taux de renoncement est le programme « Live for Life
Wellness » de Johnson & Johnson, qui crée des cliniques
de renoncement au tabac dans un cadre enrichi par des
activités d'éducation et de promotion sanitaires. Une éva-
luation sur trois ans de ce programme a pennis de cons-
tater que 31,6 % des fumeurs ayant fréquenté ces cliniques
ne fumaient plus et que la durée moyenne de cette renon-
cement au tabac était de 16 mois. Des chercheurs ont
comparé sous l'angle de l'efficacité les programmes collec-
tifs de renoncement menés dans un cadre enrichi (activités
d'éducation et de promotion sanitaires et politiques antitabac
en milieu de travail) aux autres programmes (sans mesures
d'appui) de même nature. Dans les six établissements de
cols blancs étudiés, 252 salariés ont participé à 23 séances
d'un programme de renoncement au tabac en trois ans.
Ce programme prévoyait huit séances successives de deux
heures et une brève séance de suivi. Le personnel médical
de la société a aménagé des salles d'attente pour faciliter
l'abandon du tabac et a donné des conseils de renonce-
ment aux fumeurs. Il y a aussi eu de vastes activités
d'éducation sanitaire. Certains des établissements en cause
étaient dotés d'une politique complète antitabagisme.
D'après les résultats, si les taux de renoncement avec per-
sévérance étaient impressionnants chez tous les participants
du programme (20 % ne fumaient plus 12 mois après la
séance qu'ils avaient suivie), on ne relevait aucune diffé-
rence de taille entre les établissements sans restrictions
antitabagisme et les autres. On ne sait au juste si des
25
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
facteurs organisationnels ou des variations dans l'exécu-
tion des programmes de renoncement (compétences des
animateurs, par exemple) peuvent expliquer ces différences.
D'autres évaluations de programmes de renoncement au
tabac montrent qu'ils n'ont guère d'effets positifs sur les
comportements de renoncement (Sorensen, Rigotti, Rosen,
Pinney et Prible, 1991). Certaines constatations suggèrent
que la réduction du tabagisme après l'application de restric-
tions de l'usage du tabac est de courte durée (Hudzinski
et Sirois, 1994). La conception de l'intervention est pri-
mordiale et il faut l'adapter à l'organisation en particulier
(Lichtenstein et Glasgow, 1992:523). Dans une étude de
trois usines chimiques, on est parvenu à la conclusion
qu'un programme complet (appelé SmokeFree) de renon-
cement, d'incitations à renoncer et de lutte contre le
tabagisme est plus efficace que de simples programmes
d'abandon (Dawley, Dawley, Glasgow, Rice et Correa, 1993).
Dans cette étude, il y avait des cols bleus dont les taux de
renoncement étaient élevés dans le programme complet,
d'où l'idée que des efforts encore plus concertés s'imposent
si l'on veut encourager ce groupe à renoncer au tabac
tiéperajss^si/rfaconsc^^ et l'accoutumance
Consommation hors des heures de travail Une autre
question liée est celle de l'incidence des restrictions de
l'usage du tabac sur la consommation de cigarettes hors des
heures de travail. Dans une étude, on a relevé le nombre
de rigaiyttpg fumées les jours de travail et les jours de
congé pour découvrir qu'une interdiction totale ou partielle
amenait les fumeurs à fumer cinq cigarettes de moins par
jour sans qu'apparemment ils soient portés à se reprendre
les jours de congé (Wakefield, Wilson, Owen, Esterman
et Roberts, 1992).
Dans une autre étude, un petit groupe de fumeurs (au
nombre de 34) dans un centre médical où l'usage du tabac
était interdit a été comparé à un groupe témoin de fumeurs
d'un établissement n'ayant pas de restrictions de l'usage du
tabac. On a eu recours à des examens physiologiques pour
mesurer le degré de consommation et l'exposition toxique
(Brigham, Gross, Stitzer et Felch, 1994). La principale
constatation a été que les. fumeurs ne compensaient pas
leur baisse de consommation d'un paquet par semaine en
fumant davantage en dehors du travail ou en faisant une
consommation plus intensive de cigarettes. Toutefois,
les avantages pour la santé demeuraient restreints dans
l'ensemble, car la réduction des concentrations de nicotine
chez les fumeurs dans l'établissement où le tabac était
interdit n'était pas statistiquement significative.
Accoutumance au tabac. On en sait beaucoup moins au
sujet du rôle des restrictions et interdictions du tabagisme
sur l'accoutumance au tabac. La question est primordiale
dang les industries employant une forte proportion de
jeunes : établissements de restauration rapide, magasins
de détail et autres entreprises de services de consomma-
tion. Selon Bums, Axelrad, Bal et al. (1992:516), la grande
proportion de fumeurs à consommation régulière ou à
toxicodépendance à l'âge de l'entrée sur le marché du
travail soulève des questions au sujet de l'incidence de la
socialisation dans la main-d'oeuvre et des valeurs sociales
liées au tabagisme professionnel sur l'imitation du com-
portement des fumeurs et le développement d'une dépen-
dance à l'égard de la nicotine. Ces questions pourraient jeter
un nouvel éclairage sur la responsabilité qu'a l'employeur
de créer un milieu de travail sain et sûr. S'il y a là de
quoi confirmer l'utilité d'une interdiction du tabac dans
les branches d'activité qui emploient beaucoup dejeunes.
