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Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1 1 CHAPITRE 1 : LES FONDEMENTS DE LA MONNAIE La nature de la monnaie : - Qu’est-ce que la monnaie ? (objet monétaire) - Qu’est-ce qu’une économie monétaire ? - Pourquoi les agents économiques accordent-ils une valeur à la monnaie ? Il existe plusieurs façons d’aborder ces problématiques, plusieurs manières d’étudier le phénomène monétaire car, la monnaie est une notion qui a plusieurs dimensions, plusieurs facettes qui conduisent à différentes approches [certaines sont en opposition et certaines se complètent]. Section 1 : L’approche fonctionnelle C’est l’approche la plus ancienne, elle remonte aux origines même de la pensée économique, on la trouve notamment chez ARISTOTE. On définit la monnaie par ce qu’elle fait, par les fonctions qu’elle assure. Cette conception de la monnaie est largement répandue et acceptée par les économistes aujourd’hui. On distingue 3 fonctions principales à la monnaie : - Unité de compte - Intermédiaire des échanges [la fonction la plus importante] - Réserve de valeur Cette approche tend à considérer la monnaie comme un bien économique (≠ bien libre), utile pour l’activité humaine, qui répond à un besoin des agents économiques. On dit que la monnaie rend des services. Ralf HAWTREY [Anglais, Cambridge] (1879-1975), La circulation monétaire et le crédit (1935) : « La notion de monnaie comme celle de la cuillère à thé ou du parapluie mais contrairement à celle du tremblement de terre ou du bouton d’or, appartient à un groupe de notions qui se définissent avant tout par la fonction ou le but que chacun se propose ». F. WALKER [Anglais] : « Money is that money does ». 1.1 La fonction d’unité compte On qualifie également cette fonction de fonction de mesure de valeur ou d’étalon de valeur. Elle permet de comparer les grandeurs économiques entre elles. Chacune des grandeurs économiques qui sera évaluée ou exprimée avec cette unité, reçoit une valeur monétaire. Des trois fonctions de la monnaie, celle-ci est la plus abstraite. La valeur en unité de compte commune va faciliter l’établissement de contrats entre agents économiques et va permettre au

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Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

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CHAPITRE 1 : LES FONDEMENTS DE LA MONNAIE

La nature de la monnaie :

- Qu’est-ce que la monnaie ? (objet monétaire)

- Qu’est-ce qu’une économie monétaire ?

- Pourquoi les agents économiques accordent-ils une valeur à la monnaie ?

Il existe plusieurs façons d’aborder ces problématiques, plusieurs manières d’étudier le phénomène

monétaire car, la monnaie est une notion qui a plusieurs dimensions, plusieurs facettes qui

conduisent à différentes approches [certaines sont en opposition et certaines se complètent].

Section 1 : L’approche fonctionnelle

C’est l’approche la plus ancienne, elle remonte aux origines même de la pensée économique, on la

trouve notamment chez ARISTOTE. On définit la monnaie par ce qu’elle fait, par les fonctions qu’elle

assure. Cette conception de la monnaie est largement répandue et acceptée par les économistes

aujourd’hui.

On distingue 3 fonctions principales à la monnaie :

- Unité de compte

- Intermédiaire des échanges [la fonction la plus importante]

- Réserve de valeur

Cette approche tend à considérer la monnaie comme un bien économique (≠ bien libre), utile pour

l’activité humaine, qui répond à un besoin des agents économiques. On dit que la monnaie rend des

services.

Ralf HAWTREY [Anglais, Cambridge] (1879-1975), La circulation monétaire et le crédit (1935) :

« La notion de monnaie comme celle de la cuillère à thé ou du parapluie mais contrairement à celle

du tremblement de terre ou du bouton d’or, appartient à un groupe de notions qui se définissent

avant tout par la fonction ou le but que chacun se propose ».

F. WALKER [Anglais] : « Money is that money does ».

1.1 La fonction d’unité compte

On qualifie également cette fonction de fonction de mesure de valeur ou d’étalon de valeur. Elle

permet de comparer les grandeurs économiques entre elles. Chacune des grandeurs économiques

qui sera évaluée ou exprimée avec cette unité, reçoit une valeur monétaire.

Des trois fonctions de la monnaie, celle-ci est la plus abstraite. La valeur en unité de compte

commune va faciliter l’établissement de contrats entre agents économiques et va permettre au

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calcul économique de se développer et surtout de se simplifier en permettant le développement des

échanges.

On pourrait comparer l’unité de compte monétaire qu’on utilise en économie avec les unités de

mesures utilisées dans d’autres disciplines, telles que la physique (km). Il existe des différences entre

elles : en physique, ce sont des mesures stables alors qu’en économie, la valeur des biens n’est pas

stable (variante) car, l’économie est une science sociale, humaine donc, la valeur des biens y est

subjective : elle dépend en partie de l’appréciation des besoins en biens économiques (de l’utilité),

de la rareté, alors qu’en physique elle est objective (mesure poids).

[Monnaie : variation dans l’espace et dans le temps.+

L’intérêt de l’étalon des valeurs dans une économie apparait nettement si on compare un système

d’échange de biens avec cette unité, avec un système d’échange de biens sans cette unité de compte

une économie de troc : système où tous les biens peuvent s’échanger contre tous les biens.

L’existence d’un étalon de valeur dans une économie va simplifier le calcul économique et

notamment le système des prix.

Application numérique :

Soit une économie de troc avec n biens économiques :

- Indexer les biens : i = 1, …, n.

- Tous les biens s’échangent contre tous les biens.

- Les agents économiques doivent connaître les rapports d’échange entre tous

les biens pris deux à deux = les prix relatifs.

Nombre de combinaisons possibles des biens pris deux à deux parmi n biens :

S’il y a n biens, il y a ∁𝒏𝟐 =

𝒏!

𝟐! 𝒏−𝟐 ! =

𝒏 𝒏−𝟏 𝒏−𝟐 …𝟐∗𝟏

𝟐∗𝟏∗ 𝒏−𝟐 𝒏−𝟑 …𝟐∗𝟏=

𝒏(𝒏−𝟏)

𝟐 prix relatifs.

Exemple :

Si n=100, ∁1002 =

100∗99

2 = 4950. Un échangeur doit connaître 4950 prix relatifs.

Si n=3, 3∗2∗1

2∗1∗1 = 3. Un échangeur doit connaître 3 prix relatifs :

Le rapport d’échange entre le bien 1 et le bien 2 (1 ; 2)

Le rapport d’échange entre le bien 1 et le bien 3 (1 ; 3)

Le rapport d’échange entre le bien 2 et le bien 3 (2 ; 3)

Désignons par P1/2, le prix du bien 1 exprimé en bien 2.

Admettons qu’une unité de bien 1 s’échange contre deux unité de bien 2, P1/2 = 2 et donc, le prix

relatif du bien 2 en bien 1 est P2/1 = 1

2 d’où

1

𝑃1/2 = P2/1 .

Le prix relatif P2/1 est l’inverse du prix relatif P1/2.

Admettons ensuite que P1/3=3 c’est-à-dire qu’une unité de bien 1 s’échange contre 3 unités du bien

3.

Comment déterminer le prix relatif P2/3 qui soit compatible, cohérant, avec les deux autres ?

P1/3=3 donc P3/1 = 1

3

1 unité du bien 2 vaut 1/2 unité du bien 1 => 1/2 unités du bien 2 vaut 1 unité du bien 1.

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1 unité du bien 1 vaut 3 unités du bien 3.

2 unité du bien 2 vaut 3 unités du bien 3 => 1 unité du bien 2 vaut 3/2 unités du bien 3

P2/3 = 3/2 et P3/2 = 2/3.

Remarque : On peut écrire d’une autre manière le prix du bien 2 exprimé en bien 3 :

P2/3 = 𝑝2/1

𝑝3/1 =

1/2

1/3 = 3/2. Autrement dit, le bien 1 sert d’unité de compte (référence dans l’évaluation

des biens).

Dans une économie où il y a n biens et dans laquelle on choisit un des biens comme unité de

comptes, les agents doivent connaître (n-1) prix (car 1 n est connu puisque c’est la base).

Ces prix exprimés en unités de comptes sont qualifiés de prix absolus (différent des prix relatifs) ou

de prix monétaire (de manière impropre). A partir de ces prix absolus, on peut déterminer les prix

relatifs (cf. remarque précédente).

Ex.: Si n=100 99 prix doivent être connus.

