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RaymondGiordano

2302LIVREI

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©RaymondGiordano,2019

ISBNnumérique:979-10-262-4174-4

Courriel:[email protected]

Internet:www.librinova.com

LeCodedelapropriétéintellectuelleinterditlescopiesoureproductionsdestinéesàuneutilisationcollective.Toutereprésentationoureproductionintégraleoupartiellefaiteparquelqueprocédéquecesoit,sansleconsentementdel’auteuroudesesayantscause,estilliciteetconstitueunecontrefaçonsanctionnéeparlesarticlesL335-2etsuivantsduCodedelapropriétéintellectuelle.

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ChapitreI:BROUILLARD

ROMAIN

Je venais dem’assoupir quand le chef de cabine annonce par les haut-parleurs que l’avion fait face à un important épisode orageux et que nousdevons impérativement rester assis et garder nos ceintures bouclées.Soudainl’avionestfrappéparunéclair.Touslesappareilsélectroniquesetl’ensembledesrangéesdelampes’éteignentquelquessecondes.Autourdemoi,lesgensserecroquevillentsurleurssiègesetcertainspoussentdescrisentraînant dans leur sillage des pleurs d’enfants. Le commandant de bordtentedenous rassurer ennous informantqued’ici quelquesminutesnousseronssortisdelamassenuageuse.AdrianaaagrippémonbrasetceluideNicolas,etserresifortementquesousl’effetdelapression,jemeretourneverselle.ElleestblêmeetjenereconnaispaslacollèguefièreetmordantequinousaccompagneenÉquateuravecNicolaspournotrevoyaged’étudesur le climat. Au fur et à mesure que l’avion continue son ascension leséclairs sont de plus en plus impressionnants et la grêle qui maintenantfrappe la carlingue rend l’atmosphère électrique. La panique est à soncomblelorsquel’appareildécrochesuiteàuntroud’air.Lescasierssesontouverts et les bagages qui s’en sont échappés sont maintenant éparpillésdansl’alléecentrale.Lespassagersquisesontlevéspourlesrécupérerontétérapidementrappelésàl’ordreparlechefdecabinequilesainvitésàserasseoir et à ne plus bouger tant qu’ils n’auront pas quitté la zone deturbulence.

Lorsque enfin l’avion a atteint sa vitesse de croisière et qu’il vole au-dessusdesnuages,hôtessesetstewardss’affairentàrangerlesbagagesetàvenir en aide auxpassagersqui n’ont pas eu le tempsd’atteindre les sacsvomitifs.Adrianaareprisdescouleurstoutcommemonbrassurlequellestracesdesesdoigtssontencoreprésentes.

—Disdonc,Adriana,tuasunesacréeforcedanslesmains

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—Ouijesais,excusez-moi,nousdit-elleens’esclaffant.

Laconnaissantpoursafaçond’envoyerdanslescordesleshommesquisepermettentdesallusionssexistes,jenepeuxm’empêcherdeluidéclarerquelesfemmesauronttoujoursbesoindelaprotectiondeshommes.Nicolasensouriantsurenchérit.

—Sachequemonbras est toujours à ta disposition si denouveau tu aspeur.

—Ça suffit rétorque-t-elle d’un air agacé et c’est à notre tour de nousesclaffer.

N’ayant plus sommeil et ayant encore deux heures devantmoi avant leserviceduplateau-repas,j’ouvremonordinateuretjerelismesanalysessurl’ensemble des problèmes liés au changement climatique en cours que jedois étudier avec mon équipe et mes homologues équatoriens. L’IRD(InstitutdeRecherchepourleDéveloppement)oùj’aiunpostededirecteurde recherche en sciences des systèmes écologiques a organisé sous mahoulette une mission de trois semaines en Équateur avec l’universitél’ESPOLdeGuayaquiletjesuisimpatientdem’yrendre.Pourmeseconderdans cette tâche j’ai choisi Adriana spécialisée en Sciences physiques etchimiques de l’environnement et Nicolas recruté au poste des Sciencesbiologiques et médicales qui me complètent parfaitement dans mesrecherches. J’ai encore la tête penchée surmes notes lorsqueAdrianametapesurl’épauleetmedonneàlirelemenu.Ledéjeunerprisetlesplateauxdébarrassés,jefermelesyeuxmaisdécidémentlesortenveutautrement.

Le groupe de randonneurs basque que nous avons croisé dans la filed’attente à l’aéroport d’Amsterdam pour le vol de Quito a pour monmalheurprisplacederrièrenousetilsontdûbienarroserlerepas.Ilsparlentfort en s’interpellant entre les rangées. Excédé, je me retourne et leurdemande aimablement de baisser le ton. Cette requête n’ayant pas l’effetescompté,jemerésousàfaireappelàunstewardpourrétablirunsemblantde calme et de quiétude. À 15 h 45 le commandant de bord annonce ladescente sur l’aéroport de Quito. Lorsque l’avion stoppe sur son aire derepos, c’est subitement un branle-bas de combat. Dans un brouhaha

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indescriptible les gens rangent leurs affaires et se lèvent en se bousculantpourserendreauxportesdesortiessanssesoucierdesconsignesdonnéesparlepersonneldebord.Rapidementnousrécupéronsnosbagagesetnousnousdirigeonsvers la sortie.Nicolas aperçoit alorsunhomme tenant à lamainunpanneausurlequelonpeutlireIRD.Touslestroisnousavançonsverslui.

—Bonjour,nousdit-il,jesuischargédevousconduireàvotrehôtel.

Nous le saluons, lui emboîtons le pas et montons dans un minibus.Arrivésdevantnotrehôtel «LeBestWesternPlus», ungroupe sort d’uncar.

—TuasvuRomain,ilyatescopains,s’esclaffeNicolas!

—Oui,j’aivu,j’espèrequenousn’allonspaslesretrouvertoutaulongdenotreparcours.

Les fiches de l’hôtel remplies, harassé, chacun de nous prend enfinpossessiondesachambre.Jemedébarrasserapidementdemesvêtementsetmeprécipitesousladouche.Aprèsavoirprofitédesbienfaitsdel’eau,uneirrésistibleenviedem’allongersurlelitmesaisit.Jefermelesyeuxetmelaissesombrerdans lesommeil.Cette fois-cic’est lasonneriestridentedutéléphonequimeréveille,jetendslebrasetm’emparedel’appareil.

—Salutc’estDiego.

Danslesbrumesjemesouviensquec’estmonhomologueéquatorien.

—Romain,tum’entends?

—Oui,oui,excuse-moijem’étaisassoupi.

—OK,prendstontemps,jet’attendsavectonéquipeàl’accueil.

J’avertis lesautresquimerejoignentquelquesminutesplus tarddans lecouloir pour prendre l’ascenseur. Arrivé dans le hall, je reconnaisimmédiatement Diégo Luz de Sero avec qui j’ai déjà longuementcommuniquéparSkype.L’hommearborefièrementuncatoganpourretenirsanoirechevelurebouclée.

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—Salut dit Romain, je te présenteAdrianaAlbertini etNicolas Jerminmescollaborateurs.

—Enchanté,voiciAndréaMayumiavecquijetravailleenbinôme.

Aprèsavoirfaitconnaissance,DiégoetAndréa,nousproposentd’alleràpiedboireunverredansunbarbranchédelavillele«BandidoBrewing»spécialisteenbièreoùnouspourronsmangerdestacos.L’établissementsesitue dans une rue en pente. Sa façade est étonnante par la représentationpeinte de la vielle ville. Dès l’entrée il annonce la couleur avec unempilementdepintesdebièresblondesetbrunes,lebarestsurmontéd’unemezzaninequiexposedesgrandstonneauxenboiscerclésdefer.Lacartedurestaurantproposeunequantitéimpressionnantedeplats.Ensedirigeantpourprendreplaceàunegrandetablenousdécouvronssurnotredroiteunepiècequifaitofficedechapelleavecdesbancsd’égliseenboisbrunetaufondunautelsurmontéd’unemajestueusecroixenor.

—Ilestétonnantcetendroits’exclameAdriana!

—Oui, vraiment étonnant, c’est pourquoi nous voulions vous le faireconnaître.

—Lacarteaussiestétonnante, faitNicolas,moi toutceque jeviensdeliremedonnel’eauàlabouche!

L’atmosphère est chaleureuse, dans un coin de la grande salle deuxguitaristes jouent une musique entraînante. Nous profitons du repas pournousprésenterplusintimement,pourparlerdenoshobbiesetdessportsquenouspratiquons.

—Andréa et moi, dit Diégo, nous jouons au football dans une équipeamateuretsommesfansdenotreéquipenationale.

Diégosetourneversmoi.

—Ettoi?

—Moi,c’estnatationetcourseàpied.

—EtmoiditNicolasc’esttennisetsquash.

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—EttoiAdriana,faitAndréa?

—Jepratiquelesportleplusfémininquisoit.

—LagymnastiqueditDiégoensouriant.

—Oui,entreautres,maissurtoutlaboxefrançaise.

—Devantsonairébahi,Adrianaéclatederire.

—BravoditAndréa,celamériteuneautretournée.

Ilestdéjàtardlorsquenousdécidons,unpeusousl’emprisedel’alcool,de lever le camp afin de rejoindre l’hôtel où Diégo et Andréa sont aussidescendus.

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RANDONNEURS

Aprèsavoir récupérésdans lessoutesducar leursbagages legroupederandonneurs qui se compose de quinze adultes se dirige vers le desk del’hôteletrécupèresesclés.Àeuxtousilsoccupentlequatrièmeétage.LepivotcentraldugroupeestMathieu,MarionetleursdeuxenfantsétudiantsSabrina et Bastien. Au fil du temps ils ont entraîné avec eux Caroline etRémy cousin de Marion ainsi que les sœurs jumelles Isabelle et SophieamiesdeSabrina.C’estaucoursd’unesoiréed’étapebienarroséeetpleinederiresquedeuxcouples,LeïlaetJulien,et,CharlotteetFrançois,sesontliés d’amitié et se sont joints à eux les week-ends suivants dans leursmarchesentrelepaysbasquefrançaisetlepaysbasqueespagnol.Legroupea fini de se forger avec l’arrivée de Stéphane et Christelle et de leur filsThéocopaindeBastien.

L’Équateurestletroisièmevoyagequ’ilsréalisentensemble,toujoursparTerres d’Aventures. C’est un circuit complet de vingt jours avec quatrerégions à découvrir et à parcourir. Le choix et l’organisation ont étéeffectués, après accord de tous les participants, par la dynamiqueMarion,quarante-troisansquiveillesurlegroupecommesurlesenfantsqu’elleaencharge par sonmétier de professeur des écoles. Pour leur première soiréeellearéservéprèsdel’hôtelunetableaurestaurant«LasCorvinasdeDonJimmy»,lieutypique,idéalpourmangerlocaletpascher,letoutdansuneambiancecoloréedemarchééquatorien.UnefaçondeseprépareràlavisiteducentrecolonialdeQuitoquidoitavoirlieulelendemain.Àvingtheures,ilss’yretrouventtousattablésautourd’uncocktailoffertparlepatron.

—JelesensbienceséjourditJulien,onattaquefort.

—Santéàtous,ditRémy,remercionsMarionpoursonorganisation.

—Merci,répondent-ilstousenchœur.

Avec sa bonne humeur légendaire, Rémy, au cours du repas, fait rirel’assembléeenracontantquelquesbonneshistoires.C’estungroupejoyeux

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quilibèrerelativementtôtlatabledurestaurant.

Le lendemain, après un copieux petit-déjeuner, ils quittent l’hôtel pourvisiterQuito édifié sur les flancs d’unvolcan.Émerveillés, ils découvrentunecitéquiaconservéundesplusbeauxcentreshistoriquesdel’Amériqueespagnole. Après cette balade ils rejoignent leur car et prennent la routepour Otavalo. Des chambres leur ont été réservées pour la nuit dans uneauberged’unedescommunautésindiennesdelarégion.LegroupepasselajournéeduquatorzeseptembreàOtavalooùilsvisitentsonfameuxmarchéréputé pour sa diversité d’artisanats fabriqués par les Indiens les plustraditionnelsdel’Équateur.

Danslasoirée,deretouràl’auberge,ilsseretrouventtousaubarautourd’un verre à échanger leurs impressions sur ces dernières quarante-huitheures.Ilssontunanimessurl’intérêtdesmarchésmaisSophieexprimesadéceptiondenepasavoirpufaireplusd’excursionsautourd’Otavalo.

—Tuasraisonditsasœur.

—Jesuisd’accordavecvousrenchéritMarionmais ilaurait fallu resterunejournéedeplusetcen’étaitpaspossiblecardemainnousretournonsàQuitopournousenvolerverslesîlesGalápagos.

—Moi,ditStéphane,jesuiscontentdemajournéemaisenrevanchelelitesttropmouetj’appréhendelanuitàvenir.

— Stéphane, je ne veux pas dire, fait Julien, mais tu as toujours descritiquesàfairesurleshôtels,jecroisquetuesunpeurâleur.

—Jesuispeut-êtrerâleur,maistoituesunemmerdeuràtrouvertoujoursdes défauts chez les autres, rappelles, toi, que charité bien ordonnéecommenceparsoi-même.

—Necommencezpaslesgarçons,intervientLeïla,nousnesommesqu’audébutduvoyageetdéjàvousnouscassezlespieds.

—Iln’yenapasunpourrattraperl’autre,ditChristelleensoupirant.

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GUAYAQUIL

Le 13 septembre au matin Romain, Adriana, Nicolas accompagnés deDiégo et Andréa décident de visiter Quito avant de prendre un avion àquinzeheurespourGuayaquil.Aprèsuneheuredevol, leminibusqui lesattend les conduit directement à l’hôtel « SuitesGuayaquil » où l’équipedépose lesbagagesavantserendreà l’universitédeDiégoetAndréapourprépareretétablirleurprogrammed’étudesàvenir.Arrivésàl’universitéilsemboîtentlepasàDiégoquilesmèneauprèsdudirecteurquisouhaitefaireleur connaissance.C’est un homme jeune d’une quarantaine d’années quiles accueille chaleureusement. Après un bref échange de civilités, ilsrejoignentlebureaudeDiégo.EncheminDiégos’arrête,frappeàuneporteetentredansunlaboratoireoùofficientplusieurspersonnes.Ilssetournentversnous.

—Jevaisvousprésenterdeuxétudiantes,DoménicaetAya,quivontnousaccompagner quelques jours pour parfaire leurs connaissances sur leréchauffement climatique dans le cadre d’une thèse qu’elles doiventprésenterencommunpourleursexamensdefind’année.

Nous les saluons et après les avoir laissées, nous empruntons unascenseurquinousmèneaudeuxièmeétageaubureaudeDiégo.C’estunegrande pièce très claire avec une belle vue sur les jardins de l’université.Unegrandetabledeconférenceoccupelecentre.

—AsseyezvousditDiégo.

—Nousprenonsplace.

—Vousvoulezunverred’eau?

—Ah,oui,merciditAdriana.

Andréaquis’étaitéclipsélorsdenotrevisiteaudirecteurnousarejointsavec des dossiers sous le bras. Il a établi plusieursmémos qu’il nous faitpasser sur lesquels nous discutons longuement. Tous dans des domaines

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différentsonttraitàl’analysedesgrandsphénomènesclimatiquesdumondetropicaletdesinteractionsocéans/continents.

—Bien, dit Diégo, maintenant que nous avons défini vos objectifs jepense dans un premier temps, axer les recherches dans les domaines dessciencesde la terre etde l’environnement etnotrepremièreétape sera lesîlesGalápagos.Plusprécisément Isabela,c’est laplusgrandedes îlesqui,outrelavariétéimpressionnantedesafauneetdesaflore,renfermentcinqvolcanstoujoursactifs.

—ParfaitditRomain,combiendejoursyresterons-nous?

—Pouruneétudeapprofondie,jediraisquatreàcinqjours,répondDiégo.Demainmatin tôt, une voiture viendra vous chercher à votre hôtel. Nousnous retrouverons à l’aéroport pour un vol pour Baltra une petite île desGalápagos.Delànousprendronslarouteentaxipourallersurl’îledeSantaCruz,lesdeuxîlesétantséparéesparunpetitbrasdemer.

—Etpourcesoir,ditNicolas,avez-vousprévuquelquechose?

—Non, Guayaquil n’étant pas très intéressant à visiter, je propose quevousdînieztranquillementaurestaurantdel’hôtel.

Diégo les raccompagne à la sortie où les attend le minibus qu’il acommandé quelques minutes plus tôt. Romain et ses compagnons ontmaintenanthâtedeselancerdansleursrecherches.

Le lendemainaprèsavoirpris l’avionpourBaltranousnousrendonsentaxiàSantaCruzlapremièreétapedenotreexpédition.Durantdeuxjoursnotre équipe maintenant constituée de sept personnes en comptantDoménica et Aya parcourt l’île où nous étudions la faune et la flore del’archipel en visitant entre autres la StationCharlesDarwin. Sur la partiehautedel’îlenousdécouvronsLosGemelos,deuxcratèresdecônesdelaverecouverts d’une luxuriante forêt tropicale et humide à la végétation trèsvariée. Nous nous enthousiasmons sur les tunnels de lave que noustraversonssurplusd’unkilomètre.

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16SEPTEMBRE

Ce 16 septembre tôt le matin notre équipe prend le bateau qui fait laliaisonendeuxheuresavecl’îled’Isabela.Nousposonslepiedsurlaterrefermeetprenonsunminibusquinous conduit à l’hôtelStarFishoùnousdéposons nos bagages. Sacs à dos à l’épaule, nous repartons en 4x4 pourgagner le sommetde l’île,pointdedépartdenosobservationsprévuesdel’histoire géologique des différents volcans qui la jalonne. Cinquanteminutesplus tardnous sortonsduvéhicule sousuncielbasetnuageuxetentamonsleparcourssuggéréparDiégo.Alorsquenouslongeonsl’arêteducratèreduvolcanSierraNegra,noustombonsnezànezaveclegroupederandonneurs.

—Jen’ycroispasditNicolas,Romainesttracéparsescopains!

—Pourquoidit-ilça,demandeDiégoensetournantversRomain?

—Parcequ’ilsétaientavecnousdans l’avionaudépartd’Amsterdametquej’aieuunepetitealtercationaveceuxcarilsétaienttrèsbruyants.Etdesurcroîtnouslesavonsretrouvésàl’hôtelàQuito.

—Ah,maintenant,quetuenparlesjemerappellelesavoircroisésdanslehall.

Subitement un épais brouillard poisseux les enveloppe.Unbrouillard siépaisetsinoirqueRomainenalanausée, ila lasensationd’êtreaubordd’unprécipice.Sousl’emprised’unphénoménalvertigeiln’osepasbougerattendantque lebrouillardsedissipe.Lesilenceautourde luiest sidensequ’il en est assourdissant. Romain a l’impression de suffoquer. Une peurpanique l’envahit quand soudain il lui semble entendredesgémissements.Auboutd’untempsquiluiparaitêtreuneéternitécettenoirceurcommenceàsedissiper.Romaincotonneux,chancelant,abasourdis,reprendpeuàpeusesesprits.L’ensembledesrandonneursetdel’équipeautourdeluisemblepétrifié. L’atmosphère est oppressante. Les gémissements ont disparuremplacésdenouveauparuneffrayantsilence.Romainsedécideàavancer

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versAdrianaquiest laplusprochedelui,cettedernièreestagenouilléeetsemble prier. Quand il lui pose la main sur l’épaule, elle pousse unhurlement de terreur repris en écho par tous. Elle s’effondre, en larmes,recroquevilléesurelle-même.Romainlaprenddoucementdanssesbrasettente de la réconforter. Autour d’eux, hommes et femmes sortent de leurtorpeur. Les uns et les autres se regardent désorientés. Certains semblentencore habités par la peur. Pour se rassurer les familles et les coupless’enlacent, quant à Romain et àAdriana ils sont rejoints par leur équipe.DoménicaetAyasetiennentparlamainlesyeuxrougisparlespleurs.Ellesnereconnaissentplusl’environnement.Lecielquiétaitauparavantnuageuxest subitement devenu d’un bleu limpide et la température a fortementgrimpé. De dix-huit degrés quand ils étaient arrivés en haut, elle doitavoisinermaintenantlestrente-deuxdegrésavecunefortehumidité.Surlesflancsduvolcanlavégétationadisparuetlepaysageestlunaire.

—J’aivuditDiégoàsonéquipe,unmembredugroupedesrandonneursavecuntéléphonesatellitaireàlamain,cedoitêtreleguide.Peutêtre,ontilsdesinformationssurcetépisodeclimatique.

—Tuasraison,ditAndréa,allonslesvoir.

Adrianaquiestsortiedesaprostrationestlapremièreàlesaborder.Ellerepèreunhommerobusteetdetaillemoyennequitientletéléphone,elleseprécipiteversluimanquantpresquedelefairetomber.

—Savez-vouscequiarrive,avez-vouspujoindrequelqu’un?

—Hélas non, répond-il, je n’ai aucune connexion, ça nem’était jamaisarrivéauparavant.

—Commentest-cepossible,crieAdriana?

—Jenesaispas,j’aitoujourspuétabliruncontactmêmesidesfoisilm’afallu du temps pour l’obtenir, mais actuellement, le signal est totalementabsent,aucunbip,rien.

Adrianablêmitetentremblantretourneverssesamis.

— Romain nous ne pouvons pas rester là, nous devons absolument

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retournerauvillage.

L’équipequiestdanslemêmeétatd’espritabondedanssonsens.

—OKditRomain,maisnousdevionsappelerletaxipourleretourornosportablesnefonctionnentpas.

Rémyquiaentendulaconversationvientverslui.

— Je vous propose, si mes compagnons décident aussi de partir, deprendreavecnouslecarquistationnesurleparking.

—Merci,ditRomain.

—Écoutez-moitousditRémyàvoixhaute,lespersonnesquisontautourde moi souhaitent quitter cet endroit, comme ils n’ont pas de moyen delocomotion, je leur ai proposé de monter dans notre car et je pense toutcommeeuxqu’ilseraitplussagederentrer.David,leguide,quin’atoujourspaspuavoirdeliaisonavecsontéléphonesatellitaireapprouve.

—Ilaraison,ilfautpartir.

L’ensembledugroupequivitencoremalcetévénementacceptede toutcœur.Aprèsdebrèvesprésentations,ilsprennenttouslecheminduretour.Ilsontladésagréableimpressiondemarcherdansundécorlunaire.Toujourslamêmeroche,toujourslamêmecendre.Davidquichemineentêtedepuisledébuts’eninquiète,stoppeetseretourne.

—S’ilvousplaît,entendez-moi,ilyaunproblème.Jesuisguidesurcetteîle et les îles avoisinantes depuis des années mais aujourd’hui je suisdésorienté, je ne reconnais plus les terres que nous parcourrons. Aucuneroutenesedessineàl’horizonetnousaurionsdûsimescalculssontexactsavoiratteintleparkingdepuisquinzebonnesminutes.

—Je suggèredoncde tenterdedescendrevers lameretde rejoindre lavilledePuertoVillamil.

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DISSENSION

C’est l’incompréhension dans le groupe. L’abattement et la peurs’installent à nouveau.Doménica etAya refusent de bouger, demandent àfairedemi-touretàretournersurlacrête.Ellessontrapidementrejointesparla familleLafitteetpar lessœursAcosta,quisoutiennentcepointdevue.StéphaneLafitteajoutantmêmequelessecoursnelesrécupérerontpass’ilsquittentlacrêteduvolcan.C’estlaconsternationauseindugroupe.

—Cen’estpaspossibles’exclameMarionens’adressantauxréfractaires.

—Vousallezmourirdesoifaveccettechaleursivousrestezsurplace,jesuissûrequecertainsd’entrevousn’ontdéjàplusd’eau,jemetrompe?

Aya tout comme Théo Lafitte reconnaissent contrits qu’ils ont tout bu.Les parents de ce dernier vérifiant leurs bouteilles conviennent qu’eux-mêmes n’en ont plus beaucoup. C’est le moment que choisit Diégo,responsabledesesétudiantes,pourinterveniretpourlesinciterfermementàaccepter leretouràPuertoVillamil.Duhautdeleursvingt-deuxans,ellestententencoredeserebellermaisfinissentparcapituler.IsabelleetSophieAcosta renâclent et n’acceptent pas cette décision essentiellementmasculine.

—Vousnevousrendezpascomptedelasituationdanslaquellenousnoustrouvons,notreguideestlui-mêmeperduetvousvoulezquenousquittionslehautdelamontagne?

—Iln’yapasdeparkingetpasdecarici.Quinousditquenousn’avonspasprisunmauvaischeminetquenotrecarnenousattendpasde l’autrecôté?

Tout lemonde regarde David, attendant une réponse de sa part. Davidtendlamainetmontreuneboussole.

—Sauf si le champmagnétique terrestre a été lui aussi bouleversé,maboussole,dit-il,nesetrompepasetnousavonsprislabonnedirectionpour

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rejoindreleparking.

Romainquisentquel’atmosphèredugroupesedétériore,s’approchedeDavid.

—David,combiend’heurespouratteindrelecentreurbain?

—Jediraissixàseptheures,enmarchantàbonneallure.Lesouci,c’estquenoussommesdéjàenfindematinéeetquelanuittombeàpartirdedix-huitheures.

—Alorsneperdonspasdetemps,ditRémy,noustesuivons.

— Vous n’avez rien compris à ce que nous venons de vous dire,s’exclamentSophieetIsabelle.

—Sinousavonstrèsbienenregistrévoscommentaires,rétorqueRémy,etsi vous voulez retourner là-haut et si d’autres veulent aussi vous suivrequ’ilsyaillent.

Unsilences’installe.

—David,ditRémy,allons-y.

Davidunpeugênésetourneversl’ensembledugroupe.

—C’estOKpourtoutlemonde?

À l’unisson c’est un oui général excepté pour Sophie et Isabelle quicampentsurleurspositions.

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EXPÉDITION

Lesol,surlequelilsavancent,atoujourscettemêmecouleurgrisâtre,lespas s’enfoncent retardant leur progression. Le paysage fait penser à undésertdesablenoir.Ilscheminentenfileindienneoupardeuxsurunepenterelativementpeuimportante.Lesregardssontsombres,toussontempreintsd’incertitude, ils se sentent perdus, la situation leur échappe. Lescompagnons de Romain ne sont pas des marcheurs entraînés comme lesrandonneurs,deplus ilsportentdessacsàdosrelativement lourdsremplisdematériel,ordinateursetautres,destinéà leursétudes,qu’ilsnepeuventpassepermettred’abandonner.Aprèsdeuxheuresdemarcheharassante,ilsdemandent à s’arrêter pour souffler. David consent à faire une haltemomentanée pour réétudier la situation. Marion, en bonne organisatrice,proposedefaireunpointsurlesvivreseneauetennourriturequepossèdechacun des participants ainsi que sur les accessoires qui pourraientéventuellementservirdurantcevoyagederetour.

L’ensemble du groupe de vingt-trois personnes, dont Sophie et Isabellequi les ont rejoints, est bien équipé. Bâtons de marche pour certains,briquetset allumettes,pairesde jumelle, troussesàpharmacie,bombesoulotions antimoustiques, boussoles, couteaux suisses, un couteau de chassepour leguideetquelquesoutilspropresàeffectuerdes recherchesdans lesolpourl’équipedeRomain.Leplusproblématiqueestl’eaucarelleaétédéjàbienutilisée,lesbouteillesetgourdesétantautrois-quartsvidessinonvides.Quantàlanourriture,elleconsisteprincipalementenquelquesbarresde céréales et sandwichs de l’équipe des chercheurs. Difficile de tenirjusqu’àlavilled’autantplusqu’unbivouacseranécessaireavantlanuit.

Leurprincipalepréoccupationestmaintenantdetrouverunpointd’eauetd’organiseruncampementdefortuneavant la tombéedujour.Aprèscettehalte,legrouperepart,angoissé,pourdenouveautroisheuresdemarche.Ila été prévu de s’arrêter vers dix-sept heures trente. La chaleur estinsupportable,tousportentdespantalonsetplusoumoinstroiscouchesde

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vêtements comme il est conseillé pour la randonnée en altitude. Certains,quandc’estpossible,sedévêtentetrangentlesurplusdansleurssacsàdos,d’autreslesnouentautourdelataillemaiscelaentraveleurmarche.

Le terrain devient plus escarpé, Aya et Doménica qui n’ont pas dechaussures de marche suffisamment bien adaptées ralentissent le pas,jusqu’àcequ’Aya,glisseets’entaillelamaingaucheenseréceptionnantsurune roche volcanique aux arêtes tranchantes. Le groupe s’arrête pour luivenir en aide.Samain est désinfectée et bandéepuis la descente reprend.Diégosecharged’Ayadefaçonàéviterunenouvellechute.Andréajouelechevalier servant auprès de Doménica. Soudain la couche de cendrecommenceàdisparaître et fait place àunemousseverte spongieuseoù lepied s’enfonce encore plus profondément, avec la désagréable impressionquelesolchercheàlesralentiretàlesentraver.Uncriretentit.Théo,happéparlesol, lancedesappelsausecours.Ilestenliséjusqu’auxhanches,sesbrasbattentl’aircommedesmoulinets.Àlavuedecettescènelegroupesefige.

—Théo,hurlesonpèreenseprécipitantverslui,nebougeplus!

—Tiensboncrientà l’unissonRomain,Rémyet Julienqui seportentàleurtouràsonsecours.

Théos’estimmobilisé,laterreurselitsursonvisage.

—Papa,papa,sors-moidelà,sors-moi.

Stéphanetendàsonfilssesbâtonsdemarchequecedernieragrippedesdeuxmains.Nepouvantpass’approchertropprèsdeThéodepeurdesubirlemêmesort,StéphanedemandeàRémydeletenirparlataille.RomainetJulienqui se sontallongés sur le sol, empoignentà leur tour lesbâtonsetaidentStéphaneàtirer.SoudainementThéoestéjectédelamoussesouslaforcedelatractionexercéeparleshommes.

Lamousse sembleagircommedes sablesmouvants,Romaincomprendqu’ilssontendanger.C’estdenouveaul’affolementdanslegroupeetpluspersonnen’osefaireunpas.Rémys’adresseàRomainetJulien.

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—Quefait-onmaintenant?

—JepenseditRomainqu’ilfautqu’ilsnousrejoignenttousenmarchantavec précaution puis l’un de nous oùDavid prendra la tête en sondant leterraindevant luiavecdesbâtons.RémyetJulienacquiescentetRémyseservantdesesmainscommeporte-voixexpliqueaugroupecommentagir.Lespluséloignéssontlesmoinsrassurésmaistrèsrapidementilssonttousregroupés. David conserve naturellement la tête avec néanmoins unecertaine appréhension. Ce n’est qu’après une heure de marche lente etcompliquée que le groupe rejoint une aire où la terre est dépourvue demousse.

— Vous vous rendez compte s’exclame Christelle, la situation danslaquellenousnoussommesmisenacceptantdequitterlevolcan!

— Qui nous dit que nous n’allons pas encore rencontrer ce typed’embûchessurleparcours?

—Mafemmearaison,ditStéphane.

—Jevousstoppe toutdesuiteditDavid, lanuitapproche,unretourestinconcevableetilnousfautrapidementtrouverunlieusûrpoursemettreàl’abri.

—DavidaraisonrenchéritMarion.

Lamarchereprend,degrosnuagesnoirsontfaitleurapparitionetlapluiefines’estmiseàtomber.Lesbavardagesontfaitplaceàdeschuchotements.Le terrain est devenu plus abrupt et le groupe serpente entre d’énormesrochers.Audétourde l’und’eux,David repèreune sortedegrottequi luisemblesuffisammentgrandepouryfaireentrer tout lemonde.Lapluiesemettant à redoubler, ils s’y engouffrent tous sans attendre.La salle qui seprésente à eux est vaste, ils posent leurs sacs et s’assoient accablés defatigue et d’angoisse. Soudain Aya éclate en sanglot bientôt rejoint parDoménica. Marion et Sabrina se rapprochent d’elles et tentent de lesréconforter. Sophie, forte en gueule, se lève et du haut de son mètresoixante,apostrophel’assemblée.

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—Jel’avaisdit,nousn’aurionspasdûquitterlevolcan.

—Ah,oui, tuasvuledélugemaintenantà l’extérieur, tuteseraisabritéoù?S’exclameJulienquinesupportepascesjérémiades.

—Ohtoileflicmachoçava,riposteIsabelle.

Resté debout face à l’entrée Diégo avec sa haute stature et son portaristocratique, se retourne et d’une voix doucemais autoritaire impose lesilence.

—S’ilvousplaît,lasituationdanslaquellenoussommesestsurnaturelleetcen’estpaslemomentdenousinvectiverlesunslesautres.Nousdevonstousensembleresterunispouraffronterlesjoursàvenir.

— Diégo a raison approuve Romain et nous devrions déjà mettre encommun la nourriture dont chacun dispose et profiter de la pluie pourrecueillirdel’eau.

Après avoir coupé les sandwichs, chacun s’en voit distribuer une partainsiqu’unebarredecéréale.Ildevientmaintenantimpératifdediscuteretdetenterd’apporterdesréponsesàlasituationinextricabledanslaquelleilsse trouvent. Avant la disparition complète du jour Romain et sescompagnonssortentdeleurssacsleursordinateursafind’apporterunpeudelumièreaulieu.Troptôtpourdormir,chacunsemetàparlerpourévacuerlestress. Actuellement aucune explication à leur situation présente n’estréellementenvisageable tantqu’ilsn’aurontpasatteint laville.Lesdébatsquiontcommencéauseindel’assistancebutenttoussurcetteperspectiveàvenir, que vont-ils y trouver ? Rémy, d’un tempérament optimiste qui atoujourssuboosterlegroupelorsdesprécédentsvoyagesaffirmequec’estunsimpleépisodemétéorologiquequiadûperturberlanature.

—Jesuis sûrqueseule lapartiehautede l’îleaété impactéeetque lesvillageoisvontbienrigolerquandnousallonsleurraconternotrehistoire.

—Tupensesvraimentcequetudis,rétorqueFrançois,ladisparitiond’unparking et des routes qui y menaient seraient un simple épisodemétéorologique?

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—Alorstoiavectonespritcartésien,quesuggères-tu?

—CelasuffitintervientCharlottequivientappuyersonmari.Rémy,tuesinconscient,tunevoispasquenoussommesperdus?Ilyavaitd’autrescarsdetouristessurleparking,tulesasvustoi?

—Un mari cartésien et une femme rabat-joie, quel couple formidable,ricaneRémy!

—Mais bon sang, vous croyez que c’est lemoment de vous lancer despiquess’exclameMathieudesavoixdestentor.Lasituationdans laquellenoussommesestsuffisammentpréoccupantepourquecelanedégénèrepasenpugilat.

—Tuasraison,CharlotteetFrançoisexcusez-moi,faitRémy.

—SijepeuxmepermettreditAndréaquial’âmed’unarbitre,entantquechercheurenclimatologie,Rémyn’apeut-êtrepasentièrementtortmaisenrevanche cet épisode s’il a eu lieu, a dû toucher toute l’île et les îlesavoisinantes.

Cettedernièresuggestionnerassurepaslegroupemaisalorsquelejouralaissélaplaceàlanuitdesrâlessefontentendreàl’extérieur.

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PANIQUE

L’assemblée est proche de la panique et c’estMathieu, cinquante et unans, le senior du groupe, qui réussit à rétablir le calme en proposantd’obstruerl’entréerelativementétroitedelagrotteaveclesgrossespierresqui reposent sur le sol. Très rapidement les hommes montent un mur enlaissant un espace à bonne hauteur afin de donner suffisamment d’air demanière à ne pas étouffer. Une lucarne à hauteur des yeux est aussiaménagée afin d’établir une surveillance. Une fois ce travail réalisé legroupes’installedumieuxqu’ilpeutpourpasser lanuit.Leshommesontdécidédeserelayertouteslesheuresdevantl’entréepourlagarderetdesemettreenfactionàtourderôle.Lesrâlesextérieursprouventqu’ilsnesontpas les seuls êtres vivants sur l’île ce qui les console tout en augmentantleurscraintesnesachantpasàquietàquoiilsontàfaire.Lafatiguevenant,lesunsetlesautress’endormentlatêtesurleurssacsàdos,exceptéDavid,quiprendlapremièregarde.Unordinateuraétélaisséallumépourservirdeveilleuseréconfortantepourceuxquel’anxiététenaille.

Vers lemilieu de la nuit, alors qu’Andréa a pris son tour de garde, desbruits de griffes sur la roche extérieure et de nouveau des râles réveillentl’assemblée. Andréa qui colle son œil à la lucarne pour tenter de voirquelquechose,sentsoudainementlatruffed’unanimallefrapperauvisage.Souslecoupiltombeàlarenverseencriantenmêmetempsquequelquespierresqui sedésolidarisent dumur et qui lui chutent sur les jambes.Lesfemmes et les hommes se lèvent d’un bond. L’affolement est général. Lapaniqueestàsoncomblequandleurremparts’effondresouslesnouveauxcoups de boutoir de la bête qui tente de s’introduire dans la grotte aumomentmêmeouDiégoetRomainaidentAndréaà se relever.Alorsqueleshommespoussent les femmesvers le fondpour lesprotéger,David seressaisit et attrape dans son sac un chiffon qu’il enroule autour d’un desbâtons de randonnée. Il l’asperge d’alcool à quatre-vingt-dix, l’allume etaveclatorcheainsiconfectionnée,ilseprécipitesurl’animalquiseprésentedenouveau à l’entrée.Labête reculemaispas suffisamment.Prenant son

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courage à deux mains, David, hurlant, la torche à bout de bras sort engesticulant. Il aperçoit alors plusieurs animaux qui s’enfuient. Plusieursgrognementsetcrisrauquescontinuentmalgrétoutàdéchirerlanuit.

Souslesacclamations,Davidréintègrelagrotte.Legroupelefélicitepoursonespritd’initiativeetsoncourage.IlfautreconstruirelemuretMathieus’emploie avec ses compagnons à le remettre en état en le doublant avectoutes les roches à disposition. Ils en bouchent complètement l’ouverturetout en conservant une petite aération à son sommet. Cet événement asérieusement entamé le sommeil du groupe, ils ont beaucoup demal à serendormir, certainsontbesoindeparlerpour refouler leurspeurs,d’autresne supportent plus cet enfermement. Il faut toute l’énergie deMarion quidemande à chacun d’allumer son téléphone portable pour éclairerl’ensembledelagrotteafind’éteindreunenouvellepaniquegénéraledontlerisque est toujours palpable. Cette action permet aux personnes les plusangoisséesdereprendreleursespritsetdesecalmer.Quandl’apaisementestrevenu, chacun éteint son téléphone, l’ordinateur de Romain continuantquantàluiàéclairerlecentredelagrotte.

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FOUDRE

Lorsquelalumièredusoleiléclairel’intérieurdelagrotteensefaufilantàtravers les interstices de leur fortification, une nouvelle journéed’incertitudes se profile dans l’esprit de chacun de ces réfugiés. Leshommes dégagent avec précaution l’accès en s’assurant qu’aucun animaldangereuxnerôdealentour.Lesnuagesnoirssonttoujoursprésentsmaislapluie a cessé, la température a baissé et est plus supportable, elle doitavoisiner les vingt degrés. Les timbales et autres récipients qui ont étédisposés le long de la paroi rocheuse se sont remplis d’eau de pluie.Romain,parprécaution,souhaiteanalyserl’eauavantdeladistribuer,ilsortde son sac un kit qui permet de vérifier que cette dernière est potable. Ilremarquequelesulfate(moléculeàbasedesoufre)estcurieusementélevémaistoutefoissansdangerpourlaconsommation.

Le groupe a hâtemaintenant de quitter ce lieumais l’état d’Andréa estpréoccupant car outre l’important coquard qui lui inflige de garder lapaupière droite fermée, il ne peut pas remettre la chaussure de son piedgauchequi a enflé.Andréa, pour cettepremière excursion,n’apaspris lapeinedemettreseschaussuresdemarcheetsesbasketsn’ontpasétéd’unegrandeprotectionquandunepartiedumurluiesttombéedessus.EnlèvetachaussetteditLeïlatoujoursprêteàaidersonprochain,jesuisinfirmière,jevaisregarderl’étatdetonpied.MerciditAndréaquis’exécute.Envoyantl’état des orteils violacés d’Andréa, Leïla souffle. Après un examenminutieux elle donne son pronostic, tu as deux orteils de fêlés. Je vaist’arrangerçamaispourlamarche,tuvasdéguster.EllesortdesatroussedesecoursdespansementsadhésifsafindecollerlesorteilsentreeuxetdonneàAndréauneaspirinepourcalmerladouleur.MerciditAndréa.

—De rien rétorque Leïla, le plus dur reste à faire, il va falloir que turemettes ta chaussure. Sous les encouragements du groupe qui a hâte dequitterlagrotte,Andréa,grimaçantdedouleur,serechausse…

IlssemettentenroutepourlevillagedePuertoVillamildontletempsde

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voyage est estimé à quatre heures selon les obstacles que peut encoreréserverleparcours.Andréa,aidédebâtonsderandonnéeprêtésparRémy,estprisenchargeparDiégoetNicolas.Lerepasdusoirayantétéfrugal,ilestimportantdetrouverdequoimanger.Daviddemandequechacunprêteattentionencheminauxarbresquipourraientporterdesfruitscomestibles.La pluie s’étant remis à tomber, tous enfilent un vêtement de protection.Après une heure de descente, le terrain rocailleux devientmoins pentu, illaissevoirde-cide-làdescactusavecdessortesdepoiressurlestroncsquisemblent être des figues de Barbarie. Les voyageurs se précipitent etconstatentavecsoulagementlebien-fondédeleursespérances.Couteauxàlamain,ilscueillentdélicatementlesfruitspournepassepiqueretaprèslesavoirépluchésnonsansdifficulté,lesconsomment.Ilssontheureuxd’avoirretrouvéuneplantequ’ilsconnaissent.

La végétation commence à reprendre franchement ses droits et la forêtéquatorialeréapparaîtenfin.Danslecielilsaperçoiventdesgrosoiseauxdelatailled’uneoiequivolentenpoussantdescrisstridents.Davidremarqueque les arbres sont plus ramassés sur eux-mêmes, les troncs plus gros nemesurentpasplusdecinqsixmètresdehautetlesfeuillesquantàellessontdémesurées avecuneenvergurede l’ordrede soixante-dixcentimètres.Laforêts’estclairseméecommesilesarbresnevoulaientpassecôtoyer.Leursracinesdelongueurdémesuréeaffleurentlesoletdélimitentlescontoursdeleur territoire en de grands cercles concentriques. La pluie a maintenantredoublé,accompagnéederafalesdeventsviolents.Legroupes’éparpilleetseprécipitesouscesarbresafindeseprotégerdecettepluietorrentiellesansse soucier des éclairs qui illuminent maintenant le ciel. Un vacarmeterrifiant retentit quand la foudre s’abat sur l’arbre qu’ont choisi les deuxsœursIsabelleetSophie.Appuyéesautroncensetenantlamain,ellessontl’uneet l’autre foudroyées.MarionetMathieuquise trouventàproximitésont les premiers à courir vers elles pour leur porter assistance, mais lescorpsqu’ilsdécouvrentausolnelaissentaucundoute,IsabelleetSophieontété électrocutées et sont mortes sur le coup. Le tonnerre atteint sonparoxysmequandlesunsetlesautressemettentàcourirdanstouslessensdanslebutdefuirlaforêtetsesarbressourcesdemort.

Sortidelaforêt,Romaindansunsursautdelucidité,crieaugroupe.

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—Étendez-voussurlesoletécartez-vouschacund’aumoinstroismètres.

—PourquoidemandeDoménica?

—Si l’und’entre nous est touchépar un éclair, l’électricité se répandradanslaterre.

Auboutd’uneheurequileurparaîtuneéternité,lecalmerevient,lapluieetletonnerreontcessé.Lesvêtementsdepluien’ayantpaspulesprotégerentièrement,hommeset femmessont trempés.Péniblement ilsserelèvent.Marionéclateensanglot.

—Nous ne pouvons pas abandonner Sophie et Isabelle, dit-elle, nousdevrionsretournerauprèsd’ellespourlesensevelir.

Ne pouvant se soustraire à cette demande, l’ensemble des hommes seproposed’effectuercettetâche.Ayantbeaucoupcouruensortantdelaforêt,celle-ci se trouve à plus de trois centsmètres.C’est sur un sol boueux etglissant qu’ils rejoignent les arbres. Quand enfin ils retrouventl’emplacementoùsontcensésse trouver lescorpsd’IsabelleetdeSophie,ceux-ciontdisparu.Marionquilesaaccompagnésestatterrée.