26
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
il faudra des données scientifiques pour bien établir le
lien entre l'interdiction du tabagisme en milieu de travail
et l'accoutumance au tabac chez les jeunes.
Influences professionnelles, la plupart des grandes études
de cas consacrées aux effets des interdictions ou des
restrictions de l'usage du ubac en milieu de travail sur le
comportement des fumeurs se sont limitées aux adminis-
trations publiques, aux grandes sociétés et au secteur de la
santé. Comme la majorité des travailleurs de ces secteurs
sont des cols blancs, on connaît moins les effets des restric-
tions de l'usage, du tabac professionnel sur les cols bleus
(Wakefield, Wilson, Owen, Esterman et Roberts, 1992:693).
Des recherches faites en Australie au sujet de l'incidence de
ces restrictions sur la consommation de cigarettes dans un
échantillon représentatif de la population adulte ont permis
de constater que les travailleurs qui ne subissaient pas
de restrictions de ce genre étaient généralement des
fumeurs de sexe masculin appartenant à des professions
de rang inférieur (Wakefield, Wilson, Owen, Esterman
et Roberts, 1992:695).
Les facteurs professionnels influent également sur les pos-
sibilités de renoncement au tabac par un travailleur après
l'application d'une interdiction du tabagisme en milieu de
travail. Borland, Owen, Hill et Schofield (1991) signalent
que, si un certain nombre d'études ont démontré qu'une
interdiction amenait une réduction de la consommation de
cigarettes paT jour ouvrable, on dispose de moins d'indica-
tions au sujet des conséquences d'une interdiction sur le
plan de la renoncement au tabac. Ces chercheurs utilisent
un modèle à deux degrés (tentative de renoncer au tabac
et maintien des efforts) qui combinent des variables cogni-
rives, comportementales et environnementales. D'après
les résultats, le désir de ne plus fumer et le sentiment
d'efficacité personnelle sont étroitement liés aux efforts
de renoncement au tabac et le degré de force de l'habitude
serait le meilleur indice de succès avec le soutien social
et un degré supérieur d'instruction. Tous ces faaeurs
s'entremêlent avec les conditions professionnelles, d'où la
suggestion des chercheurs de faire porter les futures acti-
vités de lutte contre le tabagisme et les recherches qui les
accompagnent sur les cols bleus. Sur un plan plus général,
ils recommandent d'examiner en priorité dans les futures
é t u d e s sur la renoncement au tabac la persévérance chez
ceux qui tentent de ne plus fumer.
Appui public des restrictions de l'usage du tabac en milieu de travail
La vaste majorité des Canadiens d'âge adulte (90 %) jugent
le tabac préjudiciable à la santé des fumeurs et des non-
fumeurs (Santé Canada, 1994). Ajoutons qu'il ne fiait
aucun doute que la population appuie les restrictions
imposées par le législateur aux fumeurs.
Ainsi, dans un sondage Angus Reid en 1995 dans la région
métropolitaine de Vancouver, on a constaté que 66 % des
personnes sondées étaient pour un règlement municipal
interdisant de fumer à l'intérieur des immeubles partout
dans cette région; 79 % des non-fumeurs étaient d'accord
contre 30 % seulement des fumeurs. Les plus grands défen-
seurs de la réglementation étaient les gens plus instruits et
ayant des enfants à la maison (Angus Reid Group, 1995).
Un sondage de 1991 auprès des Ontariens fait voir un
appui majoritaire, que les gens fument ou non, de l'adoption
et de l'application de restrictions de l'usage du tabac par
les administrations locales (Ashley, Bull et Pederson, 1994).
27
Le tabagisme au travail : ttnjfitances» enjeux et stratégies « Toutefois, seuls 35,8 % des fumeurs et 14,2 % des non-
fumeurs convenaient que le tabac devrait être interdit en
milieu de travail. Fait intéressant, des proportions à peu
prés semblables étaient pour une interdiction ' totale de
l'usage du tabac dans les restaurants (proportions respec-
tives de 35,9 % et 9,9 %). Pour ce qui est des interdictions
du même ordre dans les lieux de travail et les restaurants,
le degré d'appui es. bien inférieur aux taux de 85 % ou 90 %
que l'on relève dans le cas des autobus municipaux, des
cabinets de médecin et des garderies. La grande majorité
(72,5 %) des fumeurs ont dit qu'ils s'en tiendraient aux
règles; 12 % seulement feraient fi des interdictions.
Conséquences sur le plan des politiques de la lutte contre
la FIA. Ces constatations ont fait conclure aux chercheurs
que l'exécution des restrictions ne devrait pas poser de
sérieux problèmes et que la population met la responsabi-
lité de l'adoption et de l'application de restrictions dans
les administrations locales. Ce qui intéresse le plus notre
propos — bien que nous devions garder à l'esprit que
l'étude a eu lieu il y a quatre ans et que les attitudes ont pu
évoluer (p. ex., Pederson, Bull, Ashley et Kozma, 1992) —
c'est la constatation d'un faible degré d'appui des restrictions
dans les lieux de travail et les restaurants.