Economie de troc

L’introduction dans une économie d’une unité de compte permet de réduire considérablement la

quantité d’informations nécessaire aux agents économiques et donc de diminuer le coût des calculs

économiques pour chacun des agents. Et c’est cette économie informationnelle qui explique

l’apparition de l’unité de compte ou plutôt, les inconvénients du troc exigent qu’une unité de compte

soit choisie par les agents pour faciliter leurs échanges.

Remarque : Lorsque qu’une marchandise ou un bien particulier est utilisé comme unité de compte et

qu’il est choisi également parmi les n biens existants faisant partie des échanges, on dit que ce bien

est un numéraire (LEON WALRAS (1874), Eléments d’Economie Politique Pure). Le numéraire c’est

donc une unité de compte qui est utilisé comme marchandise dans les échanges entre agents. Dit

autrement, le numéraire, c’est ce qu’on appelle aussi monnaie marchandise, à double fonction :

unité de compte, et satisfaction des besoins, que ce soit pour la consommation ou la production.

Le numéraire est donc une unité de compte utilisé comme marchandise dans les échanges entre

agents = une monnaie marchandise (unité de compte et satisfaction des besoins)

1 2 3

1

2

3

1 p1/2 p1/3

P2/1 1 p2/3

P3/1 p3/2 1

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*L’unité de compte est concrète mais elle peut être abstraite bien qu’elle puisse se matérialiser sous

forme concrète. Ex.: l’euro.+

Pour certains économistes, dont JOHN MAYNARD KEYNES dans le traité sur la monnaie (1930) ou

encore l’économiste français JEAN DENIZET, la fonction d’unité de compte est la fonction essentielle

de la monnaie. Cette position doit être nuancée, contredite car retenir comme seule fonction la

fonction d’unité de compte ne définit pas la monnaie, ne remédie pas aux inconvénients du troc.

Lorsqu’une unité de compte est abstraite, un changement de valeur de l’étalon de mesure ne

modifie en aucun cas les prix relatifs des biens échangés : seuls les prix absolus sont modifiés.

Ex.: franc euro.

Soit deux biens quelconques i et j.

P i/j = 𝑃 𝑖/𝐹

𝑃 𝑗/𝐹 =

𝑃 𝑖/𝐸

𝑃 𝑗/𝐸 =

𝑃 𝑖/𝐹

6,56𝑃 𝑗/𝐸

6,56

Conclusion : Choisir une unité de compte dans une économie, c’est introduire une plus grande

efficacité dans le système des changes puisque le calcul économique des agents économiques pour

effectuer leurs échanges est sensiblement amélioré, et cela vient du gain informationnel concernant

la valeur des biens.

On peut donc franchir l’étape supplémentaire en faisant en sorte que l’unité de compte choisie par

les agents soit effectivement utilisée pour faciliter la circulation des autres biens c’est-à-dire, que

cette unité de compte devienne également un intermédiaire d’échange.

1.2 La fonction d’intermédiaire des échanges

Pour la plupart des économistes, c’est la fonction la plus importante car c’est elle qui va permettre

de remédier aux inconvénients du troc cette fonction va permettre à ce que les agents réalisent

leurs échangent à moindre coût.

Cette fonction concerne l’équilibre ex-post (réalisation) d’une économie alors que l’unité de compte

concernait l’équilibre ex-ante (intention, calcul).

IRVIN FISHER, The Purchasing Power of Money (1911) :

« Tout droit de propriété susceptible d’être généralement accepté dans l’échange peut être appelé

monnaie ».

J. TOBIN, Accumulation and Economic Activity (1978) :

« La monnaie est comme le langage, le français que je parle n’est utile que la mesure où vous en

faites autant ; de même j’accepte la monnaie dans la mesure où vous l’acceptez également. »

G. TULLOCK [école de Virginie : James Buchanan (prix Nobel) école du « public choice »]:

« La monnaie, par sa nature même, est un modèle quasiment parfait d’externalité. La raison pour

laquelle je désire de la monnaie est que je m’aperçois que beaucoup d’autres agents désirent de la

monnaie. D’où il résulte qu’elle est facilement échangeable contre les autres biens que je désire.

D’une façon paradoxale, la large acceptabilité de la monnaie dépend de sa large acceptabilité ».

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Remarque : Du fait de la notion d’externalité, la monnaie s’apparente à un bien collectif.

La qualité essentielle de la fonction d’intermédiaire des échanges c’est d’être échangeable dans délai

et sans coûts contre n’importe quel bien ou service. L’intermédiaire des échanges a un droit

immédiat sur les biens.

Pour mettre en évidence que la fonction d’intermédiaire des échanges permet de briser le troc et

passer à une économie monétaire, il faut analyser plus en détail les inconvénients du système de

troc, et plus particulièrement ceux pour la réalisation des échanges.

Par nature, une économie est constituée d’échanges, de biens et services, entre agents

économiques, et si l’on admet cela, ça signifie que les agents économiques disposent d’une certaine

quantité de différents biens (dotations initiales) dont la composition ne correspond pas à ceux qu’ils

désirent pour consommer et produire.

Pour passer de dotations initiales données à des paniers de consommation désirés, il faut que les

agents puissent effectuer des transactions. Et lorsque les transactions correspondent à des échanges

de biens contre biens, le système d’échange correspond à une économie de troc.

Ce système de troc génère des coûts de fonctionnement très élevés qui correspondent à des coûts

d’information et de transactions. Ces coûts sont d’autant plus élevés que le nombre de transactions

est élevé. Ces coûts d’information (coût de transaction) correspondent à la nécessité pou un agent

économique quelconque de trouver un partenaire économique qui accepte de faire un échange

symétrique avec lui.

Ex.: Dotations initiales : l’agent 1 a du bien 2 et veut du bien 1, il faut qu’il trouve un agent 2 qui veut

du bien 2 et qui possède du bien 1.

Pour que la transaction puisse se réaliser, il faut ce qu’on appelle une double coïncidence des

volontés, des désirs sur les biens qui sont soumis à l’échange.

Ce coût d’information, c’est le coût essentiel du troc, et il s’apparente à un coût de prospection

(entente) qui consiste à trouver le bon échangiste.

Pour que la transaction puisse encore se réaliser, il faut qu’une deuxième double coïncidence des

désirs soit satisfaite : il faut que les échangistes acceptent d’échanger leurs biens au même moment.

Le système du troc pour qu’il puisse fonctionner suppose donc l’existence et la réalisation de deux

double coïncidences : la coïncidence des désirs sur l’objet des échanges (enjeux des échanges), et sur

le moment de l’échange.

A ces coûts d’informations s’ajoutent des coûts de transactions proprement dit qui sont des coûts de

transport et de stockage des marchandises qui peuvent varier selon la nature des biens et la distance

qui sépare les partenaires.

Remarque : A la différence de l’économie monétaire, ces coûts de transaction dans l’économie de

troc portent sur les biens vendus et achetés, i.e. sur la partie et la contrepartie de toute transaction.

Pour remédier à ces grands inconvénients de l’économie de troc, on pourrait imaginer que

les agents économiques puissent pratiquer des échanges indirects.

Ex.: 3 agents : A, B, C et 3 biens : 1, 2, 3. Soit W les dotations initiales et X ce que les agents désirent

consommer :

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Agent A : WA B1 et XA B2

Agent B : WB B2 et XB B3

Agent C : WC B3 et XC B1

Les agents peuvent pratiquer des échanges indirects cela lève l’obstacle de l’absence de

coïncidence des désirs.

L’échange indirect suppose une séquentialité qui est formée en deux temps et dans le cas de

l’exemple, on peut envisager trois situations possibles pour que les agents puissent réaliser leurs

échanges et atteindre leurs volontés. Finalement, les échanges ont pu se réaliser : le bien 3 a servi de

bien intermédiaire, ce qui a permis les échanges entre agents.

Dans un deuxième exemple : c’est le bien 1 qui sert de bien intermédiaire.

Dans le troisième exemple : le bien 2 est un bien intermédiaire d’échange.

L’échange indirect à travers un bien intermédiaire, qui est une marchandise, permet de remédier aux

inconvénients du troc et donc à la double coïncidence des volontés.

Remarque : Dans le cadre du système d’échange indirect il a pour effet de multiplier le nombre de

transactions nécessaires pour atteindre l’équilibre individuel et dans une situation, où il y aurait

coïncidence des volontés.

On pourrait imaginer d’autres procédures, mécanismes transactionnels qui auraient pour effet de

réduire, voire d’annuler les inconvénients du système de troc :

1. L’établissement d’un lieu précis où s’effectueraient les échanges (lieu géographique). Cette

centralisation géo permettrait les rencontres et donc la réduction des coûts de prospection

entre les échangistes. Ces lieux concrets sont des marchés qui permettent de remédier, en

partie, aux inconvénients du troc.

