la revue du projet - n°4

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Parti communiste français P. 23 REVUE DES MEDIAS LES MÉDIAS ET LA CRISE DE LA ZONE EURO Par ALAIN VERMEERSCH u P. 6 LE DOSSIER COMMENT CHANGER DANS LA MONDIALISATION ? P. 30 SCIENCES INTERNET ET REPRÉSENTATIONS DE LA TRANSFORMATION Par FRANK MOULY N°4 JANV. 2011 REVUE THÉORIQUE MENSUELLE DU PCF

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Dossier sur la mondialisation

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Page 1: La revue du projet - n°4

P a r t i c o m m u n i s t e f r a n ç a i s

P.23 REVUE DES MEDIAS

LES MÉDIAS ET LACRISE DE LA ZONEEUROPar ALAIN VERMEERSCH

u P.6 LE DOSSIER

COMMENT CHANGER DANSLA MONDIALISATION ?

P.30 SCIENCES

INTERNET ET REPRÉSENTATIONS DE LA TRANSFORMATIONPar FRANK MOULY

N°4JANV.2011

REVUETHÉORIQUEMENSUELLE

DU PCF

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LA REVUE DU PROJET - JANVIER 2011

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4 FORUM DES LECTEURS/LECTRICES

6 u15 LE DOSSIER

COMMENT CHANGER DANS LA MONDIALISATION ?Rencontre avec Bertrand Badie Mondialisation  : revisiter la puissanceNasser Mansouri-Guilani Changer dans la mondialisation ou changerla mondialisation  ?Mimouna HadjamMondialisons les luttes féministesFrancis WurtzUnir autour de projets transformateursJacques FathL’ambition dont la France a besoinAndrés PerezLa France, au service de notre «  terre com-mue »  ?Yves DimicoliPour un monde de co-développement

16 COMBAT D’ IDÉESGérard Sreiff : A quoi pense le Medef  ?

SONDAGES : La politisation des jeunes

19 u22NOTES DE SECTEURSOlivier Dartigolles Parti de la gauche euro-péenne  : nouvelle dynamique, nouveauxenjeux

Frédérick Genevée 90e anniversaire du PCF,démarche et raisons d’un succèsYann Le Pollotec Pour une politique indus-trielle créatrice d’emplois et répondant auxbesoins humainsDenis Durand Pour une construction euro-péenne dégagée des marchés financiers

23 REVUE DES MÉDIASAlain Vermeersch, Les médias et la crise de lazone euro

25CRITIQUESCoordonnées par Marine Roussillon

27 AGENDAAPPEL À COMPÉTENCES

28COMMUNISME EN QUESTION

Entretien avec Jean Salem Vers quels lendemains ?

30SCIENCESFrank Mouly Internet et représentations de latransformation

32CONTACTS / RESPONSABLESDES SECTEURS

SOMMAIRE

FORUM DES LECTEURS

Mot de la rédaction : nous sommes satisfaits que nos dossiersfassent réagir. Vous pouvez continuer à apporter vos contribu-tions sur les dossiers précédents.Dans les prochains numéros, le dossier laisse place dorénavantà des textes qui aideront à la préparation des conventionsnationales qui se dérouleront durant les six premiers mois de2011. La première est inaugurée avec la question : commentchanger dans la mondialisation ?

L'équipe de la revue

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JANVIER 2011 - LA REVUE DU PROJET

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Vous le savez, notre dernierCongrès a décidé de l’orga-nisation de plusieurs

Conven tions nationales afin detravailler à l’élaboration de notreprojet, charge ayant été confiéeau Comité du projet élu par leConseil national d’en assurerl’organisation.

OÙ EN SOMMES NOUS ?Après plusieurs réunions duComité du projet, celui-ci pro-pose de réunir trois Conventionsnationales en février, avril et maiprochain. Trois thèmes seraientà cette occasion l’objet d’un tra-vail approfondi : 1) Changer lecours de la mondialisation et del’Europe : un engagement pourla France 2) Une nouvelle étapedu progrès humain : l’écologiesociale pour changer notremode de développement etenfin 3) Liberté et démocratie :l’intervention citoyenne, unerévolution pacifique.

Nous proposons que soientassociés au travail de cesConventions à la fois des per-sonnalités, communistes ou pas,invités à l’initiative des Fédé -rations, du Conseil national duparti ainsi que des intellectuels,des membres de la société civile,du syndicalisme ou d’autresmouvements sociaux.

Une chose est claire : l’ambitionn’est pas de réaliser un pro-gramme exhaustif mais de seconcentrer sur les propositionset les enjeux les plus identifiantspour le changement. Au fond,tenter à travers tout ce travaild’élaborer les piliers essentielsd’une politique de contestationet de dépassement de l’ordrecapitaliste.

Afin que ce travail de Conven tionne se résume pas à d’aimablescauseries à intervalles répétés, le

Comité du projet s’est fixécomme objectif d’écrire un rap-port qui sera issu des Conven -tions, débattu en leur sein, et per-mettant aux communistes de dis-poser d’un document de travailargumenté en vue de leur pro-chain Congrès. Par ailleurs desauditions – qui seront renduespubliques – précéderont àchaque fois les Conventionsnationales et permettront ainsiun travail préalable.

Dans cet esprit le présentnuméro de la Revue du Projetentame le défrichage du sujet dela première Convention natio-nale. Je dois dire à cette occasionque nous sommes à nouveau engrande difficulté sur la parité denos intervenants et interve-nantes. Si l’intention de départétait la parité, le résultat final esttrès éloigné du fait des réponsesque nous avons reçues.

APPEL À DEVENIR RELAIS DE LA REVUE DU PROJETDes nombreux déplacementsque j’ai faits dans le pays, je tirela leçon que la Revue du Projetest encore largement inconnuedes cercles militants. Bien sûr iciet là des initiatives sont prises,bien sûr nous recevons desencouragements, tout cela estvrai mais le cercle est beaucouptrop étroit.

En cette nouvelle année, toutel’équipe vous invite à devenirrelais de la Revue du Projet et àcontribuer à sa circulationautour de vous. Cela prend peude temps : un envoi groupé à voscontacts, un clic et vous contri-buerez ainsi à sa diffusion.

Je veux conclure cet édito, plusformel que par le passé, pourvous présenter tous nos vœuxpour l’année qui s’ouvre. Lesenjeux sont considérables. À

l’échelle de la grande histoire, lestemps de paix sont des tempsrelativement rares. Or nousvivons une période où desnuages lourds s’accumulent àl’horizon. L’union européenneest devant des difficultés réelle-ment considérables. Les poli-tiques d’austérité et la poursuitede la guerre économique fontcourir un risque majeur au pro-jet européen lui-même. Lesenjeux énergétiques et d’accèsaux matières premières condui-sent à la montée en puissancedes affrontements des princi-pales puissances économiquesmondiales. Nos démocratiessont affaiblies et le systèmemédiatique réduit la politique àla loi du marché, de “l’offre” et dela “demande”.

Tout cela est vrai. Et pourtant cetableau noir est à la mesure dudéfi qui est toujours devantnous. La démocratie a mis plusde 2000 ans pour traverser l’his-toire et pour structurer, avecmoult imperfections et défauts,moins d’un quart des nations dumonde. Cet état du monde estdonc la réalité du poids des res-ponsabilités de celles et ceux quise sont fixés pour tâches dedéfendre l’hypothèse d’un pro-grès nouveau des civilisationshumaines.