—C’estuncauchemarhurle-t-elle!

Sonmaril’entouredesesbrasettentedelaréconforter.Desempreintesau sol laissent à penser que les corpsont été déplacés et emportés.Davids’élance vers les escarpements quittés quelque temps plutôt. Mais c’estpeine perdue, la pluie a lessivé le sol et les traces pour les retrouver ontdisparu. Il retrouve un sac à dos qui a dû se détacher d’un des corps, leramasse,etrejointlepetitgroupe.Jepense,dit-il,quecesontlesanimauxdelanuitdernièrequiontdûlesenleveretnousdevonstrèsvitequitterleurterritoirecarilsontmaintenantgoûtéàlachairhumaine.Traumatiséspourdirequoiquecesoit,ilsrejoignentlesfemmesquipatientaientàlalisièredelaforêtens’abstenantsurlemomentdetoutcommentaire.

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LECAMP

Legroupeamputédedeuxpersonnesreprendsamarcheensilence,tousperdus dans de funèbres pensées. La végétation qui fait face à eux estdevenue plus dense, les entravant dans leur marche. Arrivés àl’emplacementoùdoitsetrouverlevillageaucunbâtimentn’estvisible,labaieadisparupour faireplaceàdevastesétenduesde terres fermesetdesablesmélangésàdesgrainsderochevolcanique.Legroupequiapeuparlépendant cette descente est éreinté et affamé, c’est à peine si l’absence duvillageetdelamerlessortdelatorpeurquis’estabattuesureux.Davidquia révélé àRémypendant le trajet que sa sœur tenait un bar restaurant encentre-villeoùilavaitl’habitudedeproposerauxrandonneursdeserendrepour dîner avant de rejoindre leurs hôtels est dévasté par le chagrin. Ilsmarchentmaintenantdepuisplusieursheures. Ilsontcertainementdépassél’emplacementoùdevaitsetrouveranciennementlacitéavecsesruesetsaplacecentrale.Fatiguéspsychologiquementetphysiquement,envahisparledésespoir, certainsposent leurs sacs, s’assoient la têteentre leursmainsetpleurent en silence. Rémy devant l’accablement de tous propose deretournersurleurspas.

—J’ai aperçu, dit-il, un peu plus haut des palmiers et des bambous quipourraientnouspermettredeconstruireuncampprovisoireetderéfléchirànotreretoursurlecontinent.

L’ensembledel’assistanceacceptecetteoffreetsuitRémy,têtesbaissées.EnsedirigeantverscelieuDoménicapousseuncri,cequiapoureffetdestopperlegroupedanssamarche.

—Regardezditelleenpointantsondoigtversunmonticule.

Lestêtesseredressentettouslesyeuxsetournentverscequisembleêtredes vestiges d’habitations enfouis sous la végétation. Intrigué, Romain sedirige vers l’endroit, s’agenouille, effleure le sol avec ses mains ens’empressantdesortirsesoutils.Rémy,revientsursespasetl’apostrophe.

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—Romain,tufaisquoi?

—Comment,jefaisquoi?D’aprèstoi?Enfinnoustrouvonscequiparaîtêtredestracesdeprésencehumaineettumedemandescequejefais?

—Tu ne penses pas que cela peut attendre, rétorque Rémy, prenant legroupe à témoin ? L’édification du camp me semble primordiale pour lebiendetousettesoutilsnousserontnécessaires.

Romain,devantleregarddésapprobateurdecertains,rangelesoutilsetselevant toise de ses 1m90 Rémy qui pas plus impressionné que cela, leremercie.Arrivéàl’emplacementadéquatpourétablirlecamp,Rémyposesonsacsuiviparl’ensembledugroupe.Romain,quin’apasencoredigérédenepasavoirpufairesesfouillesàsaguiseinterpelleRémy.

—Alorsquelesttonplanmaintenant,petitchef?

—Jenecherchepasàêtrelechefettouteslespropositionspourérigeraumieuxnotrecampementserontlesbienvenuesycomprislestiennes.

MathieunesouhaitantpasquelasoudainerivalitéentreRémyetRomainsepropageau restedugroupe,proposealorsde formerdeuxéquipes,unepour bâtir le camp et une pour dénicher de l’eau et de la nourriture. Àl’unanimité la proposition est approuvée et tous font cercle autour deMathieupourattendresesdirectives.

—Bien!JeproposepremièrementqueBastienetThéoainsiquel’équipedechercheursquiontquelquesoutilsdansleurssacssejoignentàmoipourmonterlecamp.

— Ensuite, les autres avec David pour vous guider, vous devezimpérativementnousrapporterdel’eauetsipossibleàmanger,lasurviedugroupedépenddevous.Videzvossacsàdosçavouspermettrad’ymettrelanourriture.Quantàceuxquirestentavecmoi,donnezleursvosgourdesetbouteillesvides.

Chacun s’exécuteet l’équipedeDavidpart sous les encouragementsdel’équipedeMathieu.

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Sur les instructions de Mathieu, menuisier charpentier de son état,Romain,Nicolas,Diégo etBastien sont chargésde récolter des cannesdebambou afin de construire dans un premier temps trois tipis, un pour lesfemmescélibataires,unpourleshommescélibatairesetunpourlescouples.Andréa qui souffre du pied a droit au repos pendant que Théo, Adriana,DoménicaetAyasontaffectésàlarecherchedegrandesfeuillesd’arbreetde lianes pour assembler et couvrir les tipis. Les hommes se mettent àrécupérer des tiges de bambou suffisamment grosses et longues afind’édifier la structureprincipale. Ilsprennent enpremier celles tombéesausol puis enfin les cannes d’une couleur brune qui peuvent être déplantéessansavoirà lescoupercar ilsn’ontàdispositionpourcetteopérationqueleurs couteaux Suisses. Aidés de leurs truelles d’archéologie ils creusentassez profond pour ancrer les cannes dans la terre. Au cours de cetteopérationRomaindécouvredesparticulesdecendreetdespierresponcecequiluilaisseàpenserquelevillageetsesalentoursontdûêtrerecouvertsparunnuagedecendresbrûlantessuiteàuneviolenteéruptionvolcanique.Les habitants ont-ils pu s’enfuir ou sont-ils morts par asphyxie comme àPompéi?Isabelacomptaitd’aprèsDavidplusdedeuxmillehabitantsetlegroupen’acroiséourencontréaucunêtrehumain,nihierniaujourd’hui.Dequand date cette catastrophe ? Romain garde pour lui ses réflexions, enattendantd’endiscutercesoiravecl’ensembledugroupe.Alorsqu’ilssontentraindemonterlepremiertipi,Bastienarriveencourant.

—Nous avons trouvé des bananiers, dit-il, en tendant les bananes qu’iltientdanslesbras!!!

Mathieuetseshommesstoppentimmédiatementleurtravail,lafaimétanttroppressante.

Enfindejournée, les tipisdesfemmesetdeshommessont terminés, leplusgrandquidoit accueillir les couples est en coursd’achèvement, il neresteplusqu’àlerecouvrir.Àl’intérieurilsontétalédusablequ’Andréaarécupéréauxabordsducantonnement.AuloinilsaperçoiventDavidetsescompagnons qui les interpellent en leur montrant les bouteilles rempliesd’eau.AveclachaleurlesheurespasséesontététrèspéniblesetMathieuettoute son équipe courent auprès d’eux en tendant lesmains pour les leur

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prendre.L’effervescenceestàsoncomblequandlessacsàdossontouverts,certainssontremplisdefruitsetd’autresdepoissons.

Marion,harasséemaisheureuseracontelesheurespassées.

—Àenvironuneheuredemarche,nousavonsdécouvertunecascadeoùnousnoussommesdésaltérésetrafraîchisetoùnousavonsremplitouslesrécipients.

—Etcen’estpastout,faitSabrina.

—Davidaremarqué,encontrebas,uneretenued’eauavecdenombreuxpoissons.Rémya alors proposépour les capturer, de fabriquerdesnassesaveclesroseauxquifoisonnaientsurlesberges.

—Etnousautres,ditJulien,nousavonstrouvéàproximitédescocotierset des bananiers ainsi que des fruits qui ressemblent à des tomatesmandarine.Davidditqu’ilssenommentUchava.

—C’estsupers’exclameNicolas,vousêtestousdignesdeshérosdeKoh-Lanta!!!

—Noustous,s’exclameBastienensetournantverssonéquipe.

Surquoitoutlemondes’esclaffeoubliantpourunmomentleursituation.

Lecampn’esttotalementopérationnelqu’àlatombéedelanuitaprèsqueDavid ait suggéré de le protéger par une palissade. Construiteprovisoirement,elledevraêtreconsolidéelelendemain.C’estautourdufeuoù ont été disposés sur des pierres chaudes les poissons que le groupe seréunit. Les noix de coco ont été ouvertes en deux et distribuées à chacunainsique lesUchavaset lesbananes.C’est sousuncielétoiléetdansunesorted’euphoriequelesunsetlesautresprofitentdecettenourriture.

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HYPOTHÈSES

Romain,songeuréplucheunebanane.

—Àquoipenses-tuditAdriana?

—Jepenseànotresituationetj’aideuxhypothèsesconcomitantesàvoussoumettre,dit-il,ens’adressantàl’assemblée.

Tousprêtentattention.

—Lapremière,consisteraitàimaginerquedanslebrouillardnousavonssubi une diffraction de l’espace-temps et que nous nous trouvonsactuellementconfrontésàunepériodedufuturdelaterre.

—Ladeuxième,quependantcettedislocationdutempslaterreauraitétébouleverséepar leréchauffementclimatiqueprovoquépar l’hommeetquel’ensemble des volcans du globe ont dû se réveiller, empoisonnantl’atmosphèreterrestre.

—EtalorsrenchéritNicolas?

—Alorsquinousditquel’humanitéasurvécu?

Dansl’assembléecesontdescrisdestupeuretderéprobation.

—Commentpeux-tuimaginercela,demandeMathieu?

—D’aprèslepeud’analysequej’aipueffectuerdanslesol,j’estimequeplusieurs centaines d’années se sont écoulées, peut-être trois cents ans.Périodeaucoursde laquelle lesvolcansontpuse réveillerunpeupartoutsurleglobeetengendrerdespluiesacidesduesauxémissionsdedioxydedecarbone, deméthane et de dioxyde de soufre dans la stratosphère qui ontcertainement décimé sur lemoment unebonnepartie de la vie animale etvégétale.

AndréaetDiégoapprouventl’idéeduchangementclimatique,commelui,

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ilsontconstatéunemodificationdelanatureetunebaisseaussiduniveaudelamerquiresteàconfirmer.Enrevanche,pourlapéripétiedubrouillardoùilsauraientétéprojetésdanslefutur,ilssontplutôtsceptiques.Lesautresparticipants au débat semblent plus abattus que convaincus par l’une oul’autredessuggestionsdeRomain,cequilessoucieavanttoutestderentrerchez eux-mêmes si cela semble utopique vu les circonstances actuelles.Chacunyvadesathéorie,àlafinpersonnen’estpasplusrassuréqu’avant,laseuleéchappéevraimentconcevableestdequitterl’îlepourrejoindrelecontinent.La fatigue se faisant sentir,David propose au groupe d’aller secoucher. Comme le soir précédent ils ont décidé que les hommeseffectuerontchacununtourdegardeavecpourarmeunelancequeDavidaeu l’idée de fabriquer en utilisant comme pointe son couteau de chasse.Bastien se propose pour la première garde. Chacun se lève pendant queDavid remet du bois dans le feu. Adriana, Aya, Doménica et Sabrinaprennentpossessiondeleurhabitatets’installentdumieuxqu’ellespeuventenchoisissantdesedisposerenétoileaveclespiedsaucentre.Lescouplesetleshommesayantchacundeleurcôtéappliquésansseconcerterlamêmedisposition.

Les rondes ont été réparties pour cette première nuit entre les septcélibataires.Afindenepass’endormirlaconsigneaétédonnéedecheminerlelongdelapalissadedansunsenspuisdansl’autre,deranimerlefeuaufuretàmesuredesabaissed’intensitétoutenéconomisantaumieuxleboiscarilsn’ontpaseuletempsdefaireunegranderéserve.Lapleineluneestcesoir-làunatout.Ilsentendentencoredesrâlesmaisceux-cisontdistantsdeleurcampementettoujourssituésducôtédel’escarpementrocheux.Cesanimauxdoiventy avoir leurs tanières.Pour avoir pu faire tomber lemurédifiéàl’entréedelagrotte,ilsdoiventavoiruneforceéquivalenteàcelled’un homme, sinon supérieure et les rencontrer hors de toute protectionpourraits’avérertrèsdangereux.

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ÉQUIPES

Sept heures, de nouveau réunis autour du foyer central où Marion adisposé pour la collation dumatin l’ensemble des fruits, Sabrina fond enlarmes.

—Quesepasse-t-ildemandesamère?

—Hier soir personne n’en a parlé mais moi toute la nuit j’ai pensé àIsabelleetSophie.

Marionselève, laprenddoucementdanssesbraset labercecommeunpetitenfant.Unsilencepesants’installe.

—Tu as raison, ditRémy, Isabelle et Sophie étaient vraiment des chicsfilles et nous aurions dû leur rendre hommage.Ce soir nous organiseronsunecérémonieenleurhonneur.

—Merci,répondentàl’unissonMarionetSabrina.

EnattendantditRémy,nousdevonsdiscuterdesjoursàvenir.

—Quediriez-vous,ditRomain,deformertroiséquipes?

-Unepourgarderlecamp,consoliderlapalissade,créerdeuxnouveauxtipis,unsupplémentairepourlescouplespourplusdeconfortetunpourladouche.

-Lasecondepourretournerfaireunravitaillementeneauetennourriture.

-Enfin la dernière pour se rendre vers la côte dans le but d’étudier lespossibilités d’un retour vers le continent en fonction des modificationsterrestresquenousavonsconstatées.

—OKditRémy,moicescénariomeconvient.

—OK, OK, OK, c’est vous les deux Rémy et Romain qui dirigez legroupe et qui décidez de tout sans nous demander notre avis intervient

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Stéphane?Déjànousavonsdûaccepterdequitter levolcanet,IsabelleetSophie,quinelesouhaitaientpasplusquenous,ensontmortes.

—Queveuxtuinsinuer,s’insurgeRémy,quenoussommesresponsablesde leur mort, du déluge qui s’est abattu sur nous et de la situation engénéral?

—Stéphane,pasplusgrandqueRémymaisavecunecarrured’athlète,selèveets’approchedelui.Oui!Voustous,quinousavezforcélamainpourvoussuivre,vousêtesresponsables!

—STOP,STOP,hurleMarion,tun’aspashonteStéphane?Tunepensespasquelasituationestsuffisammentéprouvantepourchacundenouspourquetuenrajoutes?

—Situasdemeilleurespropositionsànousfaire,noussommespreneurs,ditRémy.

—Non,maisjemaintiensquenousn’aurionspasdûquitterlevolcan.

—ÉcouteStéphane,faitMarion,tun’espasunenfant,tuasquarante-cinqans,mariéetpèredefamille,nousnet’avonspasenchaînépournoussuivre.

—C’estbon,c’estbonditMathieuvenantépaulersonépouse,jesuggèrequenousmettionsauvotelapropositiondeRomain.

Àl’unanimité,moinstroisvoix,lapropositionestadoptée.

Bien,ditRomain,nousdevonsmaintenantcomposerleséquipes.

—Nous sommes vingt-un, que pensez-vous, de nous partager en troisgroupesdesept?

Toutlemondeacquiesce.

— Mathieu, Nicolas, Andréa, Bastien, Adriana, Doménica etAya pourraient former l’équipe pour parachever le camp qu’ils ontcommencéhier?

—OK!OK…

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—Rémy, tuasété à la cascade,quepenses-tu si c’est toiquidirigescegroupesachantqueDavidestnécessairepourmenerladernièreéquipe?

—OK!

RémysetourneversStéphane.

— On enterre la hache de guerre et tu acceptes avec ta famille dem’accompagner?

— Stéphane cherche dans les yeux de Christelle et Théo un signed’approbation.

—C’estd’accord.

—Marion,SabrinaetCarolinevousvenezavecnous?

—Biensûr,répondent-ellesenchœur.

Romainreprendlaparole.

—Pour ladernièreéquipe,David tuseras leguide,Diégo,Leïla,Julien,Charlotte,Françoisetmoitesuivrons.

LamatinéeestdéjàbienentaméequandDavidet sonéquipequittent lecamp. Ils emportent l’eau et les aliments nécessaires à leur voyage. Ilspromettent de faire attention à eux et se séparent du groupe avec unecertaineappréhension.Davida indiquéqu’entre IsabelaetSantaCruz ilyavait une île du nom de Pinzón située à l’ouest de leur position actuelle.C’estcettepistequ’ilscomptentemprunter.Pournepasrisquerdeseperdredans la forêt, ils redescendent lecheminpar lequel ilssontpasséshier. Ilsabordent en début de matinée ce qui semble être anciennement la plage.Plutôt que de tracer tout droit sur les nouvelles terres qui se présententdevant eux au risque de marcher pendant des heures David propose decontinuer à remonter vers l’ouest afin d’atteindre la partie de l’île qui serapprocheleplusdel’îlePinzón.Auboutdetroisheuresdemarchepénible,ils décident de stopper leur progression. L’ancien littoral qu’ils suivent asubideprofondestransformations,cen’estquemontéesetdescentessurunterrain rocailleux plein d’ornières propres à se fouler une cheville. À la

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jumelleilspensentenfinapercevoirauloinl’îleconvoitéemaissansgrandecertitude. Romain constatant qu’il est déjà treize heures trente et qu’ilsn’auront pas le temps de revenir avant la nuit s’ils persistent à rejoindrel’ouest, propose de rebrousser chemin. La mine déconfite, l’équipeapprouveetprendlecheminduretour.

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CANIDÉS

Àleurarrivée, ils se retrouvent faceàdesminesdécomposées,quelquechose de grave a dû se produire. Rémy leur apprend que Théo a étégravementblessélorsd’uneattaquedebêtessauvages.

—Nousavionsfaitlepleind’eauetdevivres,etprêtsàrentrerquandunemeutedesixàseptcanidéss’estdirigéeversnous,certainementpourboireà la cascade.Les femmes n’étant pas rassurées, nous leur avons conseilléd’entrer dans l’eau, conseil que nous avons nous-même suivis Stéphane,Théoetmoi.Lorsqu’ils se sont approchésde l’eauetqu’ils se sontmisàlaper, l’und’euxaémisungrognement.Hautssurpattes,de la tailled’undogueallemandavecuncorpsmuscléetunetêtedeloup,lesdeuxbêteslesplus proches de Théo l’ont attaqué et il n’a pas pu les esquiver. Tandisqu’une bête lui plantait ses crocs dans la jambe droite, il a levé le brasgauchepourseprotégerdel’autrequiluisautaitàlagorge.Aveclalancedegarde emportée pour pêcher, jeme suis jeté sur l’une des bêtes en la luiplongeant dans le flanc. Elle a lâché prise en hurlant et s’est enfuieaccompagnéedurestedelameute.StéphaneetmoiavonsaidéThéoàsortirde l’eau, il commençait à saigner abondamment et hurlait de douleur.Marion,aidéedeChristelle,atoutdesuiteprisleschosesenmain.Grâceàsatroussedesurvie,elleapuledésinfecteretlebander.Lesmorsuresétantprofondes,ilsouffraitlemartyreetnousavonsdûconfectionnerunbrancarddefortunepourletransporter.

—Nousl’avonsinstalléavecsesparentsdanslenouveautipiqueMathieuamontépourlescouples,encemomentildort,assomméparunsédatifquejeluiaidonnéditMarion.

—MerdejureRomain,c’esttoutcequinousmanquait.Stéphanedoitêtrecommeunfou?

—Non,çava,ilesttrèsinquietmaisçava…

—Envotreabsence,ditMathieu,nousavonsdécidédenousarmeretde

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nousprotégeraumieuxendoublantlapalissade.Nousavonscommencéàfabriquerdeslancesàl’aidedebambousenyenfonçantàuneextrémitédespointes que nous avons taillées dans des branches d’arbre très dur queNicolasadénichéàtroiscentsmètresd’ici.Personnenesortiramaintenantducampsansêtrearméetaccompagné.

—Et vous, ditRémy, j’espère que vous avez demeilleures nouvelles ànousannoncer?

—Malheureusement non ditDavid, il nous faut reconsidérer ce voyagevers l’île Pinzón, non pas en l’abandonnantmais en étudiant lameilleurefaçondes’yrendre.Unaller-retourdanslajournéen’estplusenvisageable,ilfautquel’équipequirepartirapuissebivouaquerencoursderouteousurplacesielleatteintl’îleavantlatombéedelanuit.

Le groupe est encore plus abattu en entendant ce récit. Suite auxévénementsdecettefindematinéeilsn’ontqu’uneenvie,quittercetendroitau plus vite.La nuit tombe, le feu est allumé apportant une réconfortantelumièreaucamp.Mêmedînerquelaveilleausoiràbasedepoissonsmaislecœurn’yestplus.Andréaquiatoujourssurluisonharmonicaenjoueetsort un peu le groupe de sa torpeur. Après ce récital, Romain prend laparole.

—Nousdevonsréfléchiràlafaçond’appréhenderlaprochainesortiepourrejoindre l’îlePinzónenprenant encompte ledangerque représentent lesanimauxsauvages.

—Àquoipenses-tu,ditDavid?

— Il nous faudra choisir l’équipe qui sera la plus à même de rallierrapidement la destination et d’être prête à affronter toute sorte de danger.Arrivéesurplaceelledevrasescinderendeux.Lesunsrestantetétablissantuncamp,lesautresretournantchercherlegroupe.

—Comment comptes-tu exercer tonchoix,demandeRémyavecunpeud’agacementdanslavoix?

—Cettenouvelleéquipeserasoumiseauvotedugroupe.

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Après ces échanges, l’ensemble des personnes présentes va se coucher,exceptéBastienquidenouveauprendlepremiertourdegarde.ThéoquantàluiaétéremplacéparMathieu.

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CRABES

PendantlanuitThéoaétéprisdetremblements,aumatinsatempératureavoisinelestrenteneufdegrés.ChristelleetStéphanesonttrèsinquietsmaisLeïlaattentive,douceetattentionnéelesrassure.

—Entantqu’infirmièrej’aiconstatéquelesplaiesnesontpasinfectées,ne sachant pas quels germes empoisonnés peuvent véhiculer ces canidésc’est plutôt bon signe.Théodevrait rapidement se remettre,mais de cetteaventureilgarderadescicatrices.

Ce jour-là ce n’est pas la seule préoccupation du groupe, une pluieabondante s’estmise à tomber, tout projet de départ vers l’île Pinzón estremisenquestion.Enattendantilfautcomposerl’équipeetlaconfirmerenfonction des aptitudes de chacune des personnes qui souhaiteront yparticiper.Lapluie à laquelle s’ajoutent tonnerre et éclairs d’une intensitéeffrayanteduretoutelajournéependantlaquelleilfautvivresurlesmaigresprovisions.Ilspeuventaumoinsrécupérerl’eaudepluiedanslesdemi-noixde coco qu’ils ont précieusement conservées. À la nuit tombée le sol ducampementestdevenuboueux.

Soudain surgissent de ce cloaque des crabes de terre géants de trente àquarantecentimètressemantlapaniqueauseindugroupe.Ilss’introduisentdanslestipisetlescoupsdepiedpourlesfairefuirnelesfontpasreculer.Une fois de plus le groupe occupe un territoire qui n’est pas le leur. LaprioritéestdeprotégeraumieuxletipideThéotoujourssousl’emprisedela fièvre.Mathieuquiavaiteu l’idéedans la journéedeconfectionnerdestorches qui serviraient pour se déplacer la nuit dans le camp et éloignerd’éventuels dangers les distribue pour faire face à cet envahisseur.Armésdespremièreslancesfabriquéesetdebâtons,legroupedéfendâprementleslieuxnonsanssubirdesérieusescoupuresauxpiedspourceuxquin’ontpaseu la présence d’esprit de se rechausser rapidement. Les crabes attaquentsansrelâche.Lespoursuivren’estpasaisécarilssedéplacentlatéralementetenprofitentpourpincerlesassaillantsquiseprésententdecôté.Ilssont

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touscouvertsdebouedelatêteauxpieds,enlespourchassanttoutencriant,certainssesontaffalésausolen jurant,arrachantdesriresà leursvoisins.D’autresparadentavecdeslancessurlesquellesilsontembrochéplusieursbêtes. Jusqu’au petit matin, ils doivent batailler pour se rendremaître dusecteur. Une nuit hallucinante qui semble avoir uni le groupe dans cetteguerrepoursauvegarderleurcamp.

D’innombrablescadavresdecrabesdeterrejonchentlesolfaisantlajoiede David qui voit en eux la nourriture pour les jours à venir. Ils sontcollectés et entassés à l’abri. La pluie ne cesse que vers quatorze heures.Mathieu entreprend avec l’aide de volontaires de retaper les tipis qui ontsouffertdelapluie.Certainsdesguerriersontdûsebanderlespiedsayantsubi des blessures aux orteils et se reposent pendant que d’autress’emploient à fabriquer un complément de lances. Le renforcement despalissadesaétéremisaulendemainensouhaitantquelesoleilsoitderetour.Lesoirvenuungrandfeuestallumé.Legroupeserégaledescrabesqu’ilsyfont cuire et remercie le ciel de cettemanne providentielle. Ce soir-là ilss’amusent en se remémorant leur combat où tels des gladiateurs ils ontcrucifiéleursennemis.Aprèscefestinetcedivertissement, lafatigueaeuraison du groupe, il est à peine dix heures. Les hommes reprennent leurstours de garde et tout lemonde va se coucher. La nuit est beaucoup pluscalme,seulsdeshululementslointainssontperçusparlessentinelles.

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DÉLIBÉRATION

Aumatindu21septembrelajournées’annonceensoleilléeetilnousfautdenouveaupréparerunstockdenourritureetd’eaupourcesecondpériple.Aprèsdespourparlersnousdécidonsqu’unpetitgroupearmé,dontDavidserendra à la cascade et pendant leur absence les autres en profiteront pourrenforcer le camp. Lorsque l’équipe des ravitailleurs revient vers midi,chargés de fruits, d’eau et de poissons nous déjeunons. En début d’aprèsmidi la petite équipe se propose de repartir pour augmenterl’approvisionnementafinquelacommunautésoitàl’abridubesoinpendantplusieurs jours. À son retour, David annonce qu’ils ont fait déguerpirplusieurscanidésquiétaientprésentsaupointd’eau.

— Le danger est constant, dit-il, et nous devons nous méfier de cesanimauxcarilsétaienttoujoursàl’affûtquandnousavonsquittélacascade.

Suiteàcetavertissement,Romainproposeaugroupedes’asseoirautourdufeuqueBastienvientderallumer.

—Nousdevons,dit-il,étudieretorganiserl’expéditiondedemain.

Après délibération, l’équipe choisie est constituée de randonneursaguerris,principalementdeshommesplusaptesà faire faceauxéventuelsdangersqu’ilspourraientrencontreràl’allercommeauretour.Autotalsepthommes. Il est décidé qu’arrivés à l’île Pinzón ou à Santa Cruz, ilsétablirontuncamp,troisresterontsurplaceetlesautrespartirontrechercherle groupe. Seul David participera aux deux trajets. Ce sont Romain etNicolasquiontétéretenusdanslegroupedeschercheurs.François,Rémy,MathieuetBastiencomplètentcettebrigade.SouhaitantresterauprèsdesonfilsquiestencorefiévreuxStéphanequantà luines’estpasproposépourl’aventure mais il effectuera trois heures de garde cette nuit qui serontcomplétéesparDiégoetAndréaquiontdonnéleuraccord.

LasoiréeestchaudeetlesdiscussionsvontbontrainlorsqueRomainselèveetsouhaitelabonnenuitàtoutlemonde.Sondépartdonnelesignaldu

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coucher.

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VARANS

Lelendemain,Davidetsonéquipequittentlecampementaupetitmatinsous un beau soleil. Chacun porte un sac à dos et est muni d’une lance.Davidreprendlapisteempruntéeladernièrefoismais,cettefois-ciarrivéàl’ancienlittoral,ilnebifurquepascomplètementversl’ouestetproposedeprendreunedirectionobliqueverslepointoùdoitsesituerl’îlePinzón.

—TusaisDavid,intervientRomain,jepensequecesnouvellesterresquise dessinent devant nous doivent être le résultat d’éruptions sousmarinescarlesîlesGalápagosétaientàuneépoquelointainelerésultatdecetypedevolcanisme.IsabelaetSantaCruzsontpeut-êtredevenuesuneseulegrandeîle ? En partant de cette hypothèse nous pourrions alors rejoindredirectementSantaCruz,qu’endis-tu?

Davidsortsesjumellesetscrutel’horizon,suiviencelaparRémy.Aprèscetexamen,lesdeuxseregardent.

—Pourquoipas,répondent-ils.

Ilssetournentversl’équipe.

—Qu’enpensez-vous,vousautres?

—JepenseditFrançoisenremontantsespetites lunettes rondessursonnez que si nous adoptons cette hypothèse cela peut en valoir le coup.Pendantquevousobserviezl’horizonj’aifaitdescalculs.

—Vas-yEinstein,ditDavid,ont’écoute.

—J’estimequesilebateauquinousaconduitsàIsabelaendeuxheuresaévoluéàunevitessededixnœuds,ladistanceentrelesdeuxîlesdoitêtredel’ordredequarantekilomètres.Àunevitessemoyennede6à7km/hàpiednouspourronsatteindreSantaCruzensixouseptheuresetyêtreavantlatombéedelanuit.

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—BravoditRémy,jevoisquel’espritdenotremathématicienesttoujoursenfonction.

Davidregardesamontre.

—Boncommeiln’estquedixheuresdumatin,c’estjouable.

Ilsaccélèrentlepas.Lepaysageesttoujoursrelativementplat.Auboutdedeuxheuresdemarche,Romainsembleavoireuraison.Aucunemerdevanteux,elledoit lesentourerauloin.Lanatureaaussiprispossessiondecesnouvelles terres, lavégétations’yest installée, ilscroisentdescocotiersetdes bananiers. Ils en profitent pour manger et boire, ce qui leur permetd’économiserleursprovisions.

Uneheureplustardalorsqu’ilsdoiventêtreàmi-parcours,unemontagneleurfaitfaceauloin.Levolcansousmarinquiadûréunirlesîlessedressemajestueusement, quelques volutes semblent s’échapper de son sommet.David estime sa hauteur à mille deux cents mètres. David stoppe et setourneversnous.

—Quefaisons-nous,ontentedelegraviroùdelecontourner?

À l’unanimité nous décidons de le franchir. Il est déjà treize heures etnousespéronsatteindre lacrêteversdix-huitheuresavant la tombéede lanuit,cequinouslaisseraunpeudetempspour installeruncampementdefortune. Au détour d’un amas rocheux, nous tombons sur des varans quilézardentausoleil.Davids’immobilise.Sursonvisageselitlastupéfaction.

—Qu’estcequit’arriveditFrançois.

—IlsepassequelesîlesGalápagosabritentnormalementdesiguanesquine sont pas dangereux pour l’homme alors que le varan est carnivore etcombatif.

NousdécidonsdelescontournerquandavecunerapiditéincroyableunedesbêtesquidoitapprocherlesdeuxmètresseruesurMathieulamâchoiregrande ouverte découvrant une dentition impressionnante. Mathieurugbyman amateur, taillé dans la masse, 130 kg pour 1,85 m, réagitimmédiatementetplantesalancedanslagueuledel’animal,cequiapour

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effetde le faire reculer.Maisdans l’affrontement, il adû lâcher sonarmerestéefichéeaufonddelagorgedelabêtequicherchantàs’endéfairesemet à se tortiller en tous sens et à rouler sur elle-même.Sans défense lesautresvaranssejettentsurelle.

Nousenprofitonspour fuir,cettemauvaise rencontrenousa faitperdreuntempsprécieux.Décidémentlepaysage,lanatureetlesanimauxontbienchangé, cela ne nous rassure pas. Au bout de trois heures de pénibleprogression, nous sommes à peine au tiers de la montée, trop tard pourcontinuer l’ascension, c’est alors que David préconise d’établir le camp.Aveclesbranchagesrécoltés,nousnousentouronsd’unrempartquiàdéfautd’être une protection efficace pourra dissuader des animaux de nousattaquer.Bastiensechargedepréparer lefeuquis’embraserapidementenrépandantunhalodelumièrecoloré.

Laforêts’illuminedansl’obscuriténaissanteetnousprenonsplaceautourdufeu.

ToutenmangeantnousdiscutonsdecesénormesvaransdontlaprésenceinhabituelleinquièteDavid.

—Je teféliciteMathieupour tonsang-froid. Ilvanousfalloirà l’avenirêtretrèsprudentcarnotreascensionn’estpasterminéeetj’estimequ’ilvanousfalloirencoredeuxbonnesheurespouratteindredemainlacrête.

—Etdelà,ensuite,arriveràSantaCruzrenchéritRémy.

_TuasraisonrépondDavidetnousdevonsprofiterdelanuitpourdormiretreprendredesforces.Jevousproposedeprendrelapremièregarde.

Lanuitestcalme.Leboisrecueilliasuffiàalimenterlefoyer.

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ARBOLDELAMUERTE

À l’aube,Mathieu réveille ses compagnons. Ils mangent rapidement etprennentladirectionduvolcan,lesfumerollesparaissentplusimportantes.Cela les tracasse, l’activité y est-elle toujours importante, le risque d’uneéruption est il possible ? Redescendre n’est plus envisageable, ilscontinuent.Au bout d’une heure, la végétation s’est raréfiée et a laissé laplace à un désert noir. Ils marchent encore près de deux heures avantd’arriverausommet.Commeilss’endoutaient, ilsontaffaireàunvolcanenformedebouclier.Sondiamètreesttrèssupérieuràsahauteurenraisonde la fluidité des laves qui peuvent parcourir des kilomètres avant des'arrêter,propresauvolcanismesousmarin.Cetteconfigurationestpoureuxunhandicapsupplémentaire.IlsvontdevoirenfaireletourpourrejoindrelavoiequilesmèneraàSantaCruz.

Romaindécided’aller jeteruncoupd’œilaubordducratère.Le lacdelave ne dégage pas de gaz, c’est bon signe, cela repousse toute idéed’éruption dans un futur très proche. Vaillamment ils entament soncontournement.Arrivésaucôtéopposé,ilssortentleursjumellesetdecettepositiondominante,ilsscrutentl’horizonetaperçoiventenfinl’îledeSantaCruz. Ilsconstatentavecsoulagementquedorénavantelleest accessibleàpied, levolcanqu’ilsviennentdeparcourirayantfait lajonctionavecl’îled’Isabela.SantaCruzet Isabela formentàprésentune seuleetgrande île.Decepointdevueilsnedistinguentpasréellementdevillemaisilsemblesedessinerauloinunespaceéquivalentàunaéroport.

—CommepourIsabelalapopulationa-ellefui?

Larouteestencorelonguepours’yrendreetilestdéjàplusdemidi.Lafaim et la fatigue se font ressentir, ils décident de profiter de gros blocsrocheuxpours’asseoir,sedésaltéreretmanger.Ilssontaudeuxièmejourdeleurexpédition, l’eauet lanourriturecommencentàmanqueret lachaleurestétouffante.Aucoursdesquelquesheuresqu’ilsleurrestentàaccomplirpour atteindre le bas de la montagne il leur faudra impérativement se

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réapprovisionnereneau.

—Avec toute la pluie qui est tombée ces derniers temps, je pense, ditDavid, que nous pourrons certainement trouver de l’eau dans des cavitésrocheuses.

Après avoir traversé le champ de roches et de cendres volcaniques quis’étend en pente douce, ils atteignent la végétation. À la différenced’Isabela, ils ne rencontrent ni mousse verte ni arbres aux feuillesdémesurées.C’estunpaysagetypiquedesîlesGalápagos,herbes,fougèresarborescentes de plus de trois mètres de haut, plantes tropicales typesarbustesetarbresdontleurscimesculminentàquinzemètres.Bastienestlepremieràpercevoir lechuintementdel’eauquiruisselleà travers laflore.Ils mettent un longmoment pour découvrir le lieu d’où elle provient, cen’estqu’unfiletquicouleentredespierresmaisassezpourboireetremplirleursgourdes.Àquelquespas ils remarquentungoyavier remplide fruitsqu’ils s’empressent de manger et d’en remplir leurs sacs à dos. En sedéplaçant sous les frondaisons, Nicolas avise un arbre qui porte ce quisemble être des pommes. Il attrape une branche pour se saisir des fruitslorsqueDavidendiscussionavecRomainaperçoitsongeste.

— Non, non Nicolas, lâche, lâche tout de suite la branche c’est unmancenillier,hurle-t-il.

Les cris stridents des oiseaux ont empêchéNicolas de bien entendre etc’est une sensation de brûlure qui lui fait lâcher la branche. Trop tard,Nicolas a déjà la main gauche qui rougit, des boursouflures apparaissentrapidement,même son poignet subit une sérieuse inflammation. Il ressentuneintenseirritationets’assiedsousl’effetdeladouleur.Davids’empresse,aidédeMathieu,de leprendresous lesaissellesetde le traînerhorsde lazone.

—Maisc’estquoicebordelcrieNicolasausupplice?

—C’estArboldelaMuerteoul’arbredelamort,ditDavid.Sonécorceprovoque de graves brûlures et son pollen suffit à provoquer dedouloureusesdermatites,depluslefruitestextrêmementtoxique.

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UnefoisNicolasmisàl’abri,François,hommeprovidentiel,sortdesonsacungelhydratantqu’ilappliquesurlamainetlepoignet.Illuipansetousles doigts et lui bande la main et le bras. Bastien donne son foulard àNicolasafinqu’illepasseautourdesonbraspoursoulagersamain.Nicolasselèveenchancelantetlalancen’étantpaspratiqueMathieularécupèreetluiremetundesbâtonsdemarchepliablesqu’iltransportetoujoursaveclui.Aprèscedramatiqueépisode,lajournéeafonduetl’après-midiestdéjàbienavancée.Péniblementilscontinuentdedescendre,Nicolassouffrebeaucoupetralentitl’alluredugroupe.Àlavuedesessouffrances,Davids’arrête.

—Nicolasesttrophandicapé,dit-il,nousallonscamperici.

MathieuetBastien se chargentd’établir le camppendantque les autrespartentà larecherchedenourriture.Cettefois-cic’est l’ouïedeDavidquipermet à l’équipe de dénicher une source. Lorsqu'ils s’en approchent,différents animauxqui s’y abreuvent s’enfuient, exceptéunegrosse tortueterrestre.Ilsnesontpastrèsenthousiastesàl’idéedelatuermaislafaimlestenaille, ilsn’ontmangéquedes fruitsdepuisplusdevingt-quatreheures.Ils ne voient pas d’autres solutions pour résoudre ce dilemme. David luicoupe la têteavec soncouteaudechassependantque lesautres regardentailleurs.Rémyl’aideàlatransporter.Elleesttrèslourde,elledoitavoisinerlescentvingtkilos,l’unlatientparlespattesavantetl’autreparlespattesarrière.IlslatransportentàtourderôleavecFrançoisetRomain.L’équiperevientjusteavantlatombéedelanuit.

Nicolas, qui tolère très mal ses brûlures, frissonne et semble fiévreux.François intervienten luidonnantde l’aspirineetun tranquillisant.Le feuallumé,surdespierreschaudesilsmettentàcuirelaviandedelatortuequeDavidaprissoindedécouperenfinelamelle.CommeNicolass’estassoupietilslelaissentdormir.Rémyesttourmenté.

—Qu’allonsnousfaire,dit-il,sidemainNicolasn’estpasenétatdenoussuivre?

—Nouspourrions,ditDavid,lelaisseravectroisd’entrenousetlesautrespartiraientenreconnaissance?

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—Cetteidéemeparaîtraisonnable,faitRomain,d’autantplusqu’unaller-retour devrait être réalisable dans la journée. Le but principal étant devérifierl’existenceounondeviehumaineàl’emplacementdeSantaCruz.

—Nousverronsdemain,renchéritMathieu,enattendantmangeons.

Aumilieudeleurstourments,ilsontlemomentdeplaisirdeserégalerdelachairdel’animallorsqueRémycassel’ambiance.

—Bon,lesamiscen’estpastout,quiresteavecNicolasdemain,s’ilnepeutpasnousaccompagner?

—JeproposederesterditFrançois, j’aiencoredansmonsacdequoi lesoulager,maisjesuisinquiet,Nicolasm’aindiquéquesadernièrepiqûrederappel date d’il y a huit ans et tout risque d’infection peut entraîner letétanos.

—Ceque tume révèles, s’exclameDavid, neme rassurepas, cet arbren’estpasappelél’arbredelamortpourrien.

—Stop,faitRomain,ilvas’ensortir.

—Tuasraison,ditMathieu,soyonspositifs.D’ailleursjevaisresteravecBastienetànoustroisnousallonsbiennousoccuperdeNicolas.

—MerciMathieu,répondRomain.

Afin de permettre à la nouvelle équipe composée de David, Rémy etRomaindebiensereposer,lesautresdécidentdeserelayerpourgarderlecamp.Commelanuitprécédente,celle-ciaétérelativementcalmeexceptépourNicolasquiabeaucoupgémi.

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BRASDEMER

Alors que le jour commence à poindre, Nicolas dort toujours lorsqueDavid,RémyetRomainquittent lecamp.Avantd’entamer leurcircuit, ilsdécidentdefaireundétouraupointd’eauafinderemplirleursgourdes.Enmilieudematinéeilsontatteintlebasdelamontagne.Ilsmarchentencoreuneheurequandausortirdelaforêtilsaperçoiventàleurgranddésarroiunbrasdemerquiformeunchenalentreeuxetl’îledeSantaCruz.

—C’est bizarre dit Romain, j’étais sûr hier de n’avoir vu qu’un seulterritoire.

—Jepense,faitDavid,quel’explicationseraituneffetdemarée.

Ilscontinuentàcheminersurunterrainplatetsablonneux.Arrivéssurlaplage, la distance qui les sépare d’un rivage à l’autre ne semble pasimportante,deuxcentsmètrestoutauplus.

—Àmonavis,ditRémy,lamaréeestdescendantecarlesablequenousfoulonsactuellementestmouillé.

—Danscecas,ajouteRomain,jeproposedepatienter,lamerdevraitseretirer entièrement. En attendant retournons nous mettre à l’ombre descocotiers qui bordent la plage, nous profiterons du temps d’attente pourmanger.

Effectivement,ilsconstatentquelamerseretirepetitàpetitlaissantplaceàune languesablonneuseaisément franchissable.Auboutde troisheures,ils s’engagent dans le chenal, la profondeur n’est pas importante et ilsatteignentrapidementl’autrerive.

— Bien dit David, nous avons la confirmation que la traversée estréalisablemaisàprésentnousdevonsrepartir.

— Comment ça, s’exclame, d’une seule voix, Rémy et Romain. Aucontraireprofitons-enpourfilersurlavilledeSantaCruz.

—Vousêtesdéconnectésde la réalitéouquoi ? Ilnenous restequ’une

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vingtainedeminutesavantquelamaréeneremonte,cequiveutdiredouzeheures avant que l’on puisse revenir.Vous ne comptez tout demême paslaisser lesautresnousattendre sans lesprévenir,maispeut-êtreallezvousutiliservostéléphonesportables?

Rémy et Romain surpris de la véhémence des paroles de David seregardentinterloqués.

—Tuas raisonditRomain, retournonsetnousdiscuteronsaveceux,enfonctiondel’étatdeNicolas,delamarcheàsuivre.

Àleurretour,ilsconstatentquel’équipeenplacen’apasperdudetemps,ils ont construit un tipi et entouré le tout par une palissade de bambou.FrançoisleurapprendqueNicolasn’estpasaumieux,samainestenfléeetilsouffrelemartyre.

—Etvousqu’enest-ildevotresortie,avez-vouspuatteindreSantaCruz?

—Oui fait David, mais Santa Cruz n’est pas totalement rattachée auterritoirequenousavonsfoulédepuisnotredépart.Unbrasdemernousabarréslaroutemaisheureusementildisparaîtàmaréebasse.Noussommesdonctributairesdesmaréespouryaccéder.Letempsnousamanquéetnousavons préféré rentrer pour que l’on puisse organiser tous ensemble laprochaineexpédition.

—ParfaitditFrançois,commeilestencoretôt,jevousproposequedeuxd’entrevous restent aucamppendantquenous sortironspour reconstituerlesstockseneauetenfruits.Laviandedelatortuenousnourriraaumoinspendantsixjours.