Variations sodtH/émographiques des attitudes
et des connaissances
Une autre question qui ressort nettement est celle de la
variation considérable des connaissances, des attitudes
et de l'observation des règlements antitabagisme selon la
situation socio-économique et les caractéristiques du taba-
gisme. La situation socio-économique des fumeurs a des
répercussions sur le degré de leur opposition aux restric-
tions de l'usage du tabac. N'oublions pas que le tabagisme
est le plus fréquent dans les groupes socio-démographiques
les plus bas (la situation socio-démographique étant mesurée
par la profession, l'instruction et le revenu). De même,
des recherches d'opinion en la matière (p. ex., Krahn
et van Roosmalen, 1991, Pederson, Wanklin, Bull et
Ashley, 1991, Makkai, McAllister et Goodin, 1994) ont
permis de constater que les groupes socio-économiques
inférieurs étaient ceux qui connaissaient le moins les
effets sanitaires du tabagisme et qu'ils appuyaient moins
les restrictions antitabac.
Dans une étude ontarienne, on a découvert que les
fumeurs qui étaient le moins susceptibles d'appuyer de
telle* restrictions étaient plus jeunes, connaissaient moins
les répercussions sanitaires de l'usage du tabac, n'étaient
généralement pas mariés, avaient moins l'habitude de
fréquenter l'Église régulièrement et présentaient une plus
grande accoutumance au tabac (Pederson, Wanklin, Bull
et Ashley, 1991:106). Il y a lieu de croire que différents
facteurs influent sur les attitudes, les connaissances et les
comportements particuliers des fumeurs à l'égard du taba-
gisme (Pederson, Bull, Ashley et Lefcoe, 1989a, 1989b).
U est néanmoins évident que les programmes actuels d'infor-
mation sur la FTA ont probablement un effet infime là où
ils sont le plus nécessaires, ce qui est l'étemel problème
des campagnes d'éducation sanitaire (Makkai, McAllister
et Goodin, 1994:425; voir aussi Bull, Pederson et
Ashley, 1994:104).
Conséquences sur le plan des politiques de la lutte contre
la FIA. Sur le plan des mesures législatives, ces recherches
font voir l'intérêt d'une démarche « de bas en haut » où
les indications fournies par les fumeurs sur l'acceptabilité
de lois envisagées servent à planifier des campagnes
d'éducation à leur intention (Pederson, Winklin, Bull
et Ashley, 1991:109-10).
28
Le tabagisme au travail : fiAnces, enjeux et stratégl
Points de vue syndicaux sur la FTA
Enjeux généraux. La position de base des syndicats à
l'égard du tabagisme en milieu de travail a peu évolué
depuis cinq ans, ce que confirment des entretiens télé-
phoniques récents avec six dirigeants syndicaux. Le prin-
cipal argument présenté dans Lowe et Neale (1992) était
le suivant : bien qu'ayant joué un rôle primordial dans les
mesures législatives prises au fédéral, les syndicats cana-
diens de fonctionnaires ne voient pas en dernière analyse
la FTA comme une question hautement prioritaire. Maints
syndicats préféreraient en réalité que l'on s'occupe de cette
question par des politiques d'employeurs ou des lois dans
la mesure où on les consulte pleinement et qu'on ne nuit
pas aux intérêts de leurs membres qui fument. En particu-
lier, les syndicats industriels rie voient pas d'un bon oeil
la prédisposition des employeurs et des gouvernements
à distinguer le tabagisme des travailleurs alors même
que l'exposition à d'autres dangers en milieu de travail
représente un risque plus immédiat.
Le Congrès du Travail du Canada, qui est l'organisme
national de regroupement de syndicats, a exprimé
deux soucis concernant la FTA. Il a d'abord dit que les
différences de restrictions antitabac relevées dans tout le
pays appellent l'établissement de normes nationales. Il autre
préoccupation porte sur l'exposition des travailleurs à la
FTA dans l'industrie de l'accueil. Il aimerait que l'on lie
la grande question de santé publique que constitue la FIA
à un souci plus général des polluants qui existent en
milieu de travail:
Importants syndicats industriels. Deux importants syndi-
cats industriels, à savoir les Travailleurs canadiens de
l'automobile (TCA) et les Métallurgistes Unis d'Amérique
(MUA), représentent de plus en plus les travailleurs du
secteur des services. Le syndicat des TCA est très inquiet
du haut degré d'exposition à la FIA chez ses membres
dans l'industrie de l'accueil. En fait, la question a tenu une
grande place dans la grève de 1994 au casino de Windsor.
On interdisait au personnel du casino de fumer au travail,
alors qu'il respirait déjà toute la FIA des clients de l'éta-
blissement. Les travailleurs ont cherché à négocier une
amélioration de la ventilation, la création d'une zone
désignée pour fumeurs et un droit de regard direct dans
l'aménagement du nouveau casino pour qu'on y prévoie
des installations modernes de ventilation. Le syndicat des
TCA a collaboré étroitement avec des organismes de santé
publique comme la Société canadienne du cancer à l'édu-
cation des syndiqués et se sert de la documentation pro-
duite par l'Association pour les droits des non-fumeurs.