La politique est donc moins quejamais un jeu dérisoire de téléréalité. La politique est unenécessité vitale pour une civili-sation en danger. n

« Contrairement à ce que nousavions annoncé, nous ne sommespas en mesure de publier ce mois-ci une fiche de synthèse sur lesServices publics. »

PATRICE BESSAC, RESPONSABLE DU PROJET

ÉDITO

DES CONVENTIONS NATIONALES POUR QUOI FAIRE ?

Page 4: La revue du projet - n°4

LA REVUE DU PROJET - JANVIER 2011

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FORUM DES LECTEURS« Depuis des années, j'espérais que le parti

allait sortir enfin de l'indifférence dans

laquelle il baigne (ignoré par beaucoup) en

se mettant à travailler, à élaborer le Projet

– et pas simplement en parler – et le faire

connaître. Il me semblait nécessaire d'y

faire travailler (intellectuel collectif) tous

ceux qui conjuguent volonté et compé-

tence..(..) La naissance de la revue n'a été

signalée, sauf erreur, qu'une fois dans

l'Humanité. » n

ALAIN TRIBOULET

« J'ai fait connaissance, lors d'une récente

visite d'une exposition de photographies

dans le hall du bâtiment du Pcf, du numéro

un de la revue d'octobre 2010 (revue théo-

rique mensuelle du PCF). J'ai été très inté-

ressé par ses différentes rubriques et

informations diverses (Forum des lecteurs,

revue des livres, agenda, dossier) qui m'ont

rappelé un peu l'époque où je fus abonné

aux cahiers du communisme. Une seule

demande à vous faire : cette revue est-elle

susceptible d'être servie dans le futur aux

communistes désireux de se former ou de

s'informer qui en feraient un outil de

réflexion personnelle ? » n

DANIEL FIRMIN

« Le dossier sur « l’Ecole » publié dans la revue n°3du projet est un projet permettant, véritablement,comme l’écrit Marine Roussillon en préambule deson article, d’assurer à tous « un accès égal à unenseignement de qualité, visant l’émancipation indi-viduelle et collective ».Toutefois, je regrette, que cettevisée communiste, ce cap fondamentalement poli-tique, n’apparaisse qu’au détour d’un article alorsqu’il devrait être structurant de toutes les proposi-tions faites dans ce dossier. Il est indispensable quecette visée figure dans un « édito » qui ne se conten-terait pas de relever l’idéologie capitaliste sans don-ner à voir la philosophie communiste. Si nous vou-lons donner de la visibilité au projet communiste affi-chons clairement en préambule cette visée émanci-patrice individuelle et collective seule porteuse d’unetransformation sociale radicale remettant en causejusqu’à l’Etat. Affichons-la comme « cap politique »dans le débat à gauche en lieu et place du moyenpour y parvenir, l’excellente idée de « refondre l’écolesur le modèle de l’élève qui n’a pas d’autres res-sources scolaires que l’école ». Au quotidien du ter-rain, c’est ce « cap politique » de l’émancipation quiporte toutes perspectives transformatrices partagea-bles avec tous ceux qui souhaitent que ça change,autrement dit qui exigent que l’aliénation produitepar le système capitaliste s’achève enfin. Seul ce« cap politique », porté uniquement par les commu-nistes, est aujourd’hui audible. C’est aussi ce « cappolitique » qui permet au projet communiste d’êtrece mouvement réel abolissant l’état actuel en offrantla possibilité d’œuvrer au quotidien au dépassementdes réformes en cours tout en acquérant du pouvoird’agir. C’est paradoxalement le cas pour « le soclecommun » et « la masterisation néolibérale » qui s’ilsdoivent être radicalement rejetés politiquement doi-vent également, au jour le jour du métier de chacundes acteurs de l’éducation nationale, être interrogéset orientés, tout aussi radicalement, vers cette éman-cipation individuelle et collective. » n

LUC ANTOINE

Nous continuons à étudier la faisabilité d’une versionpapier, avec abonnement. Nous ne manquerons pas devous en tenir informer. n LA RÉDACTION

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JANVIER 2011 - LA REVUE DU PROJET

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FORUM DES LECTEURS

Pages réalisées par CÉCILE JACQUET

Depuis la naissance du premier numéro en septembre 2010, ils ontcontribué à la rédaction de La Revue du Projet, soit en rédigeantdes articles, soit en réagissant à ceux-ci.

Nous les en remercions !

Et maintenant, à votre tour...

Daniel Besse, Emilie Lecroq, Marine Roussillon, Annick Davisse, Stéphane

Bonnery, Sébastien Laborde, Marie-France Vieux-Marcaud, Nicolas Bonnet,

Christine Passerieux, Régis Regnault, Jean-François Bolzinger, Claire Pontais,

Stéphane Bonnery, Emmanuel Hoffmann, José Tovar, Ian Brossat, Luc Foulquier,

Yves Dimicoli, Jean-François Téaldi, Yann Lepolotec, Nicolas Dutent, Jean-François

Doussin, Patrick Kaczmarek, Danièle Lebail, Anicet Le Pors, Paul Boccara,

Geneviève Azam, Jean-Michel Gaveau, André Brunstein, Gérard Piel, Claude

Chavrot, Michel Rizzi, Jean-Michel Drevon, Denis Durand, Catherine Mills, Jacques

Fath, Jean-Luc Gibelin, Alain Hayot, Nicolas Bonnet, Harmut Rosa, Gérard

Chouteau, Anais Rodriguez, Joel Goubert, Michel Wenig, Jean Gardette, Fernand

Frances, Edouard Hesser, Francis Velain, Pascal Arros, Janine Guespin, Anne

Buquet, Nicolas Langlois, Philippe Misrahi, Albert Ancona, Bruno Pouvelle,

Guillaume Quashie-Vauclin, Philippe Pivion, Sébastien Elka, Olivier Gebhurer,

Isabelle Lorand, Laurent Bonneli, Nicole Borvo, Serge Garde, Gilles Garnier,

Philippe Aoustin, Gilles Poux, Santiago Serrano, Jean-Michel Daquin, Xavier

Compain, Alain Morin, Laurence Cohen, Hervé Bramy, Yvon Quiniou

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LA REVUE DU PROJET - JANVIER 2011

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LE DOSSIERComment changer dans la mondialisation ? La question est complexe etne souffre pas de raccourcis.

Le Parti communiste françaisinscrit son combat dans savolonté de rendre possible une alternative aux logiquescapitalistes en France et dans le monde.Comment penser lestransformations et lesconditions pour les rendrecrédibles, dansl’interpénétration des enjeux etdes réalités en pleinemutation ?

La Revue du Projet a décidéde poser la question à sept personnalités.Communistes et noncommunistes, économistes,syndicalistes, associatifs,journalistes, spécialistes enrelations internationales, ilsdonnent leur point de vue.Une fois la vision prospectivedéfinie, les interrogations et lespistes proposées se situentd’abord dans le chemin àemprunter et le comment faire.Ce sera l’objet de l’une des troisconventions nationales décidéespar le congrès du PCF. Cettepremière convention aura lieu le19 février 2011.

sociaux entre pays deviennent unenjeu majeur des relations internatio-nales. Lorsque le système internationalétait limité à un petit nombre d’États,ceux ci connaissaient un développe-ment économique, social, culturel demême nature. Aujourd’hui, la mondiali-sation fait que sur le même bateau seretrouvent les États-Unis et le Népal, oula Chine et le Malawi. Les écarts existantentre les différents acteurs deviennenttellement grands que leur importanceconstitue un enjeu essentiel, tellementplus important que la classique compé-tition politique !