2. La création d’une « maison de compensation » qui est un agent intermédiaire à vocation

comptable. Chaque individu apporterait les biens qu’il possède à cet agent comptable pour

obtenir en retour les biens qu’il désire. Cet organisme intermédiaire nécessite des ressources

mais ce coût est largement compensé par le gain obtenu, qui est un gain informationnel.

3. L’intermédiaire général des échanges intermédiaire des échanges généralisés = la

généralisation de l’échange indirect. Il permet de dissocier l’acte d’achat et l’acte de vente.

En conservant, momentanément un bien intermédiaire, qui n’est pas désiré en lui-même

grâce à ce mécanisme, on permet que les échanges puissent avoir lieu et satisfaire la double

coïncidence des volontés. Cette technique d’échange réduit fortement les coûts

d’information mais augmente le nombre de transactions.

Aller plus loin : réduire le coût unitaire de chaque transaction en choisissant de manière

adéquat, le ou les biens intermédiaires. Ces biens doivent avoir certaines propriétés :

- Etre non périssable.

- Etre durable.

- Etre facilement stockable.

- Etre facilement divisible pour pouvoir régler de petites transactions.

- Etre facilement négociable c’est-à-dire, facilement accepté par les autres agents

en tant que bien intermédiaire. Ex.: le sel, les étoffes (ex. historique).

Ces biens sont acquis, le plus souvent, non pas pour leur utilité directe ou intrinsèque mais parce

qu’ils peuvent s’échanger facilement avec les autres biens.

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

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Avec le temps, un bien qui possède toutes ces propriétés va s’imposer comme un intermédiaire des

échanges processus de sélections des biens avec le temps bien intermédiaire. Dans ce

processus, l’imitation va jouer un grand rôle. Au départ, on suppose qu’il y a quelques individus qui

sont plus rationnels que les autres, plus avertis dans l’échange. Ces individus-là vont choisir des biens

pour réaliser leurs échanges indirects et s’ils réussissent dans leurs choix : cela va se voir. Ces

innovateurs vont être imités par les autres et par un processus de réseau et de perfectionnement. On

peut s’attendre à ce qu’émerge des échanges entre agents, un intermédiaire des échanges : un bien

qui s’échangera directement avec tous les autres biens disponibles dans l’économie. On assiste alors

à une généralisation de l’échange indirect et donc, dans ce système-là, les coûts d’information et de

transaction sont minimisés.

CARL MENGER

Lorsqu’un bien intermédiaire ne remplit que la fonction d’échange, i.e., qu’il ne sert pas à la

consommation finale ou à la production, ce bien cesse d’être une marchandise comme les autres (qui

est désirée pour elle-même). Cette marchandise devient un bien spécifique dont la seule finalité est

de facilité la réalisation des échanges. Dans ce cas, cet intermédiaire généralisé des échanges est la

monnaie. Avec un intermédiaire des échanges unique et spécifique : l’économie de troc disparaît et

cède la place à une économie monétaire comme aujourd’hui.

ROBERT CLOWER (économiste américain) :

« La monnaie achète le bien, les biens achètent la monnaie [vendeur de bien] mais les biens

n’achètent pas les biens » et ceci est une caractéristique fondamentale d’une économie monétaire.

Cf. exemple sur feuille.

En définitive, un intermédiaire des échanges ne devient monnaie que s’il est accepté et utilisé par

tous les agents dans l’économie.

KARL WICKSELL (économiste suédois : 1851-1926) dans Lectures on Political Economy (traduction en

anglais en 1935 et original en suédois en 1901) :

« La monnaie est un bien qui est habituellement et sans hésitation, accepté par tout le monde en

échange de n’importe quel bien. »

On ne doit pas négliger la fonction d’unité de compte et aux files des ans, les fonctions

d’intermédiaire des échanges et d’unité de compte sont assurées par les mêmes biens, les mêmes

unités. L’unité de compte est essentielle dans une économie pour faciliter le calcul économique des

agents, pour atteindre l’équilibre ex-ante mais la fonction d’intermédiaire des échanges est aussi

essentielle pour la réalisation effective des échanges pour l’équilibre ex-post.

1.3 La fonction de réserve de valeur

Ce n’est pas la fonction essentielle qui définit la monnaie dans la mesure où il peut exister, dans une

économie, d’autres réserves de valeur qui sont plus appropriés, plus adéquat que la monnaie [les

actifs financier : les titres ; les biens immobiliers ou encore, d’autres catégories (les œuvres d’art)] qui

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sont aussi des réserves de valeur. Ces actifs permettent de conserver de la valeur, c’est-à-dire, de la

richesse. La monnaie en tant que réserve de valeur partage ce rôle avec d’autres actifs qu’ils soient

financiers ou réels (œuvres d’art). Dans ces conditions, la monnaie peut être considérée comme un

élément parmi d’autres dans le patrimoine des agents qui est une collection d’actifs qui peut évoluer

à la hausse comme à la baisse. La fonction réserve de valeur revient à considérer la monnaie comme

un actif, comme un bien capital à mettre sur le même plan que les actifs réels ou financiers.

Dans une économie monétaire, un agent peut scinder l’échange en deux opérations différentes qui

interviennent à des moments différents. Par exemple, l’agent vend des biens contre de la monnaie et

cette monnaie va servir, plus tard, pour acheter d’autres biens. Autrement dit, la monnaie est un

moyen d’échange qui permet de transférer du pouvoir d’achat dans le temps. Entre les deux

transactions, elle sert à conserver un pouvoir d’achat. On dit que la monnaie est un « droit différé »

sur le bien. On constate que la monnaie possède un aspect dynamique (intervient dans le temps).

JOHN MAYNARD KEYNES dans La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie en

1936 :

« L’importance de la monnaie découle essentiellement du fait qu’elle constitue un lien entre le

présent et l’avenir ».

La monnaie, en tant que réserve de valeur, permet à l’agent éco d’effectuer des choix intertemporels

(choix séquentialisés dans le temps). Cette monnaie est détenue sous forme d’encaisses qui servent

de réserve de pouvoir d’achat aux agents. Ces encaisses monétaires se justifient essentiellement par

l’absence de synchronisation entre les revenus et les dépenses des agents économiques.

Les agents désirent détenir des encaisses monétaires car l’avenir est incertain. Face à des dépenses

ou des recettes futures imprévues, les agents souhaitent conserver aujourd’hui un certain pouvoir

d’achat sous forme monétaire. La constitution d’encaisses monétaires en vue de conserver de façon

temporaire du pouvoir d’achat résultat d’un choix délibéré des agents et ces encaisses monétaires

constituent en fait une demande de monnaie de la part de ces agents. On s’aperçoit donc, qu’il y a un

lien direct entre la fonction réserve de valeur et la demande d’encaisses monétaires. Souvent, la

monnaie, dans le cadre d’une économie, dans sa forme réelle, est représentée par les billets et les

pièces ainsi que les dépôts à vue, les comptes courants que les agents éco ont auprès du système

bancaire. La monnaie représentée au sens strict, comparé aux autres actifs, n’est pas forcément la

meilleure réserve de valeur, dans la mesure où détenir des billets, des pièces ou des dépôts à vue, ne

rapportent pas d’intérêts comparé aux autres placements et ceci d’autant plus, que sa valeur réelle

diminue avec l’inflation.

Pourquoi la monnaie est-elle détenue ?

Parce qu’elle est aussi un intermédiaire des échanges (simultanément) qui permet de transférer du

pouvoir d’achat dans le temps. Elle est détenue en tant que moyen d’échange futur.

La monnaie en tant que réserve de valeur, et comparativement aux autres réserves de valeur,

possède une propriété : celle d’être liquide i.e., qu’elle est immédiatement disponible dans les

échanges et cela, sans coûts de transformation et sans risques. Cette liquidité permet de s’acquitter

d’une dette sans coûts et sans risques. Détenir de la monnaie en tant que réserve de valeur, c’est

exprimer une préférence pour la liquidité (KEYNES).

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

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Pour montrer aspect temporel : LOUIS DUPRIEZ dans Philosophie des conjonctures économiques en

1959 :

« Dans l’ordre temporel, la monnaie devient l’instrument par excellence grâce auquel l’homme

aménage ses décisions par rapport au présent, au passé, à l’avenir ; elle lui confère un pouvoir de

rétention [i.e. de valeur+, un pouvoir qui s’étale dans le temps et qui s’exerce au moment le plus

opportun ».