11 ne peut cependant se joindre officiellement à ces orga-
nismes à cause de ses politiques internes, c'est-à-dire
du risque de s'aliéner ses membres qui fument.
Le syndicat des MUA n'a que récemment commencé à
voir dans la FTA un problème de santé pour ses membres.
Si ce syndicat dispose d'une politique sur l'usage du tabac
pour ses bureaux et ses assemblées, il n'a pas mené de
campagne antitabagisme parmi ses membres. S'il ne l'a pas
fait, c'est simplement que trop de ses syndiqués fument
et que trop de ces fumeurs (notamment les mineurs et les
travailleurs de fonderie) font également face à de graves
risques d'hygiène du travail. Un de ses représentants en a
donné deux exemples. Si l'employeur s'avisait d'imposer
une interdiction de fumer aux travailleurs de fonderie dont
le taux d'exposition au plomb dépasse déjà nettement les
niveaux admissibles, on réagirait tout simplement en disant :
« Tiens, quelle sollicitude que de vouloir qu'on arrête
de fumer! » Un récent rapport du ministère du Travail de
l'Ontario a recommandé de suivre les travailleurs des
29
Le tabagisme au travail : tt njfitances» enjeux et stratégies
mines d'uranium et de les inciter à cesser de fumer alors
que le syndicat pense que le problème chronique dont
souffrent ces travailleurs est l'exposition au radon et à
l'uranium. Cependant, les MUA ne se sont pas opposés
aux tentatives des employeurs de se doter de politiques
sur l'usage du tabac.
Syndicats du secteur de l'accueil Les discussions avec les
deux syndicats qui représentent depuis longtemps les tra-
vailleurs des hôtels, des restaurants et des bars n'ont pas
livré des points de vue aussi encourageants. Les représen-
tants de l'Union des employés d'hôtel et des employés de
restaurants (EHER) et du Syndicat des travailleurs unis de
l'alimentation et du commerce (TUAC) se sont dits d'avis
que l'exposition à la FIA n'était pas un problème pour
leurs membres. Un représentant des TUAC reconnaissait
les risques sanitaires de la FIA, mais dans l'organisation
décentralisée de ce syndicat, les sections locales considé-
rablement autonomes n'avaient pas encore soulevé de
questions au sujet de ce tabagisme.
Les EHER s'opposent aux règlements proposés d'interdic-
tion totale de la fumée à Vancouver (Groupe d'action
stratégique, 1995). Les représentants du Service de la santé
de Vancouver ont admis que l'engagement du syndicat
dans le processus de consultation publique était décevant.
Dans le seul document du syndicat présenté pour les con-
sultations publiques, le syndicat des EHER exprime son
opposition parce qu'il se préoccupe des emplois de ses
membres, affirmant que l'interdiction serait mauvaise pour
les affaires (Groupe d'action stratégique, 1995). Il a aussi
remarqué que de nombreux clients sont des tourismes
dont il faut respecter les différences culturelles (c.-à-d. la
préférence pour le tabac). Le syndicat affirme que ses
membres pourraient avoir à appliquer l'interdiction de
fumer au nom de la direction. Le syndicat propose que l'on
affiche en évidence des indications sur les endroits réservés
aux fumeurs et que l'on utilise la « technologie » afin de
minimiser l'exposition des non-fumeurs à la FTA. La FTA
ne semble pas être un problème ailleurs pour les EHER. Le
président de la section albertaine de ce syndicat a répondu
ainsi à une question au sujet de la FIA : « Nous sommes
tous fumeurs ici... c'est une question de liberté de choix :
à nous de décider de fumer ou non. »
Conséquences sur le plan des politiques de la lutte contre
la FIA. À mesure qu'ils se diversifieront dans le secteur
des services, l'un et l'autre de ces grands syndicats indus-
triels pourraient y jouer un rôle dans la réduction des taux
de tpHEgiymg et de l'exposition à la FTA. Des syndicats tra-
ditionnels du secteur de l'accueil comme ceux des TUAC
et des EHER hésiteront à participer à des initiatives de lutte
contre le tabagisme. Il demeure cependant important que
les responsables des politiques comprennent les positions
de chaque syndicat au sujet de la FTA et reconnaissent la
nécessité de trouver un juste milieu entre les intérêts des
non-fumeurs et ceux des fumeurs parmi leurs membres.
11 est fort improbable que la FTA en vienne jamais à consti-
tuer pour les syndicats la question de taille qu'il représente
pour les artisans des politiques de santé publique.
Coûts et avantages économiques des restrictions de l'usage du tabac en milieu de travail
Malgré l'accent mis de tout temps par les employeurs sur
les « résultats », en réalité la plupart de ceux qui se dotent
de politiques antitabagisme se disent animés par le souci
de protéger la santé de leurs travailleurs (Douville, 1990:106).
Cela vaut peut-être plus pour les organismes qui s'impo-
sent volontairement des restrictions de l'usage du tabac.