Deuxième caractéristique, la mondia-lisation rend interdépendant ce qu’elleinclut. Toute relation internationalereposait auparavant sur l’idée simple dela souveraineté, la juxtaposition d’Étatssouverains, qui du coup étaient en com-pétition voire en guerre, ce qui était lestade paroxystique de la compétition.Aujourd’hui, les États deviennent telle-ment dépendants sur le plan de leuréconomie, de leur société, de leur infor-mation, sur le plan également de l’envi-ronnement et de l’écologie que l’on estconduit à inverser la proposition d’au-trefois et à établir que la sécurité dechacun dépend de la sécurité de tousles autres. Jadis, chacun construisait sapropre sécurité. Il est donc très difficilede faire entrer dans les mœurs l’idéeque notre sécurité dépend de la sécuritéde tous les autres, des Africains, ouencore des pays de l’Amérique centraleou d’Asie… Cela veut dire aussi que notre sécuritén’est plus uniquement militaire, elle estdevenue humaine. Ce qui menacel’homme aujourd’hui, c’est bien sûr lesarmées des autres et quelques fois hélasses propres armées, mais c’est aussi etsurtout toute une série d’enjeuxsociaux, économiques, culturels, sani-taires, alimentaires. Les vraies menacesaujourd’hui sont associées aux épidé-mies et à la faim dans le monde, etmoins aux compétitions militaires.La faim dans le monde tue 2 800 per-sonnes toutes les trois heures. C’est-à-

ENTRETIEN RÉALISÉ LE 9 DÉCEMBRE

2010 PAR JEAN-MARIE DOUSSINET CÉCILE JACQUET

l Comment caractériseriez vous aujourd’huila mondialisation ? Dans vos recherches vousdéveloppez notamment l’idée que la puis-sance militaire et économique a de moins enmoins d’emprise pour résoudre les conflits ?BERTRAND BADIE : Comment caractériser lamondialisation et le rôle de la puissancedans la mondialisation ? Ce sont deuxquestions différentes. Alors, d’abordcomment la caractériser ? C’est très dif-ficile car c’est un mot que l’on emploieet on est rarement attentif au sens qu’ondoit lui donner, d’où les malentendus etles fausses controverses. Je dirais que la mondialisation a troiscaractéristiques : la première est l’in-clusion. Pour la première fois dans l’histoire del’humanité, et dans l’histoire des rela-tions internationales, l’internationalinclut tout le monde, formellement demanière égale. Autrefois le systèmeinternational se limitait à un continentou à un morceau de continent. Les rela-tions internationales au XIXe siècle, rele-vaient d’un grand morceau de l’Europe,mais uniquement de l’Europe. Dansl’entre-deux-guerres encore, les États-Unis n’étaient pas totalement entrésdans le système international et bienentendu les pays d’Afrique et d’Asieétaient sous le joug colonial, donc horsdu système international. Avec la décolonisation, la mondialisa-tion a pu se construire à l’échelle dumonde tout entier. Il reste très peu depays colonisés. Bien sûr quelquesdrames subsistent, comme laPalestine... mais les Nations unies vien-nent d’inclure tous les peuples, se pré-sentant avec leur drapeau, leur armée,leurs diplomates , leur État. Ce n’est pasrien, car encore une fois ce n’étaitjamais arrivé dans l’histoire. C’est lapremière fois que nous devons compteravec tout le monde. Ce qui implique déjà une conséquenceénorme. À savoir que si notre monde esttotalement inclusif, les contrastes

MONDIALISATION : REVISITER LA PUISSANCERencontre avec Bertrand Badie, Professeur des universités à l’Institutd’études politiques de Paris, enseignant-chercheur au Centred’études de recherches internationales ( CERI )

Comment changer dans la mondialisation

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JANVIER 2011 - LA REVUE DU PROJET

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Premiè re convention nationale le 19 fé vrier 2011

dire autant que l’attaque du WorldTrade Center. C’est dire que l’humanitéest plus menacée par la faim que parune hypothétique bombe atomique ira-nienne ou nord-coréenne. Et pourtant,ce dont on parle médiatiquement c’estplus de ces questions que de l’hommeou de la femme qui souffre et meurt defaim. Il faut s’attendre et, cela très vite, àce que l’homme ou la femme qui meurtde famine cesse de mourir en silence etse révolte violemment.De même, il faut penser que le palu-disme, par exemple, tue 1 à 2 millionsde personnes par an, que la dysenterieinfantile tue plus de 2 millions d’enfantspar an. On ne sait pas regarder dans labonne direction quand il s’agit de direce qui menace l’homme et la femmedans le monde. Les princes et les diplo-mates ne savent décidément pas biengérer notre nouvelle modernité.

La troisième caractéristique, c’est lacommunication. Tout le monde peutcommuniquer avec tout le monde sansmédiation temporelle ou politique.Faible est la capacité des Princes decontrôler des échanges si nombreux etsi denses. Cela veut dire que la distanceet la territorialité ont perdu de leur per-tinence politique. De même, la frontièrea perdu de son efficacité. Du coup,chaque individu devient un acteurinternational potentiel. C’est cela aussila mondialisation. Chaque individu aune part d’autonomie et d’informationqui lui permet d’agir directement sur lascène internationale, qui n’est pluslivrée seulement aux États, aux soldatset aux diplomates. Le prince ne peutplus se cacher derrière le paravent de sasouveraineté.

l Est il possible de produire de la régulationsociale au delà de la souveraineté desÉtats ?BERTRAND BADIE : Les puissants sontaujourd’hui sous la surveillance d’uneopinion publique internationale. Undrame qui se passe, une violence, unepression quelque part dans le monde etc’est l’opinion internationale qui en esttémoin ; on ne peut pas dire que l’on nesait pas.

La puissance s’en trouve prise de vertigeet elle peut être frappée d’inefficacité.C’est vrai notamment de la puissancemilitaire. Comme nous sommes main-tenant dans un monde où les relationsintersociales sont plus importantes queles relations interétatiques, la capacité

des armées à pouvoir construire unordre ou un pouvoir capable de conte-nir une violence ou une mobilisations’en trouve considérablement affaiblie.Il est évident que face aux enjeux de lamondialisation, la puissance perd de sacapacité.

Le grand drame, c’est que l’on n’a pas suvoir les nouvelles formes d’une conflic-tualité qui ne se limite plus au choc desÉtats, mais qui dérive de sociétésmalades de sous intégration sociale,malades de marginalisation, maladesde sous-développement, de sociétés quide plus en plus se crispent vis-à-vis del’ordre international ou de leur propreEtat dictatorial. Les chars, les bombesface à ces mobilisations ne peuvent pasgrand chose.

Du coup, c’est toute la puissance qui estrevisitée : Depuis 1945, plus petit quesoi peut mettre en échec une trèsgrande armée. Nous autres françaisnous en avons fait l’expérience avec nosguerres de décolonisation. Les États-Unis en ont fait les frais au Vietnam.Une guerre est quelque chose qui ne segagne plus et ne se perd plusaujourd’hui, ce qui prouve un décalageénorme entre l’instrument militaire etles nouvelles données sociales.

Mais il y a plus profond : si véritable-ment la mondialisation vaut interdé-pendance, elle donne une prime fan-tastique au faible sur le fort. Le pluspuissant devient l’otage du plus faible.Parce que c’est du faible que vient la pré-carité, l’incertitude ; du coup cette fai-blesse peut se transformer en nuisance.