En définitive, la monnaie est définit parce qu’elle remplit les 3 fonctions, et lorsque une des 3

fonctions n’est pas remplie, on parle de « monnaie partielle » (expression de J.R. HICKS).

Il reste alors deux autres fonctions. La fonction d’intermédiaire des échanges semble la plus

importante pour la plupart des économistes,

Sauf pour certain comme JEAN DENIZET dans Monnaie et financement :

« La monnaie est l’instrument du calcul économique lié à l’échange avant d’être le bien

intermédiaire des échanges ».

L’essence de la monnaie réside dans sa circulation d’où l’importance de la fonction de l’intermédiaire

des échanges.

La monnaie représente un droit sur les biens, un droit qui peut s’exercer immédiatement ou qui peut

être différé. La monnaie permet d’établir une continuité de l’échange dans l’espace mais aussi dans

le temps, à travers sa fonction de réserve de valeur. Ces deux fonctions sont liées : cela est dû au fait

que la monnaie est un actif liquide.

Section 2 : Les autres approches de la nature de la monnaie

On va s’intéresser à ce que peut être la monnaie : la monnaie est-elle un bien comme un autre, un

actif, une richesse ?

2.1. L’approche conceptuelle

Elle consiste à définir la monnaie par ce qu’elle est.

2.1.1. La monnaie comme un bien

Considérer la monnaie comme un bien, c’est mettre la monnaie au même plan que les autres biens

économiques et on peut alors appliquer à la monnaie, le raisonnement suivant : opérer une analyse

d’offre et de demande de monnaie renvoyer à la théorie de la valeur des biens.

Il reste à savoir si la monnaie est un bien spécifique, un bien qui ne remplit que ses fonctions

monétaires ou si elle est aussi utilisée à des fins non-monétaires pour la consommation et la

production monnaie-marchandise dans ce cas-là : l’or et l’argent. Dans le cas d’un bien spécifique,

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

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on peut appliquer à la monnaie, les analyses en termes d’offre et de demande pour déterminer son

prix et sa valeur.

Si la monnaie est une monnaie marchandise, des problèmes peuvent se poser : comment dissocier sa

valeur d’échange monétaire par rapport à sa valeur d’échange non-monétaire ?

Cela est alors plus difficile à déterminer.

La monnaie a pris une forme de plus en plus dématérialisée aux files du temps et donc, on est passé

de formes matérielles (or, argent) à des formes moins matérielles comme le papier-monnaie, les

comptes courants de banque et la monnaie électronique. Dématérialisation de la monnaie avec des

coûts de production DIRECTS de plus en plus faibles, voire quasi-nul.

Cela peut poser le problème de la détermination de la quantité offerte de monnaie (avec des coûts si

faible).

Cependant, pour certains auteurs, les coûts de production d’une monnaie dématérialisée, ne sont

pas nuls si on prend en considération les coûts indirects (coûts sociaux). Ces coûts sociaux sont liés à

l’établissement de la confiance que l’on accorde à la monnaie.

Un intermédiaire des échanges ne devient monnaie que s’il est généralement accepté comme tel par

tous les échangistes et donc, cette idée d’acceptabilité générale dans l’échange de la monnaie est

étroitement liée à la notion de confiance. La confiance que les agents mettent dans la monnaie est

acquise par les demandeurs mais surtout par les offreurs. Si la qualité de la monnaie n’est pas bonne,

si sa gestion par le système bancaire est mauvaise, les individus qui la détienne vont perdre

confiance et la rejeter = fuite devant la monnaie, ce qui peut aboutir à des crises monétaires, des

paniques bancaires.

La notion de confiance en un objet : ici le signe monétaire, est difficile à définir :

GEORGES SIMMEL dans Philosophie de l’argent en 1907 :

« La confiance est en dernier ressort improbable : c’est un mélange de connaissances et de

croyances ».

Si la monnaie est acceptée par les agents, c’est qu’elle inspire aux individus, de la confiance.

MICHEL AGLIETTA dans l’ambivalence de la monnaie:

« Chacun accepte la monnaie parce qu’il s’attend à ce que n’importe quel autre, l’accepte et

l’acceptera dans un futur indéterminé ».

La valeur que les agents attachent à la monnaie n’a rien à voir avec la substance matérielle de la

monnaie et donc, ce problème de confiance s’est posé avec l’apparition des pièces de monnaie et

avec le papier-monnaie. Lorsqu’on considère le papier-monnaie et les pièces monnaie fiduciaire

(fiducia en latin signifie confiance).

AGLIETTA écrit dans le même livre :

« La monnaie contient un élément psychosociologique de foi quasi religieuse ».

Cette notion de confiance est fondamentale car c’est un élément d’explication qui fait que les agents

économiques détiennent des signes monétaires qui n’ont aucune valeur intrinsèque sauf celle

d’acheter des biens et services.

Monnaie en tant que bien spécifique : assimilable a un bien de consommation ou de production ?

Cette question a été soulevée par des économistes célèbres :

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

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DON PATINQUIN dans Monnaie, intérêt et prix et MILTON FRIEDMAN qui était le chef de file de

l’école de Chicago (école monétariste) la monnaie a toute son importance, toute sa puissance.

Pour ces auteurs, assimiler la monnaie en tant que bien spécifique à un bien de consommation ou de

production, c’est en fait, faire référence aux services rendus par ces biens : services pour la

consommation ou pour la production puisque la monnaie en tant que bien spécifique n’a pas d’utilité

directe : elle est utile par les services qu’elle rend. Si on assimile la monnaie a un bien de

consommation par les services que rend la monnaie, il faudrait l’intégrer dans la fonction d’utilité de

l’agent, du consommateur qui est un être rationnel donc, qui cherche à la fois à satisfaire ses

préférences sous contraintes financières.

M = la quantité nominale de monnaie à détenir par l’agent : encaisse monétaire désirée.

La monnaie est un bien spécifique. En dehors des biens n consommés par l’agent i = 1, …, n

pi = prix absolu ou monétaire du bien i.

P = niveau général des prix des n biens moyenne pondérée des différents prix des biens.

Ce qui intéresse l’agent n’est pas la quantité de monnaie mais son pouvoir d’achat (de la monnaie).

Comment définir le pouvoir d’achat de la quantité M de monnaie = M / P = encaisse réelle

L’agent économique n’est pas victime de l’illusion monétaire i.e. qu’il n’est pas victime de l’inflation.

On suppose que cet agent dispose de la quantité nominale de monnaie Nbarre (= ce dont l’agent

dispose en début de période) permet d’acheter des biens et services mais aussi d’avoir une

encaisse monétaire pour la période suivante.

Ci = consommation en bien i durant la période.

Fonction d’utilité de l’agent va dépendre du niveau de consommation des différents biens mais aussi

de la quantité de monnaie dans la période : c’est une utilité indirecte : U (C1, …, Ci, …, Cn ; M/P)

bonne propriété « well-bahaved ».

Le problème du consommateur est de satisfaire au mieux ses préférences sous des contraintes qui lui

sont associées.

Problème : maximiser fonction d’utilité sous la contrainte Mbarre (quantité initiale) donc sous

contrainte de somme des piCi + M = M barre. Le problème du consommateur est de déterminer les

biens de conso ainsi que sa demande de monnaie de telle manière que sa fonction d’utilité soit la

meilleure possible sous la contrainte fi.

La demande d’encaisse monétaire est le résultat d’un choix rationnel.

Si la monnaie est assimilée à un bien de production, on traite généralement la monnaie comme un

facteur de production au même titre que le facteur capital et le travail. A un niveau

macroéconomique, si on désigne par Y le niveau de production d’une économie :

Y = F(K, L, M/P) avec K : quantité de capital physique et L, le niveau d’emploi. On détermine la

demande de monnaie par les entreprises, de la même manière que la demande des autres facteurs

de production (demande K et de L) cela passe par la maximisation du profit sous contraintes.

Dans les deux cas, on ne s’intéresse qu’à la formulation de la demande de monnaie par les agents

économiques, les consommateurs ou les producteurs. Son coût de production directe est quasi nul

mais il existe des coûts sociaux indirects qui sont liés à la confiance ces coûts sont difficilement

quantifiables et sont difficiles à prendre en compte dans une problématique néo-classique.

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

12

La monnaie est-elle un bien privé ou collectif ?

Considérer la monnaie comme un bien privé revient le plus souvent à confier son offre au marché

donc, à des institutions privées. Au contraire, si on dit que la monnaie est un bien collectif. Un bien

collectif est un bien produisant des externalités positives non prises en compte par le marché,

engendrant des interdépendances bénéfiques aux agents.