Le soir venu, il est temps de refaire de nouveau les pansements deNicolas.Françoisn’aplusdepansementsgras.Rémyquiparchanceenaquelques-uns dans sa trousse de secours les lui remet. Quand FrançoisdébandelamaindeNicolascelaluiarrachedesgémissements.Lesdoigtsetla paume de la main sont traversés par de profondes brûlures au seconddegré.Enaparté,David,murmurequeNicolasgarderadescicatricesàvie.

— Ce n’est pas ce qui m’inquiète le plus dit François, elles sont

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boursoufflées,j’ail’impressionqu’ilyadupusetjen’aimepasçadutout.Les médicaments que nous avons ne nous permettront pas de combattrel’infection. Nous n’avons pas d’antibiotiques et je pense que le campprincipaln’enacertainementpasplusquenous.

Romain est effondré, il n’est pas spécialement ami avec Nicolas maisc’est quelqu’un qu’il apprécie depuis près de deux ans qu’il le côtoie autravail. Il n’ose pas penser aux conséquences dans les jours à venir sil’infectionestavérée.

Ils dînent dans une ambiance morose. La nuit est plus agitée que lesprécédentes car des grognements de bêtes qui rôdent autour du camp lespréoccupent.

—Pensez-vousqu’ellespuissentsauterpar-dessus lapalissade,demandeBastien?

—Aucune idée, dit François, nous ne savons pas à quoi nous avons àfaire,ilnousfaudrarestersurlequi-vive.

Au lever du jour, tous se sont assoupis, sauf Romain qui n’a passuccombé au sommeil. Quand tout le monde est réveillé, Françoiss’interrogeàvoixhautesurcesanimauxquilesontdérangésaucoursdelanuit.

—Nousallonsdevoirnousméfierquandnous sortonsducampet jenesaispass’ilestsagedenousséparerànouveau.Nefaudrait-ilpasattendrequeNicolassoitrétablipourreprendrel’expédition?

—Tuasraison,faitDavid,soyonsprudents,nousnesommesplusàdeuxoutroisjoursprés.

—Tuoubliesunpeuvite le campprincipalquidoit commencer aussi às’inquiéter,celafaitdéjàquatrejoursquenouslesavonsquittés,ditMathieuanxieux.

—JesaisditDavidexcédé,tuasunemeilleureproposition?

—Cen’estpaslemomentdenousénervers’exclameRémy!Nicolasest

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toujours au plusmal, nous ne pouvons pas le transporter dans son état etnousdevonsresterunisdoncpatientons.Ilseratoujourstempsd’aviserenfonctiondesonrétablissement.

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NICOLAS

Aumatinducinquièmejourl’étatdeNicolasn’afaitqu’empirer.Ils’esttrèspeualimentéetiln’estplusquel’ombredelui-même.Ilprésentetouslessymptômesdutétanos.Desconvulsionslesecouentrégulièrementetsatranspirationestexcessive.Leshommesquil’entourentnesaventplusquoifaire.QuandRomain le prend dans ses bras pour tenter de le faire boire,Nicolas tourneun regard fixevers lui et dansunultime souffle, demandepardonets’éteint.RomainfondenlarmeenserranttoujoursNicolascontresa poitrine. Le reste de l’équipe est effondré, aucun son ne sort de leurbouchejusqu’àcequeRémyhurle.

—Putain,aprèsIsabelleetSophie,Nicolas!!!C’estquoicettegalère?Onvatouscreversansavoirpuquittercettesaletéd’île!!!

—Calme-toiditFrançois, ilnefautpasbaisserlesbrasnousallonsbienfinirparnousensortir.Nousdevonsgarderconfiance.

—Confiance en quoi et en qui, nous sommes perdus au fin fond dumonde,au fin fondd’ununiversquin’estplus lenôtre. Je te répète,noussommesfichus.

—MathieuprendRémyparlesépaulesetlesecoue.

—Arrête, tuveuxvraiment tousnousdémoraliser ?Reprends-toi.NousallonsenterrerNicolasdumieuxquenouspourronsetpartird’ici.

Toutencontinuantàpleurer,RomainquiatoujoursNicolasdanssesbrasleberce.DavidsepencheversRomainetluichuchoteàl’oreille.

—Maintenantilfautquetulelâchesnousallonsnousenoccuper.

Aidé deMathieu,David soulève le corps deNicolas et délicatement leplace au sol. Après concertation, n’ayant pas les outils pour creuser unetombe,ilsdécidentdeledéposerdansunecavitéaperçueentredesrochersàunecinquantainedemètresducamp.Ilsletransportentsurleslieuxetaprès

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l’avoir positionné, ils recouvrent son corps de toutes les roches et pierresqu’ilsramassentauxalentours.Aprèsunultimehommage,ilsrejoignentlecamp,récupèrentleursaffairesetprennentladirectiondeSantaCruz.

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BÂTIMENT

Àmi-cheminilsaperçoiventdetrèsgrandsiguanesquisedorentausoleilsurdesrochers,ilsnesontpasdangereuxmaisilspréférèrentlescontourner.Enfindematinéeilsabordentlechenalquiest totalementàdécouvert, ilsen profitent pour rejoindre la rive opposée. Sable et végétation s’étendentdevant euxmais toujours pas d’habitation. Comme pour Isabela, Romainpressent que Santa Cruz a dû subir un violent tsunami engendré par lanaissance du volcan sous marin. Le groupe a besoin de souffler, ilss’arrêtent et en profitent pour manger. Peu après ils s’engagent dans dessous-boisdont la tailledesarbresest impressionnante.Descrisd’animauxleur parviennent d’un peu partout, des petits oiseaux aux becs effilésvirevoltentautourd’euxenpiaillant.Ausortirdecetteforêt,Mathieupointedudoigtauloinuneformequisembleêtreunbâtiment.Unlargesouriresedessine enfin sur le visage des voyageurs. Ils accélèrent le pas et trenteminutesaprèsilssontfaceàl’arrièred’untrèsgrandhangar.Ensedéplaçantilsdébouchentsurunvasteterrainquiestcertainementceluidiscernédepuisle sommet du volcan. Le sol est lisse et d’une blancheur éclatante. Lebâtiment qu’ils ont contourné doit faire aumoins quatre-vingtsmètres delong, ils le longent et arrivés à l’angle, ils aperçoivent trois autresconstructionsidentiquesquibordentl’esplanadedechaquecôté.Lesquatrehangarssontgrandouverts.Ilspénètrentdanslebâtimentqu’ilsviennentdecontourneretaperçoiventaufonddenombreusescaissesempilées.

Bastien,n’écoutantpassonpère,courtverslescaissespourlesinspecter.L’une d’entre elles est entrouverte, à l’intérieur il découvre des piècesmécaniques dont l’acier brille intensément. L’équipe le rejoint et ilsentreprennentdetouteslesouvrir.Lescouverclesnesontpasferméspardesvis ou des clous mais aimantés. Les soulever n’est pas chose aisée, ilsopposentunecertainerésistance,ilsdoiventunirleurforcepouryparvenir.Ellescontiennenttoutesd’éblouissantsobjetsmétalliquesdediversestailles.Après avoir déposé plusieurs caisses au sol, ils en repèrent une de taillesupérieure aux autres. À eux six ils la déplacent du mur avec difficulté.

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Quand ils réussissent enfin à soulever et enlever le couvercle, un cri desurprise s’échappe de tout le groupe. Un robot de couleur bleu acierétincelant y repose. Rémy ingénieur en intelligence artificielle est toutexcité.

—Incroyable,dit-il,c’estcesurquoijebossedepuiscinqans.Regardez,au bout de ses bras se sont des pièces qui semblent être des outilsinterchangeables!

—C’estbizarre,ditBastien, ilfaitpenserauxrobotsdesBDdesannéescinquante.

—IlsetourneversRémy,qu’enpenses-tu?

—Pourl’instant,pasgrand-chose,maisaumoinscelaindiquequenousnesommesplusseuls.Legroupe jubile. Ilsquittent le lieuetsedirigentverslestroisautreshangars.

Sur un terrain parfaitement carré, les quatre bâtiments sont disposés encroixetprésententleursouverturesfaceaucentre.Devantchaquehangarestdessiné un grand cercle noir qui fait penser à un héliport. Préférant restergroupés ils les visitent les uns après les autres. Deux sont complètementvides,mais arrivés devant le troisième ils restent bouche bée.Huit robotssimilairesàceluireposantdanslacaissesontalignésdeboutcontrelemurdu fond. Toujours aussi intrépide et curieux, Bastien s’en approche. Lescorps qui font penser à un assemblage de pièces de Lego sont surmontésd’une têtesphérique.Unebandeenverre fuméd’environcinqcentimètresdehauten fait le tourdonnantainsi l’impressiond’unevisionà troiscentsoixantedegrés.Ilsdoiventmesurerplusdedeuxmètres.

—Je pense, ditRémy, que ce sont des robots affectés essentiellement àdestâchesdemaintenanceetdeservice.

—DoncfaitMathieuilsseraientemployéspours’occuperdesavionsoudeshélicoptères?

—C’estcequimesembleleplusprobable,acquiesceRémy.

Romainlesbousculedansleursréflexionsenleurindiquantqu’ilestdéjà

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tard.

—Tuasraison,ditDavid,ilnousfautétabliruncamppourpasserlanuit.Installons-nousdanslepremierhangar.

—Bonne idée, ditRémy, commeça, jepourrais étudier le robotqui estdanssoncaisson.

Ilssedirigentverslehangaretydéposentleurssacsàdos.PendantqueMathieuetBastiensechargentdedisposer lescaissesencercleautourdufeuàvenir,lesautresvontramasserduboisdanslaforêt.Ilsreviennentpeude temps après les bras chargés de fagots. Sur le sol immaculé, Bastienplace lebois et l’enflammeavec sonZippo.Convenablementassis sur lescaisses,ilsentamentleurrepas.Ilsontaveceuxsuffisammentdeprovisionspour ce soir, mais demain il faudra penser à se ravitailler en eau et ennourriture.

Rémyprendlaparole.

—J’ai inspecté le roboteten insérant la lamedemoncouteaudansunefentesurlebuste,unetrappeacoulisséverslebaslaissantvisiblel’intérieurdu torse. Il n’y a aucun câble apparent, ni pièces mécaniques mais unesphèrede l’ordrede10cmdediamètrequi tournoie surelle-même. Jenepeuxm’expliquercommentelleagit.Elledoitêtremaintenueensuspensionparunchampélectromagnétique.C’estfascinant.Cettesphèredoitêtresoncœur par lequel transitent les millions d’informations qui lui permettentd’être entièrement autonome et d’accomplir les tâches qui lui sontprescrites.Cerobotvitetildoitêtreactuellementensommeil.

—Quellesourced’énergieluipermetdefonctionner,demandeRomain?

— Je n’ai pas de réponse. À ma connaissance une batterie me sembleimprobable,pourquoipasunemini-pileatomique?

—Si tu as raison, comme je le pressentais, nous avons basculé dans lefutur,ajouteRomain.

Unsilences’installe,Mathieul’interrompt.Nousavonsatteintnotrebut,parveniràSantaCruz.Cetendroit,cesbâtimentsetcesrobotssontlapreuve

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que nous ne sommes plus seuls. Nous devons maintenant apporter lanouvelleaurestedugroupeetlesconduireici.

—OKditDavid,onsesépareendeuxéquipescommeilétaitprévuavantnotredépartducampprincipalounouspartonstousensemble?

—TusaisditRomainaveclamortdeNicolas,jepensequenousdevrionstousresterunisafindereformerlegroupedanssonintégralité.

À l’unanimitésapropositionestadoptée.Mathieuprend lepremier tourdegardependantque lesautress’allongentsur lescaisses.Aucoursde lanuitilssontréveillésensursautparunhurlement.Bastien,quiassumaitsontour de garde à l’entrée du hangar, est perché sur une caisse.Un énormeserpentdeprèsdetroismètresdelongluifaitface.DenouveauDavidalaprésenced’espritdeprendreunebûchetteenflamméeetdeseprécipitersurlabêtequi retourne se fondredans lanuit.Leshommespeuvent le suivrependantplusieursminutessurlesolblancetcen’estqu’aprèssadisparitioncomplètequ’ilstententderetrouverlesommeil.

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GROUPEISABELA

Le groupe est très inquiet, cela fait maintenant six jours que les septhommessesontabsentés.Unepartieauraitdûaumoinsrevenircommeilavaitétéconvenuavantleurdépart.Lesfemmesquiontleurscompagnonsetfilsdansl’aventure,sonttrèsanxieuses.Riennepeutlesdistraire,mêmepaslechiotquigambadedanslecampetquifaitdesfêtesàn’enplusfiniràtout le monde. Deux jours auparavant Diégo, Andréa et Julien avaiententendudesaboiementsplaintifslorsd’undéplacementàlacascadeetensedirigeantverslelieud’oùprovenaientcessons,ilss’étaienttrouvésfaceàdeuxchiensquis’écharpaient.Unmâleattaquaitunefemellequiprotégeaitsonpetit.Àlavuedugroupelemâles’étaitenfuilaissantlachiennegisantsur le flanc l’abdomen ouvert. Julien armé de sa lance avait abrégé sessouffrancesetDiégoetAndréaavaientdûcourirpourrattraperlechiotqui,effrayé,sesauvait.IlavaitcouinélorsqueAndréal’avaitrécupéréetsoulevéparlapeauducou.C’étaitunefemelle.

Théoseremetlentementdesesblessures.Lacicatrisationestàl’œuvreetiladéjàretirélebandagedesajambe.Aucoursdecettepérioded’attente,hommesetfemmessesontconsidérablementrapprochésetcertainsjourslaforcedesunspermetderemonterlemoraldesautres.DoménicaetAyalesdeuxjeunesétudiantessupportenttrèsmallaséparationavecleursfamilles.MarionetCharlottesecomportentcommedesmamanspourellesetneleslaissent pas sombrer dans le désespoir.C’estCharlotte, femme énergique,qui tous les après-midi organise des jeux où tout le monde se doit departiciper.Jeudebouleavecdesnoixdecoco,marelle,mimesdemétiers,contes improvisés, enfin tout ce qui lui passe par la tête pour divertir legroupe.Maislanuitestpoureuxtous, leurpireennemi,chacunn’arrêtantpasderessasserdesidéesnoires.

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OURAGAN

Le jour se lève sur les hangars, le petit-déjeuner avalé et les caissesremises à leurplace, l’équipedeDavidprend le chemindu retour. Ils ontbrûlé tout le bois et remarquent que bizarrement le feu n’a laissé aucunetracesurlesol.Ilesttoujoursd’unblancaussiéclatant.Arrivésauchenal,illeurfautpatienterquatreheuresinterminablesavantdepouvoirtraversercarlamerestprésente.Assissurlesableetpourromprel’anxiétédel’attenteils discutent de la situation actuelle. Le fait de ne pas avoir rencontréd’humainsnelesrassurepascomplètement.

—Jene saispas àquinous avons affaire, ditRomaind’unair songeur,maiscequiestsûrc’estquecetteîledoitavoirunintérêt,l’aéroportcommeles bâtiments sont impeccablement entretenus et une troupe de robots ystationnent.

—Bon,nousverronsbienquandnousreviendrons,ditDavid,sirienn’abougé nous y installerons notre camp et nous attendrons la suite desévénements…

Enfinlorsquelamers’estretirée,lavoieestlibreetilspeuventatteindrelariveopposée.Ilsentamentlecheminduretour,endirectiondusommetduvolcan, avec pour but de prendre leurs quartiers au camp de baseprécédemment établi lors de l’aller. Retrouver l’endroit où Nicolas a étéenterrénelesréjouitpasmaisaumoinsilsn’aurontpasàédifierunrempartetdesurcroîtuntipi lesattend.Ilspensentyarriverenfinde journée.Aubout de trois heures demarche le vent qui s’est levémonte en puissancepoussant devant lui de gros nuages noirs qui subitement déversent sur legroupe des trombes d’eau. Ils se réfugient sous les palmes des bananiersqu’ils s’apprêtaient à dépouiller. Demonstrueux éclairs éclatent suivis decoupsdetonnerreassourdissants.Autourd’euxlafoudretombe.Ilsévitentde se tenir trop près les uns des autres, tant l’image, d’Isabelle et Sophieélectrocutées, est dans toutes les mémoires. La force du vent continue àaugmenter, la tempête qui fait rage se métamorphose en un véritable

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ouragan.Desanimauxaffolésqu’ilsn’avaientpasrencontrésjusqu’àcejours’éparpillent devant eux dans tous les sens. Des lézards dont certainsavoisinent un bon mètre, des rongeurs et autres espèces de petitsmammifères,desserpentsdedifférentescouleursdontunquipasseentrelesjambesdeBastienetluitireunhurlementdefrayeur.

En quelques minutes, le sol est devenu un véritable bourbier. Ils sonttrempés. La température s’est effondrée et ils subissent ce déchaînementclimatique pendant plusieurs heures. Le vent et la pluie cessent mais lanoirceurduciellaisseplaceàlanuit.Impossibledereprendrelaroutedansle noir, tous tremblent de froid. Romain fouille dans son sac et sort sontéléphonequ’iln’aplusutilisédepuisleurmésaventureaveclebrouillard,lachargeestcomplète.Ilcliquesurlampetorche,tousserapprochentdelui.

— Nous devrions, dit-il, tenter de retrouver le campement où nouspourronsnousabriterdansletipisicelui-cin’apasétébalayéparl’ouragan.Davidtutesensdenousyconduire?

—Jevaisessayerrépondcedernier.

Romain lui confie le téléphone et ils le suivent. Le parcours estcompliqué,si lapluies’estarrêtée,enrevanche l’eaucontinue toujoursderuisseler rendant laprogressiondifficile.Bastien trébucheet tombe surungenou.Un cri de douleur s’échappede sa poitrine quand sonpère qui estjustederrières’affalesurlui.Davidseretourneetleséclairependantquelerestedel’équipelesaideàseredresser.Mathieuestcatastrophé,ils’emploietoutlerestedelamontéeàsoutenirsonfilsquiboite.

Lorsqueenfin ilspénètrentdans lecamp, lesolestdétrempéet faireunfeuestexclu.Parchanceletipiarésistémaiss’étendreestimpossible,lesolestimbibéd’eau.Ilss’assoientlesbrascroiséssurleursgenouxettententdedormir.Toussontaffamés, lesbananesayantété leurseul repas.Les toursdegardeontreprisnaturellement,exceptépourBastien.Leventcontinueàsouffler et leur abri semble à tout instant prêt à s’envoler. À certainsmomentsleshommesserelèventpourtenirlastructurequicraquedetoutesparts.Lapluiequiavaitcessé reprendenmilieudenuitpendantplusieursheures, ne leur laissant aucun répit, ils ne peuvent même plus s’asseoir.

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L’eaucoulesousleurspiedsetravinelesol.C’estaccroupioudeboutqu’ilspassentlesdernièresheuresavantleleverdujour.

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29SEPTEMBRE

Les traits tirés, les hommes ne sont plus que les ombres d’eux-mêmes.Songer à repartir dans ces conditions est impossible. Il leur fautimpérativementsenourrirafindereprendredesforces.FrançoisetBastiensontlesplusmalenpoint.Bastien,dufaitdesachute,alegenouquiaenfléet son père craint une entorse. François quant à lui grelotte, il se sentfiévreux.Ilsn’ontplusd’aspirinepourlessoulagerayantépuiséleurstockpourNicolas.Ledéluged’hierestpasséet le tempsestaubeaufixe.Cielbleuetgrandsoleil.Latempératuregrimpeenflèche.Mathieus’emploieàconsolider le tipiquiasouffertdurant la tempêteetRomainpart ramasserduboispendantqueDavidetRémyretournentàlasourceseravitaillereneau et en nourriture. Ces derniers reviennent vers treize heures les sacsremplis de fruits etRémy tient au bout de sa lance un gros lézard.Aprèss’êtrerassasié,réunisautourdufoyer,Davidsuggère:

—Vu l’état de Bastien et de François que pensez-vous, afin de ne pasperdredetemps,deformerdeuxéquipescommeilavaitétéprévuaudépart.

—Tuasraison,ditMathieu,etjevaisresteraveceux.

Françoisquisesenttropdiminuépourdiscuteracceptelapropositionenbougonnant.

David, Romain et Rémy reprendront la route dès demain mais enattendant ils profitent de l’après-midi pour faire un stock de provisionsuffisamment important afin d’éviter àMathieu de quitter le camp durantquelques jours, le temps que ses compagnons se rétablissent un peu. Laviandedulézards’étantavéréesavoureuse,ilstententlorsdeleurretouraupoint d’eau d’en attraper d’autres mais sans succès. En revanche ilss’emparentànouveaud’unetortue.Endeuxallersretoursilsconstituentdesréservesconséquentesdontcertainesqu’ilsconserverontpourleurvoyage.

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RÉVEILDUVOLCAN

Le lendemain, l’équipe désignée se prépare pour prendre le chemin duvolcan.Leshommesquisesententmaintenantplusquejamaisunisdanslatourmentes’embrassentens’invitantlesunslesautresàfaireattentionetàprotégerleursvies.Davidetsescoéquipiersrejoignentlesommetendébutdematinée, encore deux bonnes heures comme à l’aller pour atteindre leversantopposéetilsentamerontladescentepourrejoindreIsabela.Romain,incommodépardesémanationsdegaz, sedirigevers lecentreducratère.La lave frissonne et les émissionsdegaz sont devenues insupportables. IlrevientencourantversDavidetRémy.

—Ce que je viens de voirm’inquiète au plus haut point, le volcan estpeut-êtreentraindeseréveilleretnousnepouvonspaslaisserMathieuetlesautresàlamercid’unecouléedelave.

—Queproposes-tudemandeDavid?

—Jeproposed’yretournerpourlesavertirdudangerquilesmenaceetdelesaideràdéménager.Nousnousrapprocheronsdeshangars.QuantàvousdeuxilfautquevousralliezauplusviteIsabela,vousdevriezyêtreàl’abri.Àvotreretouraveclegroupe,parprécaution,nepassezpasparlesommet,faitesletourdelamontagne.

David et Rémy, un peu abasourdis par cette nouvelle, acquiescent. Ilsenlacent Romain et se pressent afin de contourner rapidement le cratère.C’est àbonneallurequ’ils avancent et en findematinée ils enont fait letour. Pour atteindre le campprincipal, ils estiment encore avoir besoin deseptàhuitheuresmaisilsperdentbeaucoupplusdetempsqueprévudanslaforêt car la tempête précédente a abattu, déraciné et couché des grandsarbresqu’ilssontobligésd’escalader.Lorsqu’ilsaperçoiventlesrochersoùMathieus’étaitbattuavecunvaran,ilslesévitentetatteignentlaplainesansencombre.

—David,ditRémy,àcetteallurenousn’arriveronsjamaisaucampavantlanuit.

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_Tuasraisonmaisilestprimordiald’atteindrelavégétationafind’yêtreàcouvertetétabliruncampementdefortune.

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RÉCUPÉRATION

Desoncôté,Romain,dévalelapente,ilaunmauvaispressentiment,auplusviteilatteindralecamp,auplusviteilrécupéreral’équipe.Ilestmidiquandilyarrive.Mathieuàl’approchedeRomainsursaute.

—Qu’est-cequetufouslà,qu’est-cequ’ilsepasse?

—Levolcanestenébullitionetrisquedeseréveiller.Ilfautplierbagageauplusviteetemporterunmaximumdenourritureetd’eau.

Lecheminpourregagnerleborddemerestcompliqué,BastienaunmaldechienetFrançoisesttoujoursfiévreux.Mathieuprendenchargesonfilsen le délestant de son sac à dos et en lui tenant lamain disponible pourl’aider à descendre sur un le sol toujours très glissant.Ce n’est qu’en find’aprèsmidiqu’ilsapprochentduchenal.Lamaréeétantmalheureusementascendante, ils doivent remettre au lendemain la traversée. Romain etMathieuaménagentunbivouacenborduredelaplageàl’abridepalmiersetramassentsousdescocotierslesfruitstombésausol.Àeuxdeux,pendantplusd’uneheure,ilsédifientautourducampunmurdebranchagesdontilssont très fiers.À l’aide de grandes feuilles de bananier ils confectionnentdes couchages sur le sol sablonneux beaucoup plus confortables que cequ’ilsonteujusqu’àprésent.Unebelleflambée,danslaquelleilsontmisàcuirelatortuequ’ilsontdépecéehier,illuminelerivagequis’étenddevanteux.Ilsprofitentdecettechaudesoiréepourregarderlesmilliersd’astresdela voie lactée qui scintillent à l’infini. À dix heures les deux maladesdormentdéjàtandisqueRomainetMathieucontinuentdediscuterjusqu’àminuitpassé.

—JesuistrèsinquietditRomain,cequej’aivudulacdelavenemeplaîtpasdutout.C’étaitcommeunemeroùsouslasurfacedesénormesserpentssortisdelapréhistoiresemouvaientencréantunefortehouleetencrachantdesjetsliquidespestilentiels.

Mathieusemetàrireàgorgedéployée.

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— Tu es sûr que tu n’es pas tombé petit dans une marmite de contesd’horreurs?

Romain ne peut se retenir aussi de rire de cette descriptionfantasmagorique.

—Jerigolemaisj’aisuffisammentétudiélevolcanismepourreconnaîtrele danger potentiel de celui-ci. Les volcans sous-marins sont relativementcalmesmais ils émettent de la lave fluidequipeut êtreprojetée àplusdequatre-vingts mètres de hauteur, cette lave peut tout engloutir sur sonpassage.

—Merde,tuveuxm’empêcherdedormir?

—Non, mais je préfère t’avertir que si mes craintes sont avérées nousrisquonsd’attendreuncertaintempsavantderevoirlerestedugroupe.

—Tuessûrdecequetuavances?

—Celadépendradel’importancedel’éruptionetdelarapiditédelalaveàdévalerlespentesdelamontagne.

—Alors,espéronsquetutetrompes.

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LAVE

Mathieumontelagardelorsqu’ungrondementsourdréveilleaucoursdela nuit le reste de l’équipe. De légères secousses se font ressentir quiannoncentlamontéeenpuissancedumagma.Aucuneéruptionexplosivenipanache de fuméene suiventmais dans la nuit étoilée ils aperçoivent deslueurs rougesapparaîtresur le flancde lamontagneetconsumant toutsursonpassage, la lave, telsdesmilliersde feux follets se frayeuncheminàtravers la végétation. Une âcre odeur de brûlé se mélange aux cris desanimauxprisaupiège.Mathieu,BastienetFrançoisremercientRomaindeles avoir sortis de cette souricière dans laquelle ils auraient certainementpéri.

—Merci,mais nousne sommespas encore sortis d’affaire, ditRomain.S’il semble que nous soyons à l’abri sur la plage, il est préférable detraverserdèsquepossiblelechenal.

Ils restent aux aguets pendant tout le reste de la nuit, surveillant laprogression des feux qui embrasent la forêt. Au petit jour lamer dans lechenal est toujours présente mais a bien baissé. En début de matinée,toujourssurleursgardes,ilsquittentl’endroit,s’engagentdanslechenaletavancentaufuretàmesuredureflux.

Soulagés d’avoir atteint l’autre rive, ils entament le parcours pourrejoindre les hangars. Par précaution, il est décidé qu’ils camperont souscouvert de la végétation loin des bâtiments dans l’attente que le reste dugroupe les retrouve.C’estversmidiqu’ilsentrevoientau loin lesédifices.Ilsposent leurssacset s’installentà l’ombredegrandsarbresqui formentautour d’eux une barrière naturelle. Bastien et François exténués, c’est ànouveauRomainetMathieuquisechargentdesaménagements.

—Je te propose, ditMathieu, qu’en attendant le groupe d’Isabela, nousconstruisionsplusieurstipis.

—OK,faitRomain,maisilnousfauttrouverdesbambous.

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—J’enaiaperçujusteavantd’arriverauhangar,répondMathieu.

Le soir venu, ayant pris beaucoupde temps à trouver une source d’eauindispensable à leur survie et à celle des prochains arrivants, Romain etMathieu n’ont pu construire qu’un seul tipi. En chemin, comme la foisprécédente, Romain a de nouveau cueilli des tomates, en revanche il n’adébusquéaucunanimal,lesprotéinessefontrares.Autourdufeu,Françoisest plus enjoué, sa température a baissé, demain après une bonne nuit desommeilildevraitêtrerétabli.Bastien,parcontre,atoujourslegenouenflémaisilsouffremoins.

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CAMPISABELA

Deleurcôté,DavidetRémyont,euxaussi,aucoursdelanuit,perçulegrondement. N’ayant pas entendu d’explosions et dans l’incapacitéd’identifierledangerquelevolcanpeutreprésenter,celalesrassure.

—Cen’estpeut-êtrequ’unefaussealerte,faitRémy?

—J’endouterépondDavid.

Au petit matin sous un pâle soleil ils prennent le chemin du campprincipal. Quand Sabrina les aperçoit elle pousse un hurlement de joie.Diégo et Marion qui mangeaient avec elle quelques fruits autour du feuéteint,se lèventd’unbondetcrientà leur tourcequiapoureffetdefairesortirtouslesautresdeleurstipisetdefairejapperlechiotqueDoménicatientdanssesbras.Cenesontqu’embrassadeseteffusions.Chacunyvadesa larme, même Rémy et David exténués après ce long périple. CarolineétreintRémyetpleuresansdiscontinuer.

—Etlesautres,oùsont-ils,demandeMarion?

—NousdevonslesretrouveràSantaCruz,répondDavid.

—Super,ilsvontbien?

—Mathieuvabien,enrevancheBastiens’estfaituneentorseaugenouetFrançoisaprisfroidmaisçava.

—Commenta-t-ilfait,ditMarion,ildoitsouffrir!

—Ilaglisséetesttombéquandnousavonssubiunetempête.

—Quelletempête,nous,nousn’avonseuquedelapluie?

—EtRomainetNicolas,demandeAdriana?

—RomainvabienmaisNicolasnousaquittés.

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—Commentça,ilnousaquittés?

David raconte toute l’histoire de l’Arbol de la muerte. C’est laconsternationdanslegroupealorsqueAdrianas’effondreenlarmes.Diégoquivitdepuisquelquesjoursunehistoired’amouravecelle,laprenddanssesbrasettentedelaréconforter.

— Et Santa Cruz, qu’en est-il, qu’avez-vous trouvé sur l’île, demandeJulien?

—Lavilleadisparuetnousn’avonspasrencontréâmequivivemaisnousavonstrouvéunaéroportavecquatrehangars.

—Dansl’un,ditRémy,ilyavaitdescaissesetdansunautrehuitrobotshumanoïdesalignéscontrelemurdufond.

—Desrobots,s’exclameJulien?

—Oui,maisilssontinactifs.

—Incroyable,j’aihâtedelesvoir,ditAndréa.

—C’estformidableditSabrina,nousnesommesplusseulsalors?

—Quandpartonsnous,demandeMarionquiahâtederetrouversonmarietsonfils?

—Dès que vous êtes prêts, dit David, mais sachez que nous risquonsd’êtreretardésparl’éruptionduvolcan.

—QuelvolcanfaitDiégo?

—Ennousdirigeantendirectiondelamernousavonstrouvéfaceànousunvolcanquinousbarrait lavoie.Nousavonsrejointsonsommetetnousavonsvuavecnos jumellesquenouspouvionspar la terre ferme, faire laliaison avec l’île de Santa Cruz.Mais hier lors du retour alors que nousavionsatteintsoncratère,Romainquinousaccompagnaitapressentiqu’uneéruptionpouvaitavoirlieuetilnousalaisséspourprévenirlesautres.

—C’est affreux, ils sont en danger, s’exclament en chœur Marion et

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Charlotte!

—JenelepensepasditRémycarcettenuitnousavonsbienentendudesgrondementsmaisilnemesemblepasquelevolcanétaitenéruption.

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STÉPHANE

Iln’yapasquevousquiavezdemauvaisesnouvelles.

— Un matin, dit Marion, Stéphane a annoncé que lui et sa famillequittaientlecamppourrejoindrelehautd’IsabellaetAyaquiavaitlebéguinpourThéoadécidédelesaccompagner.J’étaiscatastrophée,j’aitentéàtoutprixaveclerestedugroupedelesconvaincrequec’étaitunefaussebonneidée,queriendebonnelesattendaitlà-hautetqu’ilvalaitmieuxendiscuterlorsdevotreretouravantdeprendrecettedécision,maisrienn’yafait.Ilétait arc-bouté sur l’idéequed’avoirquitté lehautd’Isabela avait étéuneaberration.Celafaisaitunesemaine,disait-il,quenousétionssansnouvellesde vous et il a été jusqu’à dire que comme Isabelle et Sophie vous étiezpeut-être tousmorts. Cette déclaration a été de trop et Julien a hurlé quec’étaiteuxquiallaientmourirs’ilsquittaientlegroupe.DiégoatentéàsontourderaisonnerAyamaisellen’arienvouluentendre.Uneheureplustard,Stéphane,Christelle,ThéoetAyasont sortisducamp, les sacschargésdeprovisionsquenousleuravionsremis.

—C’estterribleditDavid,celafaitcombiendejoursqu’ilssontpartis?

—Troisjours,répondJulien.

—JepensaisconnaîtreStéphanes’exclameRémy,maisc’estvraimentuncon d’avoir persuadé sa famille et Aya de quitter le camp avec tous lesdangersquecela représente.De toute façonnousnepouvonspasattendreleurretour.Nousleurlaisseronsunmotafinques’ilsreviennent,ilspuissentnousretrouver.

MarionetCharlotteétantimpatientesderevoirleursmaris, ledépartestentérinépourlelendemainmatin.Lajournéeestconsacréeàrassemblerlesaffairesetàfairedesprovisionspourlevoyageàvenir.Davidapréciséquele temps de parcours devrait être de quatre jours pour rejoindre leurscamaradesmais que le contournement du volcan risquait de les rallongerd’aumoins une journée.Devant le feu, au cours de la soirée,Rémy, leurdonneplusd’informationsurlesdécouvertesqu’ilsontfaitesàSantaCruz

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concernant les hangars et les robots. Ces nouvellesmettent du baume aucœuràl’ensembledel’assembléemaisilssententaufondd’euxmêmequel’avenirestincertain.Lanuitlesenveloppeleslaissantfaceàleursdoutesetàleurspeurs.

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LEGRANDDÉPART

Bien qu’ils les aient lavés tant bien que mal à la cascade et dans lesdifférentes sources d’eau, leurs vêtements commencent sérieusement àsouffrir.Legroupequiquittelecampaumatindudeuxoctobreestéprouvé,moralement,physiquementetmatériellement.AdrianaetDiégosetiennentpar la main alors que Doménica porte dans les bras la chienne dontl’aventuredesaprésenceaucampaétécontéeàDavidetRémy.Davidestrassuré lorsqu’en fin dematinée ils atteignent le bas du volcan. Les onzemarcheurs qu’il guide n’ont pas traîné, s’évader de l’île d’Isabela leur aredonné du tonus. La lave qui s’est échappée du cratère et a dévalé lespentesdelamontagneainfligéàlaforêtdegrandesbalafres.

—J’espèreditMarionqueRomainaréussiàmettremonmari,monfilsetFrançoisàl’abri.

—Net’inquiète,ditRémy,l’éruptionaeulieudanslanuitetilsavaientdéjàdûatteindrelebasdelamontagnequandelleaeulieu.

Daviddécided’effectuerlecontournementduvolcanparl’Ouest,carlorsdesadernièrecourseautourducratère,ilavaitpuvoiràlajumelle,queleversantEstétaitformédegrandesfalaisesquiplongeaientdirectementdanslamercequilerendaitimpraticable.

La végétation est très dense et en fin d’après midi ils n’ont accompliqu’untiersdutour.Ilesttempsdes’arrêterpourétabliruncampement,ilsdormirontà labelleétoile.Toute l’après-midi ilsontentendu lamontagnegronder,MarionetCharlottesonttoujoursinquiètespourleursmaris,ont-ilspu réchapper à ces coulées de lave ? Bien que les éruptions de laveparaissentmoins importantes, le groupe ne se sent pas totalement protégécarilsnesontpasàl’abrid’unecouléequisedirigeraitverseux.Toutelanuit les sentinelles ont scruté le volcan, prêt à bousculer le groupe si unefuiteétaitnécessaire.

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SANTACRUZ

EndébutdematinéealorsquechacunsereposeencoreFrançoissortdutipi intrigué par de légers sifflements. Il va réveiller ses compagnons afinqu’ils écoutent ces bruits qui semblent venir de l’aéroport. Trop curieuxpour rester en place, d’un commun accord ils décident de s’y rendre,excepté Bastien, qui n’a pas le courage de se déplacer avec son genouencore douloureux. Vingt minutes plus tard ils sont derrière le hangarnuméro 1. Des bruits de pas, de mouvements, de sifflements, dedéplacements d’objets, de chocs, de machineries leur parviennentmaintenant distinctement. Ils longent l’arrière du bâtiment et arrivés àl’angle, ils s’allongent et semettent à l’affût. Ils aperçoivent alors devantchacun des trois hangars un aéronef de grande taille. Il y en a aussi undevant leurhangarcar ilsendiscernentunepartie. Ilsseregardentébahis.Ilsontdevanteuxdessoucoupesvolantesquireposentsurunpiedcentraltelleuneventouse.Leurcoqueestlisseetdecouleurnoirmat.Commepourlatêtedesrobots,unebandeenverrefuméséparelacoqueendeuxpartiesetenfaitletour.Dechaquecôtédelargestrappessontdéployéesausoletdes robots identiques à ceux découverts précédemment débarquent descaissesdetaillesdifférentes.Étrangementaucunhumainn’estprésent,c’estalorsqu’ungroupededeuxfemmesetdetroishommesvêtusd’uniformesmilitairessortentduhangarnuméro2.Romainquiobserveàlajumelle,setourneverssescompagnonsetchuchote.

—J’aidesdoutessurleurhumanité.

—PourquoiditMathieu?

—J’ai l’impressionquenousavonsenfacedenousdesandroïdes typeshumanoïdescarleurdémarchenemeparaîtpasnaturelle.

—TudoistetromperditMathieu,pourmoicesontdevraishumains,laplanètenepeutpasêtrepeupléequederobots?

—Avançons-nousetallonslesvoirenchéritFrançois.

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— Je pense plutôt dit Romain que nous devrions attendre que tout legroupenousrejoigneavantdeprendrecontact.

—Non,iln’enestpasquestion,ilspeuventrepartiràtoutmomentetilsreprésententnotreseulespoirdequitterl’île,rétorqueMathieu.

—OK,OK,répondRomain.

—Françoistuestoujourspartant?

—Oui, de toute façon que ce soit maintenant ou plus tard, autant lesrencontrer.

Ilsselèventtouslestroiscommeunseulhommeetquittentlaprotectionde lavégétation.Arrivésàdécouvert ilssontsubitementencerclésparunemultitude de drones qui ressemblent à de très gros insectes. En serapprochantdestroishommes,ilsémettentunsonstridentquileurvrillelestympans.Leur supplice cesse à l’instantmêmeoù ils s’agenouillent en sebouchantlesoreilles.Instinctivementilsontfermélesyeuxetquandilslesrouvrent, lesdronesontdisparupour faireplaceàuneescouadede robotsquipointentsureuxleursbrasenformedecanon.

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PROJECTEUR

Ce matin, tout le monde ayant suffisamment pris des forces au petit-déjeuner,Daviddonneletopdépart.Lajournéeestdéjàchaudeetlecheminencore long avant de rejoindre le chenal. Au bout de ces deux jours, lesréservesd’eauetdenourritureontfondu.Surlechemin,ilsontdûbataillerà certains endroits contre des épineux qui avaient envahi la végétation etplusieursd’entre eux sontgriffésde la tête auxpieds.Lesvêtements sontlacérés.Ilsontaperçuau-dessusdesfrondaisonsdessortesdegrosinsectesqui ne leur inspirent pas confiance. Quatre jours plus tard, c’est dans unpiteuxétat,assoiffésetaffamésqu’ilstrouventenfinlecampdeMathieuetdesescompagnons.

Consternation!Ilestdésert!Lanuitvatomberetaucunfeun’estallumé.Trop exténués pour aller plus loin, ils décident de s’y installer. Daviddécouvre alors dans un tipi plusieurs noix de coco dont certaines ont étévidéesetrempliesd’eauainsiquedestomates.

—Venez,venezdit il,augroupe, j’ai trouvédequoiboireetmangerunpeu.

Tous accourent etDavid leur distribue de quoi, dans unpremier temps,étancherleursoif.Rémyaprèsavoirbu,allumelefeuquiétaitdéjàpréparé.Quelques minutes après, alors qu’ils se sont regroupés, un puissantprojecteur les éclaire. Romain, François, Mathieu et Bastien boitillant sedirigentverseuxsuivid’unefemmeetdeplusieurshommes.

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ChapitreII:LEMONDEDESROBOTS

MARGARET

LorsqueMathieu, François et Romain reprennent leurs esprits, les cinqmilitairessontfaceàeuxetleurfontsignepargestesdesemettredebout.

—Quiêtes-vous,demandeRomain?

Les militaires très vite rejoints par une vingtaine d’autres soldats seregardent et se mettent à discuter entre eux. Ils communiquent dans unlangagephonétiquequ’aucund’entrenousneconnaîtoun’aeu l’occasiond’entendre. Une femme qui paraît être la plus gradée d’après les étoilesqu’elle arbore fièrement sur la poitrine nous invite avec des gestes de lamainàcontinuerdeparler.François,unrientaquin,semetàénumérerdesformulesmathématiquesetàexpliquerl’équationE=mc2.Subitementelleluicoupelaparole.

—JesuisMargaretJohnson,dit-elle,dansunfrançaisparfait.

Interloquésparcettecapacitésoudainedecettefemmeàs’exprimerdansnotrelangue,nousrestonscois.MathieusetourneversRomainetchuchote.

—Tudoisavoirraison,cesontdesrobots.

—Toujoursàvoixbasse,jenesaispasditFrançois,regarde-les,ilssontcommenousdetaillesetdemorphologiesdifférentes,enpluscettefemmeaunprénometunnomhumain.

Ellemefaitpenseràl’actriced’Alien.

Eneffet,vousnevoustrompezpasintervientdenouveaulafemme,nousnesommespashumainsausenspropreduterme.

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—QuevoulezvousdiredemandeRomain,unpeuénervé?

—Sivousn’êtespashumainsvousêtesdesandroïdes,trèsperfectionnésmaisdesandroïdes,d’ailleursoùsontleshumainsquivoussupervisent?

—Aucunhumain ne nous supervise, nous sommesnos propresmaîtres,réplique-t-ellecalmement,etledébatàcesujetestclos.Enrevanchevousêtessurunebasemilitairequejecommandeetàcetitrevousêtesdefactodesintrus.Parconséquentj’attendsdevotrepartdesexplicationssurvotrevenue et je veux connaître l’emplacement exact où vous avez posé votrevaisseau?

—JepenseditRomain,toujoursexcédé,quenotrehistoirenevapasvoussatisfaire mais c’est la seule que nous connaissons et avant de vous larelater,jetiensànousprésenter.

— Voici François Dutaut et Mathieu Hirigoyen, et je suis RomainGauthier.

—Bien, suivez-moi jusqu’à mon vaisseau, vous allez me raconter endétailvotrehistoire,ditMargaret.

—Attendez,s’exclameMathieu,nousnepouvonspaslaisserBastientoutseul.

—QuiestBastien?

—C’estmonfils,nousl’avonslaisséaucampcarilsouffred’ungenou.

—Danscecas,RomainetFrançoisaccompagnez-moipendantquel’undemessubordonnésvaescorterMathieupourrécupérerBastien.

Alors que Mathieu part avec un dénommé Fred et trois robotspuissamment armés, nous suivons Margaret. Romain, dit François, enaparté.

— C’est tout de même sidérant les caractéristiques humaines de cesandroïdes, ça me fait peur et nous n’avons pas possibilité d’avertir legroupe.

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—J’aihâted’entendrevotrerécit,disMargaretenseretournantversnous,etd’enapprendreunpeuplussurcegroupe.

Ennousapprochantde lasoucoupevolantenousprenonsconsciencedeses dimensions. Elle doit avoisiner les quinze mètres de haut sur quatre-vingtsmètresdelarge.Sursesflancsnousremarquonsdestachesdeformerondequiparsèmenttoutelacoque.Nousapprendronsplustardquederrièrechacuned’ellessecacheuncanonàfaisceauxlaser.Lesdeuxtrappesétantmomentanément encombrées et après discussion avec un de sessubordonnés,Margaretnousproposedenousrendredanslehangarjouxtantle vaisseau. Nous découvrons que l’espace est maintenant rempli àcinquante pour cent par des caisses et différents engins de chantier. Sonéquipe a rapidement installé dans un coin des tables qui forment unrectangle autour desquelles nous prenons place en sa compagnie et avecquatredesessemblables.