30
Le t a b a g i s m e au travail : ri ces. e n j e u x e t s t r a t é g i e s
11 est sûr que l'opposition des employeurs à des restric-
tions émanant du législateur a d'abord sa source dans
des considérations économiques. I i
Coût de pièces pour fumeurs à ventilation distincte
Ceux qui s'opposent aux exigences de ventilation distincte
font valoir qu'une telle installation est coûteuse pour
les petits employeurs et que, dans les restaurants et les
bars, le personnel n'aura pas un meilleur son pour autant
(Campagne ontarienne d'action contre le tabac, 1995:9).
Sur un plan plus général, certains spécialistes soutiennent
que la création de pièces désignées pour fumeurs va à
l'encontre des objectifs de la politique de santé publique,
est coûteuse, ne profite qu'aux fumeurs et pourrait donner
lieu à des poursuites en responsabilité civile puisque
l'employeur aura créé un milieu dangereux (Hocking,
Borland, Owen et Kemp, 1991).
Risque de cancer accru. Un argument solide contre les
pièces pour fumeurs à ventilation distincte vient de Siegel,
Husten, Merritt, Giovino et Eriksen (1995), qui jugent que
ces pièces accroissent largement les risques de mortalité
par cancer du poumon chez les fumeurs. En d'autres
termes, une interdiction totale du tabac prévient une foule
de décès hâtifs de fumeurs. Les chercheurs font remarquer
que les recherches sur les effets possibles de la FIA sur la
santé des fumeurs et sur le degré réel d'exposition dans les
salles pour fumeurs demeurent restreintes. On ne sait au
juste, par exemple, si les risques accrus de cancer qu'ils
calculent tiennent à l'exposition à la FIA dans les pièces
pour fumeurs où à une plus grande fréquence du taba-
gisme. Il est toutefois improbable que les employeurs se
laissent pour la plupart convaincre par les implications
économiques de cet argument.
Éléments sociopsychologiques. Les sociopsychologues
voient des avantages possibles dans les pièces pour
fumeurs, bien que leur argumentation puisse servir à
appuyer des interdictions totales. Un examen des études
psychologiques consacrées à l'interaction fumeur-non -
fumeur permet de conclure que ces groupes se perçoivent
négativement l'un l'autre et que cela influe sur le rendement
des non-fumeurs au travail. Ceux-ci.ont des stéréotypes
négatifs des fumeurs, sont déprimés et moins productifs en
présence de fumeurs, sont plus agressifs à leur endroit, ont
tendance à aider moins les fumeurs que les non-fumeurs
et tiennent plus les personnes qui fument à distance dans
leurs relations avec autrui (Gibson, 1994:1082).
Traitement différent des fumeurs
Questions du droit du travaÛ aux É.-U. Les études améri-
caines en droit du travail ont récemment attiré l'attention
sur deux questions apparentées, celle de la discrimination
dont usent les employeurs à l'égard des fumeurs dans les
décisions d'embauchage et de renvoi, et celle des primes
différentes d'assurance maladie et vie dans le cas des
fumeurs (Sculco, 1992, Short, 1992, Slade, 1993, Warner,
1994). Certaines de ces politiques ont eu une publicité
considérable. On peut songer, par exemple, à la politique
d'interdiction du tabac en dehors des heures de service et
d'embauchage exclusif de non-fumeurs de la société Turner
Broadcasting System (Business Vfeek, 1991). En réaction,
le législateur a adopté, dans la moitié des États américains,
des lois sur les droits des fumeurs qui interdisent aux
employeurs de refuser d'embaucher des fumeurs ou d'agir
contre les travailleurs qui fument en dehors des heures
de service. Ces contre-mesures sont, bien sûr, activement
appuyées par l'industrie du tabac (Vaughn, 1992,
Slade, 1993).
31
Le t a b a g i s m e au travail : ttnjf itances» enjeux e t stratégies
Il y a un débat animé chez ceux qui se demandent si de
telles politiques ne constituent pas une atteinte flagrante
aux droits des fumeurs et une forme de discrimination.
D'une part, les défenseurs des libertés civiles et les syndi-
cats voient dans ces tentatives des employeurs de dicter les
comportements individuels un acte de discrimination et
d'atteinte à la vie privée. Ils signalent que le tabagisme n'a
rien d'illicite et que les travailleurs ont une toxicodépen-
dance. À l'opposé, certains chercheurs disent que de telles
mesures sont seulement de la bonne politique sociale
CWamer, 1994:137). Oublions pour l'instant les principes
juridiques et éthiques qui entrent en jeu et intéressons-
nous pour notre propos à la justification économique
de l'adoption de telles politiques. Il semble que l'analyse
économique des employeurs les amène à conclure qu'un
travailleur qui fume est synonyme de coûts plus élevés.
fumeurs malades (Sculco, 1992:883). D'après des estima-
tions du Congressional Office of Technology Assessment,
chacun des quelque 15 millions de fumeurs aux États-Unis
coûte à son employeur de 2 000 $ à 5 000 $ tous les ans
en primes majorées d'assurance maladie et incendie, en
absentéisme, en pertes de productivité et en dommages
à la propriété (Warner, 1994:130). ^interdiction de fumer à
l'intérieur en milieu de travail qu'envisage l'OSHA a l'appui
de la Building Owners' and Managers' Association, qui
tient le tabagisme pour la principale cause des incendies
d'immeubles de bureaux. Des données nationales pour les
États-Unis indiquent que les fumeurs, hommes et femmes,
ont des taux d'absentéisme supérieurs à ceux des non-
fumeurs, sont plus malades et ont besoin de plus de ser-
vices médicaux (Rice, Hodgson, Sinsheimer, Browner
et Kopstein, 1986).