Si la monnaie est un bien collectif, cela revient à confier le contrôle de son offre à des institutions

publiques qui auront le privilège de la gérer.

D’un point de vue social, on considère la plupart du temps, la monnaie comme un bien collectif au

sens où son existence engendre des externalités positives.

Pour renforcer l’idée d’un point de vue social :

« La monnaie est complètement une institution sociale, totalement dénuée de sens si son usage

est restreint à un seul individu » = dimension sociale de la monnaie.

TULLOCK : « la monnaie, par sa nature même, est un modèle quasiment parfait d’externalité de

façon paradoxale, la large acceptabilité de la monnaie dépend de sa large acceptabilité »

interdépendance bénéfiques aux agents économiques.

K. BRUNNER et A. NELTZER (1971) libéraux tempérés :

La monnaie a une productivité sociale supérieure à la somme des utilités individuelles liée à la

satisfaction personnelle de détenir de la monnaie procure des externalités productives qui sont

liés à la réduction des coûts d’information et de transactions relatifs à la transaction de monnaie

intermédiaire des échanges.

D’autres auteurs, cette fois-ci : ultralibéraux courant autrichien : GEORGES SELGIN et LAWRENCE

WHITE :

Pour eux, la monnaie n’est pas un bien collectif

L.W : « il n’y a pas de divergence entre l’optimalité privée et l’optimalité sociale (lorsqu’on est en

présence d’une éco avec monnaie), dans la mesure où toute l’économie sur les coûts de

transaction ou d’information sont appropriables par les individus et, les bénéficiaires sont

identifiés, ce sont les individus qui participent à l’échange. »

Les marchés peuvent internaliser les externalités positives liées à la monnaie (la détention et sa

circulation). La monnaie en tant qu’intermédiaire des échanges ne peut pas être considérée comme

un bien collectif. « Une certaine somme de quantité de monnaie ne rend des services qu’aux seules

personnes qui la détiennent, ceci à l’exclusion des autres et ceux qui n’ont pas d’encaisses

monétaires sont en rivalité avec ceux qui en ont car ils ne peuvent pas s’approprier les biens. »

Seule la dimension privée de la monnaie est évoquée et la dimension sociale de la monnaie est

totalement absente.

2.1.2 La monnaie comme un bien

La monnaie comme un actif.

On va privilégier la fonction de réserve de valeur relativement aux autres fonctions et dans ce cas, on

considère la monnaie comme un élément du patrimoine des agents. A côté, d’autres actifs que sont

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

13

les actifs financiers et les actifs réels. Cette conception de la monnaie comme actif est une

conception relativement récente et le premier auteur à mettre en évidence cette idée-là est KEYNES

en 1930 dans le traité sur la monnaie.

De façon paradoxale, cette approche a été récupérée par la suite, par des auteurs néo-classiques :

MILTON FRIEDMAN et DON PATINKIN : ce courant a connu un grand développement surtout après

la Seconde guerre mondiale et c’est à cette période qu’on a donné les premiers fondements micro-

économiques à la demande de monnaie (d’encaisses monétaires de la part des agents) et ceci dans

un cadre particulier qui a ensuite été étendu à la finance. Ce cadre est celui de la gestion optimale de

patrimoine comprenant toute une palette d’actifs dont l’actif monétaire. La demande de monnaie

comme actif est le résultat d’un calcul économique, d’un choix optimal de composition du

patrimoine.

Dans ce contexte-là, on peut s’interroger au niveau macroéconomique : peut-on considérer la

monnaie comme une richesse pour la collectivité ?

Si on prend les actifs réels, on peut dire que ce sont des richesses au niveau global. Par

contre, les actifs financiers ne sont pas forcément des richesses dans la mesure où l’actif

financier est une créance pour celui qui le détient compensé par une dette (passif) pour celui

qui l’émet.

Pour l’actif monétaire, la réponse apportée par les économistes est plus contrastée : A.C. PIGOU

(anglais contemporain de Keynes opposant à Keynes : libéral conservateur). Pour lui, la monnaie

est une richesse pour la collectivité et son analyse a donné naissance à la notion d’encaisse réelle ou

« effet Pigou » (comme Don Patinkin). La quantité de biens et services que permet d’acheter une

quantité nominale de monnaie.

Pour KEYNES, une économie de marché peut connaître des situations d’équilibre de sous-emplois.

Sur un marché particulier, il peut y avoir un excès d’offre par rapport à la demande.

PIGOU mène une contre-attaque face à l’analyse de KEYNES : il s’agissait de montrer, dans le cadre

d’une économie de marché, que l’équilibre de plein-emploi pouvait être maintenu à condition de

poser ou de supposer que la monnaie est une richesse.

PIGON pose une hypothèse de départ : il dit que les agents économiques qui ne sont pas victimes

de l’illusion monétaire, désirent maintenir constant le rapport entre leurs encaisses réelles (M/P) et

leurs demandes de biens et services (Yd = C+I)

𝐶𝑜𝑛𝑠𝑡𝑎𝑛𝑡𝑒 = 𝑀

𝑃

𝑌𝑑

Si pour une raison ou pour une autre, la demande de biens et services est insuffisante par rapport à

l’offre, cela induira une baisse du niveau général des prix accroissement des encaisses réelles.

Si P baisse, (M/P) augmente pour M donné.

Les agents désirent maintenir constant les encaisses réelles : ils vont augmenter leur demande de

biens et services jusqu’à ce que cela égalise l’offre une augmentation des encaisses réelles accroit

la richesse des agents et comme ils sont plus riches, ils demandent d’avantage de biens et services.

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

14

Cet effet d’encaisse réelle ne joue que dans le cas où la monnaie n’est pas considérée comme un

actif financier (créances et dettes qui se compensent), il n’y a pas d’effet d’encaisses réelles.

Certains auteurs vont pousser plus loin l’analyse et distinguer les différents types de monnaies :

GUERLEY et SHAW dans Banking in a theory of finance qui est toujours d’actualité. Ces auteurs ont

opéré une distinction entre la monnaie interne et la monnaie externe.

La monnaie interne est la monnaie émise par le système bancaire privé (à travers les crédits qu’elle

distribue) et la monnaie externe (la monnaie émise par la banque centrale).

Pour ces auteurs, la monnaie interne : l’actif monétaire s’apparente à un actif financier i.e., à une

créance-dette et dans ces conditions, elle ne doit pas être considérée comme une richesse par la

collectivité.

Pour la monnaie externe, les choses sont un peu différentes, la banque centrale, les autorités

monétaires ne sont pas soumises au respect de leurs engagements, i.e., de leurs dettes. La monnaie

émise par les autorités monétaires n’est plus convertible en or ou en argent.

La monnaie externe s’apparente à une richesse au niveau global i.e., à un actif réel. Cette monnaie

externe (pièces et billets) a été qualifiée par MILTON FRIEDMAN de « monnaie à hauts pouvoirs ».

La monnaie possède d’autres dimensions et notamment, on peut considérer la monnaie comme une

institution sociale.

2.2. La monnaie, institution sociale

Prétendre que la monnaie est une institution sociale c’est aussi placer le phénomène monétaire dans

une dimension plus large, plus étendue que la sphère purement économique des valeurs et des

calculs individuels et rationnels.

Dire que la monnaie est une institution sociale la monnaie est une règle, une pratique ou une

convention issue de l’activité humaine et qui va conditionner les actions des individus et leurs

interdépendances. Se placer dans ce contexte, c’est faire de la monnaie, un élément premier qui est

à la source des échanges marchands. Cette idée signifie que l’on ne peut pas analyser les

phénomènes économiques sans la présence de la monnaie. La raison pour laquelle certains auteurs

se sont intéressés à l’origine de la monnaie : pourquoi et comment la monnaie est-elle née ?

Ces auteurs vont adopter une approche plutôt anthropologique du phénomène monétaire. Dire que

la monnaie est une institution ou un phénomène social, c’est mettre en valeur sa dimension

collective issue d’une règle conventionnelle ou d’un mécanisme évolutif plus ou moins spontané au

sens d’un philosophe anglais :

FERGUSON : « le résultat de l’action humaine sans être le produit de volonté spécifiques » ; la

composition des actions humaines génère la monnaie.

La monnaie ainsi acceptée du fait d’une simple convention (euro) ou par simple évolution aurait donc

une valeur sociale, politique, en plus d’une valeur économique.

MARCEL MAUSS (sociologue français : XIXe et XXe) : la monnaie est un fait social total qui englobe

toutes les activités économiques, et alors, comment la monnaie a-t-elle émergée dans les systèmes

économiques ?