L’instabilité crée des contraintes pour lepuissant. L’Europe aujourd’hui estl’otage des plus faibles. La paix dépenddes pays les moins intégrés dans lamondialisation. Finalement, les Étatsles plus pauvres jouent le rôle de laclasse ouvrière au XIXe siècle, lorsque lapaix sociale ne s’est faite que par unimmense effort d’intégration.La mondialisation sera réussie, si nousparvenons à créer, produire une inté-gration sociale internationale, capablede prendre en charge la sécurité sani-taire et environnementale.

l Pour vous, les identités sont de moins enmoins universelles et de plus en plus cultu-relles ; pouvez vous expliciter cette notion ?BERTRAND BADIE : L’identité a toujours étéle thermomètre de l’histoire. C’est le

grand symptôme des lignes de faille denotre vie internationale. L’identité, c’estla manière dont je me définis d’abordpar rapport à l’autre, la façon dont jeconstruis l’altérité. Quand on était dansla bipolarité, tout ou presque renvoyaità l’opposition est-ouest, entre le socia-lisme et le capitalisme. Ces identifiantsidéologiques étaient de très grandsmarqueurs d’identité. Nous sommesconfrontés aujourd’hui à un monde quiest clivé en fonction de son degré d’in-tégration. L’identité devient alors undouble marqueur, un marqueur d’ex-clusion ou un marqueur de craintedevant l’autre qui risque de remettre encause notre domination ou notre modede hiérarchisation. Du côté des faibles,l’identité est un instrument de résis-tance au dominant qui donne lieu àdes crispations très violentes et trèsinjustes aussi parfois. L’islamisme, parexemple devient une banderole contrela domination. Parmi les dominés, ilexiste des micro-identités qui, en situa-tion de crise, peuvent être sublimées etgénérer des violences, comme auRwanda, en 1994, lorsqu’il faisait face àun grave défaut de gouvernance. Si l’onse situe en occident, notamment enFrance, cette flambée identitaire estdevenue hélas familière, avec l’épisodede cet été, où les inquiétudes face à lamondialisation, les peurs face à l’autrepeuvent déboucher sur une réaffirma-tion caricaturale de l’identité nationale,avec un instinct de supériorité exacerbéqui peut mener au racisme.

La tendance aujourd’hui est de recons-truire l’altérité de façon souvent infa-mante, dans une banalisation de l’infé-riorité. Le rapport Nord-Sud se crée surun racisme ordinaire, l’homme occi-dental étant placé au dessus des autres.Les autres vont réagir de manière aussiinjuste et surtout de manière violente, àcette supériorité assumée. Les mêmesexcès de part et d’autre, se renforcentmutuellement

l Mais alors, comment construire un mondede la différence, du respect et de la coexis-tence, sans inventer de nouveaux espacesinstitutionnels à l’échelle planétaire ?BERTRAND BADIE : Il faut repenser le poli-tique : celui-ci est aujourd’hui, avec lacrise, activement recherché, sans qu’onsache où le trouver sous la forme qui soitla plus efficace. On sait que le marché nepeut pas s’autoréguler. La main invisiblene remet pas les choses en ordre. Tout lemonde, à droite ou à gauche, a compris > SUITE

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LA REVUE DU PROJET - JANVIER 2011

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LE DOSSIERqu’il fallait un retour du politique.Seulement, on ne sait plus où est le bonpolitique, efficient et légitime.Le recours à l’Etat est certes souhaita-ble, mais l’Etat ne peut plus faire seul cequ’autrefois il pouvait faire de manièresouveraine. On a pensé aux grandsensembles régionaux, ils n’ont pasrépondu à l’appel et on assiste même àune crise des institutions régionales. On a essayé ensuite la diplomatie declub, comme le G8 et le G20, mais cetinstrument s’est révélé inadéquat et

inefficace. Une oligarchie qui dominepar l’exclusion des autres attise inévita-blement le ressentiment, et crée denouveaux désordres. Personnellement, j’ai une foi très forteen l’unité de la sphère internationale.Mais là aussi on est bloqué. Les Nationsunies sont en hibernation. Elles ne peu-vent pas fonctionner en l’état.L’adhésion à la puissance a gagné sur lalogique du droit. Des éclairs innovantsexistaient dans la politique d’Obama,mais ses limites ont été vite atteintes.

Un ultime recours, l’opinion mondiale.Et là quand même c’est le vrai messaged’espoir, alors qu’elle accède désormaisplus facilement à l’information.Il s’agit donc de faire comprendre auxdirigeants, que la raison n’est pas dansla charité mais bien dans une utilitébien comprise. Une assurance sur lasurvie du monde qui commande unevraie redistribution. Sans celle-ci, on vavers de nouvelles tensions. Là encore,l’intérêt de chacun réside dans l’intérêtde tous. n

voire non existantes, est la forme brutalede cette mise en concurrence. Le patro-nat, tout comme les libéraux, en profi-tent aussi pour faire du chantage etimposer aux travailleurs des conditionssociales et salariales moins favorables.Cette mondialisation ouvre néan-moins de nouvelles possibilités de ras-semblement et de luttes. En particu-lier, les nouvelles technologies de com-munication facilitent la connaissancedes problèmes et des difficultés, demême que la réflexion et les actionscommunes à une échelle sans précé-dent à travers le monde.

UNE COMPLICITÉ COUPABLEOn entend souvent les dirigeants d’en-treprises justifier tel ou tel licenciementou délocalisation au nom de la mondia-lisation : ils auraient aimé préserver lessites voire augmenter emploi et salaires,mais hélas la mondialisation serait làpour les rappeler à l’ordre. Il en est demême en ce qui concerne les responsa-bles politiques. Avec la crise grecque,puis irlandaise, ils découvrent un autreprétexte : le FMI, la Commission deBruxelles. Certains responsables poli-tiques, à l’instar de ceux de la France,prétendent même prendre les devants

PAR NASSER MANSOURI-GUILANI*

UN CAPITAL FINANCIER SURACCUMULÉAVEC UNE FORTE EXIGENCE DE RENTABILITÉLa mondialisation correspond à unenouvelle phase du développement ducapitalisme caractérisée notamment parune suraccumulation du capital finan-cier dans un contexte de profondesmutations technologiques – la révolu-tion informationnelle – et de généralisa-tion des politiques de déréglementationet de libéralisation. Cette suraccumulation du capital finan-cier avec une forte exigence de rentabi-lité s’impose à tous les agents écono-miques où qu’ils soient et quelle que soitleur importance. Elle amplifie les inégali-tés non seulement entre les pays voireentre les régions mais également à l’inté-rieur de chaque région, de chaque pays.Nouvelles technologies et politiqueslibérales aidant, le capital dispose àprésent d’une capacité sans précédentde mise en concurrence, à l’échellemondiale, des travailleurs et des sys-tèmes socio-productifs. L’abandon despans entiers de l’activité dans les paysdits développés et leur délocalisationvers les régions où les normes sociales etenvironnementales sont plus laxistes,

en annonçant des programmes d’austé-rité avant que le FMI ne frappe à leurporte !Ces manipulations, ces pseudo-argu-ments visent à camoufler les facteursprincipaux qui configurent la mon-dialisation en cours. Celle-ci résultedes stratégies de ses principaux vec-teurs : les entreprises et notammentles firmes multinationales dans l’in-dustrie, dans les services, dans lafinance ; les États qui mettent enplace des politiques favorables à cesfirmes et plus généralement au capi-tal ; les institutions multilatérales–tout au moins les trois principalesd’entre elles à savoir le Fonds moné-taire internationale (FMI), la Banquemondiale et l’Organisation mondialedu commerce (OMC) –, qui émanentdes États et qui les obligent à mettreen œuvre des politiques antisocialesd’inspiration libérale. Si les travailleurs, en l’occurrence lestravailleurs français, sont mis enconcurrence avec ceux des autres pays,c’est à cause des pratiques des firmesmultinationales, des grands groupes etleurs sous-traitants qui sont obligés deles suivre. Si les capitaux financiers ont la possibi-lité de circuler librement, et de ce faitd’imposer leur volonté et leurs exi-gences partout dans le monde, c’estparce qu’ils profitent des politiques delibéralisation décidées et appliquéespar les États. Enfin, si les institutions multilatéralessont en mesure de dicter aux États despolitiques injustes et antisociales, c’estbien parce qu’elles ont l’aval de cesmêmes États.Tenir compte de l’imbrication desactions de ces trois principaux vec-teurs de la mondialisation en coursest indispensable pour créer desconditions de son changement.