Poursuites en justice. Obéissant à la même logique, des
employeurs privés américains appliquent volontairement
des interdictions du tabagisme en vue d'éviter les pour-
suites en justice de non-fumeurs à leur service qui deman-
deraient réparation du tort causé à leur santé par une
exposition à la FIA. Cest là un thème dans les études du
droit du travail, mais il est difficile de voir à quel point
cette question occupe réellement les esprits (Bowers, 1992,
voir Vaughn, 1992).
Avantages économiques
Coûts du tabagisme. Voici des exemples du coût pour
les employeurs des fumeurs dans leur personnel Dow
rhpmirfll Co. a découvert qu'une de ses divisions perdait
environ 600 000 $ tous les ans à cause de l'absentéisme de
Analyse des coûts-avantages. Les gouvernements canadien
et américain ont procédé à une analyse coûts-avantages
des lois fédérales antitabagisme. Dans le résumé d'analyse
d'impact de la réglementation qu'a établi Travail Canada
pour la Loi fédérale sur la santé des non-fumeurs, on
estime à 32,2 millions de dollars (1989) les économies
d'une réduction du tabagisme avec ce qui l'accompagne :
dommages à la propriété, dépréciation, frais d'entretien
et de nettoyage et effets délétères de l'exposition à la FTA
(Gazette du Canada, 1989:4540). On a prévu que l'amé-
nagement de pièces pour fumeurs à ventilation distincte
coûterait 19,77 millions de dollars en 1990, première
année d'application de cette loi
32
Le t a b a g i s m e a u travail : ttnjf i t a n c e s » enjeux e t s t r a t é g i e s
Aux États-Unis, 1*EPA a évalué l'incidence de la loi envi- .
sagée sur un « environnement sans tabac » (Agence de
protection environnementale, 1994). Ce projet de loi
interdirait ou restreindrait l'usage du tabac à l'intérieur de
tous les immeubles sauf les résidences. La principale con-
clusion de l'analyse coûts-avantages est que ces mesures
législatives rapporteraient de 39 à 72 milliards de dollars
en valeur nette. Le rapport produit estime que, dans seule-
ment 10 % à 20: % des immeubles, on aménagerait des
salles séparées pour fumeurs, surtout à cause de questions
de coût et de faisabilité. Ces salles coûteraient de 0,3 à
0,7 milliard de dollars. Si l'étude n'a pas permis d'établir
scientifiquement que l'exposition à la FIA diminue la pro-
ductivité au travail, elle annonce une meilleure efficience
organisationnelle à cause de la diminution des conflits
entre fumeurs et non-fumeurs. Un absentéisme moindre
élèverait aussi la productivité par rapport à celle des non-
fumeurs, les fumeurs perdant environ la moitié plus de
journées de travail que ces derniers et les ex-fumeurs,
quelque 30 % de plus. Aucune de ces analyses coûts-
bénéfices n'évalue la qualité de vie meilleure à la suite
de la diminution du tabagisme ou de l'exposition des
non-fumeurs à la FEA
Répercussions des restrictions de l'usage du tabac
suriesreœttesdesrestaurantsetdesbars
Études américaines. Dans l'industrie de la restauration, si
on s'oppose à des mesures législatives antitabagisme, c'est
qu'on craint de perdre des clients. Peut-être l'étude la plus
complète des répercussions économiques des restrictions
antitabac sur le chiffre d'affaires des bars et des restaurants
est-elle celle de Glantz et Smith (1994). Ces auteurs ont
examiné 15 villes ayant pris des ordonnances d'interdiction
du tabac dans les restaurants et 15 municipalités semblables
où le contrôle de l'usage du tabac est libre. À l'aide des
relevés de taxe de vente produits à l'intention des autorités
des États de la Californie et du Colorado, ils ont calculé
deux rapports, à savoir le chiffre d'affaires des restaurants
en proportion de la valeur totale des ventes de détail, et
ce même chiffre d'affaires dans les municipalités où le taba-
gisme est interdit dans les restaurants et celles où il ne l'est
pas. Ils n'ont constaté aucune incidence statistiquement
significative des ordonnances locales d'interdiction du
tabac sur l'un et l'autre de ces rapports.
Ainsi, les ordonnances d'interdiction n'influaient en rien
sur les recettes. Ces données réfutent les arguments de
l'industrie du tabac qui, dans la campagne menée en vue
de la révocation d'une ordonnance semblable dans les
restaurants de Beverly Hills, avait évoqué une diminution
de 30 % de l'achalandage. Ces données sont corroborées
par Maroney, Sherwood et Stubblebine (1994) qui ont
examiné les données sur la taxe de vente dans 19 villes,
dont 10 appliquaient des restrictions partielles et neuf
interdisaient totalement l'usage du tabac.