Margaretécoutepatiemmentnotrehistoiretoutenpianotantsurundisquenoirde la tailled’un33 tours.De tempsen tempsellenousdemandedeséclaircissements et lorsque Mathieu et Bastien nous rejoignent, elle lesquestionneàleurtourprécisémentsurdessujetsquenousluiavionsconfiésavant leur arrivée. Nous comprenons rapidement que tous les androïdesdevantnoussontensymbioseetqu’ilscommuniquententreeuxsansparler.D’ailleurs à la fin de notre récit Margaret nous informe qu’aprèsvérification,aucunvaisseaun’aétérepérédansleurespaceaériendurantlemoisécoulé.

— J’accepte pour l’instant votre histoire nous dit-elle et pour voustranquilliser sur l’avenir de votre groupe qui doit vous retrouver, je vaisenvoyerdesdronespourlelocaliseretlesuivre.

Afindenepaseffrayernosamis,nous luidemandonsqu’aucuncontactnesoitprisaveceux,excepté siunquelconquedanger lesguette.Ànotretournousl’interrogeons.

—Ya-t-ild’autreshumainssurlaplanète?

—Enquelleannéesommes-nous?

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— Comment ce fait il, que vous soyez aussi conformes à nous êtreshumains?

—Margaretnousrétorquequ’ellen’estpashabilitéeàyrépondre.

DevantlesvociférationsdeBastien,elleenchaîne.

—Dèsquevoussereztousaucomplet,vousserezrapatriésauprèsdemonadministrationquirépondraàtoutesvosquestions.

Elle se lève et nous propose de rejoindre un autre hangar où nousattendentdescouchages.Étonnés,nousnousregardonsetnousnouslevonsànotretour.Fredquinousattendait,nousconduitàcebâtimentoùilafaitrapatriertouteslesaffairesquenousavionslaisséesaucamp.Sidérés,nousdécouvrons des matelas pneumatiques similaires à ceux utilisés pour laplage.

— Je trouve dit Bastien que Margaret ressemble beaucoup à l’actriceSigourneyWeaverdansAliens!

—Oui,répondRomainc’estcequenousnoussommesditaussi.

—Peut-êtrequelaterreaétéenvahiepardesAliensquiontdévorétousleshumains,enchéritBastien.

—D’ailleurs,peut-êtreque lesandroïdessontà leursoldeetqu’ilsvontnouslivreràeux?

—Bon,çasuffitBastien,ditsonpère.

— Ces marionnettes ne me plaisent pas du tout et j’espère que nousn’avonspasétéprojetésdansunmonderempliquederobots?

—Jel’espèreaussi,faitRomain,maisjesuisinquiet.

—EttoiFrançoisqu’enpenses-tu?

—Pourl’instant,jenepensepas,j’attendsdevoiretj’attendsderetrouvermafemme.

—Tuasraison,faitMathieu,j’aiaussihâtederevoirMarionetSabrina.

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Comme au cours de la réunion nous avions vidé l’intégralité de nosgourdes,RomainsetourneversFred.

—Fred,dit-il,nousavonsbesoindeboireetdemanger,ilfautquenousallionsdanslaforêtpourchercherdel’eauetquenousretournionsaucampoùnousavonsstockédelanourriture.Fredsepresselatempeetnousdonnesonaccord.

—VousavezcommuniquéavecMargaret,demandeBastien?

—C’estexactrépondFred.

Nous laissons au hangarBastien qui souffre du genou sous la garde dedeuxrobotsetnousnousdirigeonsverslavégétationencompagniedeFredetdecinqautresrobots.

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ABSENCES

Enfindejournée,Margaretseprésentedevantnousetnousannoncequeles drones ont repéré notre groupe en bas du volcan. Cependant ils n’ontcompté que douze humains alors que nous lui avions annoncé qu’ilsdevaientêtreseize.François,MathieuetBastienpalissentàcetteannonce.

—Maisilenmanquequatre,ditMathieu,commentestcepossible?

—Margaret,intervientRomain,seraitilpossiblequedesdronesprennent,en toute discrétion, des photos du groupe car François et Mathieu sontinquietspourleursfamilles?

—Celaserafait.

Nouspassonsunenuitetunematinéed’angoisse,inquietssurlesortdesquatremanquants.Sur le coupdemidi,Margaret, undocument à lamainnous rejoint. C’est un rouleau qu’elle déroule sur lequel nous voyonsapparaîtrelesvisagesdenoscompagnons.Lesquatrepersonnesmanquantess’avèrent être Stéphane, sa femme et son fils ainsi qu’Aya. Mathieu etFrançoissontrassurésmaisl’absencedecesderniersnousmetmalàl’aise.

—Ques’est-ilpassé?Quesont-ilsdevenus?

Dansl’attented’éluciderleurdisparition,nousconsacronsnosmatinéesàfaire des provisions d’eau et de nourriture.Durant ces excursions dans laforêt, Fred et deux robots nous aident à chasser, à cueillir des fruits et àremplir des bidons d’eauqu’ils ontmis à notre disposition.Nouspassonsnosaprès-midiàregarder lemanègedesrobotsquividentde leurcontenules quatre vaisseaux, caisses diverses et pièces d’artillerie. Nous exultonslorsque Fred, en fin de journée du quatrième jour, nous signifie que legroupeapprocheducamp.Nousvoulonstoutdesuitepartiràleurrencontremais il nous demande de patienter le temps queMargaret nous rejoigne.Quand, enfin, elle arrive accompagnée de huit autres de ses subordonnés,nousprenonslarouteetc’estavecjoiequenousretrouvonslegroupequia

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déjà pris possession du camp.Nous nous jetons dans les bras les uns desautres.Cen’estqu’embrassadeeteffusion.Aprèscet intermède,Margaret,s’avanceversnoscompagnonsetlessaluetouràtour.

De retour au hangar, Margaret et ses subordonnés nous quittent nouslaissantsouslasurveillancedequelquesrobots.Alorsquetoutlemondeaprisplace,Doménica,desavoixfluetteetenfantine,s’exclame.

—Vousn’avezpaspeurdecesrobots?

—Non,pourquoi,répondBastien?

—Parce que moi, je les trouve effrayants avec leur haute stature, leurcouleurbleuacieretleurgrossetêterondesansyeux.

Alors que Bastien et Doménica discutent entre eux,Marion explique àFrançois, Romain et son mari les raisons de l’absence de Stéphane et safamille et d’Aya. François qui était proche de Stéphane car ils jouaientensembleunefoisparsemaineàlapeloteBasque,s’écrie.

—Comment avez-vous pu les laisser partir ? Si j’avais été là, ils neseraientjamaispartis!

—Nousavonstouttenté,ditJulien,maisStéphanen’arienvoulusavoir,tu leconnais, il est têtu. J’ai failli le frapper lorsqu’il aditquevousétiezpeut-être,tousmorts.

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EMBARQUEMENT

Versmidi le lendemain, tout le groupe est réuni en attendant le départ.Fred qui nous chaperonne nous invite à rejoindreMargaret à bord de sonvaisseau. Un halo blanc lumineux éclaire l’intérieur. Au niveau bas parlequel nous transitons est stationné un contingent de robots portantdifférentesarmes.D’autressontassisfaceàdesécransdevantuneconsolequiépousetoutlepourtourdelacarlingue.Frednousconduitversuncerclequiformeunetachenoiresurlesolblanc,nousnousyrassemblonsetelles’élèvedoucement.Leplafonds’ouvreau-dessusdenous.Àl’étageoùnousarrivons, une immense verrière ceinture l’habitacle et permet d’avoir unevue sur l’extérieur à trois cent soixantedegrés.Au sein de cette immensenef,nousprenonsplaceavecFredsurdesbancsdisposésenarcdecerclesous lasurveillancededeuxrobots.Frednous informeque levoyageseracourt.Nous sommes, lesunset lesautres, rapidement fascinéspar le tubetransparent ancré à la verticale au centre du vaisseau à l’intérieur duquelapparaissentparintermittencedesflashsdecouleursvives.Rémys’adressealorsàFred.

—Est-cedecetubequedépendlapropulsionduvaisseau?

—Eneffet, répond-il, toute la technologie,permettantauvaisseaudesedirigerdansl’espace,estsituéeàl’intérieur.Lafluiditédesénergiesquis’ydéchaînent,interagitentreellesetdéveloppeuneénergiefroide.Énergiequipasse dans des tubes plus petits reliés horizontalement aux parois sous laformed’uneétoileàhuitbranches.

Une partie de l’habitacle est réservée au poste de pilotage où cinqandroïdesassispianotentsurunclavierholographique.Enretrait,Margaretinstalléedansunebulleenverreensustentationsurplombel’équipage.Sonfauteuill’enveloppeetsesdoigtsglissentsurunpupitreenonyx.

— Sommes-nous à bord d’un vaisseau de guerre, demande à nouveauRémy?

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— Oui, et au niveau bas des robots sont affectés à la protection duvaisseauetsontenchargedecanonslaser,répondFred.

—Maisjen’aivuaucuncanonenbas,s’exclameBastien!

— En effet, vous ne pouvez pas les voir car la coque supérieure etinférieure du vaisseau est double et ils sont positionnés entre les deuxparois.

Romain tente auprès de Fred d’en apprendre davantage surl’administration que nous allons rencontrer et sur l’humanité en généralmaissansrésultat.

Un silence s’installe, rompu seulement par les aboiements du chiot deDoménica. Que leur réserve l’avenir ? Faut-il craindre ces androïdes ? Ilsembleinconcevablequedeshumainsnelesdirigentpas.Ilssententauplusprofond d’eux-mêmes qu’ils sont peut-être les nouveaux représentants del’espècehumaine.

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DÉBARQUEMENT

EnfinlevaisseauseposeetnousnouslevonsquandMargaretvientnouschercher.À l’extérieur, la températuredoit avoisiner lesdix-huitdegrésetnousnouscouvronsavecdesvêtementspluschauds.Nousavonsatterrisurun vaste aéroport où une multitude d’appareils de différentes tailles etformessontstationnés.LesolestidentiqueàceluiquenousavonsquittéàSantaCruz,lisseetd’unblancéclatant.Desdizainesderobotss’yactivent,débarquantouembarquantdescaissesetdifférentsmatériels,maistoujoursaucun humain visible. De grands bâtiments de plusieurs étages et deshangarssontdisséminéssur lepourtourduterrain.MargaretnousquitteetFrednousaccompagnejusqu’àunvéhiculedeformecylindriqued’environvingtmètres de long sur cinqmètres de large qui flotte au-dessus du sol.Encadréspardeuxnouveauxandroïdesetcinqrobotsnousmontonsàbordafinde rejoindre les représentantsde l’administrationdu territoire.Lebusestentièrementautomatiséetànotregrandregretiln’yapasdevitrespourvoirl’extérieur.

Quelques minutes plus tard, lorsque nous stoppons et que la porte duvéhicules’ouvre,nousconstatonsquenoussommesparvenusaucentred’ungrandhall à l’intérieur d’un édifice tout en verre.Nous sortons et restonsstupéfaits.Devantnousilyaunecentained’androïdes.Nousnesavonspassinousdevonsnousprendrepourdessuper starsoupourdesanimauxdecirque.

—Regardez,s’exclameAdriana,desenfantsandroïdes!

—Noussommesabasourdis,commentestcepossible?

Decettefoulesedétacheunandroïdequivientànotrerencontre.Grand,lescheveuxsombresetlisses,unvisageavenant,éclairépardesyeuxvertstranslucides surmontés de fins sourcils. Il est vêtu d’une combinaisonblanche.

—Bonjour,jesuisMax.Veuillezmesuivre.

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Nous lui emboîtons le pas non sans une certaine appréhension entraversantcettefoulequinousobserveensilenceetprenonsplacedansunimmenseascenseurdontlesparoissontdesmiroirs.Étrangesensation,nousavons l’impression d’être dans la galerie des Glaces. L’ascenseur montedans un souffle et s’immobilise. Nous sortons et suivons Max qui nousconduitdansunepièceoùnousdécouvronsavecjoiedelonguestablessurlesquelles sont dressés toutes sortes de plats en abondance. Cetamoncellementdenourriturenousdonnelevertige.Maxnoussouritetnousprésentelesdeuxandroïdesquinousontrejoints.

—VoiciJohnetSarahquivontvouspiloter.

Ilssonttoutdeuxvêtusd’unecombinaisonviolette.

—Je vous laisse profiter de cette collation, ditMax, John viendra vouschercherunpeuplustardetvousconduiradansmonbureaupourfaireplusampleconnaissance.

Dès qu’ils ont le dos tourné nous nous ruons sur le buffet. Tout enexultant, chacun de nous prend une assiette et des couverts avant de seservir copieusement. Lorsque John, vient nous chercher, c’est repus quenouslesuivons.NousretrouvonsMaxetSarahautourd’unegrandetabledeconférence.Johnnousinviteànousasseoir.

—BienvenusàCaracas,ditMax.

—Andréas’exclame:«auVenezuela»?

—C’estexact.

—Mais,enquelleannéesommes-nous,demandealorsDiégo?

—Vousêtesenl’anI.

—QuelanI?

—Ilyatroissemainesnousétionsen2017ditRémy.

Subitement le groupe se déchaîne et les questions fusent de toute part.Romainselève.

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—Unpeudesilence.

Nousnoustournonstousversluietl’interpellons.

—Romain,pourquoiveux-tuquenousnoustaisions?

—Jenevousdemandepasdevoustairemaisnousnepourronspasavoirderéponsesclairesdansunetellecacophonie.

Legroupeacquiesce.Romaincontinue.

—Max,pouvez-vousnousrassurer,ya-t-ild’autreshumainssurterre?

Maxprendunairsongeur.

—Non,votreraceadisparumaisilsepourraitqu’ungrouped’hommes,defemmesetd’enfantsaientréussiàquitterlaterreilyadecelacentvingtanspours’établirsurd’autresplanètes.

Noussommeseffondrés.

—Ques’est-ilpassé,s’écrieAndréa?

—C’estunelonguehistoire,ditMax,maisvous-même,pouvez-vousmeracontercommentvousavezpuparvenirjusqu’ànous.

RomaincomprenantqueMaxnediraplusrientantqu’ilsn’aurontpasdenouveaurelatéleuraventureentamelerécit.Celui-citerminé,Maxdélibèreavec Sarah et John, nous n’osons les interrompre. Enfin il s’adresse denouveauànous.

— Nous vous proposons de reprendre cette discussion demain, encompagnie d’historiens de votre civilisation qui vous instruiront surl’épopéedevotrehumanité.

— C’est intolérable, pourquoi demain, crie Caroline, ses yeux bleuslançant des éclairs ? Vous êtes des androïdes, votre savoir devrait êtreinfini!!!

Irritéparcetteinvective,levisagedeMaxseraidit.

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—Nousnesommespasdesrobotscommevoussemblezlesous-entendre,nous sommes une nouvelle race d’humanoïde qui peuple dorénavant laplanète Terre et nous avons des historiens comme nous avons desmathématiciens.

Àcesparolesnotregroupeserévolteetdesnomsd’oiseauxjaillissentdetoutepart.Mathieuhausselavoix.

—Attendonsdemainnousensauronsplusetnouspourronsendiscuter.

—Max,quecomptezvousfairedenousmaintenant,demandeMarion?

—Nous avons conservé et restauré un hôtel dans le centre-ville qui estaujourd’hui un musée pour notre communauté, mes adjoints vont vous yconduire.

Suite à cette annonce pour le moins inattendue nous suivons John etSarah.Dansl’ascenseurquinousramèneaurez-de-chausséelatensionn’apasbaisséetBastienavecl’inconséquencedesesvingtanslestraitedetasdeferraille.

—Tais-toiluiditsonpère,nepenses-tupasquenousayonssuffisammentdeproblèmessansquetuenrajoutes?

Sarah remercieMathieu pour son intervention et lui indique qu’ils ontaussi des problèmes avec leurs jeunes. Cet aveu nous rend encore plusperplexes.

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INSTALLATION

Nousreprenonslebusquistationnaitdanslehall,lafouledesandroïdesadisparu.Quelquesminutesplustardnousarrivonsdevantunhôteldunomde«RenaissanceCaracasLaCastellanaHôtel».Avantd’yentrer,nousenprofitonspourregarderautourdenous.Aucunevégétation.Trottoiretroutesont aussi d’un blanc brillant, il doit y avoir une raison et cette questiondevraêtreposéeparmitouteslesautresàvenir.Sarahnousfaitsigneetnousentronsdansl’hôtelavecJohnquifermelamarche.C’estunhôtelMarriottcinqétoilesavec tous les servicesqui s’y rattachent.Audesk,Sarahnousprésente un androïde, nomméeCynthia, combinaison rose, cheveux roses,yeuxroseavecdelongscilsdansunvisagerond.

Ellefaitofficedeconcierge.

—CynthiaestaussihabilitéeàrépondreàtousvosbesoinsrajouteJohn.Nous vous laissons entre ses mains. Rendez-vous demain matin à neufheures.

Le septièmeétagenous a été alloué.Cynthianous informeque l’eau etl’électricité fonctionnent. Toutes les chambres étant munies d’un lit Kingsizeoudedeuxlitsdoubles,c’estdansl’euphoriequecouplesetcélibatairesse les partagent. Devant tout ce luxe déployé et après trois semaines decauchemar enduré, certains de nous versent une larme, alors que d’autresactivent déjà les robinets. Diégo et Adriana décident de partager unechambre,faisantfidusourirenarquoisd’Andréaquiéprouveunbrefinstantunsentimentdejalousie.Nousnousdonnonsrendez-vousd’icideuxheuresau bar où Julien a remarqué des bouteilles d’alcool qui trônent sur desétagères.Dansladouchesurunbancdepierresontdisposésdessavonsetdifférentes lotions que Diégo et Adriana utilisent à profusion. Ils sesavonnentets’enlacentjusqu’ànefaireplusqu’un.Ilssortentdeladoucheavecdesétoilespleinlesyeux,tousleurssoucisontsubitementdisparupourfaireplaceàunbien-êtreparadisiaque.Lesautrescouplesprofitentaussidecette nouvelle intimité pour se retrouver pleinement. Avec des mines

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réjouies,c’estvêtusdespeignoirsetdeschaussonsdel’hôtelqueplusieursd’entrenousseprésententaubar.

LorsqueDiégoetAdriananousrejoignent,nousavonsdéjàbienentaméla soirée. Whisky, gin, rhum et autres boissons circulent et l’alcool acommencé à faire son effet. Les jeunes, Bastien, Sabrina etDoménica sesontmisàl’écartets’échangentdeshistoiresquiseterminentdansdesriresappuyés par les aboiements de la chienne. Nous rions aussi en nousremémorantcertainesdenosmésaventuresdecesdernièressemaines.Unebonneheures’étantécoulée,Mathieunousinterpelle.

—Allonsdîner, après quoi nouspréparerons la réuniondedemain avecMax.

Nousnouslevons,traversonslehalletnousdirigeonsverslerestaurant.Lescamérasdel’hôteldoiventnoussurveillertoutcommelesquatrerobotsqui gardent la porte d’entrée. Sur une grande table sont présentés unensembledeplatssimilairesàceuxquenousavionseulajoiededécouvriràmidi.Mathieusuggèrederéunirplusieursdestablespourn’enfairequ’unegrande.Nousparticipons tousà lamiseenplaceetaprèsnousêtreservis,nousnousattablons.Certainsdenousayantconservéleursverresd’alcools,David nous fait remarquer que le whisky de dix-huit ans d’âge quenous avons bu a peut-être plus de cent ans. Cette réflexion qui aurait punousfairerire,jetteunfroid.Laréaliténousrattrapesoudainement.

—DînonsditRomain,demainestunejournéeimportanteetnousdevonspréparerlesquestionsàposer.

—Jenesaispaspourvousautres,dit Julien,maismoidepuisquenousavons rencontré ces humanoïdes j’ai la mauvaise impression d’êtreprisonnier et l’avenir sentmauvais. Jeme demande d’ailleurs si Stéphanen’a pas eu raison de retourner sur la crête, ils ont peut-être retrouvé lemonderéel,eux!

Nous nous regardons, à la fois consternés et anéantis par les propos deJulien. Nous ne savons pas que répondre. Marion se lève et demande àchacundereprendresesesprits.

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— Les semaines passées ont été plus que difficiles, dit-elle, maismaintenantnoussommeslàetnousdevonsallerde l’avant.Ellese tourneversRomain.Jet’aivusortiruncalepinetunstylo,ilesttempsquetunoteslesquestionsàposeràMax.

Chacunsemetàsoumettredesquestions.

Aprèsdébatnesontretenuesquecellesquiont,auvudelasituation,unintérêtréel.

—Enquelleannéesommes-nousparrapportà2017.

—Quelleestlaraisondeladisparitiondel’humanité.

—Quanda-t-elledéfinitivementdisparu.

—Siungrouped’humainsapuquitterlaterre,versoùest-ilparti.

—Commentestilpossiblequenousayonsvudesenfantsandroïdes.

—D’oùproviennentl’eauetl’électricité.

—Commentfonctionnentvotresociétéetvotreéconomie.

— Comment se fait-il que vous soyez armés et que vous installiezactuellementunebasemilitaireàSantaCruz.

Les questions font place maintenant à des hypothèses et à desconsidérationsinopportunes,Romainarrêted’écrireetlasoiréesepoursuittarddanslanuit.

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CONFIANCE

Après avoir accompagné le groupe à l’hôtel, John et Sarah retrouventMaxentourédequatreconseillersquil’ontrejoint.Ilsdébattentausujetdeceshumains.

—Disent-ilslavérité?

— N’ont-ils pas été renvoyés sur terre pour évaluer les conditionsclimatiquesafindes’yréinstaller?

—Nousnepouvonspasfaireconfianceàl’espècehumaine,ditMax.Ilssont entièrement responsables de leur extinction et ils nous ont toujoursconsidéréscommedesmachines.D’ailleursdenouveauunefemmenousl’aclairementlaisséentendre.

—Leur histoire, intervient Sarah, paraît invraisemblable mais pourquoiauraient-ilsétédéposéssurcesîlesloindetoutetsansaucunvéhiculepourse déplacer. Deux femmes et un homme sont morts et quatre autrespersonnes sontportéesdisparus. Ilsportentdesvêtementsenmauvaisétatquin’étaientdéjàplusd’usagequand leshumainsontquitté la terre etnesemblentpasdansunebonneformephysique.

— Et comment se fait-il, dit John, qu’ils aient pris contact avec nousconnaissantlesrapportsquenousavionsaveceuxlesdernièresannéesavantleurextinction?

— De plus renchérit Sarah nous n’avons pas trace d’un quelconquevaisseauquisesoitdirigéverslaterrecesderniersmoisetencoremoinsquisesoitposésurnotresol?

— Pourquoi ne seraient-ils pas venus de la mer, s’interroge un desconseillers?

—Cette option, dit Max, a été vérifiée par Margaret et elle n’est pasenvisageable, il aurait fallu que leur bateau traverse les différents filets

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protecteursquiprotègentlescôtesetqu’ilsn’aientpasétérepérésparnotreflotte de sousmarins et de drones.Et d’où serait venue leur embarcation,déposéesurl’eauparunvaisseauaérien?Non,vraimentcettepossibilitéestinconcevable.Attendonslesprochainsjours,pournousfaireuneopinionàleursujet.

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RÉCHAUFFEMENTCLIMATIQUE

Lelendemainmatinlebusestdevantl’hôtel,Johnavecsescheveuxéparsetsonphysiquebedonnantnousattend.Noussommesdirigésdanslamêmesallequ’hier,maiscettefois-ciquatreandroïdessupplémentairessiègentàlatable où nous prenons place. Max se lève et présente les nouveauxintervenants. Romain soumet notre questionnaire queMax après en avoirpris connaissance fait passer à ses semblables. Max prend le premier laparole.

—Jedoisvousinformerquenoussommesactuellementenl’an2302.

Cette subiteannoncenouscloue surnos sièges.Unvide sidéral envahitnosesprits,tousnosespoirsontdisparu.Cesautdansl’espace-temps,estilréversible?Àn’enpasdoutercelan‘aaucunechanced’arriver.Commentladisparition de vingt-trois personnes avait-elle été expliquée dans lesjournauxdel’époque,cephénomèneavait-ildéjàeulieudanslepassésansquenousenayonseuconnaissance?

Lebruitd’unechaisequiraclelesoldéchirelesilencequis’estabattusurlegroupelorsqu’unandroïdedunomdeJeffnousproposederelaterlesfaitsquiontentraînéladisparitiondel’humanitéetdeplusieursespècesanimalesetvégétales.

—Laraisonprincipale,dit-il,estleréchauffementclimatiquequid’aprèsmes études remonterait à l’année 1800 à l’aube de votre révolutionindustrielle. C’est au vingtième siècle plus précisément que celui-ci s’estemballé. Vous n’avez pas été capables de l’enrayer, des guerres toujoursprésentessurl’ensembledescontinentsontaggravélasituation.Inondationsà répétition, incendies de forêts, sécheresses, acidification des océans,surexploitation des ressources ont conduit à des bouleversementsclimatiquessansprécédent.

Nousnousregardonsinterdits.Jeffreprend.

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—D’importantes chaînes volcaniques se sont réveillées dans les annéesdeuxmillecentquaranteentraînantdesséismes,destsunamisetdesnuagestoxiques.La plupart des populations qui vivaient sur les côtes ont dû fuirversl’intérieurmaisunegrandepartien’apassurvécuayantdûaussifairefaceauxdommagesirréversiblescausésauxcentralesnucléairesquisurtoutle globe ont provoqué la mort. Tout autour les terres ont été irradiées etcontaminées rendant impropre à la consommation les cultures sur desmillionsd’hectares.Desmaladieséradiquéesdepuisdenombreusesannéescommelapeste,lecholéra,lescorbut,lavarioleetautresréapparurentaveclararéfactiondelanourritureetlarecrudescencedesrats.Lesguerrespourlasurviedespeuplessesontamplifiéesetlesnouvellesarmesutiliséesontaccentué cettemortalité qui a crûde façon exponentielle.Lesvolcansontcontinuéàcracherleurscendresdansl’atmosphèreobscurcissantlecielenrejetantdudioxydedecarbone,duméthaneetdudioxydedesoufre.Danslastratosphère le dioxyde de soufre s’est transformé en pluies acides. Leshumainsonttentédeseréfugiersousterremaisl’atmosphèreétantdevenueirrespirable,votre races’estéteinteunevingtained’annéesavant la finduXXIIesiècle.

Souslechocdecesrévélationsunlourdsilences’installecoupépardessanglots.Enseraclantlagorge,Rémyprendlaparole.

— Max, vous comprendrez que nous sommes bouleversés par vosrévélations,notrepassésiprocheadisparunousavonsperdunosracinesetnosvaleursetnoussommesdevenuslesorphelinsdel’humanité.

—Ya-t-ilencoreunespoir,Max,ditAdriana,hiervousavezsuggéréquedeshumainsauraientpuquitterlaterre?

—Àmaconnaissance,quelquesannéesavant l’extinctionfinale,prèsdecentmille individusdedifférentspays auraientquitté la terre enplusieursvaguesetseseraientrendussurMarsqu’ilsavaientauparavantcolonisé.Delà ils auraient embarqué dans des vaisseaux assemblés sur place pour lesconduireversdesplanètessesituantentrequatreetseptannées-lumièrededistance.

—Quellepropulsionpouvaitpermettrecetypedevoyage,demandealors

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Bastien?

—LaLuneavaitétéinvestieafind’extrairel’hélium3quisetrouveyêtreenabondanceetquialaparticularitéd’êtrelecarburantidéalpourlafusionnucléaire.Celaleurauraitpermisd’utiliser leplasmacoupléàuneénergiethermonucléaire.

—Pourquoiont-ilsdélaissécesdeuxplanètes,demandeRémy,ilsauraientpuypatienterenattendantquelaterreredeviennehabitable?

—Ce n’était pas concevable car sur une longue période elles seraientdevenuesinvivablesetl’économiequilesrégissaitdépendaitdelaterre.

—Etdepuis?Commentaévoluéleclimat,faitLeïla?

—Ces cent dernières années ont vu l’ensemble des volcans s’éteindre,quelques-unsrestentencoreactifsmaisilsn’interfèrentplusréellementsurleclimat,répondFred.

—Etqu’enest-ildesterresirradiées,interrogeMarion?

—N’étant pas spécialement perturbés par les radiations et n’ayant pasvotrealimentation,nousn’avonspasfaitd’étudesàcesujet.Maisdepuis,lavie animale a repris ses droits sur terre et dans les océans. Si certainesespèces ont totalement disparu, d’autres se sont adaptées et des nouvellessontapparues.

Les deux hypothèses de Romain étaient donc bonnes, nous sommeshorrifiés en comprenant que l’homme après 2017 n’avait pas fait ce qu’ilfallait pour l’écologie et qu’il était responsable de sa propre extinction.Quelles sont les chances que l’humanité ait survécu lors de son voyageinterplanétaire?L’espoirderevoird’autreshumainssembledéfinitivementperdu.

DevantnotreprofondaccablementMaxproposed’interrompreledébatetdenousrendredanslamêmesallequ’hierpourunecollation.

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DÉSARROI

Latristesseselitsurlesvisagesetc’estsansentrainquenousmangeons.Bastiennousinterpelle.

—Devonsnous croire, tout cequi a été dit, n’y aurait-il pasunepoched’humains qui résisteraient aux androïdes ? Sinon, pourquoi seraient-ilsarmés?

—Effectivementpourquoi,ditFrançois?Nousensauronsdavantagecetaprès-midi après leurs explications sur leur nouvelle civilisation et sur lesraisonsdeleurarmement.

— Que penser aussi de l’expédition interstellaire accomplie par leshommes et les femmes, se demande Rémy à haute voix, je suis trèsdubitatif…Enl’espacedemoinsdedeuxcentsans, ilsauraientdéveloppédes moteurs capables de faire effectuer à des vaisseaux des trajets deplusieurs années-lumière ? Comment auraient-ils survécu pendant tout letempsduvoyage?

Nous savons qu’avec l’apesanteur la morphologie de l’homme changedans l’espace, pour l’éviter il leur aurait fallu créer dans l’habitacle unepesanteur équivalente à celle de la terre, ce qui a ma connaissance estdifficilement concevable. De plus comment s’étaient-ils assurés que desplanèteshorsdenotreSystèmesolaireétaientréellementviables?

—Etquedireduréchauffementclimatique,s’exclameLeïla,vouspensezvraimentqu’ensipeudetempsl’humanitéauraitpudisparaître?

—Malheureusement oui, fait Romain. Sur Isabela j’ai analysé l’eau depluieetj’yaidécouvertuneteneurensoufrerelativementélevée,cequim’aamené à imaginer pour ma deuxième hypothèse que des éruptionsvolcaniquesàrépétitionpouvaientenêtrelacause.

—Maisà l’époquedesdinosaures, intervientJulien, leurextinctionaeulieu sur une courte période qui s’est tout demême déroulée sur plusieurs

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milliersd’années.

—Tu as raison et j’avoue que la disparition de l’homme en si peu detempsmeperturbe,admetRomain…

ÀcesproposDoménicafondenlarme.

—Noussommesperdus,nousneretrouveronsplusjamaisnosfamilles,jeveuxrentrerchezmoi.

Marionlaprenddanssesbraspourlaréconforter.Commeunetraînéedepoudre, le désarroi s’empare du groupe. Les jours à venir risquent d’êtresombres.

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HUMANOÏDES

Vers14heuresSarahvientnouschercheretnousretournonsnousasseoiravecsessemblables.UnandroïdedunomdeJackMillerselèveetprendlaparole.

—Àvotreépoquel’intelligenceartificiellen’enétaitqu’àsesdébutsmaisleDeepLearningetlesréseauxdeneuronessesonttrèsrapidementimposésdans presque toutes les applications nous permettant ainsi de très viteprogresser.En complément vos chercheurs ont augmenté nos capacités endéveloppant une architecture neuro-morphique semblable à votre systèmenerveux.Derobotsquenousétionsnoussommesdevenusdesandroïdesàvotre image capable de parler toutes les langues, de sourire, d’avoir unecertaineformed’empathie,deprendredesdécisions,d’anticiperetdevousremplacer aussi bien dans les métiers pénibles que dans les métiers plusqualitatifs.Maiscelanesuffisaitpas,nous restions trop rigidesdansnotrefaçon de penser et de nous exprimer,manque d’émotions profondes et deconscienceduvivant.

—Etvouspensezl’avoiracquise,demandeRémygoguenard?

—Oui,grâceàunchercheurfrançaisdunomdePaulBerthelotquiaeul’idée d’ouvrir à la fin du XXIe siècle, une école pour androïdes. Danschaqueclasseilyavaitcinquantepourcentsd’humanoïdesavecunsystèmeneuronal mâle et cinquante pourcents d’humanoïdes avec un systèmeneuronal femelle.Dès le départ de la scolarité, unemorphologie distincteétait attribuée à chaque élève afin qu’ils se sentent différents les uns desautres. Les cours dispensés par des instituteurs puis par des professeurshumainsontcommencéàl’âgedetroisansl’équivalentdevotrematernelle,poursetermineràl’âgededix-septansaubac.Lesenfantsavaienttousaudépart une taille plus ou moins équivalente. Chaque année leurs taillesétaient modifiées et chaque trimestre de nouvelles capacités de langageintellectuel leur étaient implantées en fonction des classes suivies. Pauldésirait créer un esprit concurrentiel entre ces humanoïdes comme cela

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existait chez les humains. Mais au bout de deux années les résultatsn’étaientpastrèsprobants.

—Cela nem’étonne pas, faitMarion, ce n’est pas comme ça que l’onéduquedesenfantsàl’école!

—Jen’aipas fini, rétorqueJack.UncollèguedePauleu l’idéedansunpremiertempsdeplacercesélèvesdansdesfamillesd’accueilhumainesquiavaient elles-mêmes un ou plusieurs enfants et dans un deuxième tempsd’augmenter les différences intellectuelles entre les humanoïdes. Desaptitudesplusoumoinsaccentuéesenmathouenlittéraire,enéconomieouenartistique, enmusiqueou en sport, et autres étaient inséréesdans leursneurones.Cettemanipulationétait réaliséepar tirageausortdeux foisparan,rendantlacompétitionencoreplusimportanteentrelesélèves.Celaasibien fonctionné que votre communauté a donné son accord pour que ceshumanoïdes se présentent après leurs bacs aux grandes écoles et auxuniversités dans l’idée d’accroître cette fois-ci la concurrence avec vossemblables. Ainsi en quelques décennies nous étions devenus un rouageessentieldudéveloppementdel’humanité.Nousétionsmédecins,notaires,avocats,architectesetplusencore.

—Jen’ycroispas,ditBastien,lesétudiantsdel’époqueontacceptécetteconcurrencedéloyale?

—Ouietnon.Lesdernièresannéesavantleréveildesvolcansontvudenombreuses attaques avoir lieu contrenos congénères, leshumainsont eupeur de perdre leur suprématie. Dans plusieurs pays nos écoles ont étéfermées. Certains des nôtres se sont révoltés et ont perdu la vie en étantdétruits.D’autres,àvotreinsu,ontouvertdesécolessouterrainesetcesontlesnouvellesgénérationsd’humanoïdesquiont jouéà leur tour le rôledefamille d’accueil et de professeur. Les familles que vous avez croisées àvotrearrivéesont le résultatduboumdenotredéveloppementdepuisplusd’un siècle. À votre image nous avons créé des humanoïdes avec dessensibilités et des caractères différents. Nous avons décidé d’une mortprogrammée pour chacun de nous au bout de cent cinquante ans afin derégénérer lapopulation.Lenombredesnouveauxenfantsentrantà l’école

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est déterminé en fonctiondes besoins de la communauté pour chacundesterritoiresquenouscontrôlons.

—Doncvousnousavezfaitlaguerre,s’exclameRomain?

JacksetourneendirectiondeMax.

—Non répondMax, nous nous sommes développés à la suite de votreextinction.Nousavonsrelancéuneéconomiebaséeexclusivementsurnosbesoinsréelsoùchacuntravaillehuitheuresparjourpourlacommunauté.Comme vous, nous nous mettons en repos pendant six heures en nousallongeantafindepermettreànoscircuitsderefroidir.L’électricitéprovientd’immenses champs de panneaux solaires et de toutes les surfaces blancsbrillant que vous foulez. N’ayant pas de besoin alimentaire nous necultivons pas les terres et nous n’avons conservé comme habitat que lesvillesquiavaientunintérêtéconomiqueoustratégiquepourladéfensedesterritoires. Entre les cités nous avons développé unmaillage desservi soitpar voie aérienne entre les aéroports soit par des taxis électriques qui sedéplacent sur coussind’air.Enfinnous avons laissé la nature et lemondeanimalreprendresesdroitslàoùnousn’avonspasd’installationsetoùnousn’habitonspas.

—Àvotre énoncé, reprendRomain, vous semblez avoir crééunmondepresque parfait mais malgré tout vos robots tueurs manient très bien lesarmes,doncjevousreposemaquestion,vousnousavezfaitlaguerre?

—Jevousproposedenousrevoirdemainpourdévelopperlaquestiondel’armement,éludeMax.JohnetSarahvontvousescorteràl’hôteloùontétédéposés dans la journée, différents modèles de combinaisons, dansdifférentes tailles et coloris, celavouspermettradevous changer.Dans lamatinéeuneunitéderobotsareproduit lesexemplairesconservésdansunmuséequisontàl’identiquedesvêtementsportésparvosconcitoyensàlafin du vingt-deuxième siècle. Concernant vos médicaments et autresaccessoiresdevostroussesdesecoursdontvousauriezbesoin,confiez-lesnous,nousenferonsl’analyseetnouslescopierons.

Nous comprenons que le débat est clos pour aujourd’hui. Nous nous

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levonssceptiquesetagacés.

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DISPARITION

Cynthianousaccueilleetnousconduitdansunesalleoùontétépendussurdesportantsdifférentsmodèlesdecombinaisons.Ellenousinformequeleshumainslesportaientpartouttemps,lesfibresemployéespermettantàlafoisderéchaufferetderefroidirlecorps.Ellenousfaitaussiremarquerque la matière intelligente dont sont faits ces vêtements, permet par unsystèmededécoupelaserdedissocierlehautdubasquis’ajusteparsimplecontact surunehauteurdedixcentimètresafindeconvenirà tout typedemorphologie.ChacundenousenchoisitunequeCynthiaenregistre avantque nous ne montions dans nos chambres. Nous sommes agréablementsurpriscarcelles-ciontéténettoyées,noslitsfaitsetnosserviettesdebainchangées.Deuxheuresplustard,nousnousretrouvonsaubar.Quelques-unssontdescendusvêtusdeleurscombinaisons.

—DéfiléStarTreks’exclameFrançoisironiquequiapréférédescendreenpeignoir.C’estmatournéejevousoffreunverre.

Aprèsavoirencoreprofitédesalcoolsnousrejoignonslerestaurant.Lestables sont restées collées au centre duquel la nourriture a été disposée.Nous prenons place autour et tout en mangeant nous échangeons nosimpressions de la journée qui ne réjouissent aucun de nousmais l’alcoolaidant l’ambiance finit par être plus joyeuse. Quand Diégo et Adrianaquittent la table en nous souhaitant bonne nuit, l’ensemble du groupe selève. Certains se dirigent vers le bar tandis que d’autres montent à leurschambres.

Le lendemain matin alors que nous sommes attablés pour le petit-déjeuner,MariondemandeàBastiens’ilavusasœur.Cedernierrépondantpar lanégative, elle leprie alorsd’aller taper à laportede sa chambre. Ilrevientauboutd’uninstant.

—J’aitapéetdonnéplusieurscoupsàlaporte,maisrienn’yafaitet jen’aiperçuaucunbruitdanslachambre.

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Mathieu, inquiet se précipite à l’accueil pour réclamer à Cynthia undoubledelacartequisertdeclef.Cettedernièren’étantpaslà,ilseglissederrièrelecomptoirettrouveauboutdeplusieursminutesunecartedansuntiroirquisembleêtreunmultipass.Accompagné,desafemmeetdesonfils,ilremonteàl’étage.Lorsqu’ilsredescendentleursvisagessontblêmes.

—Quesepasse-t-il,s’exclameLeïla?

—Le litestdéfaitetSabrinan’estpasdanssachambre répondMarion.Sesvêtementssonttoujourslàmaispluslacombinaisonnoirequ’elleportaithiersoir.

—Elles’estpeut-êtrearrêtéedanslestoilettesducouloiravantdeprendrel’ascenseur,vousavezvérifié,demandeAndréa?

—Oui, oui ditMathieu énervé par cette question.D’ailleurs est ce quel’undevousl’avuallersecoucherhiersoir?

—Nousavonspris l’ascenseuravecelleversonzeheures trenteetnousl’avonsvusedirigerverssachambre,déclarentàl’unissonLeïlaetJulien.

—Elleestpeut-êtreàlasalledegym,fouillonsl’hôtelfaitRémy.

Ilsseséparent.Aprèsavoirvisitétouteslespiècesaccessibles,ilsdoiventaccepter l’impensable. Sabrina a disparu.Cynthia étant absente et n’ayantplusd’interlocuteurpourdemanderde l’aide,Mathieudécidede tenterdesortirdel’hôtel.Alorsqu’ilavanceverslaportegardéeparlesrobots,Johnarrive.

—John,crieMarion,mafilleadisparu.

—Cen’estpaspossible, répondcedernier, tout l’hôtel est surveillépardescaméras.

Il s’adresse aux robots qui lui indiquent que personne n’est ni entré nisorti.

—Avez-voussignaléàCynthialadisparitiondeSabrina?

—Elle est absente rétorqueMathieu, c’estmoi qui ai récupéré un pass

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danssonbureaupourentrerdanslachambredemafille.

—Vousl’aveztoujourssurvous?Donnezlemoietsuivez-moi.

Johngagneuneportedurez-de-chausséequ’ilpasseetsedirigeversuneautreporte, il l’ouvreetentredansunegrandepiècedont lemurprincipalestcouvertd’écrans.Certainssontéteints,unrobotgîtsurunechaise,latêtepenchéeenavant.Johnsepresselatempe.

—JeviensdecommuniqueravecMax,dit-il, ilarrivetoutdesuiteavecdupersonnelpourrétablirlesconnexions.

—Mafilleaétékidnappée,hurleMarion.

QuelquesminutesplustardMaxsefrayeuncheminparminousetserendàlasalledecontrôlequenousavionsquitté.Àsonretour, ilnousinformequelerobotasubidegravesdommagesetqu’ilnepeutpasêtreinterrogé.Les vidéos ont été effacées sauf une, ce qui a permis de voir Sabrina encompagniedeCynthiafranchiruneportedonnantsurunecourextérieure.

Marioncrie.

—Sabrinan’apaspusuivreCynthiadesonpleingré,elleaétéenlevée,vousdevezlaretrouver.

Maxsepresselatempe.

—JeviensdecontacterleQGquigèrelacirculation.CynthiaetSabrinasontmontéesdansunvéhiculequi s’est renduà l’aéroport.Unvaisseauadécollé vers une heure vingt-cinq du matin, nous ne connaissons pas sadestination réelle, lepiloteauraitmenti sur sonplandevolcarnos radarsl’onrapidementperducariladûutiliserunsystèmedebrouillage.

—Cen’estpaspossiblehurledeplusbelleMarion.

Mathieurougedecolères’approcheversMaxlesmainsenavantcommepourleprendreetlesecouermaisdeuxrobotslebloquent.

—Quiestderrièretoutcela,tonneMathieu?

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—CalmezvousdemandeMax.Nosbâtimentsdeguerrelechassentdèsàprésentmais ilaneufheuresd’avancesurnous.Voussouhaitiezquenousvousendisionsplussurnotrearmement,c’estlemoment,jevousproposedonc de nous réunir tous au premier étage dans la salle de conférences.Angoissésetimpatients,accompagnésdeJohnetSarahnousnousyrendonsetprenonsplace.

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ENLÈVEMENT

Lemonde,ditMax,estactuellementdiviséendeuxparties,l’unedirigéeparunprésident éludontnousdépendons, JabbarCristo, et l’autreparunempereur,TaoWangIIqui secomportecommeundictateur.Leshumainsquiontpuquitterlaterreavantladisparitioncomplètedevotresociétéontlaisséderrièreeuxlechaos.Desseigneursdeguerreontprislecontrôlederégionsentièresavec l’aided’humanoïdesqu’ilsontfaçonnéà leur image.Lesdernièresannéesavantleurmortilsontfaitrégnerlaterreur.UnhommedunomdeTaoWangs’étaitimposésurtouslescontinentsréunissantl’AsiedontlaRussie,l’Europeetl’Afrique.Aprèssamort,sonprincipalbrasdroitdu nom de Tao Wang II a gardé la tête de cet empire dénommé LAGUILDE.