CHANGER DANS LA MONDIALISATION OU CHANGER LA MONDIALISATION ?La question n’est pas anodine. La façon de la poser conditionne déjàla démarche à initier. Au-delà du discours idéologico-politique d’ins-piration libérale, le concept de « mondialisation » renvoie à unensemble de réalités dont la prise en compte est indispensable pourtrouver des solutions dans l’intérêt des peuples. La crise en cours,avec ses conséquences graves pour les travailleurs porte aussi descoups importants à l’idéologie libérale. Cela ouvre de nouvelles pos-sibilités pour changer cette mondialisation.

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Comment changer dans la mondialisation ?

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JANVIER 2011 - LA REVUE DU PROJET

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L’IMPÉRATIF DE SOLIDARITÉLa crise financière et économique quisévit dans le monde depuis 2008 et sesconséquences sociales graves mettenten évidence, pour ceux qui en doutaientencore, que la mondialisation va de pairavec la globalisation d’un certain nom-bre de problèmes.L’économie politique de la mondialisa-tion fait référence à ces problèmes àtravers la notion de « biens communsmondiaux » dont le nombre s’élargit :la lutte contre la pauvreté et les inéga-lités, l’accès à l’énergie et à l’eau pota-ble, aux soins de santé, à l’éducation, leréchauffement climatique, la pollu-tion de l’air et de façon plus généraleles problèmes écologiques… Les effets dévastateurs de l’hégémoniedu dollar, de même que la « gestion » dela crise financière, économique etsociale en cours ont mis aussi enlumière les faits que dans une écono-mie globalisée la monnaie et la « gou-vernance mondiale » font égalementpartie intégrante des biens communsmondiaux.Enfin, la montée de la xénophobie etdes tendances nationalistes liées à cettecrise confirme que la paix et le désar-mement constituent, plus que jamais,des biens communs mondiaux. Cette crise montre que même si les pro-blèmes peuvent paraître de différentsordres, les causes sont les mêmes.En France, par exemple, 300 000 emploisont été supprimés en 2009, et le chô-mage, la précarité et la pauvreté se sontdéveloppés. Dans la même année,100 millions de personnes de plus, soitl’équivalent d’une fois et demie de lapopulation de la France, se sont trou-vées en situation de faim.Ce serait une grave erreur de tenter demettre en opposition ces données, derelativiser les souffrances des uns, enl’occurrence ici celles des Français quiont perdu leur emploi et qui se trouventen situation de pauvreté, sous prétexteque les problèmes sont graves ailleurs.Ou, pis encore, de prétendre qu’il vau-drait mieux d’abord « balayer devant nosportes », de s’occuper des problèmes desFrançais. De telles idées, nourries parl’extrême droite, ne feraient qu’aggraverla situation.L’enjeu consiste précisément à trouver,simultanément au travers d’un processusconstructif, des solutions au problème duchômage et de la pauvreté en France, etde réduire les souffrances des milliardsd’individus sur cette terre qui n’ont passuffisamment de moyens pour vivre

décemment et faire entendre leur voix.De nouvelles solidarités sont impéra-tives pour construire une alternative àla mondialisation en cours.

LA COMMUNAUTÉ D’INTÉRÊTS DES TRAVAILLEURS ET NOUVELLES POSSIBILITÉS DE LUTTESAussi paradoxale que cela puisse appa-raître, la mondialisation ne met pas fin àla solidarité des travailleurs. Au contraire,elle étend le champ de cette solidarité.Dans un monde globalisé, la solidaritén’est pas uniquement une question demœurs, de l’ordre affectif et politique. Lasolidarité des travailleurs se confirmedésormais au travers des processus deproduction. Cette nouvelle solidaritéporte la lutte des classes aussi à l’échellemondiale. La compréhension de cette réalité et satraduction dans les luttes demeurent unenjeu majeur pour les travailleurs. Comment expliquer, par exemple, auxsalariés français qui voient leur entre-prise fermée et délocalisée vers tel ou telpays, que ce ne sont pas les travailleursde ce pays qui volent leur emploi, maisbien le capital qui délocalise pour surex-ploiter les travailleurs de ce pays etaccroître sa rentabilité ? Plus difficile encore, comment bâtir desstratégies de lutte à partir de cette com-munauté d’intérêts des travailleurs ?La crise en cours offre de nouvelles pos-sibilités de rassemblement et de luttes.Elle confirme l’échec des thèses libéralespromettant la prospérité en échange dela promotion des intérêts du capital ;thèses que résume bien le fameux« théorème de Schmidt » : les profitsd’aujourd’hui font les investissementsde demain et les emplois du lendemain.Cette crise résulte de la contradictionfondamentale du système capitaliste :pour maximiser sa rentabilité, le capi-tal dévalorise le travail. Le contexte demondialisation facilite cette dévalorisa-tion qui prend plusieurs formes : faibleévolution des salaires eu égard à l’évolu-tion de la productivité apparente du tra-vail, accroissement des cadences, déve-loppement de la précarité, etc. L’arméede réserve voit ses rangs élargir aux nou-velles catégories de travailleurs sous-employés et précaires.La dévalorisation du travail conduit àune baisse de sa part dans les richessesqu’il produit, au bénéfice du capital. Lephénomène est global. L’insuffisancedes débouchés –du fait de la pressionpermanente sur le travail et l’insuffi-sance de la demande émanant des sala-

riés– qui s’observait jadis dans un cadreplutôt national, se profile désormaisdans un champ plus vaste, régional voiremondial. La rentabilité du capitaldevient dès lors problématique dans laseule sphère productive. D’où la fuite enavant dans la financiarisation. La financiarisation n’est pas une sim-ple dérive du système. Elle résulte descontradictions internes du système etles amplifie. Elle augmente l’exigencede rentabilité du capital avec ses effetsdévastateurs sur la vie des travailleurspartout dans le monde.