Faits probants au Canada. La seule tentative canadienne
de jauger les répercussions des restrictions sur l'usage
du tabac dans les restaurants est l'évaluation faite par la
municipalité de Toronto de ses règlements de 1993. Celle-
ci a constaté que les sections « non-fumeurs » occupant la
moitié de la superficie des établissements (ce qui représente
une exigence minimale) n'avaient aucun effet négatif sur
l'achalandage des restaurants (Kendall, 1994). Dans cette
évaluation, on ne s'est pas attaché à d'autres coûts ou
avantages économiques.
33
Le t a b a g i s m e a u travail : ri ces. e n j e u x e t stratégies
Dans son rapport sur le règlement d'interdiction du tabac
à l'intérieur des immeubles, le médecin-hygiéniste en chef
de Vancouver soutient que les avantages de telles interdic-
tions dans les restaurants ont été soùs-estimés (Municipalité
de Vancouver, 1994:6). Les temps d'attente de la clientèle
diminueront si on fait disparaître les sections * fumeurs »,
les frais d'entretien baisseront et le personnel ne perdra pas
autant d'heures de travail à cause d'affections respiratoires.
Le rapport se contente d'énoncer ces points sans citer de
données à l'appui. 11 traite brièvement des effets environ-
nementaux et financiers du règlement, évoquant l'amélio-
ration de la santé et de la qualité de vie et une réduction
des coûts de la santé, de la responsabilité civile des
employeurs, de l'entretien et des risques d'incendie
dans les immeubles.
Dans une enquête menée en 1995 par Angus Reid auprès
des résidents de Victoria et de la basse région continentale
de Colombie-Britannique, on a abordé la question des
pertes éventuelles d'achalandage par suite de l'interdiction
du tabac dans les restaurants et les bars. On a constaté
que le règlement envisagé aurait en réalité pour effet d'aug-
menter l'achalandage : 22 % des clients fréquents ou occa-
sionnels prévoyaient aller plus souvent au restaurant et
13 % feraient le contraire. Le règlement n'influerait pas
sur la clientèle des débits de boissons et des établissements
de jeu. Une question à résoudre était celle de l'effet de
règlements moins exigeants adoptés dans les municipalités
voisines. Les auteurs de l'enquête ont vu que la plupart des
fumeurs ne voudraient pas se déplacer plus de 30 minutes
pour se donner la possibilité de fumer dans un bar
Conclusion et recommandations
Ayant fait le point sur les recherches consacrées aux restric-
tions de l'usage du tabac en milieu de travail et procédé à
une évaluation du régime actuel de réglementation, il nous
est possible de proposer des politiques pour l'avenir, ainsi
que des axes de recherche. Le Canada a eu beau faire des
progrès considérables dans la réduction de l'exposition à la
FTA dans les lieux de travail, les objectifs de la SNLT n'ont
été atteints que dans une poignée de branches d'activité et
de professions. Dans les professions de cols bleus et dans
de vastes pans du secteur des services, les taux de tabagisme
sont bien supérieurs à la moyenne. Les petites entreprises,
qui emploient la majorité des travailleurs canadiens, sont
moins touchées par la réglementation du tabagisme. Qui
plus est, l'interdiction totale de la FTA n'est pas encore le
mot d'ordre dans l'activité de réglementation. En général,
les travailleurs se conforment aux lois et politiques régis-
sant l'usage du tabac, mais pour réduire davantage l'expo-
sition à la FIA, il faudra des stratégies destinées à faire
respecter les règlements par les groupes encore rebelles.
Une stratégie concertée de réduction de la FTA doit
mobiliser les gouvernements, les employeurs, les syndicats
et les services de santé publique. Des normes minimales
uniformes sont tout aussi essentielles, et on devrait en
établir au niveau provincial. C'est toutefois à l'échelon
municipal que l'on peut aujourd'hui observer les plus
grands progrès dans l'élimination du tabac des lieux
de travail. Le recours à des lois renforcées sur la SST
pourrait constituer une bonne stratégie de réduction de
la FTA dans les milieux de travail où les travailleurs y
sont hautement exposés.
34
Le t a b a g i s m e a u travail : ri ces. e n j e u x e t s t r a t é g i e s
Recommandations de recherche i
1. Il faudrait que l'on analyse plus à fond les tendances
industrielles et professionnelles du tabagisme. On
devrait essayer d'établir le lien entre la fréquence du
tabagisme et l'exposition des travailleurs à d'autres
dangers professionnels pour la santé.
5. Les différences entre les provinces et entre la ville
et la campagne des politiques de lutte contre la FTA en
milieu de travail traduisent-elles tout simplement des
variations de cadre de réglementation ou y a-t-il des
facteurs socio-économiques plus complexes qui entrent
enjeu?
2. 11 nous faut mieux comprendre pourquoi un certain
nombre de professions de cols bleus et de professions
du secteur des services présentent de hauts taux de
tabagisme. Quels sont les éléments de corrélation socio-
démographiques et comment les caractéristiques oiga-
nisationnelles et culturelles des milieux de travail en
cause rènforcènt-elles le comportement d'usage du
tabac? Il peut'aussi être utile d'examiner pourquoi la
majorité des travailleurs dans ces métiers ne fument
pas et si les conditions du milieu de travail ont eu
des répercussions sur la décision des anciens fumeurs
d'abandonner l'usage du tabac.