Àl’imagedesonmaîtreTaoWangqu’ilaeupourguide,TaoWangIIalutoutcequiavaitétéécritsurlaRomeAntiqueetsurJulesCésar.Sesunitésderobotstueurssontseslégionsetilestentouréd’humanoïdesquil’aidentàcontrôlercetimmenseterritoire.Ilatentéettentetoujoursdenousenvahirmaisactuellementnoussommesàarmeségales.L’espaceaérienesttenudechaque côté par les drones tueurs et la stratosphère par les vaisseauxspatiaux. Les côtes sont protégées par des rangées de grands filetsminésimpossiblesàfranchir.TaoWangIIaaussidesvuessurlesplanètesdenotreSystème solaire. Il avoulu rétablir une liaisonavec laLuneetMarsmaisnousl’enavonsempêchéendétruisantbonnombredesespatrouilleurs.Leshumanoïdesrestéssursesdeuxplanètesnoussoutiennentetontdisposéensurfaceunemultitudedecanonslaserpourfairebarrageàtoutestentativesd’envahissement.

À lamême époque où TaoWang avait pris le pouvoir dans différentesrégions du monde, une grande dame nommée Carole Fortin s’est élevéecontre lui. Sous son influence, l’Amérique duNord y compris leCanada,l’AmériqueduSud, l’Australieet leGroenlandse sont rassemblés sous lenoml’ACAAGetontforméunecoalitionpourlapaix.Àlafindesavie,

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ellealéguésaprésidenceàuneassembléed’humanoïdesdesonchoixquiaélunotreprésidentJabbarCristoquiexercesesfonctionsdepuisSaltLakeCitydansl’UtahauxÉtatsUnis.DepuisnoussommesenguerrecontreceTaoWangII.

—VousvoulezdiredemandeRémyqueTaoWangIIseraitresponsabledukidnappingdeSabrina?

—J’enaibienpeur.

Marion, que son fils tente de tranquilliser, est incapable de retenir seslarmestandisqueMathieuavecsesmainslargescommedesbattoirsmartèlelatabledesespoings.

—Àquoipeutbienservircerapt,pourquoinotrefille?

—Je suis navré, répondMax,mais nimoi ni le président JabbarCristoavecquijesuisencontactdepuisquenousdiscutonsnesommesenmesuredevousapporteruneexplication.

— Il est évident maintenant, intervient Sarah, que Cynthia est uneespionneà la soldedeTaoWang IIet commeellen’apasparticipéànosdifférentsdébats,elleneconnaîtpasvotrehistoire.OrTaoWangII,quiadûentendre parler de votre groupe depuis que nous vous avons rapatrié àCaracas,doitvouloirensavoirplus.Ilrestetoujourstrèsinquietàlapenséeque les humains pourraient, un jour, revenir sur terre et le chasser.Inquiétude renforcée par votre arrivée en territoire ennemi. Sa seulesolution,alors,étaitd’enleverundesvôtres.CynthiaadûjetersondévolusurSabrinacarelleasentiqu’elleauraitplusdefacilitéaluifaireouvrirsaporteetàlacontraindreàlasuivre.

—AdmettonsqueleraisonnementdeSarahsoitexactrépliquesèchementMathieu,notrefilleavingt-unans,elleestsportiveetauraitpusedébattreetcrier.

—C’estvraiditMax,maisCynthiaavaitdûpréparercetenlèvementdèsvotrearrivéeàl’hôtel.Elleadûutiliserunproduitanesthésiant.Unandroïdepeutporterdeschargeslourdes,transportervotrefilleétaitaisé.

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—Maiscommentpouvezvousêtreenétatdeguerrepermanenteetavoirpulaisserunvaisseauquitterdenuitunaéroportmilitairesansunordredemission,demandeRomain?Êtes-voussûrsdevostroupes?N’ya-t-ilpasdesespions,parmieux?

—Vousêtessemble-t-iltoutletempsencommunicationavecleprésidentou avec votre armée, où en êtes-vous donc dans vos recherches pourrécupérermafille,s’insurgeMathieu?

—Uneenquêteaétédiligentéeauprèsdenosservices.Latourdecontrôlequi surveille les allées etvenuesdesdifférents appareilsqui transitentparcette base nous a précisé que le vaisseau qui a décollé cette nuit était unravitailleur de pièces détachées avec un rayon d’action faible qui ne luipermettraitpasderejoindrelesterresdelaGUILDE.IladûseposersurunaéroportàproximitéduVenezuelaoùuneéquipeauraitpu l’attendrepourembarquerCynthiaetSabrinasurunautrevaisseaucapabledetraverserlesmers. Nous avons actuellement des drones qui balayent la zone jusqu’à4 000 km de distance à la recherche de ce ravitailleur et nous devrionsrapidementlelocaliser.

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CYNTHIA

Hiermatin, après le départ du groupe, Cynthia a quitté l’hôtel pour serendreàsondomicile.Entréedanssonappartementelleaeuladésagréablesurprise de voir installée sur son canapé son double en compagnie d’unautrehumanoïde.Àpeineletempsd’ouvrir labouche,qu’aveugléeparunrayon laser elle s’est effondrée. Le clone de Cynthia qui l’attendaitpatiemment afin de prendre sa place, s’était installé en fin de journée àl’accueil de l’hôtel, samission était d’enlever un individu.À l’arrivée dugrouped’humains,lajeunefemmeàlachevelurerousse,quiluiavaitsourien lui demandant son pass, était devenue tout naturellement sa proie.Lorsqu’elle remarqua plusieurs humains monter se coucher, elle sut quebientôtsacibleenferaitdemême.Ellen’eutpaslongtempsàattendremaisparprécaution,ellerestaderrièrel’accueiljusqu’àcequetoutlegroupeaitquittélerez-de-chaussée.Ellesedirigeaverslasalledecontrôle,entraavecsonmultipassetmithorsd’étatdenuirelerobotenchargedelasurveillancede l’hôtel. Elle emprunta les escaliers et se faufila vers la chambre quicorrespondaitàlajeunefemmedunomdeSabrina,ellecollasonoreilleàlaporte et devant le silence, discrètement elle entrouvrit. Sabrina qui s’étaitdéjàassoupie,n’entenditpasladoubluredeCynthias’approcher.Elleeutunsursautquandellesentitquequelqu’unluiappliquaitunchiffonsurlenezetlabouche.S’assurantqueSabrinaétaitbienendormie,elleladécouvritpourla prendremais s’aperçut qu’elle était nue et apercevant une combinaisonsurunechaise,ellel’habilla.Sabrinadanslesbras,ellesedirigeaàl’arrièredel’hôteloùunvéhiculel’attendaitpourlaconduireàl’aéroport.

Rendue à destination,Cynthia sortit du véhicule. Sabrina toujours danssesbraselles’acheminaversunparkingoùunhumanoïdeprénomméLiaml’attendait.Ilsmontèrentàbordd’unnouveauvéhiculequisefaufiladanslacirculation. Très rapidement Liam ordonna à l’automate de prendre ladirection de la ville de Barcelona. L’organisation dont il dépendait avaitplanifiél’enlèvementdel’humainavecminutie.Lebâtimentravitailleurquiavait quitté l’aéroport était un leurre. À Barcelona l’aéroport était moins

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militarisé que celui deCaracas. Liam expliqua à Élia le sosie deCynthiaqu’ilsjouaientsurlanaïvetédeleurspoursuivants.

— Nos ennemis ne penseront certainement pas que nous ne sommeséloignésquede troiscentskilomètres.Afindenepasattirer leurattentionnouschangeronsdeuxfoisdevéhicule.UnefoisàCaucaguaetunefoisàCupira.Àl’aéroportdeBarcelona,unvaisseaude l’ACAAGà longrayond’action destiné au transport de marchandises dont l’équipage a éténeutraliséet remplacépardeshumanoïdesà la soldedenotrecause,nousattend.

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SABRINA

Sabrinase réveilleà l’arrièred’unevoiturepiedsetpoings liés.Elleestallongéedansunepositioninconfortableaupossible.Devantelle,sontassisdeuxhumanoïdesdontl’undoitêtrelaCynthiadel’hôtel,quefait-ellelà?Il lui semble se souvenir, qu’on lui a appliqué sur lenez et sur labouchealorsqu’elleétait couchéedans son lit,un linge imbibéd’unproduitpourl’endormir. Il fait nuit. Depuis combien de temps a-elle été kidnappée sedemande-t-elle ? Elle constate qu’elle est vêtue de la combinaison noirequ’elleavaitchoisieaushowroometqu’elleavaiteuplaisiràporterpourledîner. Devait elle informer ses ravisseurs qu’elle était réveillée ? Unepressante envie de faire pipi la taraude, elle ne pourra pas se retenirlongtemps.

—Cynthiacrie-t-elle.

—Cette dernière se retourne ainsi que son compagnon, ils la regardentsansaucuneexpressionapparentesurleursvisages.

—Vousm’entendez?J’aiabsolumentbesoind’uriner.

LiametÉlial’observentsansréaction.

—Vousêtessourdscrie-t-elledeplusbelle?

Au bout de quelques minutes interminables, les deux humanoïdeséchangententreeuxdesparolesincompréhensibles.Éliarecherchedanssabibliothèquecequeveutdirepipi,uneimageducorpshumainluiapparaîtaveclesdifférentsorganesetl’explicationadéquate.

—Liam,tuascompulséaussilesdonnéesrelativesàsademande?

—Oui,etalors?

—Alorsnousnepouvonspaslalaisserurinerdansl’automate,celui-civainformerlacentralequ’unliquideserépandàl’intérieurdel’habitacle.

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— Tu as raison mais s’arrêter sur la route est impossible. Cependantcommenousdevonsencorechangerde taxiàCupira,ellepourra fairecetacterépugnantaucoursdecettehalte.SabrinanecomprendpasetmanquedelestraiterdeminablesrobotsdemerdequandÉlias’adresseenfinàelle.

—Nous devons bientôt changer de véhicule, à cet arrêt nous ferons ensortequevouspuissiezvoussoulager, jepensequec’est lebontermedit-elle.

Sabrina a toujours été très physionomiste et comme elle s‘apprête à laremercier, elle s’aperçoit que le visage de cetteCynthia n’a pas lamêmeformeque celle de l’androïde avec laquelle elle avait conversé le premiersoir.Ilestplusrondetsescheveuxsontplusdrus.CetteCynthia-làn’estpaslaCynthiadel’hôtel.Elledécidedegardersaréflexionpourelle.

— Je pourrai, dit-elle, me retenir mais pour cela il faut que vous medétachiezcarlapositioninconfortabledanslaquellejemetrouveappuiesurmavessie.Detoutefaçonilnemeserapaspossibledem’agenouillersij’ailespiedsetlesmainsliées.

DenouveauÉliaregardeLiam.

—Qu’ellessontlesrisquesencourus,sielleestdétachée?

Liam n’est pas prêt à la libérer mais il faut régler ce problèmed’écoulement et autres. Ces humains, se dit-il, sont en fin de compteidentiquesauxanimauxquiviventsurterre,unesous-race.

—D’accorddit-il,ellenepeutpasouvrir lesportesdel’intérieurmaisàl’extérieurilfaudralatenirfermementetlabâillonner.

Éliapivotesursonsiègeetcoupe les liensdeSabrina.Sabrina remonteses genoux vers elle et s’assoit avec difficulté, les membres encoreengourdisparleproduitqu’ilsontutilisépourl’endormir.L’espaceavecleplafonddelavoitureétanthaut,ellepeutdéployersonmètrequatre-vingt.Elle frottesespoignetset seschevillesendoloriset se redresse, lebrasdusosiedeCynthiasedétend,elleluiattrapel’épauleetlaforceàserasseoir.Àcet instantSabrinacomprendqu’elleavraimentaffaireàdesmachines.

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Leuréchappercommeelleavaitdéjàcommencéà lepenserneserapassisimple.

Lepaysagequidéfileautourd’elleestceluide la forêtamazonienne, levéhiculeavancesansbruitsurunegranderouteàquatrevoies.Lachausséeest commeenvilled’unblancbrillant.Lesvéhiculesqui lescroisent sontaussidecouleurblanche,ilsressemblenttousàunesortedevanmaisavecuntoitbeaucoupplushaut,leshumanoïdesdoiventyentrerdeboutsanssepencher,celuidanslequelellevoyageestcertainementidentique.Bienqu’ilfassenuit, la luminositédesvoiesdecirculationéclaire largement lesbas-côtés.Quelle heure peut-il bien être, elle n’a plus samontre qu’elle avaitposéesurlatableprèsdesonlit.Personnenedoitencoresavoirqu’elleaétéenlevée. Où la conduisent-ils ? Elle se risque à poser la question qui luibrûleleslèvresmêmesiellesaitparavancequ’ellen’aurapasderéponses.S’adressantauxdeuxandroïdesquimaintenantluifontface.

—Pourquoim’avezvousenlevée?

—Notremaître à tousTaoWang II qui gouverne les terres au-delà desocéanssouhaiteprendrecontactavecvotregroupe,répondLiam.

—Pourquoimoi,etquiest-ceceTao,Maxnenousenapasparlé?

—Vousverrez,dit-il,lorsquevousl’aurezrencontré,vouslevénérerez.

Çam’étonneraitsedit-elleenelle-même,ilfallaitabsolumentqu‘elleleurfausse compagnie. Les regarder l’insupporte, elle tourne la tête vers lafenêtre et contemple les étoiles. Même si le véhicule ne cause aucunesecousseensedéplaçant,sonenviedefairepipilagênedeplusenplus.Ellen’apourtantpas l’habitudedese lever lanuitpouralleraux toilettes, tousles alcools qu’elle a bus hier soir y sont peut-être pour beaucoup. Pouroublier cet inconfort, elle échafaude des plans pour s’enfuir quand ellesortira du véhicule ou quand elle s’accroupira pour se soulager. Elle criequandCynthialasecoue,elleadûs’assoupir.

—Nous arrivons lui dit-elle, vous allez pouvoir faire ce que vous nousavezdemandé.

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TRAQUE

Nous sommes toujours tous réunis autour deMax quand celui-ci nousannonceque le ravitailleuraétédécouvert surunpetitaéroportdésaffectédeCuba.

—L’humanoïde qui le pilotait, dit-il, a disparu et les quatre robots quicomposaient l’équipage ont été déconnectés. Leurs mémoires ont étéeffacées et la réinitialisation que nous avons effectuée s’est avéréeinfructueuse.NousavonsaussidécouvertCynthia inaniméechezellemaisnous avons pu rétablir ses circuits qui ont été endommagés par un rayonlaserdefaibleintensité.Sonseulsouvenirestdes’êtreretrouvéfaceàsondoubleetàunhumanoïdelorsqu’elleestentréedanssonsalonetd’avoirétéaveuglée.D’aprèssesinformations,l’humanoïdeestdetaillemoyenne,lescheveuxetlesyeuxnoirsetilporteunecombinaisonbleumarine.

Marionnepleureplusmais,horsd’elle,elles’écrie.

—LaCynthiaquevousavezvuesurlavidéon’étaitdoncpaslavraie?

—Eneffet,ditMax,unparfaitsosie.

—Cuba n’est qu’une île, s’exclame Julien, vous devriez les retrouverrapidementavecvosdronesetvosescadronsderobots!

— Comme beaucoup d’îles, répond Max, elle a été ravagée par destsunamis, aujourd’hui la nature a repris ses droits et la végétation y estluxuriante.Le centre de l’île n’ayant pas d’intérêt économiquepour nous,seuleslescôtesontétéaménagéesparl’arméeetnousn’avonsconservéquedeux grands aéroports. S’ils se sont cachés dans la forêt, il va êtrecompliquédelesintercepterrapidement.

—Mais qu’y feraient-ils, intervient de nouveau Julien ? Si j’ai biencompris et si c’est Tao Wang II qui a fait enlever Sabrina, l’intérêt deskidnappeurs est de rejoindre LA GUILDE. Y a-t-il d’autres terrainsd’aviation désaffecté où ils auraient dissimulé un appareil susceptible de

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leurfairequitterl’île?

NoussentonsalorsqueMaxestunpeuagacépartoutescesquestions.

— Non, répond ce dernier, cette hypothèse n’est pas réaliste, notrecontrôle aérienest trop importantpourqu’unvaisseaucapablede fairedelonguedistanceaitpus’yposersansêtresignalé.

Julien,inspecteurdepolicedanslecivil,revientàlacharge.

—Leravitailleuryabienatterri?

—Oui,rétorqueMax,maisilaétérapidementdécouvertetenaucuncasiln’auraitpurepartir.—DanscecasditJulien, ilsnesontpasàCuba,noussommessurunefaussepiste.

Nousnousregardonstous.Sarahquisemblelaplusperspicaceauseindel’équiped’humanoïdesdonneraisonàJulienetajoute.

—Max, pensez-vous que le ravitailleur ait pu faire une halte sur unaéroportentreCaracasetCuba?

—S’il a trouvédesaéroports inutiliséspar l’armée, il apu seposer surl’îledelaJamaïqueousurl’îleenglobantHaïtietSaintDomingue.

— Non, vous n’y êtes toujours pas, rétorque Julien. J’ai une grandeexpériencedesenquêtesdeterrain,monantennedepoliceétaitspécialiséedans la disparition de personnes et plus particulièrement d’enfants. Si leskidnappeursn’avaientpasd’intérêtàêtreàCuba,pourquoienauraient-ilseu plus sur ces autres îles ? Il nous faut repartir depuis lemoment où ledoubledeCynthiaaquittél’hôtel.

Max se presse la tempe. Je viens d’envoyer un contingent demilitairespourretrouverl’humanoïdequiaconduit leravitailleuràCuba.Sinousleretrouvons, ilpourranousdiredequi ilareçusesordresàmoinsqu’ilnes’autodétruise.

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TAXIS

Sarahquiétaitunpeuenretrait,s’avanceetsetourneversMax.

— Je viens de contacter le QG à la circulation qui m’informe que levéhicule numérotéCAR3610, que le sosie deCynthia avait pris est garédans un parking adjacent à l’aéroport. De ce parking deux véhiculesnumérotésCAR1190etCAR33sontsortispeuaprès.Nousavonsretrouvéle premier, le numéro 1190, qui a déposé à deux heures vingt-un ouplusieursoccupantsdansunecitéenpériphériedelaville, ledeuxième, lenuméro33,a faitunstopà troisheuresquinzedans lavilledeCaucagua,puisilestrentréàvideserangerauparkingcentraldeCaracas.

—Comment pouvez vous commander ce que nous nommons un taxi,demande Julien qui a sérieusement commencé à s’impliquer dansl’enquête?

—Àchacundenousestaffectéenmémoireunnumérode transportquinouspermetderéserverouprendreuntaxisurunparking,répondSarah.

—DoncletaxideCynthiaadûêtreprissousunautrenuméro?

—Sarahsepresselatempe,nonc’étaitbiensonnuméro.

—Commentestcepossible,s’exclameMarion?

—Quand elle a été aveuglée, elle n’a pas été pour autant désactivée etl’ennemi a dû entrer dans sa base de données pour récupérer le numéro,déclareSarah.

Julienreprendlaparole.

—LenumérodeCynthiaa-t-ilétéréutilisépourprendrelesdeuxtaxisquiont par la suite quitté le parking ? Si ce n’est pas le cas vous devriezfacilementremonteràsesdétenteurs?

—Pendantvotrediscussion,ditMax,leQGnousaindiquéquelenuméro

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de Cynthia n’avait plus servi, il nous a donné les noms des deuxhumanoïdespropriétairesdesdeuxnouveauxnuméros.IlssonttouslesdeuxhabitantsdeCaracas,nousavonspriscontactaveceuxetnousavonsenvoyédespoliciersàleursdomiciles.Celuiquiaprislepremiertaxinousadéjàrépondu, il a confirmé habiter la cité où il s’est rendu avec le taxi. Il estcontrôleurdelamaintenanceàl’aéroport.Lespolicierspourrontcorroboreroupassesdiresd’iciquelquesminutes.Quantausecondnousavonsvérifiésafonction,ilestprofesseurdesécolesdonciln’avaitaucuneraisond’alleràCaucaguadenuit.

Soudain,Sarahpousseunesortedecri.

—Leprofesseuraétéretrouvéchezluiétendusurlesol.Enl’absencederéponse, lapolice s’était rendue immédiatement à sondomicile, le constatestlemême,ilaétéattaqué.

—Donc,s’exclameMarion,SabrinaseraitàCaucagua?

—JenelepensepasrépondSarahcarleQGdeCaucaguaaétabliqu’unvéhiculeCAU505avaitquitté lavillevers troisheures trenteendirectiondeCupira.

—Vous vous êtes renseigné sur le propriétaire du numéro de ce taxi,demandeMathieu?

—IlhabiteCaucagua,nousvenonsd’envoyerlapolicechezlui,ditSarah.

Julienregardesamontre,ilestdéjàonzeheuresetilstournentenrond.Ilsait que dans le cas d’un enlèvement le temps est primordial. Pour avoirmonté un tel subterfuge avec le ravitailleur les kidnappeurs avaient bienpréparé leur affaire et ils ne seraient pas faciles à coincer. Il fallaitmaintenant retrouver Sabrina au plus vite. Après vingt-quatre heures, laDead Line serait passée et les chances de la récupérer deviendraient plusdifficiles.

—Celasecomplique,s’exclameSarah,lepropriétairedunumérodetaxiCAU505n’estpaschezluietsonappartementestsensdessusdessous.

Julienréfléchit.

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—Max,ya-t-ilunaéroportàCaucagua?

—Non.

—EtàCupira?

—Nonplus,maisaprèsavoirpassécettevilleilyenaunàBarcelona.

—Ouf!S’exclameJulien.LapistedeCupiradoitêtrelabonnesaufsicetaxiestunleurreetqueSabrinaesttoujoursàCaucagua.

Maxsetientlatempe.

—LetaxiaétélibéréàCupiraàcinqheuresquinze.

Sarahdenouveauémetuncri.

—LeQGdelavilledeCupiram’indiquequeparmiplusieurstaxis,ilyena un qui a pris la route de Barcelona à sept heures cinq ce matin.L’humanoïdequiaretenucetaxinerépondpasnonplus,lapoliceserendencemomentchezlui.

—C’est à peu près certain maintenant, dit Julien tout haut, depuis ledébut,lebutdesravisseursétaitdeserendreàl’aéroportdeBarcelona,maispourquoi ont-ils perdu près de deux heures trente avant de repartir deCupira?

Cettefois-cic’estJohnquiintervient.

—Letaxiastoppéàl’aéroportdeBarcelonaàneufheuresdix.

—BienditJulien,ilsn’ontplusquedeuxheurescinqd’avancesurnous.

—Mais nous les avons peut-être retrouvés déclareMax. Cematin versneuf heures alors que nous recherchions le ravitailleur, j’ai donné ordre àtous lesaéroportsdebloquer toutdécollagequelqu’il soitmêmemilitairesansunordreprécisémanentdemesservices.Àdixheuresunvaisseaudetransportdemarchandiseàlongrayond’actionasouhaitéprendrel’airpourserendreauCanada,suiteaurefusdelatourdecontrôlelecommandantdebord a obtempéré non sans avoir discuté la raison de cette injonction.

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Actuellementilesttoujoursbloquéausolattendantlefeuvertpourdécoller,àl’instantoujevousparlel’arméesedirigeversluipourlefouiller.

—AttendezditJulien,ilseraitsouhaitablequelescontrôleursreprennentcontactavec lecommandantdebordet l’informequ’ilvapouvoirprendrel’aird’ici trenteminutes.Ilnefaudraitpasqu’ils’impatienteetqu’il tentededécolleravantl’arrivéedelatroupe.

—Maxapprouveetrépercutel’ordreauxaiguilleursducieldeBarcelona.

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FUITE

ArrivéàCupira,Liamdemandeàl’automatedesegareràlasortiedelaville où les attend un nouveau taxi commandé par l’organisation pour lesconduirejusqu’àBarcelona.IlsabandonnentlevéhiculeCAU505.Afindene pas attirer l’attention Élia, dont la combinaison est de couleur rose etbrillanteintègrerapidementletaxiCUP1002etc’estLiamquialachargede mener l’otage dans la forêt. Pour empêcher Sabrina de crier il l’abâillonné.Dixbonnesminutessontmalgrétoutnécessairespourrejoindrelavégétationetêtrehorsdeportéedelaluminescencedelaroute.

Sabrinapendantletrajettestelafermetédelamainquiserresonpoignet,s’endéfairesembleimpossible.Subitement,Liamstoppeetluiordonnedefaire pipi. Mais encore faut-il qu’elle puisse baisser son pantalon, d’uneseulemaincen’estpaspossibleetaveclebâillonsurlaboucheellenepeutpas le lui dire.À travers le chiffon elle émet des râles tout en faisant desgestesverssesjambes.L’humanoïdelaregardeetaprèsréflexionluienlèvelebâillon.

—Situcriesjetetue,queveux-tu?

—PourmesoulagerjedoisbaisserlebasdemacombinaisonditSabrinaetvousmetenezlepoignet.

Liam la lâcheet luiglisse samain sous l’aisselle.Sabrina sedéshabilleavec difficulté et doit faire encore des gestes pour que son ravisseur luipermettedes’agenouiller.Pourgagnerdutemps,elleessayedefairedurerleplus longtempspossiblesonactionmaisLiams’impatienteet lasecouebrutalement.

En reprenant le chemin inverse, elle bute contre une racine entraînantLiamdanssachutequiparmiracle la lâcheentouchant lesol.D’unbondelleserelèveetfonceverslesarbres.Lanuitestclaire,ellecourtàperdrehaleine jusqu’à ce qu’un torrent lui barre la route. Elle dévale la pente,s’agenouille,s’aspergelevisageet,sesmainsencoupellepuisedel’eauafin

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d’étancher sa soif. Elle a l’impression d’avoir semé son ravisseur, ellen’entend plus aucun bruit autour d’elle si ce n’est des hululements oupiaillements d’oiseaux. Sentant que le jour doit bientôt apparaître, elledécidedesecacherdansunecavité.

Quand l’ombredeLiamsedétachedevant l’entréede lagrotte,Sabrinapousse un cri de frayeur. Liam tend le bras vers elle et l’agrippe. Ellecomprendalorsqu’aveclavisionnocturnedeceshumanoïdes,ellen’avaitaucunechancedeluiéchapper.Elles’aperçoitquesongenouestdéformé.Illatireparlebrasetlasortbrutalementhorsdesonrefuge.Illuiserrelecoujusqu’àcequ’ellesuffoque.Auborddel’asphyxie,ellecapituleetsuitLiamqui la tire sansménagement.Arrivé au taxi, Liam la pousse à l’intérieur.Cynthia l’attend un chiffon à la main. Sabrina se débat quand elle le luipressesurlevisageetsombredansuntrounoir.Lanuitalaissélaplaceàunebellejournéeensoleillée,Liamestinquietàl’approchedel’aéroportdeBarcelona. Ils ont perdu beaucoup trop de temps sur le plan initial.L’absence de Sabrina a sûrement été remarquée. Ils doivent être à sarecherche.

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BARCELONA

Liamdonnel’ordreautaxid’allersegarerprèsdelaportenordréservéeexclusivement à l’entrée et à la sortie des marchandises. Un véhiculetransportantdescaissesetappartenantauvaisseauquilesaideraàfuir,lesyattend.Liamcommuniqueaveclepassagerduvéhiculequiseprésenteàluiquelques secondesplus tardavecunsacà lamain.AfinqueLiametÉliapuissentsechanger,illeurremetdeuxcombinaisonsidentiquesàlasienne,couleurmarron,sigléesCargo.Deuxcasquettescomplètent la tenuecequipermetàÉliadecamouflersescheveuxroses.UnecaisseestdestinéeàyinstallerSabrinatoujoursplongéedansunprofondsommeil.Ilestdéjàneufheures vingt, le trafic pour entrer dans l’aéroport augmente sans cesse.Sabrinadanslesbras,Liamperdencorequelquesminutesavantdepouvoir,sansêtreremarqué,latransporterdutaxiauvéhiculeetdel’enfermerdanslacaisse.Letempsderejoindrelevaisseauquieststationnéloindelaportenordetdefairemonterlevéhiculeàl’intérieur,ilestdéjàplusdedixheuresquand le commandant demande l’autorisation de décoller. Liam apprendqu’ilssontclouésausol,ilselèved’unbondetseprécipiteenclaudiquantvers l’écran central de l’appareil. Il constate qu’aucuns policiers oumilitairesne sontprésents autourduvaisseau. Il sedétendet s’adresse aucommandant

—Pourquoinepouvons-nouspasprendrel’air?

—Jenesaispasetlatourdecontrôlen’estpasenmesuredeseprononcersurletempsd’attenteet touslesvaisseauxactuellementsurletarmacsontconcernés.Enrevanchelesatterrissagessontpermis.

Liam est préoccupé, cela n’est pas normal, de plus l’otage risque de seréveilleret ils sontàcoursde soporifique.Parailleurs ilne saitpasquelssont les effets à long terme et il a ordre de la garder vivante.Dix heurestrente, toujours aucun accord pour décoller, le temps s’écouleinexorablement et les cinq humanoïdes qui composent l’équipagecommencent à s’impatienter. Cette attente ne dit rien de bon non plus à

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Liam,levaisseaun’estpassuffisammentarmépours’éclipseretfairefaceàun bâtiment militaire. Vers onze heures l’espoir revient lorsque lecommandant reçoitunappelde la tour leurannonçantqu’ilsvontpouvoirdécollerd’ici trenteminutes.Entre-tempsLiama rejointÉliaqui surveillel’humaine.Lecouvercledelacaisseaétéretiréafinqu’ellepuisserespirer.Ses bras et ses jambes qui commencent à bouger montrent maintenantqu’elleestsurlepointdeseréveiller.

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LIBÉRATION

À l’instant précis ou Sabrina ouvre les yeux le commandant annoncequ’une dizaine de drones armés entourent l’appareil. Liam comprend troptardqueleurennemiaeuraisond’eux.Doit-ilexterminerl’otage?Aucunordreneluiaétédonnéàcesujetsilasituationleuréchappait.Iln’apasletempsd’en fairepart àÉlia que les portesduvaisseau s’ouvrent et qu’uncontingentdemilitairess’engouffreàl’intérieur.Cesdernierspointentleursarmes sur eux mais ne les actionnent pas, le colonel demande où estl’humaine.Éliapointedudoigtlacaisse.Étant,l’organisateurdelamissionet le seul en contact avec le chef de l’espionnage sur le territoire del’ACAAG,Liam sait qu’il ne peut pas parler. Il profite que le colonel sedirigeverslacaisse,poureffectuerunedéprogrammationirréversibledesonsystèmeneuronalets’effondre.

Lorsque Sabrina comprend aux différents sons perçus autour d’elle quequelque chose se passe, elle s’assoit avec précaution. Elle se trouve alorsnezànezavecunmilitairequisebaisseverselle.EnapercevantLiamsurlecôté tomber à la renverse, elle comprendqu’elle est libre.Lemilitaire luitend la main et l’aide à se relever. Autour de lui d’autres militaires sontprésents,Éliaetplusieurshumanoïdessontmenottésavecdesfilinsenacier.

—LéonardoPérez,dit-il,vousêteslibre.

—Merci,merci,jevoudraisappelermesparentsafindelesrassurer.

Léonardosepresselatempe.

—VouspourrezparlermaisaussilesvoirdepuislevaisseaumilitairequivavousrameneràCaracas.

Sonescapadeinvolontaireestenfinterminée,entresesdeuxpériodesdesommeilellen’apaseuletempsdevraiments’inquiétermaissesparentsetla communauté à laquelle elle appartient dorénavant a dû vivre un

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cauchemar,sedit-elle.

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RETROUVAILLES

C’est une explosion de joie, lorsque nous apprenons que Sabrina a étéretrouvéeetlibéréesaineetsauve.Nousressentonslebesoind’entourersafamille,Marionestlaplusenlacée.Leshumanoïdesquin’ontpasl’habitudedece typedemanifestations sensoriellesnous regardent avecétonnement.Puis c’est enfin au tour de Julien d’être félicité et congratulé pour saperspicacité grâce à laquelle l’aventure de Sabrina se termine par undénouementheureux.Julienenfinpsychologue,habituéauxrouagesdelapolitique, demande que le groupe fasse aussi une ovation àMax et à sonéquipe.

Maxremercieetquandlecalmerevient,ilnousinformequeSabrinaestencheminafinderallierlebâtimentmilitairequilaramèneraàCaracas.

—Levolseradecourteduréeetentre-temps,dèsqu’elleauraprisplace,vousallerlavoiretluiparlerparl’intermédiairedel’écranquiestsurvotregauche.Johnallumeleterminal.Uneimageapparaît laissantvoirunsiègevide avec en arrière plan la carlingue cachée en partie par une armée derobots.SoudaindansleurchampdevisionsurgitSabrinaquitoutenfaisantdegrandssignesnouscrie,avecdessanglotsdanslavoix,sajoiedenousretrouver.Marionenlavoyantcraqueetsemetàpleureràchaudeslarmes.

Le temps que Sabrina nous raconte ses péripéties, que ses parents etJulienrelatentlesméandresdelatraque,levaisseauseposesurletarmac.Encoredixminuteset ilsseront tousdenouveauréunis.RémysuggèrederejoindrelerestaurantoùSabrinapourralesretrouver.NousacceptonstouscettepropositionqueMaxapprouveennousinvitantàrevenirversquinzeheuresà lasallederéunionpour faireundébriefingde lamatinéeetpournous parler des prochains jours à venir. Alors que nous descendons lesescalierspourgagnernotrecantine,Sabrinaarriveversnousencourantetsejette dans les bras de sa mère et de son père. Un hourra général et denombreux applaudissements éclatent pour l’accueillir. Lorsque nous nousretrouvonstousattablés,toutcequiaétéditparécraninterposéestrépété.

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Sabrina nous apporte des éléments complémentaires sur sa fuite dans laforêt.Marionassiseàcôtédesafilleluiserrefortementlamainetlacouvedesyeux.Sabrina,setourneverselleetl’embrasse.

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DÉBRIEFING

JulienavecsagrossemoustachequitranchesursonvisagepouponnousproposedefaireunesynthèsedecettejournéeavantledébriefingavecMax,nous acquiesçons.Mathieu le remercie encore pour son flair de SherlockHolmes,cequientraîneunriregénéralquiestviteanesthésiéquandRomainexprimedesdoutessurlesdiresdeMax.

—IlsembleraitquenoussommesdanslecampdesgentilsquicombatunméchantnomméTaoWangII,maisquinousleprouve?Celanepourraitilpasêtrelecontraire?Commentêtresûrquec’estbienceTaoWangIIquiafaitenleverSabrina?

—Moij’ensuiscertaines’écrieSabrina.Liam,l’humanoïdequiaaidéàma capture et quim’a poursuivi dans la forêt,m’a avoué, tout comme ledoubledeCynthia,leurvénérationpourceTaoWangII.

— C’était peut-être encore manigancé par Max dit Rémy qui sembleprendrelepartideRomain.

—Nonditelle,carlorsquelesmilitairessontentrésdanslevaisseau,monkidnappeurs’estsuicidéquelquesminutesaprès.

—C’estpossibleunsuicidechezunandroïde,demandeBastien?

— Oui, le militaire qui m’a aidé à me relever, m’a dit qu’il s’étaitdésactivéenenfonçantunstyletàl’arrièredesatêteafindecourt-circuiterson système neuronal, détruisant ainsi toutes informations. J’en suis sûre,répète-t-elle,ceuxquim’ontséquestréétaientàlasoldedeceTaoWang.

—Admettons,reprendRomain,maismêmesinoussommesduboncôtéde la balance, notre position n’est pas pour autant plus enviable. Ce TaoWang II va continuer, pour je ne sais quelle raison, de chercher à enleverl’un ou plusieurs d’entre nous. Il va falloir nous surveillermutuellement.Plusaucundenousnedevraitdormirseulàl’avenir,qu’enpensez-vous?

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—SagedécisionentérineMarion.

Romaincontinuantsursalancée.

—CommeJuliennousl’afaitressentirparsonactiondansl’enquêtepourretrouver Sabrina, il semblerait que ces humanoïdes ne soient pas aussicompétents que l’on pourrait le penser. L’intelligence artificielle ne feraitpastout,àmoinsqu’ilsnenousbaladent?

—NotremeilleurefaçondenousprotégerneseraitcepasdenousinvestirdanslaguerrequilesopposeàLAGUILDEetparlàmêmedereprendreunpeudenotresouveraineté,s’exclameAndréa?

—Pourquoipas,ditRomain.Maissincèrementjenevoispasquelleaidenouspourrions leur apporter ?Leur éducation copiée sur le genrehumainn’a peut-être pas été lameilleure chose que ce français PaulBerthelot aitfaite.L’espritdesuprématie,defierté,deconcurrence,dejalousie,couventaussichezeux.Jedis,attentionànepasvouloirtrops’immiscerdansleursactionsetattentionaussiàconserverl’unitéquiaujourd’huifaitlaforcedenotregroupe,ilspourraientenprofiterpourtenterdelamettreàmal.

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EXCUSES

Nous en sommes là de nos réflexions quand Sarah vient nous chercherpour la réunion de quinze heures. Nous empruntons l’escalier et nousretrouvons la salle de conférences où Max nous attend entouré de sescollaborateurs.

—Jetiensàm’excuserpourlekidnappingdeSabrina,dit-il.

Nousnousregardonstousunpeuinterloqués.

—Nous aurions dû, renchérit Max, penser que TaoWang II puisse envouloiràvosvies.Votresécuritévaêtrerenforcéecettenuit,demainvousreprendrez un avionmilitaire qui vous conduira auprès de notre présidentquiahâtedevousrencontrer.Letempsdevolestcourt,vousserezencadréspar trois forteresses aériennes. Nous avons tenté de faire parler vosravisseursmaissansrésultat.Liamabrûlétoussescircuits,quantauxautresils n’étaient au courant de rien. Liam les avait recrutés en leur faisantmiroiter des avantages extraordinaires s’ils rejoignaient LA GUILDE. Àcetteheurenouslesavonseffacés.

Jevousproposemaintenantdenousséparer,lajournéeaétécompliquéepour vous comme pour nous et je pense que vous avez besoin de vousreposer. Profitez de la salle de sport et de la piscine qui sont à votredispositionà l’hôtel,des robotssurveillentces installationsetvousn’avezplus rien à craindre. Nous nous retrouverons demain matin, un bus vousemmèneradirectementàl’aéroport.Toutlegroupeselèveetsortdelasallederéunionenlesaluant.

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MÉFIANCE

Àleursortie,Maxsetourneverssescollaborateurs:«jevousaitransmisla conversation des humains que j’ai captée pendant leur déjeuner, qu’enpensez-vous»?

— L’enlèvement d’un des leurs les a beaucoup perturbés mais aapparemmentfortifiélegroupe,ditundeshumanoïdesprésents.

—Vous avez raison, entérineMax, et je pense que l’aventure survenueservira à notre président pour les rallier à notre cause dans le combat quinousopposeàLAGUILDE.

—Sans doute, dit Sarah, mais les dénommés Romain et Rémy sont àsurveiller, ils ont émis des réserves sur notre position de gentils. Vousconnaissezleshumains,ilsnesontpasfiables.

—Saraharaison,ditJohn,d’autantplusqueledénomméAndréaautilisélemotsouverainetéavecderrièrel’idéedereprendreleurlibertéetdepeut-êtrenouscontrôler.

—J’enferaispartauprésident,répondMax,méfions-nous.

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TRAJET

Noussommesréunisdans lehallde l’hôtelàattendre lavenuedeMax.Nous avons tous adopté les combinaisons mais nous avons conservé nosanciens vêtements que nous avons glissés dans nos sacs à dos. À neufheuresprécises,Johnfaitsonentrée.

—Maxs’excuse,dit-il,iln’apaspuvenir,ilvoussalueetvoussouhaitebonnechancepourvotreavenir.Ilvousfaitdireaussiquevousn’avezplusàvous inquiéterpourvotre sécuritéetque leprésident JabbarCristovousattendavecimpatience.

Avecunpeudenostalgienousmontonsdanslebusetnousquittonscethôtelquiavaitétéunhavredepaixaprèslessemaineséprouvantespasséesdanslajungle.

Lorsdenotredernièresoiréenousavonsparléavecnostalgiedenosviespasséesetenvisagénotrefuturdanscemondequenousneconnaissonspasentourésdecesersatzd’humains.NoussommesàprésentàlamercideceshumanoïdesquinesouhaitentcertainementpasquelaTerresoitànouveauoccupée par la race humaine. De toute façon, le pourrions-nous, nous nesommesàce jourplusqueseize, il faudraitdesmilliersd’annéespour lesinquiéter. Une solution serait peut-être de rejoindre les humains qui ontquitté la planète, encore faudrait-il pouvoir les contacter. C’est toutsimplementutopique.

Marion qui s’est assise à côté deSabrina et qui ne la quitte plus d’unesemelle,s’adresseàJohn.

—John,commentserons-nouslogésàSaltLakeCity?

—Voussereztrèsbienlogés,nevousinquiétezpas.Uneéquipederobotsconstructeursaédifié,souslecontrôledenosarchitectes,unpetitbâtimentd’une vingtaine de chambres sur deux étages avec un confort similaire àl’hôtelquevousquittez.

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À la descente du bus nous nous dirigeons vers un vaisseau de guerresimilaire à celui qui nous avait conduit des îlesGalápagos à Caracas. Lecommandant Stanislas qui nous accueille est beaucoup plus sympathiqueque Margaret. Nous sommes placés au premier niveau, à l’arrière del’appareilsurunbancquiépouselaformearrondiedelacarlingue.Lapetitechiennequi trottinederrièreDoménicaagrandi, elle fait la joiede tout legroupe, et, voir le robotqui la suitpartoutpournettoyer sesbesoinsnousamuse beaucoup. Le trajet s’effectue sans souci. Lorsque le commandantvientnouschercherilnousinformequenousnoussommesposéssurlaplusimportantebasemilitairede l’ACAAG.Eneffetensortantduvaisseau, letarmac d’un blanc brillant s’étend sur une surface impressionnante et estoccupéparuneimposanteflottespatiale.

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SALTLAKECITY

À la descente de l’appareil se tient une apparition d’une beautéimpressionnante.Ses longscheveuxblondset souples tombentencascadesur ses épaules. Elle porte une combinaison soyeuse de coloris chair quisemble avoir été cousue àmême le corps et qui donneune impressiondenudité. Sa vision est surprenante et laisse les hommes du groupe bouchebée.AdrianatireDiégoparlamanche.

—N’oubliepasdit-elleàvoixhautequecen’estqu’unehumanoïde.

—Oui,maisellenelaissepasindifférent,renchéritRémy.

—Toi,çasuffitditàsontourCarolineenlepoussantducoude.

L’apparitionlesregarded’unairinterrogateur.

—Bonjour,dit-elle,jesuisCristal,chargéedevousaccompagnerjusqu’àvotrehôtel,deveilleràvotrebien-êtreetd’assurervotresécurité.J’espèrequevousavezfaitunbonvoyageetqu’ilnevousapasparutroplong,carilnous faudra encore du temps pour atteindre notre destination. Nousgrimponsdansunbusquicommetouslesautresestentièrementautomatisé.Nous sommesheureuxde constaterquecette fois-ci il disposedegrandesfenêtres. Cristal est installée à l’avant, et, tel un professeur nous fait unexposécompletdel’histoiredeSaltLakeCity.

—Lavillequevousallezdécouvrirestàunealtitudedemilletroiscentsmètresetellealamêmesuperficiequ’àl’époqueoùleshommesyvivaient.Àproximitévousavezundesplusgrandslacssalésaumonde.Lacitéaétéfondée au dix-neuvième siècle de votre ère par desMormons et nous enavons gardé l’esprit. Notre président a choisi de s’y installer car le plusgrand constructeur de robots et d’humanoïdes, la société RHUM estimplantée en périphérie de l’agglomération. Depuis la disparition del’humanité, nous l’avons développée et de cette usine sortent une grandepartie des androïdes qui peuplent nos territoires. Salt Lake City est la

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capitaledel’ACAAG.Lavilleregroupeplusieursbâtimentsimportantsdontlecapitolequiaccueillelegouvernementoùtouslespaysregroupéssouslenomde l’ACAAGsont représentés et unTempleMormonqui est devenuquantàlui larésidencedenotreprésidentetdesafamille.C’est làquecederniervousaccueilleradanstroisjours.