CRISE DES SOLUTIONS CAPITALISTESL’endettement privé est appelé à pallierl’insuffisance de la demande salariale.La solution a provisoirement fonctionnéaux États-Unis, grâce particulièrementau « privilège exorbitant » du dollar, lacapacité de l’Etat américain à battre dela monnaie mondiale permettant auxÉtats-Unis d’Amérique de financer leursimportations, d’où la hausse parallèledu déficit du budget de l’Etat et celui ducommerce extérieur de ce pays. Le recours à l’endettement comme lasolution à l’insuffisance de la demandesalariale est par nature explosif, àcause de l’insuffisance des réponsesaux besoins sociaux, le soutien de lademande par l’endettement conduit àune hausse des prix des actifs, immo-biliers et mobiliers. La nature explosivede cette solution réside dans le fait qu’ilva bien falloir purger les dettes. Il suffiraitque les endettés se trouvent en situationd’insolvabilité ou que les créancierspotentiels, les détenteurs de capitauxfinanciers et, dans le cadre des relationséconomiques internationales, les paysexcédentaires refusent de financer lesdébiteurs pour que le système soitébranlé. C’est précisément ce qui s’estproduit en 2008, avec la fameuse crisedes subprimes. Les États, les Banques centrales, leFMI, la Commission de Bruxelles quirésistent à fournir des fonds lorsqu’ils’agit de répondre aux besoins des peu-ples, sont massivement intervenuspour sauver les marchés et les capitauxfinanciers. Ces interventions ont pro-voqué de nouvelles occasions pour lesspéculateurs. Avec l’effondrement desprix dans l’immobilier et sur le marchédes actions, la spéculation s’est repor-tée sur le pétrole et les matières pre-mières. D’où la forte hausse des prix.Les travailleurs et les populations despays exportateurs de pétrole et desmatières premières n’ont pas profité de > SUITE

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LE DOSSIERcette hausse spéculative des prix. Aucontraire, ils ont vu leur pouvoir d’achatobéré à cause de l’augmentation desprix des matières de première nécessité.Un problème similaire se produit dansles pays consommateurs.À présent, pour rassurer les spécula-teurs, le FMI tout comme la Com -mission de Bruxelles et les États, surtoutdans l’espace européen, mettent enplace des programmes d’austérité aumépris de la volonté des peuples.On le voit bien, la dévalorisation du tra-vail, la suraccumulation du capitalfinancier, les politiques qui favorisentla spéculation financière sont desfléaux dont souffrent l’ensemble destravailleurs et des peuples.

DÉMOCRATIE, LE FACTEUR CLÉ DU CHANGEMENTL’humiliation infligée récemment auxpeuples grec et irlandais n’est pas autrechose que ce que les peuples africains,asiatiques et d’Amérique latine ont subitout au long des trois dernières décen-

nies, de même que la plupart des peu-ples de l’Europe de l’Est depuis l’effon-drement des systèmes soviétiques.L’avenir de l’Humanité ne peut pas sefonder sur l’humiliation des peuples.Changer la mondialisation impliqueavant tout de rompre avec ces poli-tiques qui méprisent les peuples, quidévalorisent le travail pour le plaisirdes détenteurs de capitaux. Le choix des priorités des biens communset leur mode de financement ne peuventêtre délégués aux seuls États. Cela devraitêtre l’affaire de tous les citoyens dumonde. La démocratie devient dès lors lefacteur clé du changement.Démocratie au sein des entreprises. Lestravailleurs doivent pouvoir gagner ledroit d’intervention sur les choix straté-giques des entreprises. Il s’agit des choixd’implantation, d’investissement, deformation, de rémunération des travail-leurs et des dirigeants… De ce point devue, gagner des droits dans l’espace desfirmes multinationales devient un enjeuextrêmement important.

Démocratie dans le cadre des ÉtatsNations également. Le fort mouvementpopulaire contre la réforme des retraitesen France, tout comme la multiplicationdes protestations contre les pro-grammes d’austérité dans l’espace euro-péen, mettent en exergue les limites dela démocratie délégataire et l’écart gran-dissant avec la volonté populaire.Démocratie au sein des institutionsmultilatérales enfin. Au-delà de la légi-time revendication de l’égalité des droitsde vote, les politiques de ces institutionsdoivent être orientées vers la satisfactiondes besoins des sociaux en tenantcompte des réalités et de la volonté despeuples. En s’inspirant de l’Organisationinternationale du travail (OIT), unesolution possible consiste à organiserune gestion quadripartite de ces institu-tions composée des représentants desÉtats, des salariés, du patronat et desautres composantes la Société civile. n

*Nasser Mansouri-Guilani est économiste,syndicaliste, membre de la CGT.

pression des femmes est peut être l’ancê-tre de la mondialisation : cette transver-salité de domination est la plus com-mune, la plus universelle dans l histoirede l’humanité.

LA MONDIALISATION ET SES CONSÉ-QUENCES SUR LA VIE DES FEMMESCette mondialisation reste caractériséepar la mise en concurrence de toutes ettous les salarié(e)s et on a vite fait d’enteren guerre contre les salariés chinois ouindiens accusés de prendre le travail desoccidentaux, tout comme on le fait pourles femmes accusées de prendre le travaildes hommes. La mondialisation contribuerait plutôt àaggraver la surexploitation des femmes.Dans le monde, la pauvreté a aujourd’huile visage d’une femme puisque 80% despauvres sont des femmes.Au Nord les femmes forment la majoritédes travailleurs pauvres avec l’extensiondu travail à temps partiel, et malgré ladifficulté d’obtenir des chiffres sexués,on le sait les femmes forment à tous âges

et à tous les niveaux de qualification l’es-sentiel des chômeurs. Tous les services publics comme l’accès àl’eau, l’électricité, les transports en com-mun sont violemment attaqués ; les sys-tèmes de santé sont démantelés et cettesituation fait que les femmes subissent deplein fouet ces régressions car cela se tra-duit par une augmentation de leurcharge de travail gratuit, d’autant plusque les crèches sont diminuées, voiresupprimées comme dans les pays del’Est, les écoles de plus en plus privatiséeset nous ne sommes pas du tout à l’ abri enFrance de voir supprimer les écolesmaternelles au profit de jardins d’enfants.Dans les pays pauvres, les femmes sontvite écartées de la scolarisation quand lesécoles deviennent payantes ; ce sontencore elles qui sont privées de soins etde vaccination quand la médecinedevient payante.Les paysannes ne sont pas mieux lotiescar avec l’augmentation des culturesintensives elles sont de plus en plusrepoussées vers des terres moins fertiles,entraînant ainsi des menaces sérieusespour leur sécurité alimentaire et celle desenfants.

LES VIOLENCES CONTRE LES FEMMESL’aggravation brutale des conditions devie, combinée avec des rapports sociauxtrès patriarcaux, a pour effet d’augmen-

PAR MIMOUNA HADJAM*

L’OPPRESSION DES FEMMES, ANCÊTRE DE LA MONDIALISATIONParler de l’oppression des femmes dansla mondialisation est difficile dans lamesure où cette oppression est l’une desdominations les plus anciennes et certai-nement bien antérieure non seulement àla mondialisation, comme étape ducapitalisme, mais à la division de lasociété en classes et donc au capitalisme.Bien sûr cette oppression s’est parfaite-ment articulée avec le capitalisme qui encréant la séparation entre producteurs etmoyens de production a inventé le tra-vail domestique, en l’assignant presqueexclusivement aux femmes.Cette difficulté d’analyse est liée au faitque la domination des femmes est trans-versale à toutes les formes de domina-tion dans toutes les sociétés humaines ;L’exploitation économique a une dimen-sion féminine et ne peut être réduite àune surexploitation des femmes.Mais on peut avancer l’idée que l’op-

MONDIALISONS LES LUTTES FÉMINISTESL’oppression des femmes est peut être l’ancêtre de la mondialisa-tion : cette transversalité de domination est la plus commune, la plusuniverselle dans l’histoire de l’humanité. Elle se perpétue aujourd’huimais la généralisation du travail féminin ouvre un espace aux luttes.