I 3. Nous ignorons à peu près tout de la façon dont les
caractéristiques des petites entreprises rendent le taba-
gisme plus fréquent chez les travailleurs de ces éta-
blissements. De plus, si on étudiait les conditions où
les petites entreprises parviennent à éliminer le tabac,
on pourrait mieux concevoir des stratégies efficaces
d'intervention pour ce secteur.
4. Pourquoi le tabagisme est-il le plus fréquent chez les
travailleuses du Québec par rapport aux travailleurs
ou aux travailleuses des autres provinces?
6. À mesure que les municipalités canadiennes se dotent
de politiques d'interdiction totale du tabac.dans les
restaurants et les bars,, il est essentiel d'évaluer systéma-
tiquement l'inddence économique de cette adoption,
d'où la nécessité de créer des programmes de recherche-
évaluation avant même que de tels règlements ne voient
le jour.
7. Quelles sont les conséquences de la progression du
télétravail sur les tendances de l'exposition à la FIA?
Les fumeurs fumeront-ils davantage à la maison?
6. Les recherches sur les effets des programmes dits de
renoncement au tabac sont peu concluantes. On devrait
surveiller les établissements canadiens qui appliquent
une diversité de programmes pour voir quels sont les
ingrédients qui favorisent le plus le maintien des taux
de renoncement au tabac.
Recommandations de politiques
1. Il faut des normes minimales fédérales et provinciales
pour l'exposition à la fumée de tabac ambiante.
2. Les lois nouvelles ou modifiées devraient viser à une
définition complète et cohérente des lieux de travail.
35
Le t a b a g i s m e au travail :
3. -11 faut précisément encourager les autorités municipales
qui interdisent totalement l'usage du tabac en milieu
de travail à s'occuper de tous les lieux de travail, et
notamment des établissements du secteur de l'accueil
et du tourisme.
4. 11 faut renforcer le régime d'« autoapplication » qui
caractérise la plupart des restrictions canadiennes de
l'usage du tabac, Lopinion publique et les contraintes
financières des gouvernements militent contre l'instau-
ration d'un cadre de réglementation appliqué par
l'État. 11 est donc essentiel de voir comment on peut
améliorer l'autoapplication pour assurer rentier respect
des règlements.
5. ^industrie de l'accueil et du tourisme résiste à la régle-
mentation du tabac parce qu'elle craint de perdre de
l'achalandage. U faut apaiser ces inquiétudes,par des
campagnes d'information et des consultations (en
sachant, bien sûr, que l'industrie du tabac appuie
directement cette opposition).
art ces, e n j e u x e t s t r a t é g i e s
6. Les campagnes d'éducation et d'information ont aidé
à convaincre une grande majorité de Canadiens que
là FIA représente un grave danger pour la santé. Les "
futures campagnes devront aller plus loin et s'adresser
au fumeur invétéré — celui qui fume beaucoup
(Mecklenburg, 1994:11). Ils sont le plus susceptible
de résister aux restrictions de l'usage du tabac dans
les lieux de travail.
7. Les syndicats sont des alliés possibles, quoiqu'ils
demeurent à l'arrière-plan, dans la réalisation des
objectifs de la SNLT. On peut cependant douter qu'ils
acceptent une intervention qui porte seulement sur la
FTA. Ils verraient mieux des stratégies plus larges où
ce tabagisme ne serait qu'un des nombreux risques
professionnels pour la santé auxquels on s'attaque.
8. Les lois sur la santé et la sécurité au travail peuvent
permettre de combattre la FIA, mais il faudra une
analyse soignée de leurs limites et des conséquences
sur le plan de la réglementation de la FIA. Les régimes
d'indemnisation des accidentés du travail sont une autre
voie réglementaire dans la lutte contre la FTA. Là encore,
les lacunes et les différences provinciales actuelles pour-
raient nuire à l'adoption de politiques dans ce secteur.
5 0
36
noes, e n j e u x e t s t r a t é g i e s Le t a b a g i s m e au travail :
l
(
Remerciements i Un certain nombre de personnes et d'organisations ont
apporté des contributions précieuses à ce document.
Margaret de Groh a analysé les données des figures et du
tableau. Sans son aide, il y aurait peu ou pas de données
dans le document. Des réviseurs de Santé Canada ont
offen des suggestions utiles sur la description détaillée
du document Dés participants à l'atelier ont fourni des
suggestions sur un projet du document au cours
d'une période de discussion très animée. Deux réviseurs
anonymes ont aussi suggéré des améliorations utiles.
Le Centre national de documentation sur le tabac et la santé
a beaucoup aidé en fournissant du matériel de recherche
que l'on ne trouve habituellement pas à la bibliothèque
de l'université. Edna Djokoto a contribué à la recherche
en bibliothèque. Chris Mowat a participé à la rédaction en
temps opportun. Des représentants de diverses organisa-
tions non gouvernementales de santé publique au Canada
et aux États-Unis, des administration municipales et des
syndicats ont donné leur temps sans compter, ainsi que
des publications. Nous prenons l'entière responsabilité
de toute erreur ou oubli.
37
Le t a b a g i s m e au travail : ri ces. enjeux e t stratégies
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