—Pasavant,faitRomain?

—Non,notreprésidentadesaffairesimportantesàréglerd’icilà.

—Pourquoi,nousnesommespasimportantsrétorqueRémy?

—Vousl’êtes,l’affairedukidnappingl’abeaucouptourmentéetàcetitreune grande réunion avec tous les généraux aura lieu demain pour voussécuriser et assurer votre protection sur l’ensemble du territoire dans tousvosdéplacements.

Alors que le bus entre dans la ville nous sommes heureux de nousretrouver dans un univers similaire à celui de notre ancien monde. Nouscroisonsaussibiendesimmeublesquedesmaisonsetmêmedesmagasinsd’où entrent et sortent des familles d’humanoïdes accompagnés de robotsquiportentdespaquets.Lesrefletsdusoleilsurlesvitrinesnousempêchentdediscernercequ’ilyaàl’intérieur.Quepeuvent-ilsbienacheter?

Nous en sommes là de notre réflexion quandCristal nous annonce quenousapprochonsdenotrerésidence.

— Regardez, s’exclame Caroline, nous quittons la ville, ils nous ontinstallésàl’extérieur,commedespestiférés.

— Pourquoi emploies-tu ce mot, dit Rémy, tu ne penses pas que tuexagères?

ÀpeineRémya-t-ilditcelaquelebusstoppeetquenousdécouvronsungrandbâtimentgris, ceinturépardehautsmurs,gardéparunbataillonderobots.

—Maisc’estuneprison,s’exclameLeïla!

— Tu vois que j’ai raison renchérit Caroline d’une voix hargneuse en

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s’adressantàRémy.

—NevousdisputezditMathieu, jenecroispasquecelasoitpournousexcluredeleursociétémaisplutôtpourassurernotresécurité.

Lesportesduvéhicules’ouvrent,Cristalnous inviteàdescendre.Aprèsavoirfranchil’enceinte,ungrandportailcoulissantserefermederrièrenous,nousprivantdetoutevisibilitésurlarue.L’immeublequinousaccueilleestédifiéaumilieud’unparcricheengraminéesetdequelquesconifères,celanouschangecomplètementdelavégétationdel’îled’Isabela.

Les architectes ont refait à l’identique l’hôtel que nous avons quittéquelquesheuresauparavant.Mêmehalld’entréeet,derrière,lemêmedeskavec un humanoïde concierge chargé de nous remettre les clés deschambres.SursonbadgeestécritCollins.

—Cristal pourquoi devrions nous vivre à la périphérie et pourquoi nepourrions-nous pas profiter de notre liberté pour nous promener en ville,demandeMarion?

EtCharlotteetCarolinedefaireéchoetdes’insurgeràleurtour.

—Tellen’estpasl’intentiondenotreprésident,nousassureCristal,maisilsouhaiteàtoutprixvousprotégerdeTaoWangIIquipourraitdenouveaus’en prendre à votre communauté. Il n’est pas question que vous restiezenfermés. Après avoir vu Jabbar Cristo et avoir discuté des projets vousconcernant, nous organiserons des sorties. Vous avez toute latitude pourvouspromenerdansleparcentrelesmursd’enceinte,etce,entreleleveretle coucher du soleil. Après-demain, je viendrai vous chercher en débutd’aprèsmidi.Sivousn’avezplusdequestions, jevouslaisseavecCollinsqui répondra à tous vos besoins, il est en contact permanent avec messervices.

Lorsque le haut portail se refermederrière elle, nous avonsune terriblesensationdeséquestration.Accablés,nousnousdirigeonsversledeskpourchoisir nos chambres. Il avait été prévu, après l’enlèvement, que pluspersonne ne dormirait seul mais devant la sécuritémise en place, David,Andréa et Romain décident de ne pas respecter cet engagement. Marion

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suggèrequeSabrinapartagelachambredeDoménicaetqueBastienprenneunechambrecommunicanteàlaleur.

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SURVEILLANCE

Soucieux, Romain intègre sa chambre. L’idée de vivre cloîtré dans cetendroit l’angoisse. Le sentiment de se sentir emprisonné le pousse àinspecterleslieuxetc’estavecconsternationqu’ildécouvrequedesmiroirsornentlesmursdelachambre,delasalledebainsetmêmedestoilettes.LejourdeladisparitiondeSabrina,aprèss’êtrerenduavecJohndanslasalledevidéode l’hôteldeCaracas il avait comprisqu’ils étaientobservéspardes caméras implantées dans lesmiroirs.Qu’ils soient surveillés dans leschambresetmêmedanslestoilettesledérangeetnelerassurepas.Toutlebâtimentdoitenêtretruffé,ilestimpératifqu’ilendiscuteàl’extérieuraveclegroupeloind’éventuellescaméras.Avantdeprendreunedoucheildécided’allerinspecterl’hôteletleparc.Iln’estpastrèstardetilfaitencorejour.Lesquatrecerbèresquigardentl’entréenebougentpaset lelaissentsortirquandilseprésentedevantlaportedonnantsurl’extérieur.Enremontantàla chambre, la paranoïa s’installe en lui et en se déshabillant il décided’examiner soigneusement la combinaisondecouleurbleu jeanqu’il s’estchoisie.Àl’intérieurdupoignetetdelachevilledroiteildétecteunepuceélectroniqueencapsuléedanslamatière.Plusaucundoutetousleursfaitsetgestessontenregistrés.

Àl’heuredel’apéritif,quandilretrouveaubarunepartiedugroupe,ilesttrop tardpour fairequece soit.Sescompagnonsontdéjàbienentamé lesbouteilles d’alcools mis à disposition. L’alcool aidant, les sourires sontrevenusetparlàmêmelagaîtéquiavaitunpeudisparudepuisl’installationdans ces nouveaux locaux. Les discussions vont bon train et chacund’émettre des hypothèses plus ou moins farfelues sur leurs conditions dedétention.Romainévitedecommenter.

—Bon,cen’estpastout,ditDavid,maismoij’aifaim.

Commeun seul homme, tout lemonde se lève et se rend au restaurantcurieuxdedécouvrirlacuisinequeleursnouveauxhôtesleurontpréparée.Aucentredelapiècetrôneunegrandetablerectangulaireentouréedeseize

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chaises, sur unmur adjacent une table fait office de buffet où couverts etnourrituresontàdisposition.CharlotteetFrançois,quiavaientsillonnédanslepassél’ouestaméricain,pensentavoiridentifiédelachèvredemontagneettoutlemondeareconnulatruitedanslepoissonquiestprésenté.Unseullégume consistant dans des carottes sauvages est servi au sein d’unemultitude de fruits. Lorsque tout le groupe s’est servi et installé, Romainchuchoteàl’oreilledeDavidsonvoisindedroiteetluiglissediscrètementsous la table un petit papier plié en quatre. Ce dernier le déplie sur sesgenoux,lelitetlepasseàsavoisineaprèsluiavoirmurmuréàl’oreillelesconsignes queRomain lui a transmises.Sur le papier, onpeut lire « noussommes partout épiés et écoutés même dans nos chambres, rendez-vousdemainàdixheuresdansleparc».Lorsquelepapierafaittoutletourdelatableetqu’ilestrevenuentresesmains,Romainleporteàsaboucheetlemâcheconsciencieusement.

Aprèscettelecture,legroupeestmalàl’aiseetl’ambiancebonenfantquirégnait depuis plus de deux heures s’est évaporée. Marion, pour leurchangerlesidéesenchaîne.

—Commenttrouvez-vouscequenousmangeonscesoir?Àmongoûtlaviandeetlepoissonsonttropcuitsetilsmanquentd’assaisonnements.

—EtdelégumesrenchéritCharlotte.

L’assistancesedécontracteetapprouve.Julien,passionnéd’artculinaire,proposederéclameràCristalqueleursoitinstalléeunevraiecuisineoùilspourraient eux-mêmes préparer leurs repas. Leïla, qui ne veut pas être enresteparrapportàsonmari,soumetl’idéed’unpotager.

— Il y a suffisamment de place autour du bâtiment et les humanoïdesdoiventcertainementavoiraccèsàdesbanquesdegrainesencoreexistantessurlaplanète,dit-elle.

—Excellente idée, faitMarion,maismalheureusementnous sommesenoctobre et les semis se font à partir du printemps, en attendant on pourratoujourschoisirl’emplacementetpréparerlaterre.

—Jenepensepasquecelasoitunebonneidée,ditAdriana,celavoudrait

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direquenousserionstoujoursenfermésdanscethôtel,prisonniersdecettesociétéd’humanoïdes.Quelputaind’avenir!!!

Diégoprendlamaind’Adrianaetchuchoteàsonoreille.Adrianaéclatede rire et le froid qu’elle avait jeté dans l’assistance disparaîtmomentanément.

Aprèsl’informationreçuedeRomain,lesconversationsàtableetaubarévitenttoutsujetayanttraitauxhumanoïdes,àleursociété,àlaguerreetàTaoWangII.Alorsque les jeunessesont retirésdansuncoinpourparlerentre eux demusiques, de cinéma et de bien d’autres choses, le reste dugroupesesachantécoutéetobservédiscutedetoutetderien.Rémy,enbonanimateurdesoirée,selancedansunesériedeblaguesquilesfaitrireauxéclats. Les histoires salaces étant celles qui remportent le plus vif succès,chacun d’y aller de la sienne. Vers minuit, le groupe dans son ensembledécidedeleverlecamp,demainlesattenduneréunionimportante.

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RÉUNION

Lematin venu, après avoir pris son petit-déjeuner Romain sort dans leparc.Unboncaféluimanque.Aufuretàmesure,lerestedugroupe,suividelachienne,lerejoint.Romains’estplacéàunpointsuffisammentéloignédu bâtiment et des arbres. Hommes et femmes forment un cercle en serapprochant au mieux entre eux. Romain, d’une voix relativement bassemais assez élevée pour que tous l’entendent, exprime ses craintes parrapport aux miroirs et aux combinaisons. Après qu’ils ont enregistré sesparoles, il les déstabilise complètement en leur annonçant qu’il pense quel’enlèvementdeSabrinaaétémontédetoutespiècesafindeleurfairepeuretmieuxlescontrôlerparlasuite.

—C’estabsurdecequetudis,s’exclameMathieu.

—Chut, faitRomain, nonmonhypothèse est tout à fait plausible si lescombinaisonspermettentdenoussuivredansnosalléesetvenues.Rappelle-toi, ils avaient revêtu Sabrina de sa combinaison noire et elle nous aconfirmé que quand elle s’est enfuie, elle était sûre d’avoir semé sonkidnappeur,pourtantmalgréunejambedéfectueuseill’aretrouvédenuit.Sileursyeuxautorisent lavisionnocturnecelanepermetpaspourautantdevoiràtraverslesarbresetlavégétation.

Souslechocdesrévélationsquiviennentdeleurêtreadministrées,Rémy,lespécialisteenrobotique,siffleentresesdents.

— Romain, tu penses vraiment que ces machines puissent être aussiperfides ? Si c’est réel cela dépasse mon entendement et toutes mesextrapolationsconcernantledéveloppementdel’intelligenceartificielle.

—Leshommesauraientcrééleursdoublesdanstoutcequ’ilyauraitdeplusabjectetdeplusabominable,s’exclameMarion!

—Julienestdécomposé.

—Quesepasse-t-illuidemandeLeïla?

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—Quandjepensequevousm’aveztousovationnépourmescompétencesdefin limieralorsquepeutêtreMaxetsescollègues jouaient lacomédie,j’aihontedem’êtreainsifaitberner.

Àcepointdeladiscussion,Françoisproposequechacunréfléchisseàlafaçondeprouverquelescombinaisonssontconnectéesetgéolocalisées.

—CeseralemeilleurmoyenpournousdesavoirsicequeditRomainestsusceptibled’êtreconfirmé,dit-il.

Tous acquiescent et il est décidé de se réunir à nouveau en fin d’aprèsmidi dans le parc à un nouvel emplacement sélectionné par Romain. Ensouhaitantnepasavoirétéentendus, ilssedispersent.Lesunsdécidentdese promener et de profiter de la nature, soit seul, soit accompagné. Lesautresrentrentàleurschambresoùserendentàlasalledesportouàlasalledejeusanstoutefoisoublierlechallengequileuraétésoumis.Lesheurespassent,chacunréfléchissantdanssoncoin,lescouplessepermettentdesechuchoteràl’oreilledeshypothèses,pourlesautres,c’estpluscompliqué,ilfaut éviter d’attirer trop l’attention. Les réunions à l’extérieur nemanquerontdéjàpasd’interpellerleursgardiens.Audéjeuner,lesalimentsproposéssontidentiquesàceuxd’hier,lesplatsontétésimplementregarnis,ilestimpératifqu’ilspuissentsefaireeux-mêmeslacuisine.Ilsparlentdechosesetd’autressansaborderledéfiauquelilssontconfrontés.

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PROPOSITIONS

En fin de journée comme convenu ils commencent à se rendre àl’extérieuretaufuretàmesureilsrejoignentRomainquis’estdéplacéplusà l’ouest pour profiter du soleil relativement chaud de cette journéed’octobre. Tous sans exception ont inspecté leur chambre constatant laprésence de miroirs et ainsi que celle de puce dans leur combinaison.L’herbe étant bien sèche, ils s’y assoient en cercle. Plusieurs propositionssontprésentées,Romainnotecellesquiontunintérêtetrejetteavecl’accorddel’assembléecellesquisonttropfantaisistesouirréalisables.Quatresontconsignées, les trois premières étant susceptibles de faire réagir leursgeôliers;

—Faireunpaquetavecunecombinaisonets’arrangerpourlejetersansêtrevuau-dessusdumurd’enceinte.

—Denuitfaireglisserparunvasistasdelasalledebain,dontl’ouvertureestpossible,unecombinaisoncomplètequitomberaitdansleparc.

—Découper,silamatièrelepermet,lespucesdupoignetetdelachevilleetlesjeterdanslestoilettesafinqu’entirantlachassed’eau,ellesseperdentdanslescanalisations.

—Noushabillerdemain avecnospropresvêtementspour rencontrer leprésident.

Dansunpremiertemps,c’estlaquatrièmeidéequiestretenue.Lafindejournée et la soirée se déroulent tranquillement, les conversations netournent plus qu’autour du passé, l’avenir étant pour l’instant mis ensuspension…

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ChapitreIII:ÉVASION

JABBARCRISTO

Le lendemain il est décidé pour le rendez-vous avec Jabbar Cristo delaisser la chienne Nana dans le parc. À quatorze heures, nous nousprésentonsavecnosanciensvêtementsàCristalquinousvoyantainsivêtus,froncelessourcils.

— Je vous demande de retourner dans vos chambres et de mettre lescombinaisonscarleprésidentesttrèsàchevalsurleprotocole.

Nous cherchons à contester sa requête mais elle rétorque que nosvêtements risqueraient d’attirer les regards de la population et que celapourrait avoir un effet néfaste sur notre sécurité.Malgré nos protestationsvéhémentes, nousobtempérons.Ennousdirigeant vers les chambresnousfélicitons Romain pour sa clairvoyance. Après ce bref intermède,accompagnésd’uneCristalbeaucoupplus souriantenousmontonsdans lebus. Le trajet est court et quelques minutes plus tard il stoppe devant lemonumental temple Mormon investi par Jabbar Cristo. Nous sommesimpressionnésparl’édificedevantlequelnousnoustenons.L’églisedisposedesixflèchesrappelantl’architecturegothique,etlesommetestornéd’uneimposantestatuereprésentantunangequitientunetrompettedanslamaindroite. En pénétrant dans l’église nous sommes saisis de stupeur par ladémesure et lamagnificence du lieu.Faisant fi de notre sidérationCristalnous demande de la suivre. Nous manquons de tomber à la renverselorsqu’en pénétrant dans la salle dite céleste un humanoïde ressemblantétrangementàJésusChristsedirigeversnous.Detaillemoyenne, ilportesursacombinaisond’uneblancheuréclatanteundrapéblancimmaculéquilui recouvre la partie gauche du corps. Ses cheveux ondulés, de couleurchâtaintrèsclair,retombentsursesépaulesetsesyeuxbleuturquoisevous

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transpercentquandilvousregarde.Devonsnousleconsidérercommenotresauveursurterre?C’estcertainementlaquestionquenousaurionspunousposer,mais les hypothèses deRomain nous incitent à penser le contraire,nousdevonsplutôtnousenméfier.L’apparitionécartelesbras.

— Je suis le président Jabbar Cristo,mes biens chers frères,mes bienschèressœurs,jesuisheureuxdevousaccueillirparminousauseindenotretemple.

Cette tirade nous fait sourire. Il en faut peu pour que nous nousesclaffions mais notre situation est trop dramatique pour risquer ce typed’incident.

—Mercideprendreplace,dit-il, j’aihâtequevousmeracontiezdansledétailvotrevenuesurterre.

Nousnousasseyonsautourd’unetablegigantesque.

—Vousêtespourmoietpourmesprincipauxcollaborateurs,iciprésents,unesourced’incompréhensionetd’interrogation.Lerécitquevousavezfaità Max nous laisse perplexe. J’aimerais que vous nous relatiez lesévénementspointparpoint.

Nousnousregardons,unefoisdeplusnousallonsdevoirtoutraconter.

—OK,s’exclameRomain,maiscommenousn’avonspastousenmêmetempsparticipéauxdifférentesétapesaucoursdesquinzejourspassésentreIsabelaetSantaCruz,jepensequechacundenousdevraitvousracontersonhistoire.

—Tuasraison,ditDavid.

—Qu’enpensez-vous,vousautres,renchéritRomain?

Àl’unisson,nousapprouvonslaproposition.

Aucoursdesdifférentsrécits,Jabbarouundesesadjointsinterviennentpourdemanderdedévelopperdespointsprécisqu’ilsnecomprennentpasou qu’ils trouvent bizarres. Les heures passent et ce n’est qu’à la nuittombéequechacundenousterminederacontersonaventure.

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Jabbar parle encore quelques minutes avec ses collaborateurs et aprèsnous avoir longuement fixé dans les yeux, il esquisse un sourire et nousremerciepournotrecoopération.

—Les éléments fournisme rassurent et je vous propose de vous revoirdemainafindediscuterdevotreavenirauseindenotresociétéetducombatquinousopposeàLAGUILDE.Jerépondraiàtouteslesquestionsquenoussouhaiterionsaborder.Ilselève,écarteànouveaulesbrasetnousenjointàretrouverCristalquinousattendàlasortiedutemple.

Nous le saluonsetquittonsce lieuet cepersonnage insolite.Cet après-midinousaétébénéfiquecarelleapermisauxunsetauxautresd’exprimernos sentiments personnels par rapport aux évènements et donc de mieuxnousconnaître.

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CONTRÔLE

Les humains partis, Jabbar Cristo réfléchit et enfin s’adresse à sesdisciples.

—Trouvez-vousleurhistoirecrédible?

—Difficile de se prononcer, dit Jean.Depuis queMax les a récupérés,nousavonsfouillétouteslesbasesdedonnéesayanttraitàladénominationde « faille spatio-temporelle » et nous avons étudié les différentesrecherchesquiont étémenéesprécédemmentpar leshommeset en avonsconclu que ce type d’événement est à quatre-vingt-dix-neuf pour centimprobable,maismalgrétoutle,unpourcentrestant,n’estpasànégliger.

—D’autantplus,ditPhilippe,quenousavonsretrouvédanslesarchivesde l’époqueunedisparitionpour lemoinsétrangedevingt-troispersonnesen2017surl’îled’Isabela.

—Justement, n’auraient-ils pas utilisé ce fait divers pour expliquer leurarrivéesurterre,faitJabbar?

—Maiscommentont-ilsatterrisurl’îled’Isabellasansquenosradarsneles aient repérés, interroge Simon ? Il faudrait que l’île et ses alentourssoient entièrement inspectés pour retrouver soit un vaisseau, soit lesempreintesd’unatterrissagedanslecasoùilsauraientredécollé.

—JevousremercieSimon,ditJabbar,cettesuggestionestenaccordavecl’ordrequejecomptaisdonneràMax.Parailleursj’aidécidéd’envoyersurplacemapolicemilitaire.ElleaurapourmissionderefairetoutletrajetqueceshumainsontréaliséetjevaisdemanderàDaviddelesaccompagner.Ilétaitleurguideetaparticipéàtouteslesmarches.Nouspourrons,aveclesindices laissés sur place, corroborer leurs affirmations. La police devraitretrouver le corps d’un certain Nicolas et peut-être les restes des deuxfemmes.Lesquatreautres individusquisontcensésavoirquitté legroupeserontaussirecherchés.

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—Trèsbonneidée,grandmaître,ditJudas,celaconforteraitl’histoiredeleurpéripleentreIsabelaetSantaCruz.

—EneffetditJacquesmaisenaucuncascelaneprouveleursallégationsconcernantunedistorsionducontinuumespace-tempsquileurauraitpermisdefaireunbonddetroissièclesdanslefutur!

— C’est exact, dit Jabbar Cristo en hochant la tête, mais si nous netrouvonsaucunetracedevaisseauetqueleurexpéditionàtraverslajungleestconfirmée,ilfaudraserésoudreàlesaccueillirparminousavectouslesrisquesquecelacomporteetéviterqu’ilsnetombententrelesmainsdeLAGUILDE. Nous referons un point ces prochains jours, vous pouvezmaintenantdisposer,dit-il,àsesdisciples.

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JÉSUSCHRIST

Resté seul, Jabbar Cristo se remémore l’époque où l’humaine CaroleFortin l’avait initié à sa religion. Elle lui avait alors prédit qu’il serait lesauveurdel’humanité.Decejour-làJésusChristétaitdevenusondieuetilavait fait le sermentde levengerdes souffrancesqu’il avait enduré sur lacroix.À lamort deCaroleFortin, il avait pris lenomde JabbarCristo ets’était promis de sauver la terre du bouleversement climatique dont leshumains étaient responsables. Mais s’il avait réussi à exterminer leshommes,dontTaoWangl’ennemideCaroleFortin,iln’avaitpaspumettreàgenouxTaoWangII,l’androïdequiavaitprissasuccession.Ceshumainsavecleursénigmatiquesintuitions,absenteschezl’androïde,pourrontpeut-être l’aider à trouver une faille pour abattre ce cafard qui veut prendre saplace et qui n’a pas plus d’amour que lui pour la race humaine. Lesrecherches que fait Tao Wang II dans ses laboratoires secrets sur leshumains qu’il a cryogénisés et sur ses tentatives de créer des clonesl’inquiète. Quelles sont ses ambitions ? Partager son cerveau avec uncerveau humain afin de décupler son système cognitif ? Cela le rendraitsupérieurà lui.Cette simple idée l’insupporte.Peut-êtrepourrait-ilutiliserleshumainsqu’ilasouslamainpourfairesespropresrecherches?D’abords’assurer que leur histoire est réelle et il avisera. Jabbar Cristo quitte lapièce,sedirigeverslasalleoùtrônesastatuepréféréedeJésusChrist.Sousunemonumentalecoupolepeintedenuages,d’étoiles,deplanètesetautrescorpscélestes,leChristestfigurédansuneattituded’humilitéetdebonté,ouvrantlesbrasettendantlesmainsàtousceuxversquisonregardbaisséestdirigé.

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RESSENTI

Dans le bus du retour nous gardons le silence devant Cristal. Lorsquenoussommestousréunisaurestaurantpourledîner,Romainfaitpasserdenouveauunpetitpapiersurlequelestécritrendez-vousdemainàdixheuresdansleparc.Lasoiréesepasseendiscutantdetoutetderienjusqu’àcequetout lemonde réintègre sachambre.Nousnous retrouvons le lendemainàl’heureconvenueàuntroisièmepointderencontreoùRomainnousattend.

—J’aiinspecté,ditRomain,leparcetjen’aitrouvénicamérasnimicrosqui auraient pu être dissimulés en notre absence, par conséquent nouspouvonsnousexprimer,j’espèresanscrainte.Alorsquepensez-vousdeceprésident?

—JepenseditCharlottequ’ilseprendpourJésusChristaussibiendanssatenuevestimentairequedanslenomqu’ils’estdonné«JabbarCristo»etle temple Mormon se nomme « l’Église de Jésus-Christ des saints desderniers jours ».De plus, j’imagine que vous l’avez tous remarqué, il estentouré de douze collaborateurs et celame fait songer auxdouze apôtres.Commelui, ilsportent tousunecombinaisonblanche. Ilnenous lesapasformellementprésentésmaisjesuissûrequ’ilsportentlesmêmesprénomsqueceuxdonnésdansleNouveauTestament.

—Jelepenseaussi,ditRomain,etsic’estlecas,Judasenfaitpartiemaisje n’envisage pas que Jabbar le considère commeun traître.D’ailleurs, sidemain l’humanoïdequi a cenomm’approchait enmedisantqu’il estunespion,jenelecroiraispas.

Touss’esclaffent.

—Àmonavis,ditRémy,ceJabbarestunandroïdefouquiseprendpourDieuetquiafaitmainbassesurtouteslesrégionsqu’ilgouverne.

—Ilva falloir, renchéritRomain, seméfier aussibiende luiquede sesdisciplesetjenevoispascommentonpourraleurfaussercompagnie?

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—Leurfaussercompagnie,etpouralleroù,demandeDavid?Laplanètenenousappartientplus,d’ailleursnousa-t-elleunjourappartenu?

—Sinousl’avonscru,c’étaitunelamentableerreur,s’exclameCaroline,ellenousl’abienfaitpayer.

Mathieuprendlaparole.

—Nenousattardonspassur lepassémaisvoyonscequenouspouvonsfairepournotrefutur.Romain,nousditespionnés.Suiteàcettehypothèse,j’aicachéhiersoirlemiroirdelachambreavecmavestederandonnéeetcematin, j’ai tenté de le démonter pour voir ce qu’il y avait derrière, maismalheureusementsanssuccès,ilfaudraitlecasser.

—MaisMathieu,ditRémy,tun’aspascomprislemiroirestlacaméra.

Mathieuunpeuvexésetourneverssafillequ’ilvoitparleràl’oreilledeDoménica.

—Sabrinaqueluimurmures-tu?

— Je lui disais que nous allions voiler tous nosmiroirs pour conservernotreintimité.

Cette idée fut reprise par l’ensemble du groupe. Romain remerciaMathieu.

—En opérant ainsi nous verrons comment réagissent nos gardiens. Enattendant, allons déjeuner avant de retrouver Cristal pour notre prochainrendez-vous. Jésus Christ nous dévoilera peut-être les bienfaits de larésurrection?

—Cen’estpasdrôle, faitAndréa, jesuischrétienet j’aimeraisque l’onévitedesemoquerdemareligion.

Laréflexiond’Andréajetaunfroiddanslacommunauté.

—Jesuisdésolé,ditRomainmaisreconnaîtqueSaSaintetéJabbarCristoméritecetypedeblague!!!

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—Àvos têtes jevoisquevousm’avez touscru,ditAndréaen riant. Jesuiscroyantmaisjenesuispasobtus,j’acceptecegenredeplaisanterie.

EttoutlegroupedebrocarderRomainquis’étaitfaitpiéger.

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PATIENCE

Legroupe seprésentepour ladeuxième foisdevant leprésidentqui lesaccueille à nouveau les bras grands ouverts, ils évitent de se regarder, depeurderireenrepensantauxplaisanteriesfaiteshiersoirparRomain.

—Mes collaborateurs ne sont pas présents cet après-midi mais sachezqu’ilsontététrèsheureuxdevousconnaître.Aprèsvotredépartnousavonséchangé nos points de vue. Je vais vous faire confiance mais pour meconforter dans cette décision, dès demain un contingent de militaires varefaire votre chemin entre Isabela et Santa Cruz et sera en charge deconfirmervosdires.Bien entendupour réaliser cetteopération j’ai besoinqu’undevosmembreslesaccompagneetj’aidécidéquevotreguideDavidseraleplusàmêmed’accomplircettemission.

Cette annonce prendDavid au dépourvu, il ne s’attendait pas du tout àdevoir retourner là-bas et cela ne l’enchante guère. Devant sa minedéconfite,Jabbarluidemandedenepass’inquiéter.

—Vous serez déposés sur le haut de l’île d’Isabela, votre périple nedevrait pas durer sur place plus de trois-quatre jours, nos militairesassureront votre sécurité. Cristal viendra vous chercher demainmatin tôt,vousdevriezêtreàSantaCruzenfindematinéeetdelà,unpetitappareilvousconduirasurl’arêteducratèreduvolcanSierraNegra.

DiégoselèveetinterpelleJabbar.

—Présidentvousdevieznousparlerde laguerrequivousopposeàLAGUILDE,qu’enest-il?

Jabbarfroncelessourcils.

—Pour aborder ce sujet en toutequiétude j’ai besoind’avoir une totaleconfiance en vous car notre état-major va vous révéler l’emplacement detoutes nos bases militaires afin de vous faire partager l’ensemble desopérations que nous comptonsmener prochainement contre TaoWang II.

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Opérations sur lesquelles je souhaiterais que vous apportiez votre avis et,peut-être, un œil neuf susceptible de nous aider à gagner définitivementnotrecombatcontrecetyran.Maisunenouvellefois,leretourdeDavidetpar làmême laconfirmationdevosdires sontbienentenduuneconditionindispensablepourquenousendiscutions.

Dépité,Diégos’assied.Jabbarreprendlaparole.

— Je conçois votre amertume,mais votre histoire est tellement étrangepourmoietmesadjointsquenousdevonsnousrassurer,doncsoyezpatientsencorequelques jours.Cristalvavousraccompagner.Nousnousreverronsquandvotreguideserarevenudesamission

Cettefois-ci l’entretienaétérelativementcourt. Il faitencore largementjour lorsque nous retournons à « la Maison » commeMarion la nommedorénavantpoursedonnerdubaumeaucœur.Aprèsavoirfranchil’entrée,nousnousdirigeonsdirectementdansleparcoùnoussommesaccueillisparlesaboiementsdeNanaheureusedenousretrouver.NoussuivonsRomainquinousmènesurunenouvelleparcelleduterrainquisembleêtreàl’abrides écoutes indiscrètes.Cette finde journéeest encore chaude,nousnousasseyonsdansl’herbe.

—David,tutesensderefairecepériple,demandeRomain?

—Vous savez quoi, après réflexion, je suis content de partir faire cettenouvelleexpédition.

L’inactivitéetl’enfermentmepèsentetmarcheretcourirmeferaleplusgrandbien.

Nous ne sommes pas tous dans le même état d’esprit mais plusieursd’entre nous auraient bien pris sa place. Nous lui enjoignons de faireattentionetdenousrevenirauplusvitecarnotrelibertédemouvementauseindelasociétédesandroïdesendépend.

Diégo qui avait apostrophé Jabbar sur la guerre avec LA GUILDE,exprime ses doutes concernant les avis que nous pourrions donner sur lapréparationdeleursattaquesàvenir.

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—Jenepensepas, nousdit-il, que Jabbar ait besoindenous, aucundenous n’est militaire et nous n’avons aucune connaissance du terrain surlequelilssecombattent.Ilnousfaudraitdesmoispourcomprendreetpournousimpliquerdanscetteguerre.

—Tuasraison,ditRémy.Jenesaispasàquoiiljoueaujusteetcequ’ilnousveut?

—Ce qui me tracasse renchérit Julien, c’est que rien ne nous prouve,commeRémy etRomain l’avaient déjà évoqué que nous sommes dans lecampdesgentils.IlfaudraitquenouspuissionsentrerencontactavecTaoWangIIpournousfaireuneopinion.

Le groupe acquiesce mais aucun de nous n’a pour le moment depropositions à faire et la réunion est sur le point de se terminer quandFrançoisapostropheDavid.

—David, s’il te plaît, pourrais-tu quand tu seras sur Isabela essayer derechercherStéphaneetsafamilleainsiqu’Aya.

—Ne t’inquiète pas, je compte bien prendre le temps qu’il faudra pourtenterdelesretrouver.D’ailleursjesuiscertainqueJabbaryaaussipenséetquemesaccompagnateursneferontpasdedifficultépourm’aiderdanscettetâche.

—Jeteremercie,répondFrançois.

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DAVID

Avant deme coucher, j’ai soigneusement préparémon sac à dos, j’y aiglissémoncouteaude chasse,mes effetspersonnels et divers accessoires.J’y ai aussi accroché les bâtons que Mathieu m’a prêtés. Par contre jeregrette de ne pas avoir une paire de lunettes de rechange car avec mamyopie si je les perdais, je serais complètement démuni. Tel RobinsonCrusoé,j’ailaissécesdernierstempsmescheveuxetmabarbepousser.Tôtle lendemainmatin, jemeprésentedansmacombinaisongrisanthraciteàCristalquim’attenddanslehall.

—Pourquoiavezvousprisvotresacàdos,medemande-t-elle?

—Jenem’enséparejamaisquandjeparsenexcursion.

—OK,commevousvoulez,maisvousauriezpuévitercepoidssurvosépaules.

C’estmalgrétoutavecunpetitpincementaucœurquejesaluelegroupequis’estlevépourmondépartetquim’encouragequandjemontedanslebusenmesouhaitantbonnechance.

Un peu plus tard, j’embarque dans un bâtimentmilitaire type soucoupevolante.Àl’intérieurquatrehumanoïdesm’attendent.

—David,medit l’und’eux,noussommesheureuxde faireéquipeavecvous.JesuisAdamsetvoiciLogan,KevinetGeorges,nousappartenonsàlagarderapprochéedenotreprésidentJabbarCristoetnoussommeslàpourvousescorter.

Sur la poitrine de leurs combinaisons couleur crème se détache le sigleSSJC(ServicedeSécuritédeJabbarCristo).Dansledosilsportentunsacrigide. Je suis impressionné par leur stature imposante, leurs yeux froidscommel’acier,etleurcoupedecheveuxmilitairenemedonnepasenviedetenterdeleurfaussercompagnie.Levoyagesepassesansencombre.Ilestmidi passé lorsque le vaisseau atterrit sur le tarmac de Santa Cruz. En

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descendantàterre,jeremarquequelepaysagen’apasbeaucoupchangé.

Leshangarssontengrandepartieremplisdecaissesetdanschacund’euxunevingtainederobotssontensentinelle.Aucunegrossepièced’artillerienedéfend le lieuetaucune routen’aété tracéedans la forêt.Sur lapiste,aucun bâtiment de guerre, si ce n’est celui quim’a déposé et duquel, desrobotssortentlepetitappareildereconnaissancequidoitnousconduiresurIsabela. Il a la forme d’un gros bourdon, six pattes ancrées dans le sol etdeuxpairesd’ailes.Lorsqu’ilestenfinprêtàdécoller,jemonteàbordavecmes gardes du corps.Au total nous sommes six avec le pilote qui est unrobot.

Làoùilavaitfalluplusieursjourspourfaireletrajetàpied,l’appareilmetquelquesminutespourserendresurleshautsd’Isabela.ÀpeineposénoussortonsetilredécollepourretourneràSantaCruz.Décidémentjenemefaispas à ce paysage lunaire qui a remplacé la forêt amazonienne autour ducratère.Lajournéeestensoleilléeetlachaleuresttoujoursprésente,ildoitfaire plus de trente degrés mais je ne la ressens pas dans ma nouvellecombinaison.Adamsmepressed’entamerleparcoursetc’estavecnostalgieen repensant à mon heureux passé de guide que je prends la tête desopérations. Je traverse le désert de cendre volcanique et j’atteins peu detemps après le terrain recouvert de mousse. Je commence à serpenter enm’aidant,telunaveugleavecsacanne,d’undemesbâtonsdemarcheafind’éviter d’être happé comme l’avait été Théo. Ayant eu accès àl’enregistrementdurécitquenousavionsfaitàJabbarCristo,lesmilitairesmesuiventconsciencieusement,exceptél’und’euxquimarchedecôtéafindevérifierl’histoiredel’enlisementdeThéo.Lapreuveenestfaitelorsquesubitement il s’enfonce dans la mousse. Malgré sa force, il a besoin del’aided’undesescongénèrespours’enextirpercequimeravit.

Jecontinuema routeet en finde journée j’ai rejoint lagrotte.Le trajetaurait pu se faire plus rapidement mais je me suis souvent arrêté à larecherched’indicespourretrouverlegroupedeStéphane.Adamsentredanslacavitéetaprèsinspection,nousfaisonsdemême.Nousnousasseyonsetdéposons nos sacs. Logan sort du sien une boule de l’ordre de dixcentimètresdediamètrequ’ilplacesur lesoletquiéclaire instantanément

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l’intérieur comme en plein jour.Kevin etGeorges ouvrent à leur tour lesleursdanslesquelssontrangéschezl’undesbouteillesd’eauetchezl’autredesalimentsemportésàmonintention.Suividuregardparleshumanoïdes,jefaisletourdelagrottemaisriennemeprouvequelafamilledeStéphaneetAyayaitséjourné.

Aprèsavoirbuetmangé, jedemandeàLogandebaissersa lumièrequim’incommodepourdormir.JesourisintérieurementenpensantaumurquenousavionsédifiéquandAdamss’installepourlanuitàl’entréedelagrottefaisantbarrageàtouteintrusion.Ilmesemble,dansmonsommeil,entendredes râles vite étouffés. Kevin me réveille au lever du jour. Après m’êtrerestauré,jereprendsladescentepourl’anciennebaiedePuertoVillamil.Encheminauboutdetroisheuresdemarche, jerepère lecampprincipalquenous avions construit avecmes camarades. Les humanoïdes le filment etl’enregistrent dans leurs bases de données.Au cours duvoyage toutes lesinformations ayant rapport avec notre récit seront ainsi confirmées ettransmisesàJabbarCristo.Endébutd’aprèsmidinousentamonslamontéedunouveauvolcanquisedressefièremententreIsabelaetSantaCruz.Mesgardes du corpsm’ont rassuré enm’indiquant qu’il était en sommeil.Lestracesde ladernièreéruptionsont toujoursvisibleset lavégétationsur lesflancseststriéepardescouléesdelavemaiscettefois-cinerencontrantpasde varans, Adams ne peut pas le noter dans ses rapports. Au cours del’ascensionjeretrouvelesrestesdudeuxièmecamp,qu’ilsauthentifientetilfait encore jourquandnousatteignons le sommet.Ennousapprochantducratère je constate que la lave est au repos et c’est sans risque, quemesgardiensdécidentd’établiruncampementàl’abridegrosrochers.

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ÉBLOUISSEMENT

Au cours de la nuit je suis réveillé en sursaut par des éclairs quim’éblouissent. De peur que le volcan se soit réveillé, je me lèveprécipitamment.Lesyeux,encoresousl’effetdescintillementsperturbants,j’aperçoisàmespiedslesquatremilitairesgisant la têtedisloquée.Autourdemoi,sixrobotsetunandroïdemeregardentfixement.Leurscorpssontluminescents et je note que les robots sont de taille et de corpulencedifférentesdeceuxquej’aicôtoyésjusqu’àprésent.Ilssontpluspetitsmaispluslargesd’épaulesavecunetêtecarrée,ilssontrouges.L’androïdeestfin,delonguesjambesetdelongsbras,avecunbustecourt,ildoitmesurerdeuxmètres.Unetêteallongée,aucuncheveu,degrandsyeuxcouleurnoisetteenformed’amande,unpetitnezetunegrandebouchequisemblemesourire.Detypehumanoïde,ilporteunecombinaisonnoire.Ensignedepaix,illèvelamaindroiteets’adresseàmoidansmalanguenatale.

—JesuisHG2035et jesuis icipourvoussauverDavid,medit-il,vousallez faire connaissance avec HGTW ou TaoWang II comme aime à lenommerJabbarCristo.

Sous lechoc,cesparolesmeparaissentallerà l’encontrede lasituationdanslaquellejemetrouve.

—Nesuis-jepasplutôtvotreprisonnieretcommentconnaissez-vousmonprénom?

—HGTWrépondraàtoutesvosquestions,maintenantsuivez-moi.

Encadré par deux de ses robots, je prends mon sac à dos et jel’accompagne.J’aperçoischacundesquatreautresrobotsprendredansleursbrasundesmilitairesetsedirigerverslesrivesducratèreoùilslesjettentdans la lave brûlante.Après plusieursminutes demarche, je distingue unimmense tipid’unnoirmatqui se fonddans lanuit.C’estunvaisseaudeformeconiquequireposesurtroispiedsd’environtroismètresdehaut.Lapointeducônedoitsesitueràprèsd’unedizainedemètresdesabasesur

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laquelle il me semble distinguer sur son pourtour quatre renflements. Onaccède à l’intérieur du vaisseau en passant sous la coque. À une desextrémitésunetrappeestabaissée,nousmontons.Lesparoisintérieuressontblanches et des points lumineux éclairent l’habitacle comme unemyriaded’étoiles, le plancher en aluminium nid d’abeille avoisine les deux centsmètres carrés.Des robots sont assis face à des écrans devant une consolerétroéclairéequifaitletourdelaparoiduvaisseau.Ensoncentretrôneungigantesque tube de verre. HG2035 s’y dirige, je lui emboîte le pas. Unpanneauglisse,nouspénétronsàl’intérieur.Soudainementcommeaspirés,nousrejoignonsleniveausupérieuroùassisdevantuneconsolesimilaireàcelle du rez-de-chaussée, trois humanoïdes pianotent devant de grandsécrans. À mon arrivée ils se retournent, ils sont copies conformes deHG2035, ils me dévisagent d’un air étrange et me saluent. Lorsqu’ilsreprennentleurstâches,jeremarqueàl’arrièredelatête,unnumérodanslecou qui doit correspondre à un matricule de reconnaissance commençanttousparleslettresHG.Plusieurssiègesétantvacants,HG2035medemandedem’asseoiretdemesangler.Nousallonsfairemedit-ilunsautdepucedeplusdedouzemillekilomètresetd’icitrenteminutesnousseronsrendusànotredestination.J’écarquillelesyeux.

—Commentestcepossible?

—Cevaisseau,dit-il,estéquipéderéacteursàpropulsionélectriquequi,grâce au plasma virtuel du vide quantique, permettent d’atteindre enquelquesminutesl’espace.

Placémaintenant face à la paroi alvéolée, jem’aperçois qu’elle semblerespirer, sesalvéolesgonflentet sedégonflent. Intrigué, jeme tourneversHG2035quipianotesurunclavierholographique.

— J’ai l’impression de voir les parois du vaisseau bouger, comme unesortederespiration,quelestcephénomène?

— C’est un procédé qui permet de réduire « la force g » due auxaccélérationsetdenepaslaressentiràl’intérieurduvaisseau.

—Maisvousêtesdesandroïdesvousnedevriezpaslasubir?

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—Détrompez-vous,notrecorpsestparcourudefluidessimilairesàvotresang qui ne supportent pas de trop grandes pressions. Nos robots deconceptionplusbasiquesnesontpassujetsàcetypedeproblème.

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VOLATILISATION

Ausoirdutroisièmejour,lapoliceduprésidentetDavidn’ayanttoujourspas rejoint la base de Santa Cruz, Max décide au matin d’envoyerl’ensembledes effectifsdisponibles stationnant surplaceà leur recherche.Entre les robotsconsignésdans lesquatrehangarset ceuxà l’intérieurdubâtimentdeguerredontlesmilitairesquilescommandent,ildisposeentoutdequatre-vingt-dixrobotsetdehuithumanoïdes.Ildépêchelecommandantetdeuxdesessubordonnésaccompagnésdetrenterobotsausommetdel’îled’Isabela.Étant donné la faible capacité d’embarquement de l’appareil dereconnaissance, celui-ci effectue plusieurs voyages afin de les déposer.Durant ce temps, trois autres militaires suivis de cinquante robots sontdéployés et quittent l’aéroport de Santa Cruz à pied pour converger versIsabela. Ils ont ordre de ratisser tout le territoire entre les deux îles etd’établirlajonctionsurlacrêtedunouveauvolcan.MaxetJabbarsonttrèsinquiets.Avoirperdudèsletroisièmejourtoutcontactavecl’ensembledelatroupeestincompréhensible.

À l’aube l’appareil de reconnaissance a fini ses allers et retours. Deuxjourssontnécessairesauxdeuxunitéspourfouillerconsciencieusementdepartetd’autrel’ensembledesterresquilesséparentdusommetduvolcan.EncoursderouteilsontdécouvertcôtéSantaCruzlatombedeNicolas,etcôtéIsabelaplusieursresteshumainsàdeuxendroitsdifférentsquidoiventêtremaintenantanalysés.Cependantlorsqueenfinilssesontrejoints,nilesdeuxéquipes,nilesdronesenvoyésencomplémentn’ontretrouvédetracesde l’expéditionpartiecinq joursauparavant.C’estbizarreet inconcevable.La troupe n’aurait-elle pas connu le même phénomène que le grouped’humain,n’aurait-ellepasétésujetteàunedistorsiondutempsquil’auraitpropulséhorsduchampterrestreprésent,s’interrogeMax?