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Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

15

L’économie est une science sociale : jugements de valeurs.

Deux analyses différentes :

1. KARL MENGER : analyse de la fin du 19e siècle : The origin of money

2. Analyse de deux auteurs français contemporains : MICHEL AGLIETTA et ANDRE ORLEAN. Ces

deux auteurs reprennent en partie la thèse de Menger mais s’en écarte en reprenant les

travaux de RENE GIRARD.

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PREMIERE APPROCHE

Première étude de MENGER (autrichien) : ouvrage de 1871 : Principes d’économies.

Ensuite, affiné dans un article de 1892 : article The origin of money dans la revue Economica.

Ensuite, dans un gros article intitulé Gald (1909), elle a été traduite en anglais sous le terme

Money en 2002.

Il faut dire qu’il est le fondateur de l’école autrichienne d’économie avec STANLEY JEWONS à

la fin du XIXe son idée va être reprise par des auteurs économistes autrichiens plus

contemporain dans le cadre du XXe siècle : VON HAYECK ou D. VON MISES (ils ont enseigné

aux Etats-Unis). Cette analyse a été reprise, en partie, par un sociologue : GEORGES SIMMEL

dans un ouvrage célèbre de 1907 : La philosophie de l’argent.

L’analyse de MENGER est étroitement liée aux échanges de biens économiques : elle repose

sur les échanges économiques aspect catallactique (cattalaxis = l’ordre issu des échanges).

Le traité de l’origine de la monnaie pour MENGER : c’est considérer la monnaie par une

fonction essentielle : celle d’intermédiaire des échanges. Pour synthétiser son résonnement,

on peut dire que celui-ci s’articule en deux temps :

1. Il veut faire une distinction entre biens et marchandises.

2. Il dit que les biens sont premiers : on les définit par leurs caractéristiques et ces biens

deviennent marchandises uniquement s’ils sont susceptibles d’être échangés. Pour

Menger, les échanges sont par nature, décentralisés et pour qu’ils puissent se réaliser, il

faut surmonter les inconvénients du troc, notamment, la « double coïncidence des

volontés, des désirs » (JEWONS). Il est nécessaire que les agents puissent procéder à des

échanges indirects entre marchandises. Les marchandises se différentient entre elles

selon : « la facilité plus ou moins grande avec laquelle elles peuvent être mises à

disposition du marché au moment convenable et au prix normal ».

Dit autrement : les marchandises se différentient entre elles, selon leur négociabilité :

« seelibility » capacité d’être vendue sur le marché. Une marchandise achetée à un

certain prix n’est pas revendue dans un court instant, au même prix. Plus l’écart entre le

prix d’achat et le prix de vente d’une marchandise est réduit, plus la marchandise en

question est dite échangeable ou négociable. Le caractère négociable ou

d’échangeabilité n’est pas un fait objectif mais dépend des perceptions subjectives des

agents au sens où la plus ou moins grande facilité de revendre les marchandises dépend

de la manière dont ces individus perçoivent l’organisation des marchés.

Les individus vendront d’autant plus facilement leurs marchandises que si les marchés

sont organisés de manière efficace et qu’ils perçoivent ça de manière honnête.

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

16

MENGER poursuit son raisonnement en apportant un deuxième temps dans son

analyse : « avec le progrès technique, un certain nombre de marchandises,

particulièrement celles qui sont les plus négociables, deviennent, sous l’influence

puissante des habitudes, acceptable par chacun dans l’échange ».

Ces marchandises particulières, deviennent avec le temps, selon des mécanismes

d’essais et d’erreur mais aussi par imitation, des intermédiaires des échanges en raison

de leur acceptabilité universelle.

Deux questions se posent alors : quelles sont ces marchandises particulières ? Pourquoi

deviennent-elles acceptables pour tout le monde ?

On répond en faisant référence à l’histoire des civilisations, des peuples (on acceptait

or et argent car ils avaient des qualités : facilement transportable, etc.) mais affirmer cela

c’est privilégier les conditions technologiques de l’échange portant sur les biens et pour

lui, ce n’est pas l’essentiel. Pour MENGER, l’étude historique a elle seule ne permet pas

d’isoler une marchandise particulière ou des marchandises particulières qui seraient

considérées comme de la monnaie.

Pour répondre, il s’appuie sur un raisonnement analytique : parmi toutes les

marchandises, on considère la plus négociable, la plus échangeable i.e., celle pour

laquelle l’écart entre le prix d’achat et le prix de vente est le plus faible et ceci dans un

court lapse de temps cette marchandise possède la valeur la plus stable : écart le plus

réduit possible ; la marchandise la plus négociable réduit l’incertitude des agents

relativement au prix futur de cette marchandise et elle réduit également l’incertitude sur

le temps nécessaire pour acquérir les biens. Cette marchandise particulière qui a une

valeur stable est aussi le meilleur étalon de valeurs puisque étalon stable et permet au

calcul économique d’être efficace.

Dans ces conditions, si les individus acceptent cette marchandise particulière en

contrepartie d’une autre marchandise, c’est qu’ils sont quasiment certains qu’elle sera

acceptée dans une transaction future sans que sa valeur soit fortement remise en cause :

prix normal. Cette marchandise particulière devient la monnaie car il est un moyen de

paiement immédiat et incontesté puisque sa valeur est relativement stable.

Comment s’assurer qu’il existe des marchandises plus négociables que les autres ?

Il existera dans l’économie une marchandise plus négociable que les autres en raison de

la convergence des croyances individuelles, les individus en se focalisant sur une

marchandise particulière en tant que moyen d’échange, par un effet de réseau,

d’externalité positive, accroissent, du même, son acceptabilité. La monnaie, dans la

conception de MENGER, résulte d’un mécanisme auto-réalisateur : si chaque individu

croit que les autres individus pensent qu’une marchandise est fortement négociable, la

négociabilité de cette marchandise s’accroit effectivement.

Par un effet d’habitude et d’imitation, l’incertitude sur la valeur de cette marchandise

particulière se réduit et son acceptabilité en tant que moyen d’échange, se renforce.

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

17

Qu’est-ce qui amènent les individus à converger vers le même intermédiaire des

échanges ?

Pour MENGER, cette convergence est faite par un processus d’imitations actifs :

Principes d’économie en 1871 :

« Il n’y a pas de meilleures voies à partir de laquelle les hommes peuvent devenir

informés quant à leurs intérêts économiques que celle de l’observation du succès

économique de ceux qui emploient les moyens appropriés les plus correctes pour

atteindre leurs fins *…+ il est évident que rien n’a plus favorisé le développement de la

monnaie que l’acceptation de longues pratiques économiquement profitable, i.e., de

biens marchands éminemment vendables en échange de tous les autres, par les

individus les plus capables, les plus perspicaces *…+ l’usage (l’habitude) et la pratique

ont contribué non dans une moindre mesure à convertir les biens marchands qui

étaient les plus échangeables à un moment du temps en des biens marchands qui

vinrent à être accepté, non pas par beaucoup, mais par tous les individus économiques

en échange de leurs propres biens marchands ».

Cette analyse est une analyse évolutionniste et dans cette analyse, on voit que la

monnaie, par ses effets de réseaux, renforce le lien social entre individus. La monnaie est

un élément fondamental qui garantie l’ordre social au même titre que le droit, les règles

morales, coutumières. Autrement dit, la monnaie assure une certaine cohésion sociale et

fait partie des institutions sociales qui servent les intérêts des agents économiques. Pour

MENGER, la monnaie est apparue de manière spontanée, selon un processus d’essaies et

d’erreurs dans lequel l’imitation joue un rôle essentiel pour répondre aux besoins des

individus sans être pour autant, le résultat d’une volonté délibérée de quelqu’un. Au

même titre que les autres institutions sociales, la monnaie a une valeur informative, elle

réduit l’incertitude dans les échanges et elle est, selon MENGER, un facteur de liberté.

DEUXIEME APPROCHE :

MICHEL AGLIETTA et ANDRE ORLEAN, deux ouvrages fondamentaux :

- 1982 : La violence de la monnaie (presses universitaires de France) ;

- La monnaie entre violence et confiance : 2002.

Pour ces deux auteurs, « la monnaie joue un rôle fondateur de la cohésion sociale et elle est là

première des institutions sociales sans laquelle aucune économie ne peut exister » (même

économie de troc).