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Comment changer dans la mondialisation ?

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ter la violence dont les femmes sont lespremières victimes.Au moins une femme sur trois, c’est-à-dire près d’un milliard de femmes ontété battues, contraintes à des rapportssexuels ou victimes de violence sousune forme ou sous une autre au coursde leur vie. Jusqu’à 70 % des femmes victimes demeurtre ont été tuées par leur partenairehomme. En Zambie, cinq femmes par semainesont tuées par un partenaire homme ouun membre de leur famille ; En Égypte,35 % des femmes auraient déclaré avoirété battues par leur mari au cours deleurs années de mariage. Aux États-Unis,une femme est battue par son mari oupartenaire toutes les quinze secondes.Au Bangladesh, 50 % de tous les meur-tres commis sont ceux de femmes assas-sinées par leur partenaire. Au Pakistan,42 % des femmes acceptent la violencecomme un fait de leur destin ; 33 % sesentent impuissantes à réagir ; 19 % ontprotesté et 4 % ont réagi en menant desactions. En Fédération de Russie,36 000 femmes sont battues quotidien-nement par leur mari ou partenaire,selon des organisations russes non gou-vernementales. En Espagne, une femmea été tuée tous les cinq jours par son par-tenaire homme en 2000. Environ deuxfemmes par semaine ont été tuées parleur partenaire au Royaume-Uni. EnFrance, une femme meurt tous les deuxjours et demi sous les coups de son com-

pagnon. En Iran, 45 femmes de moins devingt ans ont été tuées dans ce qu’onqualifie de « crimes d’honneur ». En Inde,on estime à près de 15 000 chaque annéele nombre d’assassinats (par le feu) liés àla dot. Dans la plupart des cas, il s’agit defeux de cuisine qui semblent être desrèglements de compte entre les familles.Le viol est la forme la plus violente de vio-lence sexuelle. Le viol est également asso-cié aux grossesses non désirées et auxmaladies sexuellement transmissibles,notamment le HIV/SIDA. Une femme surcinq sera victime de viol ou de tentativede viol au cours de sa vie. En Afrique duSud, 147 femmes sont violées chaquejour. Aux États-Unis, une femme est vio-lée toutes les 90 secondes. En France,25 000 femmes sont violées chaqueannée. La violence contre les femmesatteint des proportions épidémiques lorsdes conflits. Les viols en masse sont fré-quemment utilisés de façon systéma-tique, comme arme de guerre. Le summum de cette violence est atteintdans l’une des tortures les plus violentessubie par les femmes et les fillettes. Ainsien est-t-il de la torture qu’ont vécue plusde 135 millions de petites filles et defemmes lors de leur excision ; alors quedeux autres millions risquent chaqueannée de subir le même sort.Face à ce niveau de banalisation de laviolence contre les femmes les États nese montrent pas du tout à la hauteur etcette situation révèle les potentialités deluttes des femmes.

Dans les pays pauvres ou émergents lerecrutement de la main-d’œuvre fémi-nine conduit à des bouleversementsdans les rapports sociaux et ébranle lestraditions patriarcales : mixité degenre, brassage social, liberté plusgrande de circulation permettent auxfemmes, surtout aux jeunes filles deretarder le mariage forcé et à ne plusconsidérer le mariage comme seul sta-tut social. Cela les oblige à commencer às’organiser pour faire reconnaître leursdroits de femmes travailleuses.Et pour nous qui vivons dans des payssoi-disant riches et qui avons déjà connucette généralisation du salariat féminin,c’est un encouragement à développernos luttes car beaucoup d’entre nouspensions que tout était acquis.Face à la mondialisation capitaliste, laseule issue est d’imposer la mondialisa-tion des luttes.Le féminisme, parce qu’il s’attaque àl’une des plus anciennes dominations àsavoir le sexisme et parce qu’il porte salutte dans tous les espaces, y comprisl’espace privé apparaît aujourd’huicomme le courant le plus radical de cemouvement social internationaliste. n

*Mimouna Hadjam est militante associativeet Présidente de l’association Africa à LaCourneuve.

SOURCES : Rapport OMS 2002, RapportUnicef 2003, Étude de l’ONU 2010 « The atlasof women » Joni Seager

UNIR AUTOUR DE PROJETS TRANSFORMATEURSLa réorientation de l’Union européenne représente, potentiellement, un levier majeur sinon décisif pourimpulser des changements dans la mondialisation : telle est la conviction que cette contribution vise àétayer. Cette affirmation ne vise pas - comme on va le voir - à gommer l’importance d’initiatives politiquesnationales, surtout lorsqu’elles émanent d’un pays comme la France. Elle ne découle pas davantage d’unquelconque eurocentrisme, qui serait d’autant plus dérisoire que l’époque présente est marquée par undéclin relatif de l’Union européenne, et même de l’Europe en général, dans la mondialisation.

cavalier seul dans la jungle de la mondiali-sation, si impitoyable vis à vis des faibles. Ilfaut tout faire pour les unir autour de pro-jets transformateurs dans lesquels ils puis-sent se reconnaître. Avec comme doubleaxe identifiant, la construction communed’un modèle social avancé et - indissocia-blement - un usage du poids et de l’auto-rité potentiels de cette union pour contri-buer, avec le plus d’alliés possibles de par lemonde, à faire émerger d’autres règlesdans les relations internationales.

TROIS EXEMPLESRéduire substantiellement la dépen-dance de l’Union européenne aux mar-chés financiers pour assurer le dévelop-pement de ses pays membres est une exi-gence absolue pour rendre envisageablede renouer avec le progrès social au seinde l’Union. Cela passe par une réorien-tation profonde des missions et dufonctionnement de la Banque centraleeuropéenne. Elle a, en effet, le pouvoir(illimité) de créer de la monnaie et

PAR FRANCIS WURTZ*

L’importance d’engager maintenantce combat - car c’en est un ! - tient,précisément, à la profondeur de la

crise de légitimité que doit affronteraujourd’hui le modèle libéral régressif,autoritaire et à courte vue, défendu par uneclasse dirigeante de plus en plus contestée.La perspective pour les peuples européensen butte à cette politique qu’ils rejettentavec raison ne peut être de faire, chacun,

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Comment changer dans la mondialisation ?

peut donc, par ce biais, contribuer aufinancement - à des conditions trèsfavo rables - des investissements publicscréateurs d’emplois, développant laformation, la recherche, les servicespublics, les infrastructures utiles, lesréalisations dans le domaine de l’envi-ronnement, etc... Utopie que tout cela ?Non dès lors que les Européens viventl’expérience de l’impasse dramatique dusystème actuel et constatent que le débatsur des financements "innovants" s’ou-vre : taxation des mouvements de capi-taux, "eurobonds", achat d’obligationsd’Etat par la BCE... en violation des trai-tés. C’est donc le moment d’aiguiser ledébat lancé, en liaison avec les luttesremettant en cause les politiquesactuelles. C’est le sens, de la propositionde créer un "Fonds européen de dévelop-pement social" pour lequel la Parti de laGauche européenne, sur proposition duPCF, a décidé de mener campagne. Leprolongement naturel d’une telle avan-cée serait d’agir en faveur d’une monnaiecommune mondiale - contre la domina-tion du dollar - pour financer le dévelop-pement social et écologique à l’échelle dela planète. Et là aussi, le débat public est

déjà amorcé, notamment de la part despays émergents.Autre exemple de réorientation politiqueeuropéenne qui contribuerait à "chan-ger dans la mondialisation" : la promo-tion de normes sociales, environne-mentales, démocratiques de plus enplus exigeantes dans les échangesimpliquant l’Union européenne.Rappelons ce que représente la produc-tion des richesses de l’UE : 25 % de plusque les États-Unis, quatre fois plus que laChine ; c’est donc un marché qui comptedans les rapports de force des grandsgroupes capitalistes. Ils ne peuvent fairefi des exigences d’un tel "partenaire". Ilfaudrait leur imposer une sorte de "visad’entrée sur le marché européen". Làaussi, des précédents partiels existent,comme le programme REACH, obligeantles industriels à utiliser de moins enmoins de produits chimiques dange-reux. Par ailleurs, on sait qu’au-jourd’hui, la Commission européenneimpose des amendes de 600 millionsd’euros à des grands groupes pour non-respect des règles de concurrence.Pourquoi le même type de contraintene pourrait-il s’appliquer pour non-res-

pect de règles sociales, environnemen-tales ou démocratiques à définir ?