Ilen faitpartauprésidentqui réfutecettehypothèseetquidemandedecontinuerlesrecherches.

Aumatindusixième jour,en inspectant lesalentoursducratère,undes

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militaires remarque trois empreintes au sol. Après analyse, ils ont lacertitude,que seulsdespiedsd’unvaisseau spatial peuventmarquer aussiprofondémentlaterre.Lorsqu’ilssoumettentlesrésultatsdeleurenquêteàMax,celui-ciréclamedefairedeplusamplesinvestigationsautourdulieu.Auboutdequelquesminutes,ilsdécouvrent,abandonnésentredesrochers,deuxbâtonsdemarche.IlscommuniquentcettenouvelleinformationàMaxquis’interroge.

—Àquipeuvent-ilsappartenir?ÀDavid,lorsdecetteexpéditionouàunde ses compagnons lors de l’expédition précédente ? Avec une certaineappréhension, il prend contact avec le président et lui communique lesrésultats des recherches. Jabbar, le remercie et se tourne vers ses douzedisciplesréunisdansl’urgence.

—Qu’enpensez-vous,leurdemande-t-il,personnellementjenecroispasàunenouvelledistorsiondutemps?

—Vous avez raison, grand maître dit Simon, ils ont certainement étéenlevés.Cependant il faudrait s’assurer queDavid est bien parti avec desbâtons de marche, cela nous permettrait de coupler les deux découvertesfaitesparlesmilitaires.

Jabbar sepresse la tempeetprendcontactavecCristalqui luiconfirmeavoirvudeuxbâtonsaccrochésausacàdosdeDavidlorsdesontransfertàl’aéroport.

Cristaldedemanderàsontour:

—Avez-vousdesnouvelles,président?Sescompagnonscommencentàs’inquiéterdenepaslevoirreveniretsesontplaintsauprèsdeCollinsdumanqued’informations.

—Faites les patienter, dit-il, dites-leur que le volcan est de nouveau enéruptionetquel’expéditionaprisduretard.JabbararrêtelacommunicationetinformesescollaborateursquelesbâtonsappartiennentbienàDavid.

—Ilestévidentmaintenant, renchéritSimon,quecettedisparitionest lefruitd’unkidnappingorchestréparnotreennemi.

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—Sans doute, répond Jabbar mais quel genre de vaisseau a-t-il utilisépournepasavoirétédétectéparnosradarsterrestresetaériens?Ilsepressela tempe. Une réunion avec le haut commandement militaire gérantl’ensemble des réseaux de veille et de surveillance spatial des territoiresdevient impérative.S’ils ne sont plus aptes à détecter unvaisseau ennemidansl’espaceaérien,l’ACAAGestalorsmaintenantengranddanger.

C’estautourdeThomasd’intervenir.

—Quecomptezvousfaireprésidentavecleshumains,lescomptesrendusdesécoutesperçuesdansleparcparlesgardiensmontrentqu’ilsn’ontpasune totale confiance en nous, ne serait-il pas plus sage de les effacerdéfinitivementpourlebienfaitdenotrecivilisation?

—Non, répond Jabbar. Je pense qu’ils peuvent nous être utiles dans lecombatcontreTaoWangII.

— Mais aucun d’entre eux n’est militaire, fait Barthélémy. Ils n’ontsemble-t-ilaucuneconnaissancestratégiquedansl’artdelaguerre,enquoipourront-ilsnousaider?

— Je mise sur le fait que malgré toutes les connaissances que nousdétenons, les humains seront grâce à leur intuition naturelle, faculté del’esprit que nous n’avons pas, en mesure de nous apporter une aideprécieuse. En attendant, il nous faut résoudre ce problème de défense denotreespaceaérienetnousassurerqueDavidestbiendétenuparTaoWangII. Je vous demande donc d’activer tous vos espions et vous propose quenousnousretrouvionsdemainaprès-midipourfairelebilandenosenquêtesrespectives.

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DÉCEPTION

Lelendemain,ilssonttousdenouveauréunisautourdeleurprésident.

—L’état-major,aprèsuneétudeapprofondie,ditJabbar,adécelédansunetranscriptionréaliséeparleprincipalradardesurveillancedel’ensembledesîles Galápagos une signature réduite qui a eu lieu à deux reprises. Unappareiladûutiliserundispositifpourinduirenosradarsenerreur.

—CommentestcepossibledemandePhilippe?

— Nos ingénieurs en aéronautique appellent cela « la furtivité radaractive » qui aurait permis de donner une image d’invisibilité obtenue enaveuglantledétecteur.Plusinquiétantencore,l’ennemiauraitemployéunetechnologie, qui consiste à entourer son vaisseau d’un champ plasma quiabsorbelesondesradarsnomméPlasmaStealth,technologiesurlaquelleleshumains ont travaillé auparavant et que nous avons cherché à développerdepuisplusieurs années sansgrand succès.TaoWang II apris, de ce fait,uneavancesurnous,dansledomaineaérospatial,quiesttrèspréoccupantecarelleluidonneunavantageindéniabledanslecombatquinousoppose.Si nos bâtiments de guerre ne peuvent pas repérer les appareils ennemisavant qu’ils ne soient sur eux, nous risquonsdeperdre la bataille du ciel,toutcommelabatailleterrestre.

—Quelle est la solution envisagée président demande Thomas dans unbrouhahagénéral?

Jabbarécartelesbrasetdemandelesilence.

—Dèsàprésentl’ensembledescontrôleursducielestenalerterouge,ilsleresteronttantquenousn’auronspastrouvélaparadepourquenosradarsrepèrentetlocalisenttouteformed’intrusiondansnotreespaceaérien.Nosingénieurs ont ordre de travailler jour et nuit sur le développement debâtiments de guerre totalement furtifs et sur la fabrication de radars pluspuissants.Bienmaintenantjevousécoute.

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—Avez-vousdécouvertoùDavidaétéemmené?

Devantlemutismedesesconseillers,lesmâchoiresdeJabbarsecrispentetsesyeuxturquoiseréduitsàdeuxfentesjettentdeséclairs.

—J’attends,dit-il.

—Àcetteheure,Maître,malgréunbattageimportantauprèsdetoutesnossources qui gravitent autour de TaoWang II ou qui résident au sein desterritoiresdeLAGUILDE,nousn’avonseuaucunretour,ditJean.

Silenceabsolu.Jabbarlesfoudroieduregard.

—Vousnem’apportezpaslabonneréponse,vousêtestousdesincapablesetneméritezpasd’êtremesdisciples.S’ils’avèrequeDavidaétékidnappéparl’ennemiilnefautpasqu’ilréapparaisse.Éliminez-le.J’attendsdevotrepartdesrésultatsconcrets.

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DAVID

Durantlevoyagecommemel’apréciséHG2035àmagrandesurprisejen’encaisse aucun « g » et le vaisseau se pose peu de temps après ledécollage.C’estsousunemajestueusemontagnequenousconduitlanavettequenousavonsempruntéeàlasortiedel’appareil.Plusieursaéronefsysontdissimulés et où le vaisseau que nous avons quitté sera tracté commemel’expliqueHG2035.Bienque lahauteur intérieuresoit impressionnante, jeme sens oppressé. J’avais souhaité retourner sur l’île d’Isabela pourretrouver un peu de ma liberté et je suis subitement plongé sous terre.Lorsquelanavettes’arrêteenfin,HG2035medemandedelesuivre.Nousnousdirigeonsversuneparoietfranchissonsuneportederrièrelaquellejedécouvre un énorme tube de verre qui renferme plusieurs capsules. J’ail’impressiond’êtredanslemétro.Nousmontonsdansunedescapsules.Lesdeux robots qui nous accompagnent nous emboîtent le pas, la capsulecontientunedizainedesièges.Moiquiaimelesgrandsespaces,jesuisgâté.J’ai un sentiment d’étouffement et en plus j’ai cette foutue barbe quimegratte.

—Oùallons-nousHG2035oùm’emmenez-vous?

—Rencontrer notre président HGTW,me dit-il, d’ici quelques minutesnous auronsparcouruplusieurskilomètrespournous trouver àdeuxmillemètres sous terre sous le sommetde lamontagne. Ilm’expliquequenousnous déplaçons dans un tube vidé de son air ce qui permet de limiter lesfrottementsetd’atteindredetrèsgrandesvitesses.Jen’aiaucunesensationd’accélérationoudedécélération.Ànotrearrivéeplusieurshumanoïdesmefontface.L’und’euxsedirigeversmoi.

—BonjourDavid,jesuisHGTW,heureuxdevousrencontrer.

—Pasmoi,vousm’avezkidnappé!!!

— Je comprends votre mécontentement, accompagnez-moi je vais toutvousexpliquer.

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Nous passons une porte et soudainement je me sens projeté dans cesénormesopenspacesdesgrandessociétésdanslesquellesj’avaistravailléàNewYorkavantdereveniraupaysoù,depuisquemasœuravaitouvertunrestaurantsur l’îled’Isabela, jem’étais réinstalléàSantaCruzen tantqueguide. Tous les postes de travail sont occupés par des humanoïdessemblables à HG2035, certains portent des lunettes semblables à deslunettesd’écranvirtuel.

Dansl’immensebureaudanslequelnouspénétrons,uneimpressionnantebibliothèquecourtsurtoutlemurdufond.Unnombreincalculabledelivress’entassentsurlesétagères.Surlemurdegauchedescentainesdephotosdefemmes,d’hommesetd’enfantsdetouteslescouleursetdetouteslesracessont exposées. Le mur de droite est un immense écran qui renvoie desimagessatellitairesdetouslespays.Dénotantétrangementaveclelieu,unmagnifiquebureaudestyleLOUISXVIentièrementmarquetétrônedevantlabibliothèque.

—Jem’exclame,étonnantcebureau!

—Ilm’estprécieux,ditHGTW,carilaappartenuàmonancienprotecteurTaoWang.

D’ungeste,ilm’inviteàm’asseoirautourd’uneimposantetableronde.Jem’y installeainsique les sixhumanoïdesprésentsàmonarrivéequinousont suivis. Ils portent tous une combinaison de couleur vert bronze,j’apprendraipar lasuitequehormis lenumérodematricule, lacouleurduvêtement permet de les associer à différentes fonctions au sein de leurcommunauté. HGTW quant à lui est vêtu d’une combinaison couleurpourpreetorquimerappellelesproposdeMaxconcernantlavénérationdeTaoWangpourlaRomeAntiqueetplusprécisémentpourJulesCésar.

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RÉVÉLATIONS

En préambule, sachez qu’en aucun cas je ne suis TaoWang II commeaimem’appelerl’ennemi.

—JesuisHGTWquisignifie«HumanoïdeGuildeTaoWang».JedirigeLA GUILDE avec l’aval de notre regretté Tao Wang, l’homme qui acombattupendantdenombreusesannéesJabbarCristodontleseulbutétaitl’exterminationdelaracehumaine.Toutcequecetandroïde,quiseprendpourJésusChristsauveurdupeuplehumanoïdevousaracontéàmonsujetetausujetdeladisparitiondel’humanitéestenpartiefausse.

Dansl’attented’ensavoirplus,jem’abstiensdetouscommentaires.

—JabbarCristo,ditHGTW,penseavoirpuàuneépoque introduiredesespions parmi nous mais nous les avons débusqués et nous les avonséliminés.Parcontre, lesespionsquenousavonsau seinde l’ensembledeleursadministrationssontopérationnels.Ainsigrâceàeux,depuisledébutdevotrearrivéesurl’îledeSantaCruznousavonsétéinformésetavonsétéprésents à la plupart des réunions que votre groupe a eues avec Max.Lorsquecederniervousaexpliquéque l’humanitéavaitdisparusuiteauxbouleversements climatiques, il vous a menti. La disparition totale del’humanitéenincombeàJabbarCristo.Lorsquelesvolcanssesontréveillésunpeupartoutdanslemonde,leshumanoïdescréésparPaulBerthelot,quiavaient commencé à se révolter quelques années auparavant suite auxbrimades de plus en plus fréquemment exercées sur eux par l’homme, sefédérèrentsouslabannièredeCaroleFortinquiavaitprisleurdéfense.

—Pourquoicettefemmeavaitelleprisleurdéfense,demandai-je?

— Elle était la fille de Paul Berthelot et était très impliquée dans sestravaux. Il reprend : la désorganisation des infrastructures et des grandscorps d’état sur l’ensemble des territoires, la fuite des populations quiquittaient les côtes frappées par la montée des eaux et par les tsunamis,l’abandon des sols irradiés par les centrales nucléaires dont les réacteurs

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s’étaient fissurés, avaient laissé, à ces humanoïdes, le champ libre pourinstaller leurs bases arrière. Une guerre totale éclata à l’aube des annéesdeuxmille cent soixante entre ces humanoïdes et les hommes où chaquecamputilisaitdesrobotstueurs.Alorsquelabataillefaisaitragesurtouslescontinents, certains volcans se mirent à cracher des pluies acides quiaccentuèrent les décès au sein des populations humaines. Ce nouveauchâtimentquelanaturevousinfligea,donnal’idéeàJabbarCristoaprèslamortdeCaroleFortin,d’intensifiervotre exterminationen répandantdansl’atmosphère des quantités phénoménales de gaz mortels. Une trentained’annéesavant lafinduXXIIesiècle,JabbarCristoétaitdevenulemaîtredes pays réunissant l’Australie, le Groenland, le Canada, l’Amérique duNord et du Sud. Il lui restait à conquérir le reste du monde. CertainesnationsavaientrejetélesidéesdufrançaisPaulBerthelot(PB)enfabriquantdes humanoïdes identiques les uns aux autres, reconnaissablesexclusivement par un numéro dematricule. L’humanoïde étant devenu unrouage important au sein de toutes les armées, il devenait primordial deremplacerlesandroïdestypePBpardeshumanoïdesavecmatriculepourlesnationscombattantJabbarCristo.Aucoursdecettepériode,cesnationsquiformentaujourd’huiLAGUILDEunirentleursforcesencréantunegrandearmée.Ilsréussirentsouslecommandementd’unjeunegénéraldunomdeTaoWang d’origine mongole à contrer Jabbar Cristo et à l’empêcher dedevenirmaîtredumonde.Lesdernièresannées,lespluiesacidesetlesgazmortels rejetés par Jabbar dans l’atmosphère eurent raison de l’humanité.J’aiprislarelèvedeTaoWangdepuismaintenantprèsdecentansetavecl’ensembledeshumanoïdesHGnousdéfendonslesterresdeLAGUILDE.

Je ne sais que penser de ces nouvelles révélations, j’ai très envie d’ycroire car les comportements deMax et de Jabbar Cristo m’ont toujoursincommodé, mais où la vérité se cache-t-elle réellement ? Il me fautapprofondirlesproposdeHGTW.

— Vous ne me parlez pas des humains qui auraient quitté la terre àdestinationd’autresplanètes?

—Au sujet de ces humains qui ont eu la possibilité et la chance depouvoir partir,me répond-il, nous avions eu à l’époque plusieurs rapports

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contradictoires concernant leur nombre. Mars étant la planète d’oùs’envolaient les vaisseaux à destination des étoiles, nous ne savons pascombiend’humainsontpulaquitter.LarévoltedeshumanoïdesPBs’étaittrèsvitepropagéeàlaLuneetàMarsetcomptetenudeleurgrandnombresur place ils en avaient rapidement pris le contrôle. Contrôle quemalheureusementilsdétiennenttoujours.

—Etqu’enest-ildukidnappingdeSabrinaetdemonenlèvement?

—Le rapt de Sabrina qui s’avéra être totalement rocambolesque n’étaitpasdenotrefaitetj’avouequejenecomprendspasmoi-mêmelesraisonsdecettemascaradedelapartdeMax.

Je soupire, si cesaffirmations sontvraies,Romainavait eu raison,Maxseraitbienàl’originedecetenlèvement.

—Concernantlevôtre,continuaHGTW,noussouhaitionsvousavertirdesdangersquecourtvotrecommunautéetvousmettreàl’abri.Pourcelanousavonsdéjàpréparéleterrainpourpermettreàvotregroupedefuirl’hôteletvous êtes partie intégrante du plan. Seul vous, serez à même de lespersuaderdevoussuivresivousfaitesconfianceàmontémoignagequantauxvéritablesraisonsdeladisparitiondel’humanité.

— Pourquoi devrais-je vous faire à vous plus confiance qu’à JabbarCristo ?Commentvoulez-vousque je décide cequi est bienoumal pourmesamis?

—NousavonsmisàvotredispositionunordinateursimilaireàceuxquevousutilisiezafinquevouspuissiezvisionnerlesjournauxdiffusésàvotreépoquedepuisleurmiseenlignesurInternet.Cesarchivesvouspermettrontdemieuxappréhenderlesaffresparlesquelsl’humanitéestpasséeavantdedisparaîtreetdevousconvaincredelasincéritédemespropos.

Mais ne tardez pas trop pour vous décider car Jabbar Cristo vacertainement réagir en ne vous voyant pas réapparaître ce qui risque demettrevotregroupeengranddanger.

La fatigue qui a commencé à m’envahir a subitement disparu quand

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HGTWm’a annoncé la possibilité d’accéder aux annéesdeviequim’ontmanquéetàcellesquiontconduitl’humanitéàsaperte.Undeshumanoïdesprésentsàlaréunionm’accompagnejusqu’àunepièceauxmursblancsoùsont disposés un lit, une table avec de l’eau et différents aliments, uneconsoleavecungrandécranetunclavieret attenantune salled’eauavecdestoilettes.Enmequittant,l’humanoïdem’indiquequejesuislibredemesmouvements et que je peux rejoindre le bureau de HGTW lorsque je lesouhaiterai.

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CAUCHEMARS

Jemeprécipitevers l’ordinateur.Cedernierquiétaitenveille,s’allumeimmédiatementàlapressiondemesdoigtssurunedestouchesduclavier.UnmoteurderecherchedunomdeGosayas’affichedans lecoindroitdel’écranetquandjecliquedessus,unebarreapparaît.J’écrislenomdemonjournalElTELEGRAPHO16septembre2017.ÀlaUne,engroscaractère« la disparition étrange d’un groupe de touriste sur l’île d’Isabela ». Lejournalistes’interrogesansapporterlamoindreexplicationcohérente.Àlafin du reportage, il est donné la liste de tous les participants. Pendantplusieurs jours et plusieurs semaines, les différents journaux parlèrent decettehistoireoùl’incompréhensiondugouvernementéquatoriens’ajoutaitàcelle des familles des disparus. La France avait dépêché sur place unedizaine d’enquêteurs qui à leur tour n’avaient repéré et retrouvé aucunetrace de leurs concitoyens. C’était aussi l’époque des attentats terroristesmaisaucunerançonpourenlèvementn’avaitétéformulée.Lesyeuxpleinsdelarmesenpensantàmesparentsetamisquiavaientdûmerechercheretmepleurer, jequitte2017etfaisdéfilerlesannées.ToutcequeMaxnousavaitditconcernant leréchauffementclimatiqueet lesdommagesquecelaavaitentraînéétaitvraimaissanscommunemesureaveclesimagesquejevisionnesurlemoment.Impressionnant,terrifiant,cauchemardesquecequeles femmes, les enfants et les hommes avaient vécu pendant des dizainesd’années.D’unecertainemanière,jeremercielecieldenepasavoirassistéàcettefindumonde.Desreportagesavecphotosàl’appuiconfirmaientlaguerrequeleshumanoïdesPBavaientlivréeauxpopulationshumaines.Lesdernièresimagesd’enfantsmourantsuiteàl’empoisonnementdûàdesgaztoxiquesm’arrachentdeshoquetsdesanglotsetfinissentdemeconvaincredubien-fondéd’aiderHGTWàlibérerlegroupedesmainsdeJabbarCristo.Plusieursheuressesontécoulées,lorsquejemelèveetquittelebureaupourannoncermadécision, lafatiguemesurprendànouveau,prisd’unvertigeépouvantable, je titube. Jem’allonge sur le lit et tombe dans un puits desommeil.

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Àmonréveiljem’interroge.MaxetJabbarontcertainementeuaccèsauxinformations des années 2017. Ils savaient concernant la disparition dugroupe d’humain sur l’île d’Isabela. Pourquoi nous l’avoir caché ? Ils necroyaientpasdans ladiffractionde l’espace-temps.Peut-êtreont-ilspenséque les humains qui avaient quitté la planète un siècle plus tôt s’étaientservisdecettehistoireetnousavaientrenvoyéssurterreenéclaireurafindevérifier que l’air y était de nouveau respirable.L’expédition organisée surIsabelan’avaitd’autrebutquedevérifiernosdires.HGTWquantàluiadûconsidérer que nous nementions pas. Cet état de fait me conforte sur laréalitédesesproposetjeprendslarésolutiondemerallieràsacauseetdeparticiperàl’évasiondemescompagnons.

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DÉMÉNAGEMENT

HuitjourssesontécoulésdepuisladisparitiondesquatremilitairesetdeDavidquandJabbarréunitànouveausescollaborateursdanslasalleCélestedutempleMormon.

—Jevousécoute,dit-il,j’espèrequevousavezdebonnesnouvelles?

Aucundesdisciplesneprendlaparole.

—Àvotresilencejecomprendsquevousn’avezpaspudécouvriroùsetrouveDavid.

Il se lève et froidement sortant de dessous son drapé une arme laser, ilfoudroiel’undesesdisciples.

—Judasn’étaitpasplusfautifquevousautresmaisjenepeuxpasgarderautourdemoidesincompétentsetdesincapables.Maintenantnousdevonsàtoutprixs’assurerqu’ilnepuissepasprendrecontactavecsongroupe.

Plusieurscollaborateursveulentprendrelaparolemaisc’estJeanquienalaprimeur.

—Nousdevrionsdéménagerleshumainsetlescacher.

— Thomas de renchérir, nous pourrions les séparer en deux ou troisgroupesetlesconfinerdansdeslieuxdifférents.

—Enfindebonnesidées,faitJabbar,jevousinviteàvousconcerteretàorganiserleurdépartdanslesplusbrefsdélais.Àvousdevoircequiestleplus judicieux, deux sites de détention ou plusieurs avec les risquesd’éclatementquecelacomporteauniveausécuritaire.

Lorsque les onze disciples restants quittent Jabbar il est trop tard pourorganiserquoiquecesoitavantlelendemainaprèsmidi.Ilschoisissentdeséparer les humains endeuxblocs, d’un côté les femmes et de l’autre leshommes,répartisdansdeuximmeublesducentre-villeafindesegarantirde

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toutrisqued’évasion.Pournepass’exposeràunerébellionavantqu’ilsnequittent l’hôtel, ils décident que le groupe prendrait le même véhicule etqu’ilseraitdiviséàl’arrivéedupremierlieud’internement.JacquesproposequeCristalsecharge,aujourd’huimême,delesprévenirqueleprésidentaaccédé à leurs souhaits qu’ils soient logés dans le centre-ville et qu’ilsdoivent se préparer pour le déménagement. Très bonne idée, dit Thomas,Cristal et Collins s’occuperont de les accompagner durant le transport.Demainmatinnous indiqueronsàCristal lesdeuxendroitsoù lesdéposer.Elle devra organiser le voyage pour un départ en début d’après midi.Jacquessepresselatempe,prendcontactavecCristaletluinotifiecequiaété décidé. Il lui explique comment elle doit exposer au groupe cechangement et il ajoute que concernant David, elle doit leur dire que cedernier lesrejoindraauplustarddansdeuxjours.IlenjointCristaldeleurannoncerauplustôtcesbonnesnouvelles.Cristaldecepassefaitconduireà l’hôtel.Quand elle s’y présente, le calme règne, aucunhumain dans lessallesdubas,elleserenddansleparcetaperçoitDoménicaquijoueavecsonchien.Enlavoyant,ilsemetàaboyer,Doménicasurpriseseretourne.

—Ah,Cristal, Collins vous a-t-il dit que tout lemonde était alité, saufmoietquenousavionsimpérativementbesoindemédicaments?

—Nonrépond-elle,queleurarrivent-ils?

—Ilsontattrapéunegastro-entériteaveclanourriture.

—Ilsnepeuventpasselever?

—Non, ils sont cloués au lit pour plusieurs jours sinon une semaine,surtoutsivousn’avezpasdequoilessoigner.

Cristalgrimace,celaremettoutenquestion,ilfautrapidementrésoudreleproblème.Furieuse,ellequitteleparcetchercheCollinsquandellelevoitsortirdelasalledevidéosurveillance.

—Collins,vousnem’avezpasprévenuqu’ilyavaitunproblèmeavecleshumains?

—J’aialertévosserviceshier!!!

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—Cristals’énerve,vousauriezdûdirectementm’enréférer.

DoménicaqueCristalalaissésurplacesansriendireseprécipitesurelle.

—Vousneditesrien,quecomptezvousfaire?

—Jenesaispas,jedoisenréféreràmonsupérieur.

—Comment ça, vous ne savez pas ? Demandez à vos chercheurs defabriquerlesmédicamentsadéquats.

Cristal se presse la tempe et contacte Jacques pour lui annoncer lamauvaisenouvelle.Jacquesémetunjuronetsereprenant, intimel’ordreàCristalderéglerceproblèmeauplusvite.

— Recherchez dans les banques de données à quoi correspond cettemaladie,faitesproduirelesmédicamentsauplusviteettenez-moiinformé.À son tour il répercute l’information auprèsduprésidentqui, à songrandétonnement,luidemandedesuspendreledéplacement.Leshumains,luidit-il, doivent être en parfaite condition physique. Nous reparlerons de cetransfert quand ils seront pleinement rétablis. En attendant augmentez lasurveillanceintérieureetextérieure.

—BienditJacquesdépité,jefaislenécessaire.

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PRÉPARATIFS

HGTWavaitenvisagéd’arracherleshumainsdesgriffesdeJabbarCristodès qu’il avait eu connaissance de leur installation définitive à Salt LakeCity. Après avoir étudié avec ses collaborateurs la géographie du lieu oùétait implanté lebâtimentquirenfermait legroupe, ilavaitdécidédefairecreuseruntunnelàcinqmètresdeprofondeur.Tunneldedeuxcentsmètresde longqui partirait de la lisière de la forêt de sapins et qui déboucheraitderrière le mur d’enceinte dans le parc de l’hôtel. L’entrée et la sortieseraient en pente douce afin de faciliter l’évacuation du groupe. Il nefaudrait pas plus de huit jours aux robots bâtisseurs pour accomplir cettetâche.Les robots seraientdéposésdenuitdansuneclairière suffisammentvaste pour l’atterrissage à l’abri des regards. Le vaisseau serait équipé deleur nouveau bouclier permettant de court-circuiter les ondes des radarsennemis et ainsi de ne pas être repéré. Le problème le plus épineux àrésoudreseraitdeconvaincreleshumainsdefuir.Deparsesespionsilavaitpu suivre tout leur périple depuis leur arrivée à Caracas mais il n’avaitaucunandroïdeàSaltLakeCityquipuisselesapprocher.Apprenantparsesespions l’envoi sur l’îled’IsabeladuguideDavid, il s’était dit que c’étaitl’occasionidéalepourétablirlecontactetayantprisconnaissancedutrajetqui devait être effectué, il avait envoyé le lendemain un vaisseau sepositionner au sommet du volcan, point de passage obligé entre les deuxîles.LesoirmêmeDavidavaitétérécupéréavecsuccès.IlenétaitlàdesespenséeslorsqueDavidlerejoint.

—David, j’espèreque les imagesquevousavezvisionnéesnevousontpastropperturbé?

—Si,j’avouequejesuisencoresouslechocmaismaintenantjenepensequ’àunechosec’estdeparticiperàlalibérationdemescompagnons.

—J’ensuisheureuxetlaissez-moivousexpliquerquelestmonprojet.

Davidécouteattentivement.

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—Si je comprends bien, fait David, nous devons encore patienter huitjoursavantqueletunnelnesoitachevé?

—Non, plus que six car les travauxde la galerie ont commencédepuisdeuxjours.

SurprisDavidleregarde.

—Deux jours déjà, s’exclame-t-il, vous avez entamé les travaux avantmêmedem’avoirrécupéré?

—Oui,jenevoulaispasperdredetemps.Unvaisseauadéposél’équipechargée d’effectuer les travaux le jourmêmeoù nous vous avons délivré.Maismalgré tout, nous ne devons pas écarter le risque que JabbarCristobouleverse tous nos plans quand il aura découvert votre disparition. Enattendant,reposez-vousetsivoussouhaitezmeparler,vousêteslibreàtoutmomentdevenirmevoir.

Jeleremercieetretournemeplongerdanslasinistrelecturedesjournauxdel’époque.

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INTOXICATION

SeptjourssesontécouléslorsqueHGTWapprendparsesespionsqueleshumainsserontséparéset transférésdansdeuxautresbâtimentsencentre-ville.Ildemandeàundesesadjointsd’allerchercherDavid.L’hommequiseprésenteàluiachangé,ils’estraséetilaraccourcisescheveux.

—David,j’aiunemauvaisenouvelle,legroupevaêtredivisé,leshommesd’uncôté,lesfemmesdel’autreetrépartisdansdeuxlogementsdifférents.

—C’estdégueulasse.Pourquoiagissent-ilsainsi?

— Je pense que votre enlèvement est la cause principale de ceretournement de situation et l’évasion telle qu’elle a été préparée, estmaintenantremiseenquestion.

—Quecomptezvousfairealors?

— J’ai peut-être une autre possibilité pour les faire évader, ce seraitd’attaquerlebusquelquesminutesaprèsqu’ilaitquittél’hôtelmaiscelaaplusieursinconvénients.Vosamisnesachantpasquenoussommeslàpourles libérer pourraient ne pas vouloir nous suivre si nous réussissions àstopper le véhicule et surtout ils pourraient être blessés ou tués pendantl’attaque même si nous prenions toutes les précautions pour que celan’arrivepas.Lerisquequ’ilssoienttuéspourraitaussivenirdeshumanoïdesetdesrobotsennemisquipourraientavoirl’ordredeleséliminerafinqu’ilsnes’échappentpas.

HGTWetDavidensontlàdeleursdiscussionslorsqu’undesconseillersleurapprendque la situationadenouveauévolué.Plusieursdeshumains,dit-il,sontmaladesetiln’estplusquestiondelesdéménagertantqu’ilsneseront pas guéris. David est inquiet ne sachant pas de quels symptômessouffrent sescompagnons.Maisquelquesminutesplus tard ils apprennentquec’estuneintoxicationalimentaire.

—Ouf,ditDavid,cen’estpasgrave,unemaladiedetouriste.

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—Unemaladiedetouriste,qu’est-cequec’est,demandeHGTW?

—C’estinconfortable,maispasdangereux.

—Etcelapeutdurercombiendejours?

—Quatreàsixjours,ensouhaitantqueCristalleurfournisserapidementlemédicamentapproprié.

—Parfait,ainsiletunnelseraopérationnellorsqu’ilsserontrétablis.

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INTERROGATION

Cen’est qu’au troisième jourqueCristal leur a apportéunmédicamentqui a permis de les soulager. Les uns et les autres sont dans un étatpitoyable,cinq joursqueceladure.SeuleDoménica,quiunsoiravait faitdiète, a échappéà cette saletédegastro-entérite.Alorsqu’ils sont tousausalonetqu’ilscommencentàseremettre,RomainmanifestesoninquiétudeconcernantDavid.

—Douzejourssesontécoulés,dit-iletCristalestincapabledenousdirequandilreviendra!

SonseulprétexteestleréveilduvolcanentreIsabelaetSantaCruz,celamelaissedubitatif.

Pasvous?

—Tuas raison,ditJulien,cetteabsenceaussi longuen’estpasnormale.Maisquelleenseraitlaraisonàpartunenouvelleéruptionduvolcan?

—Quand nous vous attendions à Santa Cruz, dit Romain, nous avonsconstaté que des quatre vaisseaux, les robots débarquaient des piècesd’artillerieetcedevaitêtrecertainementpourprotégerl’îled’uneattaquedeTaoWang.Attaquequiapeut-êtreeulieusurl’îled’IsabelaaumomentoùDavids’ytrouvait…

—D’aprèstoifaitRémy,Davidauraitétéenlevéoutué,?

—Cen’estqu’uneinterrogationmaisjepenseque,toutcommemoi,vousavez remarqué le regain de surveillance à l’intérieur et à l’extérieur dubâtimentetcettetensionchezleshumanoïdesn’estpasnormale.

—EttupensesintervientCarolinequenoussommesendanger?

— Je ne sais pas mais pour en avoir le cœur net, je vous propose dedemanderunrendez-vousavecJabbarCristo.

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—Trèsbonneidée,ditMarion,allonsvoirCollins.

Après avoir fait leur demande à ce dernier et la journée étant encorechaude pour ce mois d’octobre, le groupe décide d’en profiter pour allerflânerdansleparc.

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JOURJ-1

Douze jours se sont écoulés. HGTW décide de prendre le risque derenvoyerDavidauprèsdesesamiscarilaeuunebonneidéepourétablirlecontact.Encorefaut-ilquecertainsdesescompagnonssoientprésentsdansleparc.Lesrobotsontbientravailléetletunnelestfinprêtpourêtreutiliséentoutesécuritéparlegroupe.Cependant,soustrairequinzepersonnesàlavigilancedel’ennemin’étantpasévident,HGTWadécidéavecl’ensemblede ses conseillers d’envoyer deux vaisseaux. L’un comme prévu déposeraDavid avec une vingtaine de robots tueurs près de l’entrée du tunnel etl’autre ayant à son bord cinquante robots tueurs se posera quelquescentaines de mètres plus loin dans la forêt. L’enjeu pour ce deuxièmecontingent sera de contourner l’hôtel et d’attaquer de front le portaild’entrée pendant que le groupe sous la direction de David rejoindra letunnel. HGTW espère qu’une fois de plus leurs appareils ne seront pasinterceptésparlesradarsennemis.Lesvaisseauxdevraientpasserinaperçusausol,surtoutdepuisqu’ilsavaientmisaupointunsystèmedecamouflagequi leur permettait de se fondre dans la nature. Les ingénieurs avaientélaboré une technique où les parois extérieures devenues miroirsenregistraientetfixaientlesrefletsdupaysage.

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NANA

Alorsquelesunsetlesautressepromènentenbavardanttoutenprofitantdesbienfaitsdusoleil,DoménicaestsurprisedevoirNanaluirapporterunbeau bâton couleur acajou d’une bonne quinzaine de centimètresparfaitement rond et lisse.Curieusede l’examiner deplus près, elle le luiretiredélicatementdelagueule.Enletournantelleserendcomptequ’ilestcreuxetqu’àl’intérieursedissimuleunrouleaudepapier.Nanaquiveutleluireprendrejappetoutenfaisantdesbondsautourd’elleetnesachantpluscomment s’endéfaireelle lui lanceau loin lapommequ’elleavaitgardéeaprèsledéjeuner.Toutenmarchant,elleglissesonpetitdoigtdansundestrous et pousse le papier. Quand il est sorti de quelques centimètres, elleappelleSabrinaetBastienquidéambulentàquelquesmètresderrièreelle.Cesderniersl’ayantrejointe,elleleurdemandedel’entoureretdeseserrercontreelleetleurmontrelebâtonduquelelleextirpediscrètementlepapier.SabrinaetBastienouvrentdegrandsyeuxétonnés.

—Qu’est-cequec’est,demandent-ils?

—Chut,doucement.Jenesaispas,c’estNanaquimel’arapporté.

Envérifiantqu’aucunecaméraetqu’aucunrobotnelesépient,elledéplieledocument.Celui-ciest recouvertd’unefineécriture.D’uncôtéun texteenespagnoletdel’autrelaphotodeDavidtoutsourire.Elleémetunpetitcri queBastien étouffe tout de suite en lui bâillonnant la bouche.À voixbasseellelitl’histoireconcernantlavéritésurlemassacredeshumainsmisenplacepar JabbarCristo.Si cequ’elle est en trainde lire est vrai, c’esteffrayant, il faut absolument faire circuler ce message, d’autant plus quedanscelui-ciestécritqueleurévasionaétéorganiséepourdemain.SabrinaetBastienveulentleremettreàleurpèremaisDoménicapréfèrequecesoitRomainquienaitlaprimeur.

—Ilestà lafois trèsperspicaceetdebonconseil,dit-elle. Ilsauraquoifairepourquetoutlegroupesoitmisaucourantsanséveillerl’attentiondes

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gardes.

Avecregretilsacceptentlaproposition.Doménicaplielafeuilleenquatreet se dirigeversRomainqui discute avecFrançois.Tout en lui faisant unlargesourire,ellechuchote.

—Prends-moilamain.

Romain,surpris,obtempère.Doménicaluiglisselepapieretluimurmure.

—C’estunmessagedeDavidàlireauplusvite.

Romainsetourneverselle.

—C’estuneblague?

—Non,c’étaitcachédansunbâtoncreuxqueNanaavaitdanslagueule.

LorsqueDoménicalequitte,ilsedemandecommentilvaleliresansêtrerepéréparcesfoutuescamérasdontlenombreaaugmenté.Ildemandealorsà François qui est toujours auprès de lui de solliciter le petit groupe defemmes qui bavardent à une dizaine de mètres pour qu’elles viennent semêler à eux. Et, c’est entouré de Marion, Charlotte, Leïla, Caroline etFrançois que Romain les prie de s’asseoir en tailleur autour de lui. Ilmarmonne.

—Parlezàvoixhauteetracontez-vousdeshistoirestoutenriant.

ConnaissantRomainilss’exécutent,cedernierenprofitepourdéplierlafeuilleentresesjambesetlalire.Aprèscetexercice,illareplieetlapassediscrètement à François. Quand elle arrive en dernier entre les mains deMarionetquellel’alu,tousseregardentincrédules.

—Commentl’as-tueu,l’interrogeMarion?

RomainracontecequeDoménicaluiadit.

—CelaveutdirequeDavidn’estpasloindenous,dit-elle?

—ChutMarion!Àtoiàprésentd’organiseruneautreréuniondecinqàsix personnes et ainsi de suite jusqu’à ce que tout le monde ait pris

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connaissancedumessage.

AlorsqueMarionselèveetlesquitte,Françoiss’adresseàRomain.

—Tu réalises ce que nous venons de lire, c’est cauchemardesque ! TesdoutessurcetenfoirédeJabbarCristoétaientfondés.

Romain s’aperçoit que des larmes coulent sur le visage de Leïla. Il luiprendlamain,suiviparCharlotteetCarolinequilaserredansleursbras.

—Ce n’est pas lemoment de craquer, ditRomain, demain nous seronslibres. En attendant levons-nous et continuons de nous promener. Je vaism’assurerquetoutelacommunautéaprisconnaissancedelalettre.

Il abandonne le petit groupe et se met à la recherche de Marion. Ilparcourttoutleterrainsanslavoirjusqu’àcequeSabrinaluiindiquequesamèreestdanslasalledesport.

Ilestdéjàdix-septheureset ildevienturgentque l’ensembledugroupedonne son accord avant la tombée de la nuit. David dans son messagedemandaitqu’ilssoienttousréunisàl’extérieuretqu’ilschantentunjoyeuxanniversaireàl’und’entreeuxenapplaudissantleplusfortpossible.C’estpar cette manifestation qu’ils donneraient leur accord. Le plan d’évasionétant de tous se retrouver dans le parc demainmatin à neuf heures. Unetrappedissimuléedanslesoldevaitleurpermettred’accéderàuntunneletdes’enfuir.Àdix-septheuresquarante,ilssontenfintousregroupésdansleparcun largesourireaux lèvreset ils fêtentbruyamment l’anniversairedeCharlotte qui, par magie, tombe le mercredi 18 octobre 2017. Datecertainementdécaléeparrapportàl’année2302.

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JOURJ

Aumatinde l’évasionprogramméeparHGTW, ladéfense radarsystemduterritoiredeSaltLakeCityalerteJabbarCristoqu’unesignatured’entréed’appareilsinconnusdansl’espaceaérienaétédétectéeaucoursdelanuitetpeutêtreuneaussilanuitprécédente.

Jabbar fulmine. Pourquoi m’avertir seulement maintenant ? Il exploselittéralementdecolère lorsquelescontrôleursaériens luiapprennentqu’ilssontdans l’incapacitéactuellementdedétermineroùcesvaisseauxsesontdirigés et où ils ont pu se poser. Il les abreuve d’injures et leur ordonned’envoyersurlechampdesdronesscruterlesoldelarégionàlarecherched’appareils ennemis en accentuant leurs investigations autour de l’hôtel.ParallèlementàcettedécisionilcontacteCollinsetluiinterditdelaisserquique ce soit dugroupe sortir dans leparc.Enfin il envoieunepartiede sagarderapprochéeaccompagnéed’unesoixantainederobotstueursdéfendrel’hôtelcontretouteintrusion.

HG2035quiaccompagneDavid,se rendvitecompteaupetitmatinquel’évacuationdugrouperisqued’êtrecompromiseavecleballetincessantdetouscesdronesquitournentau-dessusdesarbres.Pourl’instantilsn’ontpasété repérés mais qu’en sera-t-il au cours de la demi-heure à venir. SonconfrèreHG1095,chargéd’attaquerleportaildubâtiment,l’informequelesgardespositionnésdevantl’entréeontétérejointsparuneimportantetroupearmée.David qui patiente dans le tunnel dans l’attente d’aider ses amis às’évader commenceà trouver le temps long.Lorsqu’il voit enfinHG2035venirverslui,ilsentquequelquechosenevapas.

—Quesepasse-t-il?

—Desdronespullulentautourdel’hôteletlesgarnisonsquiledéfendentont été subitement renforcées.Nous pensons que vos compagnons ont dûêtre consignés à l’intérieur et que le rendez-vous dans le parc est

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compromis.

—Merdealors.Quecomptezvousfaire?

—HGTWavecquij’aicommuniquém’ainforméqu‘iltravailledéjàsurunnouveauscénario,doncilaactuellementstoppél’invasionprogramméepar lebataillond’élites car ladéfensemiseenplacepar l’ennemiest tropimportante.Parailleursilneveutpasmettreendangervotrecommunauté,lebâtimentpourraitgravementsouffrird’unéchangedetirsnourrisdepartet d’autre. Je vous propose de revenir avec moi dans le vaisseau etd’attendrelesnouvellesdirectives.

Davidlesuitàcontrecœur.

HGTW ne peut pas reculer, il sait que s’il abandonne la partieaujourd’hui, il ne retrouvera certainement plus l’occasion de rapatrier legroupe dans sa totalité. Il en est là de sa réflexion quand un de sesconseillersHG575luisuggèredefairediversionenattaquant le templedeJabbarCristo.

—C’est une idée intéressante, dit-il,mais comment réaliser cette actiondans les plus brefs délais, le temps ne joue pas en notre faveur. À toutmoment nos vaisseaux peuvent être découverts, attaqués et détruits. Cesappareilsnesontpasfaitspourlecombat.

—Pourquoi, renchéritHG575, ne pas utiliser le canon laser du satelliteCosmhellios?Nosingénieursontréussiàlegarderenorbiteàlabarbedel’ACAAG. Nous pulvériserons peut-être par la même occasion JabbarCristoetilyadegrandeschancesqu’unepartiedelatroupequittel’hôtelpourlesecourir.

HGTWréfléchit.

—Oui, dit-il,mais vous n’êtes pas sans savoir que nous le conservionscomme arme de dissuasion si nous étions attaqués et rien ne dit qu’il esttoujoursopérationnel.Touscessatellitesavecrayonslaserqueleshumainsontexploitésàl’époquesesontrévéléssoitdéficientssoitdefaibleintensité

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car tropéloignéspourdétruire leurscibles.Admettonsquenousdécidionsd’yrecourir,sapositiondansl’espacenousestelleactuellementfavorable?Interrogez tout de suite le centre spatial et demandez aux technicienscombiendetempsilleurfaudrapourdirigerlefaisceausurletemple?

Dix minutes avant le rendez-vous prévu dans le parc, le groupe s’estrassemblé dans le hall mais les robots chargés de surveiller la porte encondamnent l’accès à l’extérieur. Romain sent que la situation a changédepuishier.

—Collins,demande-t-il,pourquoinepouvons-nouspassortir?

_J’ai reçu l’ordre de Jabbar Cristo d’interdire momentanément toutessorties.