Pour ces auteurs, deux éléments principaux caractérisent la monnaie : la monnaie est un moyen de

communication de l’information et elle permet la sociabilisation des individus dans l’échange. Elle a

une valeur sociale, informationnelle ce point rejoint l’analyse de MENGER. De plus, la monnaie est

un moyen de socialisation de la violence car les rapports sociaux, humains, sont par nature, des

rapports de force générateurs de violence et ces rapports de force se cristallisent, en fin de compte,

dans les institutions sociales. L’approche est donc, de type marxiste. « Ces institutions sont issues de

la violence, du désir humain et leur actions normalisatrices viennent de leur extériorité par rapport

au choc des désirs qui se contrarient les uns les autres, qui sont source de violence ».

Violence liée à l’acquisition de biens et services qui sont par nature, rares. La monnaie fait partie

des échanges et est présente pour canaliser cette violence liée à l’appropriation des biens. Pour ces

deux auteurs, la monnaie serait un objet particulier non-désiré en lui-même, i.e., dépourvu de toute

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

18

valeur d’usage : bien spécifique. Cette violence n’est pas supprimée mais elle est détournée vers un

danger particulier qu’est la monnaie.

« Cet objet particulier est institué [institution] équivalent général ».

Cette analyse est fondée sur des études menées par un philosophe français : RENE GIRARD dans La

violence et le sacré *sacrifice+. Dans la logique d’AGLIETTA et d’ORLEAN, la monnaie devient un bien

symbolique de l’échange et sa légitimité la légitimité relève du sacré :

« L’histoire nous apprend que les monnaies les plus répandues ont eu un caractère religieux ou

magique » ; « l’institution est le produit d’une violence qui s’exacerbe en se concentrant sur un

même objet, ce qui a pour conséquences inattendues de transformer celui-ci en médiateur capable

de réguler les conflits ».

Il y a eu de nouvelles approches, des prolongements pour la monnaie comme institution sociale : R.

CLOWER la monnaie est instituée dans l’économie, dans la mesure où elle minimise les coûts liés à

l’organisation des échanges, i.e., les coûts de transactions sans charges. Pour découvrir ce qu’est la

monnaie et ce qu’elle fait, il faut recourir à la preuve indirecte i.e. qu’il faut examiner de près les

caractéristiques d’une économie sans monnaie ; économie de troc.

R. CLOWER dans Monetary theory : « nous pouvons dire sans hésitation que les caractéristiques

techniques des marchandises choisies pour servir de monnaie sont d’une importance économique

mineure, ce qui compte, c’est l’existence d’institutions sociales consenties par la coutume ou par la

loi et qui permettent aux individus d’échanger avec efficacité s’ils suivent certaines règles, en

particulier, la règle suivant laquelle une marchandise négociée à chaque échange devrait être

socialement sanctionnée comme un intermédiaire d’échange : dans une économie monétaire, il y a

des règles claires et précises ; les biens achètent la monnaie, la monnaie achète les biens mais les

biens n’achètent pas les biens. *…+ l’institution de la monnaie est une chose précieuse, une

manipulation arbitraire dans sa forme ou dans sa quantité, ne peut clairement accroître le bien-

être de la société ».

Section 3 : Les formes monétaires

C’est la manière la plus abstraite pour définir la monnaie.

La monnaie pour qu’elle soit véritablement acceptée dans une économie doit avoir une valeur stable

et pour certains économistes, le bien monnaie doit posséder certaines qualités : le bien monnaie doit

être durable pour pouvoir transférer du pouvoir d’achat dans le temps : il doit être divisible pour

permettre le paiement de valeurs différentes ou de petites valeurs, il doit permettre les règlements

courants : la monnaie doit être liquide : pouvoir libératoire de dette et les coûts de stockage doivent

être les plus faibles possibles.

Au cours de l’histoire des civilisations, un nombre important de biens ont satisfaits plus ou moins à

ces critères (coquillages, étoffes). Mais, au fil du temps, pour des raisons pratiques, c’est la forme

métallique qui s’est imposée et ces formes-là étaient des monnaies marchandises (peuvent être

demandé et désirés) pour d’autres besoins (ornements) valeur d’usage, valeur directe en plus de

leur valeur d’échange. En raison d’une meilleure organisation sociale, l’effort monétaire a évolué : on

observe un processus de dématérialisation croissante et on est passé de la monnaie marchandise à

une monnaie électronique (actuelle).

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

19

Il faut distinguer trois formes monétaires :

- Métallique, donne naissance à la monnaie métallique (pièces de monnaie) ;

- La forme papier (le billet de banque) ;

- La forme comptable (la monnaie scripturale).

Concernant la forme métallique, il y a plusieurs stades :

1. Le stade de la monnaie pesée i.e. que lors d’un échange, il fallait peser le métal qui servait de

contrepartie a l’échange.

2. Le stade de la monnaie comptée : le métal était fragmenté en morceaux de différents poids

et pour payer un bien ou un service, il fallait compter les morceaux métalliques.

3. Le stade de la monnaie frappée : elle garantie à la fois le poids du métal précieux mais elle

garantie aussi le pouvoir de l’émetteur. Peu à peu, le coté précieux du métal disparaît et seul

figure sur les pièces, la valeur en unité de compte et le sceau de l’émetteur : cette monnaie

constitue aujourd’hui la monnaie divisionnaire. Pour s’acquitter de monnaie transaction.

La forme métallique (monnaie divisionnaire) représente à peu près 1% des formes de monnaie

actuelle de la monnaie qui circule dans une économie.

2e forme : la forme papier i.e., le billet d’avantage dématérialisé que les pièces, que la monnaie

divisionnaire, elle n’a plus de valeur intrinsèque mais une valeur symbolique fondée sur la confiance.

Les historiens conviennent que le billet de banque est apparu en Chine avant qu’il soit utilisé en

Occident. Il a surtout été utilisé par les marchands autour du XVIe - XVIIe siècle (Venise, Amsterdam).

Il apparaît en Grande-Bretagne vers 1668 sous l’appellation des Goldsmith’s note. En France, il

apparaît au début du XVIIe avec une banque crée par JOHN LAW.

Le billet de banque a connu plusieurs étapes :

1. Le billet représentatif de métaux précieux. A l’origine, le billet est un simple certificat d’or

représentatif d’une certaine quantité d’or déposé dans une banque. Ces billets portaient

également le nom de « récépissés de dépôt nominatif » titre de propriété qui pouvait

circuler, être transférer d’un individu à l’autre en échange d’une transaction. Par exemple

pour satisfaire une dette.

2. Le billet de banque convertible en monnaie fiduciaire et son apparition date du XVIIe siècle

Londres grâce aux orfèvres londoniens (famille Goldsmith) et grâce à la Banque d’Angleterre

et aussi, en Suède, à l’initiative de PALMSTRUCH ; ce banquier décide de combiner deux

opérations différentes jusqu’alors distinctes :

- Emission de billet représentatif de métaux précieux

- L’escompte d’effets de commerce (billet privé représentatif d’une dette transmis d’un

agent privé à un autre et le bénéficiaire de l’effet de commerce pouvait avoir besoin de

liquidités avant échéance : avant paiement du débiteur).

Le véritable billet de banque est né puisque son émission se fait sans tenir compte des

encaisses métalliques, des métaux précieux détenus par la banque.

Ces billets là ressemblent à du crédit indirect avec, en contrepartie l’achat d’un effet de

commerce. Ce système-là présente des risques comme la perte de confiance des agents qui

possèdent ces billets – qui sont convertible en métaux précieux. Précisément en 1666, la

banque de Suède a émis trop d’encaisses par rapport à la banque d’Angleterre faillite

banque de Suède car elle n’avait pas assez de métaux précieux à rendre aux clients.

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

20

Le billet représente de nombreux avantages pour ceux qui l’utilisent :

Il est invariable (d’un montant donné), il est transmissible et il est payable à vue (être

utilisé pour les transactions courantes, liquide). C’est une véritable monnaie fiduciaire à

partir du moment où le nombre de billets circulants dans l’économie ont une valeur

beaucoup plus importante que le stock d’or détenu par les banques.

3. Le billet inconvertible ou papier monnaie : le billet n’est plus rattaché à une encaisse

métallique, notamment l’or. L’Etat a imposé le « cours forcé » du billet i.e. que l’Etat autorise

l’institut d’émission (la Banque de France) à ne plus les échanger contre des métaux précieux

(or ou argent).

En France, en 1936, l’Etat a décrété le taux forcé du billet de Banque et en 1931 en

Angleterre.

L’utilisation des billets repose essentiellement sur la confiance puisqu’il ne peut plus être

convertible en métal précieux le billet est une véritable monnaie fiduciaire.

3e forme : la forme comptable de la monnaie est représentée par la monnaie scripturale (forme

dématérialisée) : elle est inscrite sur les livres comptables de l’établissement émetteur sous la forme

d’une ouverture de compte à un client. Cette ouverture de compte donne naissance à un dépôt à

vue, un compte courant : c’est une reconnaissance de dettes de la Banque à l’égard du client titulaire

du compte ce compte courant apparaît au passif du bilan (dette des établissements de crédits qui

émettent cette forme de monnaie). La monnaie scripturale sert à payer les tiers et donc, par ce fait

là, la monnaie scripturale circule de comptes à comptes par un simple jeu d’écriture. La monnaie

scripturale est plus récente que le billet : elle est apparue au XVIIIe siècle grâce au développement du

commerce surtout en Italie et en Hollande puis s’est ensuite diffusée dans l’ensemble des

économies. La monnaie scripturale s’effectue au moyen de divers instruments monétaires. Il y a trois

instruments principaux :

- Le chèque bancaire apparut en France, en 1880.

- Le virement bancaire qui est un ordre du titulaire du compte adressé à sa banque,

d’effectuer un transfert de monnaie sur le compte d’un bénéficiaire.

- La carte bancaire instrument automatisé le plus connu.

La monnaie scripturale représente la part la plus importante de la masse monétaire totale par

rapport aux billets de banques et à la monnaie métallique.

A côté des formes monétaires classiques (temps), on dispose aujourd’hui d’une définition

institutionnelle de la monnaie qui est de nature quantitative, exprimée en unité de compte et qui

consiste à définir la monnaie de manière concrète, à partir d’agrégats, de grandeurs

macroéconomiques. Ces agrégats monétaires sont des indicateurs de la quantité de monnaie en

circulation dans une économie. Ils sont établis par les autorités monétaires i.e., par les banques

centrales. Ces agrégats vont servir de référence, d’indicateurs pour l’élaboration d’une politique

monétaire qui vise à réguler l’activité économique et notamment, à maîtriser l’inflation. Dans la zone

euro, SEBC (système européen de la banque centrale) indicateurs statistiques, quantitatifs qui

regroupent « tous les actifs permettant des achats de biens et services ou le règlement d’une dette

sur un territoire donné ou facilement convertible en moyen de paiement avec un faible risque de

perte en capital. » Ces moyens de paiements seront représentés par la monnaie divisionnaire, les

billets de banque et la monnaie scripturale. Au niveau européen, on distingue trois grands agrégats

monétaires représentatifs de la quantité de monnaie en circulation dans une économie et chaque

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

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agrégat représente divers actifs monétaires représentés par M1, M2 et M3. Ce qui différencie les

agrégats monétaire est la notion de liquidité d’un actif monétaire qui se trouve à l’intérieur de l’un

des trois agrégats. La liquidité d’un actif se définie par l’aptitude à servir plus ou moins rapidement,

de moyen de paiement. Plusieurs critères sont retenus pour mesurer le degré de liquidité d’un actif :

- La convertibilité : l’aptitude à transformer en moyen de paiement, un actif financier y

compris les coûts liés à cette transformation.

- L’absence ou non, de risques qui signifie que l’on connaît sa valeur de revente sur le

marché.

- La négociabilité i.e. l’aptitude à être vendu plus ou moins rapidement sur le marché.

Les agrégats monétaires comprennent des actifs monétaires qui sont plus ou moins liquides et ces

actifs monétaires sont émis, créé par les IFM (institutions financières monétaires) dans le cadre du

SEBC, les IFM sont « des établissements de crédits résidents et toutes les autres institutions

financières résidentes dont l’activité consiste à recevoir des dépôts et/ou de proche substituts des

dépôts d’entités autre que les IFM et à consentir pour leur propre compte, des crédits et/ou à

effectuer des placements en valeurs mobilières.»

Les dépôts sont au passif et les placements en valeurs mobilières et les crédits sont à l’actif.

Dans le cadre de la France, les IFM sont représentés par la Banque de France, les établissements de

crédits, la caisse nationale d’épargne et la caisse des dépôts et consignations.

Ces trois agrégats monétaires sont interdépendants, liés, emboîtés les uns les autres i.e. que M1 est

contenu dans M2 qui est lui-même contenu dans M3.

L’agrégat M1 : Il comprend les actifs monétaires liquides par excellence. Il comprend la monnaie

divisionnaire, les pièces, les billets et la monnaie scripturale i.e. les dépôts à vue, les comptes

courants auprès des banques au sens large.

M1 = Pièces + billets + dépôts à vue (IFM)

Au file du temps, la part de la monnaie scripturale dans M1 n’a cessé de croitre et représente 95% de

M1 et seulement 1% les pièces et 4% les billets. En 1913 : pièces et billets (55%).

C’est la monnaie au sens strict (quantité de monnaie au sens strict).

L’agrégat M2 : il comprend tous les éléments de M1 + d’autres éléments.

Depuis le 1er janvier 1999, M2 comprend tous les actifs compris dans M1 ainsi que les dépôts à terme

auprès des IFM d’une durée inférieure ou égale à deux ans : ce sont des dépôts qui peuvent être

mobilisés en moyen de paiement à tout instant moyennant une pénalité si le terme n’est pas atteint

et aussi les dépôts qui sont assortis d’un préavis de retrait qui est inférieur ou égal à 3 mois. Ces

dépôts sont pour l’essentiel des comptes sur livret comme par exemple, le livret A, le livret B, le

compte d’épargne logement, le compte pour le développement durable, etc.

L’agrégat M3 : il comprend les actifs qui sont dans M2 ainsi que des actifs constituants des

placements à court terme avec comme support, des titres négociables sur le marché monétaire

(marché où interviennent les banques commerciales). Il s’agit d’actif dont le degré de liquidité est

élevé (la liquidité n’est pas totale) et qui présente peu de risque en perte en capital en cas de

liquidation, en cas de revente.

Monnaie, Banque, Finance I Chapitre 1

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Ces actifs sont représentés en 3 catégories :

- Les pensions = définition du SEBC : « les pensions représentent des espèces perçus en

contrepartie de titres vendus à un prix donné dans le cadre d’un engagement de rachat

de ces titres à un prix et date déterminés ».

La prise en pension de titre est une opération d’échange de monnaie contre titre

correspondant à une vente de titre assortis d’une clause de rachat à un prix et date fixé à

l’avance. Par exemple, une banque commerciale vend des titres achetés par des agents

non financiers et la banque s’engage à racheter ces titres aux agents non financiers à un

prix et une date déterminés à l’avance les agents non financiers prennent en pension

les titres en question.

- Les titres d’OPCVM (organisme de placement collectif en valeur mobilière) monétaire = ce

sont des titres à court terme qui sont détenus par des agents non-financiers comme les

ménages ou les entreprises et ces OPCVM sont des organismes financiers qui collectent

l’épargne des agents non-financiers et qu’ils achètent avec cette épargne en valeur

mobilière (actions, obligations, etc.). Ces OPCVM monétaires sont les SICAV (société

d’investissement à capital variable) monétaires et FCP (fond commun de placement). Les

SICAV détiennent à leur actif des titres financiers et le passif est constitué par le capital,

l’épargne divisé en parts qui sont achetés par les ménages ou les entreprises. En

achetant une part de SICAV, un particulier détient un titre de propriété d’un organisme

qui détient lui-même des titres de propriétés d’autres organismes. Quant aux FCP, ils

fonctionnent sur la même logique que le SICAV, sont de plus petite taille que les SICAV et

non pas le même statut juridique que ces derniers. En résumé, les titres d’OPCVM

monétaires sont des titres, des actifs à court terme.

- Les titres de créance d’une durée inférieure ou égale à deux ans = ce sont des titres émis

par les IFM qui sont achetés par les agents non financiers. Il y a différents titres : les

certificats de dépôts (CD), les bons à moyen terme négociable (BMTN) d’une durée

inférieure ou égale à deux ans.

(cf. www.INSEE.fr rechercher : principaux indicateurs monétaires en France et dans la zone euro.)

En 2007, pays de la zone euro :

Total M1 = 3826,5 milliards d’euros dont 3199,5 de dépôts à vue et 627 milliards pour les billets en

circulation.

Total M2 : 7331,8 dont 1970,8 pour les dépôts à terme inférieurs à 2 ans et 1534,5 pour inférieur à 3

mois.

Total M3 : 8642,2 milliards d’euros dont 312,7 milliards d’euros pour les pensions, 680,4 milliards

d’euros OPCVM et derniers titres : 317,3 milliards d’euros.

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