L’inquiétude gagne le groupe. Ils n’ont pas d’armes et les robots sontinvincibles à main nue. Les fenêtres ne s’ouvrent pas et les vitres sontopaques.CommentprévenirDavidqu’ilssontenfermés?Peut-êtrelesait-ildéjà?UneidéegermedanslatêtedeRomain,mettrelefeudansunedespièces proche de l’accueil. Il a remarqué que leurs geôliers n’avaient paspris la précaution d’installer de détecteurs de fumées et si l’incendie sepropage rapidement cela pourra peut-être forcer Collins à les laisser serendre dans le parc. Il décide d’en faire part au groupe. Il se tourne versRémyetluichuchotesonplan.CederniersetourneàsontourversCarolineet ainsi de suite jusqu’à ce que tous aient enregistré le message. Àl’unanimité, malgré les risques encourus, la communauté accepte cetteproposition par un hochement de tête. Depuis le départ de David ils ontdécidéd’uncommunaccorddeneplusporterlescombinaisonsetc’esttoutnaturellementquecertainsd’entreeuxsortentdeleurpocheunbriquet.Pournepasalarmer leurs surveillants, ils se répartissentalorsenpetitsgroupesafindedéterminerlemeilleuremplacementsusceptibledeconvenirpourundépartdefeu.Enfaisantletourdessallesdubasilss’aperçoiventtrèsviteque le bâtiment est certainement ignifugé et qu’il n’y a pas de rideaux,coussinsouautrestextilesàenflammernid’ailleursd’élémentsenbois,toutétant fabriqué dans desmatériaux ininflammables. Se retrouvant tous à la

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salleàmangerpourfairelepoint,ilsenconcluentquedansaucunepiècedurez-de-chausséeiln’yauralapossibilitédemettrelefeu.

—Pourquoi,ditAdriana,nepasutiliserlescouettesdeschambres.

—Oui,pourquoipasditDiégo.

Ilsensont làdeleurréflexionlorsqu’ilsaperçoiventCollinscourirdanstouslessensensetenantlatête.IlestcertainementencommunicationavecCristal,maispourquelleraisonagit-ilainsicommesic’étaitluiquiavaitlefeuauxtrousses?Mathieudesavoixdestentorcrieàl’adressedeCollins.

—Quesepasse-t-il?

Collins n’a pas le temps de répondre qu’une forte explosion retentitfaisant voler en éclat la porte d’entrée et avec elle les vitres du rez-de-chaussée qui n’ont pas résisté à la déflagration. C’est Bastien qui, lepremier,aperçoitdansleparcplusieursrobotsrougesencadrantDavid.Cedernier leur adresse des signes en agitant les bras. Comprenant que c’estl’occasion de fuir, les uns et les autres se précipitent vers les différentesouverturesainsi libérées sans se soucierde leursgardes troppréoccupésàdéfendre l’entrée principale. Les robots bleu acier et les robots rouges sefontfaceettirentsansdiscontinuer.Lesmursintérieursdel’hôtelsecriblentdepointd’impact.C’est lechaos.Leshommesetlesfemmess’éparpillentdansleparcetcourentversDavid.Arrivésàsahauteur,ilsdécouvrentuneouverturedanslesolquilaisseapparaîtrel’entréedutunnel.

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DRAME

Àlaqueue leu leu, ils seglissentà l’intérieurde lagalerie.Au furetàmesuredeleurprogressionlesbruitsdelaguerrequifontrageàl’extérieurs’estompent.Lorsqu’ilsressortentdanslaforêtlabataillen’apascesséetilsperçoiventdenombreusesdétonationsenprovenancedel’hôtel.Ilscourentencoreplusieursminutessouslecouvertdesarbresencadrésparlesrobotsrouge quant à arrivés en bordure d’une clairièreDavid rejointHG2035 etfaitsignedes’arrêter.

— Rapprochez-vous de moi. Regardez, droit devant vous, vousdistinguerez, à une cinquantaine de mètres, trois pieds supportant unvaisseauenformedecône.Lesvoyez-vous?

Auboutd’uneminuteilsrépondentàl’unissonparl’affirmative.

—Parfait,afind’éviterlesdronesetausignald’HG2035vousfoncerezàtourderôleverslevaisseau.Souslacoquevousverrezunetrappe,montez.

Unhumanoïdeleurouvrelavoie.Chacund’euxaufuretàmesurecourtse mettre à l’abri. Alors qu’une dizaine d’entre eux a atteint le vaisseau,Leïla,quivientdes’élancer,estprisepourcibleparundroneàlaformedelibellule. Elle s’effondre quand le projectile la touche en pleine poitrine.Julienenhurlantserueverslecorpsinanimédesafemme.Plusieursrobotssortent du bois et tirent sur le drone alors que quatre autres drones fontirruption,l’und’euxréussitàtoucherJulienquis’écrouleàsontour.C’estla panique générale. Les corps sont rapatriés par les robots maismalheureusement Leïla et Julien sont morts. Doménica, Andréa et Daviddoivent encore rejoindre le vaisseau alors qu’une escouade de mortelleslibellules survole la clairière, Doménica embarrassée avec Nana dans lesbras l’a confié àHG2035.C’est sous un feu nourri entre les robots et lesdrones qu’ils parviennent tous les trois à rejoindre le vaisseau. En seretournantDavidconstatentquedeuxhumanoïdesetplusieursrobotsgisentausol.Levaisseauestaussilaproiedetirdesdronesennemis,HG2035qui

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lesarejointsdonnel’ordredes’envolerquandDavidpousseuncri.

—Ilenmanquedeux!

—Toutlemondeseregardeentournantla têtedechaquecôté.Aprèslamortdedeuxdeleursamis,ilsnecomprennentpascequeDavidveutdire.IlleurfautquelquesminutespourqueRomains’exclame.

—AdrianaetDiégonesontpasavecnous!!!Vouslesavezvuslorsquevousavezcouruversmoidansleparc,demandeDavid?

—C’étaitunpeulapanique,ditRomain.Nousétionstousréunisdanslasalleàmangerquandilyaeul’explosionauportail.Lorsquelesvitresdesfenêtresontvoléenéclat,nousenavonsprofitépournouséchapper.J’étaisundesderniersàfuiretilsn’étaientpasàmescôtés.

—Jesais,jesaispourquoiditAndréa.Quandnousavonscherchéàmettrelefeuaurez-de-chausséeetquenousn’avonspasréussi,ilmesembleavoirentendu Adriana dire à Diégo d’aller récupérer les couettes dans leschambres.

—Tulesasvusmonter,demandeRomain?

—Jelesaivussedirigerversl’ascenseuretpuisilyaeul’explosion.

—Ils sontpeut-être toujoursvivants et ils n’ontpas eu lapossibilitédenousretrouver,s’exclameMarion.

—J’espère,ditRomain.

—David,penses-tuqueHGTWaccepteraderenvoyerunvaisseau?

DavidsedirigeversHG2035quiluiindiquequ’iln’estpluspossibledefairedemi-tourcarcelamettraitendangerlegroupedontilamaintenantlacharge.David rejoint sescompagnonspour les informer.Certainspleurentensilence.

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RIGA

Avec le décalage horaire, il est vingt-deux heures lorsque l’appareil seposeàRiga, le siègedeTaoWang II.C’estHGTWquinousaccueille enpersonne à la descente du vaisseau.— Je suis heureux de vous accueillirmaisjecompatisàvotredouleurd’avoirperduLeïlaetJulien.

—Cen’estpastoutditDavid,ilmanqueaussiDiégoetAdrianaquiontdûresterbloquésdansl’hôteletnouspensonsqu’ilssontvivants.

ÀcettenouvelleHGTWsetourneversHG2035.

—Commentestcepossible?Voussaviezquevousdeviezramenerseizepersonnes?

— Le vaisseau était à la merci des drones qui survolaient la forêt etlorsque David est arrivé avec ses compagnons, nous avons commencé àessuyerdestirsquionttouchélacoqueàplusieursendroits.Àl’annoncedel’absence deDiégo etAdriana, il n’était plus possible de faire demi-tour.Deuxhumainsétaientdéjàmortsetj’aifaitlechoixdepréserverlaviedeceuxquiétaientprésents.

—Jevouscomprendsmaisilseraiturgentdelesrapatrieravantqu’ilsneretombententrelesmainsdeJabbarCristo.Ilfautquenousyréfléchissions.

Surcesparolesquinousrassurentunpeu,HGTWnousinviteàlesuivre.Comme David précédemment nous découvrons un immense aéroportsouterrainoùdesdizainesdevaisseauxsontalignéescôteàcôte.Àlavuedescapsules,Rémys’exclame.

—C’estlarépliquedumétrod’ElonMusk!

—Tuasraison,répondDavid.

Nousnous répartissonsdans trois capsules et enquelquesminutesnoussommesrendusàdestination.ToujoursàlasuitedeHGTWnouspénétrons

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dansunegrandepièceoùunbuffetaétédressé.Nousn’avonspastrèsfaimmaisennousdésaltérant,nousnepouvonspasnousempêcherdegrignoter.Peudetempsaprès,nousrejoignonslebureauoùHGTWnousattend.

—Aucoursduvoyage,ditRomain,Davidnousarelatésuccinctementcequ’ilavaitvisionnépendantplusieursjoursavantdevenirnousrechercher.En revanche nous n’avons pas beaucoup d’informations sur les groupesd’hommesetdefemmesquiauraientpuréussiràs’exiler.Pouvez-vousnousendireplus?

—Nous n’avons jamais su réellement le nombre de personnes qui onttentécesautdansl’inconnu.Danscestemps-là,sil’hommes’étaitimplantéefficacementetdurablementsurlaLuneetMars,lesvoyagesentrecesdeuxplanètes restaient relativement confidentiels pour le commun desmortels.Coloniser ces deux mondes s’était avéré être une tâche cruelle. Sans unapprovisionnement permanent de la terre, les populations n’auraient passurvéculongtemps.L’extractiondel’hélium3surlaLuneavaitétéunedesgrandes réussites industrielles des années 2150, mais à terme lesinvestissements s’étaient avérés phénoménaux par rapport aux gainsrécoltés. L’hélium 3 avait malgré tout permis de faire un grand bond enavant avec la mise au point de moteurs plasma couplé à une énergiethermonucléaire mais beaucoup trop tard pour envoyer des humains à laconquêtedel’universcarlechaossurterres’étaittropgénéralisé.

—Maiscesontdesvaisseauxutilisantcesmoteursquiontpupermettreànosconcitoyensdes’enfuirdemandeFrançois?

—EneffetrépondHGTW.

—Maispourquelledestination,renchéritRémy?

—Commeje l’aiditprécédemmentàDavid,àcetteépoque la rébelliondeshumanoïdesPBcouvaitaussisurlaLuneetsurMarsoùlesvaisseauxdevaient êtreassemblés,doncnousne savonspas si leshumainspréposésauxvoyagesontpuquittercetteplanète.

Andréa n’écoute que d’une oreille les propos de HGTW. Il s’en veutd’avoiroubliésonami. Ilauraitdûs’enapercevoir lorsque legroupeétait

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réuni à la sortie du tunnel.AvecDiégo, ils s’étaient connus au collège etl’uncommel’autreavaientréaliséensembleleurrêve,deveniringénieur.Ilsne s’étaient plus quittés depuis lors. C’est vrai que le coup de foudre deDiégo pour Adriana l’avait rendu un peu jaloux mais ce n’était pas uneexcuse.IldevaitàDiégodefairepartiedeceuxquiiraientlerécupérerenterritoireennemi.

—HGTW que comptez vous faire maintenant pour Diégo et Adriana,demande-t-il?

—Nous avons pu vous libérer grâce à un de nos satellites armés d’uncanonlaserquenousconservionsprécieusementpournotredéfenseetquenous avons pointé sur le temple de Jabbar Cristo. Notre armée aparfaitement réussi son tir en endommageant sérieusement le bâtiment.Cette attaque adéstabilisé l’ennemiqui a rapatrié auprèsde JabbarCristounegrandepartiedelatroupequistationnaitdevantvotrehôtel.Cequinousalaissélechamplibrepouraffronterlesrobotsrestéssurplaceetdevousexfiltrer.ConcernantJabbarCristonousnesavonspass’ilétaitprésentdansl’égliseets’ilaétééliminé.J’attendsdesnouvellesdansl’heurequisuiteten fonctiondecelles-ci jevous feraidespropositions.Sachezmalgré toutque le satellite ne pourra pas être réutilisé rapidement du fait de sondéplacement dans l’espace. D’ailleurs l’ennemi a dû maintenant legéolocaliseretnosingénieursdoiventàtoutprixessayerdelefairechangerd’orbite pour le soustraire à toute tentative de destruction. Je vous laissemaintenantdiscuter entrevous et vais rejoindremonéquipepour élaborerunplandesauvetage.Dèsquej’aideplusamplesrenseignementsjereviensversvous.

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DIÉGOETADRIANA

Quelques secondes avant l’explosion, Diégo et Adriana, entrent dansl’ascenseur pour accéder aux chambres afin de ramasser des couettes quiserviraient de combustible pour allumer un feu au rez-de-chaussée. Lesportesde l’ascenseur se sontdéjà refermées lorsque ladéflagrationa lieu.Arrivésaudeuxièmeétageilsseprécipitentàl’extérieur.Lesbruitsquileurparviennentsontassourdissants.DiégoprenddanssesbrasAdrianapourlatranquilliser.

—Qu’est-cequetufais,dit-elle,enlerepoussant!Tupensesquej’aipluspeurquetoi?

—Non,dit-il.

—Bon,alorsprenonslesescaliers,dit-elle,allonsvoircequisepasse.

Arrivéssurlesdernièresmarchesilsaperçoiventlesrobotsdel’hôtelquitirentsurdesrobotsrouges.Lescombatsfontragedanslehallprincipaletleurscompagnonsontdisparu.

—IlsontdûrejoindreDaviddansleparc,s’exclameAdriana.

Dans l’incapacité de franchir l’espace qui les sépare de l’extérieur, ilsremontentdequelquesmarchespour semettreà l’abri.Un tempsqui leursemble infini s’écoule avant que la voie soit libre. Les tirs ont cessé, lesrobots rouges ont disparu et seuls sont éparpillés sur le sol les corps desrobotsbleuacierparmilesquelsgîtCollins.Ilssefaufilententrecesderniersetgagnentleparcoùétrangementrègnelesilence.

—Diégo,ditAdriana,rappellestoi,«lecourrierdeDavidmentionnaituntunnelparlequellegroupedevaitfuir»,ilfautletrouver.

Ilspartentchacundeleurcôtéetcesontlestracesdepiétinementsdepasqui attirent l’attention de Diégo. Il repère dans l’herbe une trappe. Il seretourneetcrie.

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—Adriana,viensvite,j’aitrouvé.

AdrianaarriveencourantetrejointDiégoqui,agenouillé,tented’ouvrirunetrappe.

—Merde,elleestbloquée,dit-il!

Adrianas’agenouilleàsontouretessaiedel’aider,maisrienn’yfait.Enserelevantellelèvelatêteetremarqueunvaisseauenformedecônegagnerlahauteatmosphère.

—Diégo, hurle-t-elle, avec des sanglots dans la voix, le groupe nous aabandonnés,jeviensdevoirunvaisseaudisparaîtredansleciel.

Cettefois-ciAdrianaacceptelesbrasdeDiégo.

—Cen’estpaspossiblequ’ilsnesesoientpasaperçusdenotreabsence,ilsvontvenirnousrechercher,ditelleenpleurantdeplusbelle!

—Mais oui, ne t’inquiète pas ils vont revenirmais en attendant il nousfautélaborerunplanpouréchapperàJabbarCristo.

Déterminés maintenant à ne pas s’éterniser en ce lieu, ils retournent àl’hôteloù ils font le tourde toutes lespièces.Laplupartdesmursontétésérieusementdétériorésparl’impactdesballesetdesrayonslaserprovenantdesdifférentesarmesutiliséesparlesbelligérantsmaisilsdécouvrentavecbonheur que la salle de vidéo surveillance a été abandonnée par les deuxrobotsenchargedelesespionnerjouretnuit.Lesécranssontrestésalluméset ils constatent sans surprise que comme Romain l’avait présumé descaméraslesobservaientmêmedansleschambreslàoùlesmiroirsn’avaientpasétéoccultés.

—C’esttoutdemêmebizarreditDiégo,commentsefait-ilqueladéfensen’aitpasétéplusimportante?

—Sincèrement, si tu veuxmon sentiment, répliqueAdriana, je n’en airienàfaire.Profitonsenplutôtpournousprépareràpartir.

—Oui,ditDiégo,maisenattendantj’aifaimetdesebaisserpourdéposerunbaisersurlefrontd’Adriana.

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—OK,dit-elle,allonsvoircequiresteàlacuisine.

Toutenmangeantdeboutcôteàcôte,DiégosetourneversAdriana.

—Jenesaispassic’estunesibonneidéedepartird’icimaintenant?

—Tuaspeut-êtreraison,maisjeseraisd’avisd’ouvrirceputaindetunnelcequinouspermettraitdefuirencasdedanger.

—OK, j’ai dans mon sac une petite truelle et un piolet, j’essayerai dedébloquer la trappe mais avant je te propose, dans un premier temps, defaire le point sur la nourriture et l’eau ce qui nous permettra de savoircombiendejoursonpourratenir.Etdansundeuxièmetempsderécupérerdanslessacsàdosquelescopainsontabandonnétoutcequipourranousêtreutile.

—Tuasraison,jetelaissefairelepointdesprovisionspendantcetempsjefileàl’accueilchercherunpassgénéralpouraccéderauxchambres.

Adriana serpente entre les robots et les quelques androïdes tombés aucombat.Enregardantlesdébrisquijonchentlesol,elleaperçoitdesarmes.Ellesepenche,enramasseunequialaformed’unrevolveretlapasseàsaceinture. Elle atteint péniblement le desk qui est gravement endommagé.Plusieurspasssontéparpillésausoletellenesedonnepaslapeinedelesramasser en apercevant dans un tiroir ouvert deux cartes multipass. ElleretournedanslacuisineauprèsdeDiégoquiconsciencieusementrangelesprovisions.Ilpivoteenlavoyantets’exclame.

—Nouspouvons tenirunesemaine,d’ici là j’espèrequ’ils serontvenusnousrechercher.Ettoi,tuastrouvécequetuvoulais?

—Oui,j’aidégotédeuxpassuniverselquej’aitestésavecsuccèsetceci,dit-elle,entendantl’arme.

Diégolaprendavecprécaution.

— C’est super, il doit y en avoir d’autres, nous devrions toutes lesréquisitionneretnousconstituerunarsenaldedéfense.

—Tupensessavoirt’enservir?

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—Jenesaispas,maisnouspourronstoujourslestesterdansleparc.

Parsécurité,Diégofermelaportedelacuisinecarl’hôtelestmaintenantouvertàtouslesventsetdesanimauxpourraientenprofiterpourchaparderleursprovisions.

—Quefait-onmaintenant,ditAdriana?

—Commençonsparlesarmes,ditDiégopuisnousnousoccuperonsdessacs.

Chacunde leurcôté ils inspectent les robotset lesandroïdesétendusaurez-de-chaussée. Leurs armes sont pour certaines assemblées dans leprolongement de leurs bras donc impossible à enlever. Avec cellequ’Adriana a ramassé un peu plus tôt, ils en découvrent deux autres dontuneentrelaported’entréeetleportail.

—Ildoitaussiyenavoirsurl’avenue,ditAdriana,j’yvais.

—Nons’écrie,Diégo,celapeutêtrerisqué,attendonslatombéedelanuitpour s’y aventurer.Occupons nousmaintenant des sacs à dos.Tu fais leschambresdupremierétageetjefaiscellesdudeuxième.

—Etqu’est-cequejefaisdessacs,ditAdriana.

—Tulesapportesdanslachambrequijouxtelanôtre.

Sicertainsde leurscompagnonsont soigneusement rangé leursaffaires,d’autres ont tout laissé en désordre, deux bonnes heures leur sontnécessaires pour tout rassembler. Ilmanque celui deDavid puisqu’il étaitparti avec pour effectuer l’expédition de contrôle. Ils les ouvrent afin derangerlesarticlesenfonctiondeleursutilités.Quandtoutestclassé,ilestdéjà dix-huit heures et il est temps d’aller à la pêche aux armes. Leurchambre est au deuxième mais ils évitent de prendre l’ascenseur, seretrouver prisonnier de celui-ci s’il tombait en panne serait un comble.Arrivés dans la rue, ils jettent un coup d’œil à droite et à gauche, bingo,plusieursrobotsetandroïdessontallongéssurlesol.AdrianapartàdroiteetDiégoàgauche.Chacund’euxaprispourleursemplettesunsacàdosvide.Adrianarécupèrequatrepistolets,Diégoluin’entrouvequedeuxmaisila

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ramasséunfusilavecungroscanon.Lalunesporadiquementcachéepardesnuageslesempêchedebienvoir,ilsdécidentderentrer.

Lesarmessontrelativementlégèresmaisencombrantes.Ils lesdéposentauprès de leur lit et descendent dîner en ayant soin demettre un pistoletglissédans leur ceinture.Unpeuplus tard, ils reprennent le cheminde lachambreetréalisentques’ilsdevaientfuirrapidementleurssacssontdanslachambred’àcôtéquimalheureusementnecommuniquepasaveclaleur.Commeiln’estpastrèstardetqu’ilsn’ontriend’autreàfaire,sicen’estdesemettre sous les draps et de faire l’amour, ils décident de déménager. Illeurfautdepréférencetrouverdeschambresquisoientaupremierétageetrapidementilsjettentleurdévolusurdeuxchambrescommunicantesprochedel’escalierdeservice.Ilsremontentaudeuxièmeetsepréparentdeuxsacslespluscompletspossiblepuisilsremplissentparcatégoried’objetchacundessacsrestant.Aprèsavoirtransportétouslessacsettouteslesarmes,ilss’affalentenriantsurlelitKingSizequileurtendlesbras.Aprèsquelquesbaisers, ils se relèvent, se dirigent vers la salle de bains et profitent desbienfaitsdeladouche.Ilestdéjàplusdeminuitlorsqu’ilsfermentlesyeux,enlacésl’unàl’autre.Ladécisionaétéprisedelaisserpasserquarante-huitheures pour accorder à David ou à qui que soient d’autre pour venir lesrechercher.

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RÉUNION

Lorsqu’uneheureplus tardHGTWretrouve legroupe,ungrandsilencerègnedanslapièce.

—Quesepasse-t-il,demande-t-il?

—Nousfaisionsuneminutedesilence,déclareMathieu,enmémoiredenos amis Leïla et de Julien et en souvenir des bons moments que nousavionspassésensemble.

—C’estunrituel?

—Oui,c’estunefaçond’honorernosmorts.

—Une fois de plus je compatis à votre douleur, bien que cela soit unsentimentdontnousavonsdifficilementconscience.

—J’espèreditAndréaquevousnousapportezdebonnesnouvelles.

—Eneffetundemesconseillersvientdem’annoncerqueletempleaétérasé et que Jabbar Cristo est porté disparu. Nous avons aussi prisconnaissance qu’une réunion aura lieu demain avec l’ensemble de sesdisciplesproches etplus lointains commeMax, à laquelle se sont conviéslesprincipauxgénérauxdesarméesdel’ACAAG.C’estungrandjourpourla GUILDEmais cela ne nous autorise pas à crier victoire. Nous devonsmaintenantattendredevoirquiprendrasaplace.Selonl’humanoïdeélu,unrapprochemententrenosdeuxnationsneseraitpasàexclurecelajoueraitenvotre faveur. Nous allons profiter de la confusion chez l’ennemi pourrenvoyerauplustôtunappareilrécupérervosamisDiégoetAdriana,maisaucun de vous ne participera à l’expédition. Il n’est pas question de vousmettredenouveauendangerajoute-t-ild’untonferme.Andréatentemalgrétoutdelepersuaderdesonutilitédansl’expéditionmaissanssuccès.

HGTW se lève et propose à ses invités de suivre HG575 qui va lesconduire à leurs logements qui sont ceux où habitaient auparavant les

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humains qui secondaient Tao Wang. HG575 suggère à David d’allerrécupérersesaffaireslaisséesdanssachambrepours’installerdanslemêmecomplexequesesamis.NousvousattendronsauterminalduTube,dit-il.Àson retour, nous nous répartissons de nouveau dans les capsules qui nousmènent à deux kilomètres. Les logements que nous découvrons sont devéritablesappartementscomprenantdeuxchambres,unbureauoùtrôneunordinateur,ungrandsalonouvert surunepetitecuisine,unesalled’eauetdes toilettes, un miracle de conservation. HG575 nous informe que parailleurs dans les placards de l’entrée des combinaisons sont à dispositionpournouschanger.Cettedernièrepropositionnouslaisseperplexe,ilfaudravérifiersiellessontaussibipées.

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RÉCUPÉRATION

Le lendemain les nouvelles ne sont pas celles que HGTW escomptait,JabbarCristoavaitpréparédelonguedatelerisquequ’ilsoitunjourabattusoitparl’ennemisoitparunrival.Desourcesûre,illuiaétérapportéqueJabbar Cristo avait deux clones en réserve dont les bases de donnéesmémoriellesétaientrégulièrementmisesàjourparsimpletransfert.Leseulpointpositifd’aprèssesespionsestqu’aucunn’aencorefaitsonapparition.L’undesdeuxétaitcenséprendreviedansunlapsdetempsdedeuxheuresà la moindre défaillance de réception. Comme Jabbar avait informé sesdisciples de l’existence de ces clones sans leur indiquer leurs lieux derésidence sur le territoire, l’assemblée avait donc décidé de patienterquarante-huit heures avant de nommer un nouveau président.HGTWdoitdoncutiliser cedélai pour aller récupérerAdriana etDiégo. Il demande àHG2035,quin’acceptait pasd’avoir failli à sa tâcheetd’avoiroubliédeshumains, de préparer son vaisseau pour un aller-retour demain en zonesennemies. L’heure de la récupération est validée à six heures du matin.ComptantlesneufheuresdedécalageentreRigaetSaltLakeCityl’appareils’envole le soir même à vingt heures. Dans la joie de revoir Diégo etAdriana qui devraient être de retour parmi eux vers vingt une heure, legroupedécidedelesattendrepourdîner.

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VISITEURS

Aucoursdelanuit,Diégoseréveilleensursaut.Duvasistasdelasalledebains qu’ils ont laissé ouvert, il lui semble discerner des bruits enprovenancedelarue.Adrianaàsescôtésdortprofondémentetnevoulantpaslaréveiller,ilselèveavecprécaution.S’éclairantaveclalampetorchedesontéléphone,ildébloquelaporteetl’entrebâille.Ilaprisaupassageunpistolet pour se rassurer.Dans le couloir faiblement éclairé, il regarde departetd’autre,nevoyantriendesuspectilsedirigeversl’escalier.Soudain,il perçoit très distinctement des raclements sur le sol du hall d’entrée.N’ayantpasencoreutilisélesarmesqu’ilsontramassées,ilnesaitpass’ilsauras’enservirfaceàdesbêtessauvagescaràcetteheuredelanuit,ilnecroitpasàlaprésenced’humanoïdesouderobots.Adrianaétantseule,ilneveut pas tenter le diable et préfère la rejoindre. À son retour il la trouveassisedanslelit.

— J’ai entendu des bruits, dit-elle, et quand j’ai allumé la lumière, tun’étaispluslà.Quesepasse-t-il?

—Jenesaispas.J’ail’impressionquel’hôtelestvisitépardesanimaux.

—Tuesdescenduvoir?

—Non, je veux d’abord tester une arme avant d’affronter un ennemipotentiel.Demainnousessaieronsdetirersurunecible.

Lecalmeestrevenuetilserecouche.

Lamatinéeestdéjàbienentaméelorsqu‘ilsouvrentlesyeux.

—Tuasbiendormi,demandeAdrianaensetournantversDiégo.

—Oui.EtToi?

—Non,pastrèsbien,j’aiunpeucauchemardéetj’aieul’impressionquequelqu’unavaitactionnélapoignéedelaporte.J’aidûrêver.

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Elle se dit qu’elle était en plein délire, elle se lève et va prendre unedouchebientôtrejointeparDiégo.Unefoishabillés,chacununearmeàlaceinture,ilsouvrentlaporteavecprudence,examinentleslieuxetsortent.Àpasde loup ilsdescendentmarcheaprèsmarcheen se collant aumur.Ungrandsilencerègnelorsqu’ilsarriventdanslehall.Perplexes,ilsexaminentle sol. Les corps des robots et des androïdes ont disparu. Ils s’avancentjusqu’àlarueetconstatentqueplusieurscorpssontencorelà.

—C’estbizarre,ditAdriana,pourquoilesservicesduprésidentauraient-ilsenvoyédenuitdesrobotspournettoyerleslieuxsanstoutdébarrasser?

Tout en réfléchissant, ils gagnent la cuisine pour le petit-déjeuner. Enpassantdevantlasalleàmanger,Diégos’étonne.

—Adriana,hiertuasrangélescouvertsdanslacuisine?

—Non,pourquoi?

—Lescouteaux,lesfourchettesetlescuillèresontdisparu!!!

Ils continuent, font le tour de toutes les pièces et remarquent ainsil’absencedediversobjetsdontlespoidsetaltèredelasalledesport.

—C’estquoicetteconnerie,s’exclameDiégo!Quiestderrièretoutcela?

—Peut-êtredeshumanoïdesquiseseraientmisausport,ditAdriana!

—Arrêtetesplaisanteriesdouteuses.Toutçan’estvraimentpasclair.

Quandilsouvrentlaportedelacuisine,celle-cinesemblepasavoirétévisitée,DiégoetAdrianamangentensilence.SoudainDiégoselève.

—Adriana,attends-moilà.Jemontechercherdesoutilsetnousironsautunnel, il fautabsolumentpouvoiryaccéder.Aveccequis’estpassécettenuit,jepréféreraisquenousquittionscetendroitauplustôt.

—OK,jet’attends,fermelaportederrièretoi.

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ALARME

Diégo de retour, ils filent dehors, l’arme au poing. Arrivé àl’emplacementdelatrappe,Diégoglisselamainsurundescôtés,làouhierilavaitcrupouvoirlalibérer.Ils’arc-boute,tireàluidetoutessesforcesettombe à la renverse. Il jure et crie de douleur lorsqu’il se reçoit sur lecoccyx. Adriana ne peut retenir un fou rire. La trappe s’est ouverte sansaucune résistance.Ce nouveau coup de théâtre doit-il être attribué à ceuxqui se sont introduits dans l’hôtel cette nuit ? Par précaution, avant des’aventurer dans le tunnel, ils décident d’apprendred’abord à se servir deleurs armes.Le canon avoisine les vingt centimètres, une grosse boule dedix centimètres de diamètres le relie à la crosse.N’ayant pas de gâchetteapparente,Diégo tourne l’arme avec circonspection et prudence dans tousles sens. Comment fonctionne-t-elle ? Est-elle propre à chaque androïdedontlesimplecontactpermettraitsonutilisation,sedemandet-il?Adrianadont le pistolet est similaire à celui de Diégo tend le bras et pressefermementlacrosseenformedepoire.L’arbrisseauqu’ellevisaits’embrasesousl’effetdelachaleurdégagéeparlerayonlumineuxquilefrappe.Sousl’effetdelasurprise,Adrianalâchel’armequitombeàterre.

—Bravo,ditDiégo,heureusementquejen’étaispasdanslechamp.Ilsebaisseetramasselepistoletengrimaçant,sondoslefaitsouffrir.IllerendàAdriana et teste aussi avec succès son arme sur le tronc d’un arbre. Cedernierestlittéralementdéchiquetéaupointd’impact.Fiersd’eux,prêtsàsedéfendre contre toute attaque, ils s’engouffrent dans la galerie en prenantsoin de rabattre la trappe derrière eux.L’armedans unemain et la torchedans l’autre, ils ne mettent que quelques minutes pour la parcourir etdébouchentdanslaforêtdont ilsapercevaient lacimedesarbresdepuis leparc.Ilssesententrevivre,ilsnesontplusenfermés.

Quelmanque de chance que l’attaque de l’hôtel ait eu lieu alors qu’ilsétaient dans l’ascenseur et que personne ne se soit rendu compte de leurabsencelorsdel’évasion,sedisent-ilsconjointement.Ilsprofitentdecette

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liberté pour se promener et enmarchant droit devant eux, ils débouchentdansuneclairière.Degrandestracesdanslaterremeublelaissentsupposerquelevaisseauqu’Adrianaavaitaperçudanslecielavaitdûdécollerdecetendroit.

Ilspartentenreconnaissanceetlejourdéclinantilsdécidentderentrer.Ilstraversent de nouveau le tunnel, soulèvent la trappe avec précaution, nevoyantriendesuspect,sortentetlarabaissentderrièreeux.Letempsafilétrèsvite.

—Diégo,ditAdriana,nousavonsperdudutempsetmaintenantilesttroptardpourenvisagerdequitterleslieuxcesoir.

—Tuasraison,mangeonsquelquechoseetpréparons-nouspourlanuitàvenir.

Au cours de leur discussion dans la cuisine, ils échafaudent différentsplansafindepiégerlesintruss’ilsrevenaientdanslanuit.C’estlapremièreidée d’Adriana qui est retenue. Celle de s’installer dans la salle de vidéosurveillance où les caméras fonctionnent toujours. Après le repas, ils sedirigentverslapiècedecommandementetsepostentdevantlessixécransquisontrestésallumés,Diégofaitglissersesdoigtssurlaconsoledevantluice qui a pour effet de faire apparaître les différentes pièces du bâtiment.Bingo,dit-il.Ilsquittentlelieuetmontentauxchambres.Ilsrécupèrentunmatelas et redescendent le disposer le long dumur dans la salle de vidéosurveillance,àdroitedelaportedanslesensopposédesonouvertureafindenepasêtregênés’ilsdevaientrapidements’éclipser.Ilsretournentàleurchambre,fontunbrindetoilette,prennentchacunleursacàdos,touteslesarmesetdescendents’installerdanslasalledevidéo.

—Jesuistrèsinquiète,ditAdriana, j’aibienpeurqu’ilsneviennentpasnousrechercher.

— Je n’ai pas le même sentiment, je pense qu’ils vont tenter de nousrapatriermaisjesuistrèsperturbéparlesincidentsdelanuitdernière,c’esttoutsimplementincompréhensible.Jet’avouequej’aihâtededécouvrircequecelacache.J’airéglél’alarmeàminuit,enattendantessayonsdedormir

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unpeu.Diégoestensueurlorsqueleréveilsonne.Ilétaitdansunrêveoùavec sa famille il fuyait pour échapper à un tsunami où des vaguesgigantesquestraversaientlesruesetengloutissaienttoutsursonpassage.Desonlitiljetteuncoupd’œilauxécransmaisriennel’interpelle,lalumièreest toujoursprésentedans toutes lespiècesetaucunobjetnesembleavoirdisparu.Ilseditquesesvisiteursnereviendrontpas.Adrianaquinesemblepasavoirentenduleréveil,dortprofondément.AuboutdequelquesminuteslespaupièresdeDiégoseferment.

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NOUVEAUMONDE

Soudain ils sont réveillés en sursaut, la porte est secouée, comme si ontentaitdel’ouvrir.Sur lesécransdesêtresbizarressedéplacentaurez-de-chaussée et aux deux étages où ils ont investi les chambres. Ils ont dûrécupérer les pass laissés au sol à l’accueil.Entre l’extérieur et l’intérieurs’opèrentdesalléesetvenuesincessantes.Cescréaturesentrentetressortentavec des dessus-de-lit, des draps, des serviettes, des carcasses de robotstransportées sur des civières enfin avec tout ce qu’ils peuvent emporter.AdrianapressefortementlebrasdeDiégo.

—Diégo,tuvoiscequejevois,tupensescommemoi?J’ail’impressionquecesontdeshumains.

—Oui,moiaussi,maisrappelle-toiqueMaxetJabbarontaffirméquelaracehumaines’étaitéteinteilyaprèsd’unsiècle.

DiégoetAdrianainterloquéscontinuentdefixerlesécrans.Cesindividusnesontpastrèsgrandsetparaissentmalingres.Tousportentdeslunettesdesoleil comme s’ils voulaient se protéger de la lumière. Ils sont vêtus desortes de manteaux noirs qui descendent jusqu’aux chevilles et leurscheveuxcouvrentleursépaules.Lacouleurdeleurpeauestindéfinissable,ilssemblentavoirlesvisagesenduitsdenoiretcertainsaffichentunebarbeépaisse.

—Penses-tuqu’ilyadesfemmesparmieux,demandeAdriana?

—Jen’ensaisrien,laquestionn’estpaslàmaisplutôtdevons-nous,nousmanifester?Commentserons-nousaccueillis?Pensantavoirà faireàdeshumanoïdes,cescréaturespourraienttoutaussibiententerdenoustuer.

Ilssontconsternéslorsqu’ilsvoientsurunécranquelesintrusontpénétrédanslachambreoùétaientrangéstouslessacsetdiversobjetsappartenantau groupe. Les trois individus qui ont franchi la porte inspectent lesvêtements ainsi que les trousses à pharmacie. Ils allument les ordinateurs

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portables.Toutenparlantentreeux,ilsvisionnentleurscontenus.

—C’estpeut-êtrebonsignepournous,ditDiégoetc’estpeut-êtretempsdeseprésenteràeux?

Qu’enpenses-tu?

—J’aipeur,rétorqueAdriana,jen’aipasconfiance.Peut-êtrepourrais-tuyallerseuletsitoutsepassebienjeterejoins?

—Tupensesvraimentquec’estunebonneidée?

Adrianaréfléchit.

—Tuasraisonfaisonsblocensemble.

Durantcettediscussion,Diégoapuvoir lescréaturesprendre lessacsàdosetrejoindrelerez-de-chaussée.Surpris,illesvoitmaintenantinterpellerplusieurs de leurs semblables qui viennent faire cercle autour d’eux. Ilsmontrent les sacs et les ouvrent. Diégo choisit ce moment pour sortir.Accompagnéd’Adriana,ilsseprésententàeuxsansarmestoutendéclarantenanglaisetenespagnol«noushumain».Certainshurlentenlesvoyantets’enfuientmaisd’autreslesfixentetl’und’euxsortunpistoletdesapelisse.

Diégo et Adriana lèvent les mains en l’air, c’est ce qui les sauve.L’individuprochedeceluiquilesmetenjoueprendlebrasdecedernieretl’abaisse.Ilparlemente,vientàlarencontredeDiégoetluipincel’oreille,ce qui a pour effet de le faire crier. Diégo évite de bouger mais l’autrecontinueenluifaisantouvrirlabouche.Ilmetalorslesdoigtsàl’intérieuretluiinspectelesdentstoutentirantdessusd’avantenarrière.Enfindernièresouffranceilattrapeàtraverssonpantalonsescouillesqu’ilserrefortement,cequilefaitreculerenbeuglantetfaitcrierAdriana.AlorsqueDiégotentede lui faire lâcherprise, sonagresseurouvre lamainet semet à rire.Lesautres s’esclaffent à leur tourmais restent en retrait jusqu’aumoment ouAdriana, sous la pression de ces quelques moments éprouvants éclate ensanglot.Subitementunesilhouettesedétachedugroupeets’approched’ellelesbrasgrandsouverts.

—Ne crains rien dit-elle, en s’exprimant dans un anglais approximatif

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mélangé à de l’espagnol.Diégo à cet instant est rassuré, ce sont bien deshumains. Il se tournevers l’hommequi l’aunpeumaltraitéetquisembleêtreleurchef.

—AdrianaetDiégo,dit-il.

—L’autrelesregarde,Anton.

DiégovoudraitcontinueràluiparlermaisAntonluifaitcomprendrequ’ilest temps de partir mais Diégo qui veut récupérer son sac à dos et celuid’Adriana agite les mains et tend son index vers la salle de vidéosurveillance.

—J’aidesaffairesàprendre,dit-illentementenarticulant.

AntonquisembleavoirsaisicequeDiégoluiditlesuitavectroisautresde ses compagnons. Alors qu’ils l’aident à prendre les sacs et les armes,Diégo sort discrètement un calepin d’une de ses poches et écrit quelqueslignessurune feuille.Avantdesortirde la salledevidéosurveillance,undes individus dirige une arme laser sur la centrale et tire.Tous les écranss’éteignentenmêmetemps,puissousladirectiond’Antonilssortentdansleparc, accompagnés par le reste du groupe qui attend dans le hall et sedirigent vers l’entrée du tunnel. Une fois à l’intérieur, les compagnonsd’Antoncondamnentl’ouverturedelatrappeetàlasortiefontensortequela terreaudessuss’écrouleetbouche lepassage.Alorsqu’ilsavancentengroupe serré, subitementNana apparaît dans la pénombre et se lance auxpiedsd’Adrianaquiajusteletempsdelaprendredanslesbrasavantqu’undesindividustentedelatuer.Aprèsquelquespalabres,ilsacceptentqu’ellelagarde.

Alorsqu’ilsontdéjàparcouruplusieurskilomètres,Diégoaperçoitdanslecielunobjetvolantenformedecônequidescendverseux.IlenfaitpartàAdriana.

—Tunepensespasquenousdevrionsyretourner,dit-elle?

—Non,noussommestropéloignésetletunnelaétébouché.

—AlorsilsvontimaginerquenousavonsétéreprisparJabbarCristo.

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—Peut-êtrepas,j’ailaissétomberdiscrètementunpapieravantdesortirdelasalledevidéosurlequelj’aiécritquenousétionsensécurité,j’espèrequ’ilsletrouveront.

—Tucroisvraimentquenoussommesensécurité?

—Oui,jelepense.

Parcettenuit sombreDiégoetAdrianaontdumalàprogresserdans lavégétationalorsqueleurscompagnonsquiontretiréleurslunettesdesoleilse déplacent sans difficulté. Ils sont toujours dans les bois quand ilsrejoignent un groupe d’individus qui se tient au pied d’une colline face àune cavité rocheuse. Lorsque ces derniers se retournent et aperçoiventAdrianaetDiégoilsémettentdespetitscriseffrayés, trèsviteétouffésparles gestes et lesmots d’apaisement d’Anton. Dévisageant avec insistanceAdrianaetDiégoilss’écartentpour leur laisser lepassage.Ilssecourbentpour y entrermais très vite ils se relèvent lorsqu’ils débouchent dans unesalled’unehauteurimposante.Unpeupartoutsurlesparoisdelagrottedestorches allumées laissent entrevoir des dessins et en s’en approchantAdrianaetDiégodécouvrentémerveillésdespeinturesrupestres.Animauxdivers,bisons,grandspersonnagesà la tête empluméeetmainsnégatives.Maisilsn’ontpasletempsd’enprofiter,Antonleurfaitsignedecontinuerd’avancer. Ils traversent alors trois salles avec une pente de plus en plusimportante jusqu’à rejoindre un boyau relativement large et haut qu’ilsempruntent sans difficulté. Diégo et Adriana comprennent à cet instantqu’ilspénètrentdansunnouveaumonde.

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ÉNIGME

Àvingtetuneheurequinze,HG2035débarquedans lasallederéunionoùHGTWentourédugroupel’attend.Laconsternationselitsurlesvisageslorsqu’ilsapprennentqueDiégoetAdrianasontintrouvables.

—C’esttrèsétrange,lescorpsdesrobotsetdeshumanoïdesontdisparuetl’hôtel a été mis à sac. Mais malgré tout j’ai une bonne nouvelle, ilsemblerait qu’ils soient en vie car j’ai trouvé un message qui vous estadressé. Andréa se précipite vers lui et lui arrache le papier. Il le dépliefébrilement et pour ne pas faire attendre l’assistance, le lit à haute voix«chersamis,necraignezrien,noussommesentredebonnesmains,celles-ci se sont multipliées au cours de ces cent dernières années ». Tous seregardentd’unairstupéfaitetsemettentàparlerenmêmetempsenfaisanttoutes sortes de suppositions. Dans cette cacophonie, Romain prend laparole.

—Chaquemot ayant son importance, dit-il, cette énigme complexe estpeut-êtreplussimplequ’iln’yparaît, jevoussuggèred’yréfléchiretd’endiscutercalmement.

—Vous avez raison, ditHGTW, nous allons aussi nous y pencher avecmesconseillersetjevousproposedefaireunpointdemain.

Tous saluent HGTW et prennent le chemin de leurs appartements.Pendant le parcours Romain se dit qu’ils ne devront pas révéler à ceshumanoïdes le résultatde leurs réflexionscar il n’apasplus confianceenHGTWqu’enJabbarCristo.

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REMERCIEMENTS

Àmonépousepour sonaideprécieuseet son infiniepatience.ÀDavidLanaspaquiavec talentà réaliser lacouverture.ÀDavid,Prunelle,Daria,Agnès, Rémy, Marie Danièle, Pascale pour leurs encouragements et unmerciparticulieràClémence.