Troisième exemple : la politique exté-rieure. L’UE entretient des relations sui-vies avec toutes les régions du Monde.Mais leur contenu se résume, pour l’es-sentiel, à deux mots : libre-échange.Nombre de voix s’élèvent en faveur d’uninvestissement politique européen surles grands enjeux de notre époque. Voilàmême que 26 anciens responsableseuropéens viennent de relayer cetteattente en s’adressant solennellementaux actuels dirigeants de l’UE pour leurdemander de fixer un ultimatum à Israëlpour l’arrêt de la colonisation ! C’est direque les conditions murissent pour uneaction d’envergure en vue d’uneréorientation européenne porteuse dechangements dans la mondialisation.Et la France dans tout cela ? Y-a-t-il plusbeau défi que d’imaginer un gouverne-ment de gauche, porté par un puissantmouvement citoyen, et prenant l’initia-tive d’une telle innovation politique ? n

*Francis Wurtz est membre du conseil natio-nal du PCF.

L’AMBITION DONT LA FRANCE A BESOINNous vivons un changement d’époque dans une mutation de civilisa-tion productrice de lourdes incertitudes. Le capitalisme n’a pas d’op-tion alternative ou de régulation qui puisse le sortir durablement decette crise structurelle. Mais sans issue politique cette crise peutdurer et provoquer de lourds dégâts et de dures régressions. Cettesituation donne une responsabilité décisive à la gauche, aux commu-nistes, aux altermondialistes, à toutes les forces qui veulent degrandes transformations et qui cherchent dans ce contexte le renou-veau d’un indispensable internationalisme.

de développement capitaliste accumuleainsi les contradictions, les résistancesmais aussi les risques de régression.

Il faut réhabiliter la notion de progrès,idéologiquement mise en cause danscette crise systémique du capitalismequi est aussi une crise des valeurs. Nousavons besoin d’une approche positivede l’avenir. Pour des relations interna-tionales fondées sur la coopération, lasolidarité et le respect des droits despeuples et de l’ensemble des droitshumains. Pour une vision universaliste

PAR JACQUES FATH*

Partout, à des degrés divers, montentdes aspirations à la démocratie, àl’exigence de souveraineté, de parti-

cipation aux décisions. Le besoind’éthique et de justice en politique s’af-firme. Des résistances sociales et desluttes se développent en Europe notam-ment, jusque dans les pays émergents,témoignant d’une difficulté grandissanteà légitimer un libéralisme inégalitaire etdestructeur des droits sociaux. Leschoses bougent en profondeur. Le mode

et humaniste fondée sur l’égalité, surl’exigence d’universel, le refus total desdiscriminations, le rejet de la penséecoloniale et néo-impériale. Pour unenouvelle ère qui pourrait être (commedit Edgar Morin) celle de l’humanité.

Commençons par redéfinir le rôle de laFrance dans le monde. Trois orienta-tions dominent aujourd’hui : un atlan-tisme volontariste, un néo-colonialismefrançais adapté aux réalités actuelles ducontinent africain, une insertion dans lamondialisation capitaliste et une contri - bution active aux développements nou-veaux de celle-ci, par exemple au seindu G20.

LA FRANCE A BESOIN D’UNE AUTRE AMBITION POUR ELLE-MÊME,POUR L’EUROPE ET POUR LE MONDE. Elle doit regagner des leviers de souve-raineté et des capacités d’action en fai-sant des choix qui la libèrent descontraintes stratégiques de l’OTAN et dela hiérarchie des puissances domi-nantes, qui lui permettent d’exercer desresponsabilités internationales plusfortes et plus larges. La France n’estjamais aussi forte et influente quelorsqu’ elle est indépendante et qu’elle

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sait rassembler des alliés et des parte-naires sur la base de convergences d’in-térêts et de valeurs universelles. Sescapacités ne sont pas seulement larésultante combinée de ses potentialitéset de ses affaiblissements. Elles sontavant tout fonction de la nature de sespropres choix.

1. Elle doit s’engager en faveur d’undésarmement multilatéral etcontrôlé pour tous les types d’armes.Agir pour un monde plus sûr et pluspacifique par des actions simultanéeset convergentes en faveur du désarme-ment nucléaire et du règlement desconflits au Moyen-Orient - en particu-lier de la question de la Palestine - carce sont des questions liées. La Francedoit contribuer activement à unePolitique européenne de sécuritécommune complémentaire des poli-tiques nationales, à la constructiond’un nouveau système de sécurité en

Europe et dans le monde, à la dissolu-tion de l’OTAN.

2. Elle doit contribuer à un nouveaumode de développement en Europe etdans le monde afin d’intégrer lesréponses aux besoins sociaux, aux exi-gences écologiques, aux nécessités dela sécurité humaine. Obtenir la réalisa-tion des Objectifs du Millénaire pour ledéveloppement. Faire de la réductiondes inégalités, l’éradication de la misère,la sortie du sous-développement, l’an-nulation des dettes, la fin de l’ajuste-ment structurel…une priorité. Le sort del’Afrique doit être pour la France (etpour l’UE) le grand enjeu du développe-ment humain pour le XXIe siècle.

3. Le multilatéralisme et la valorisa-tion du droit sont des conditions sinequa non d’un nouveau rôle françaisqui doit s’attacher à une refondationdu système des Nations unies. La

France doit agir pour que toute inter-vention dans le monde soit décidée surmandat de l’ONU dans le respect de saCharte en empêchant toute instrumen-talisation de celle-ci à des fins de poli-tique de puissance. Créer des organisa-tions internationales de l’énergie, del’environnement, transformer le FMI etla Banque mondiale…La France doitfavoriser un multilatéralisme écono-mique et social, international et régio-nal, en s’inspirant de ce qui se construità partir notamment d’initiatives latino-américaines : banque de développe-ment au Sud, monnaie communemondiale, monnaies régionales…

Cet autre rôle de la France dans le mondec’est en fait l’action pour un Nouvel ordreinternational, pour des relations inter-nationales plus civilisées. n

*Jacques Fath est responsable des relationsinternationales au PCF.

LA FRANCE, AU SERVICE DE NOTRE «TERRE COMMUNE» ?Des paroles aux actes. Une analyse décalée des notes accompagnant l’intervention de Nicolas Sarkozyaux Nations unies.

PAR ANDRÉS PEREZ*

L’attente était énorme à New York.Le nouveau président françaisdevait prononcer, à la tribune de

l'Assemblée Générale des NationsUnies son premier discours à l'interna-tionale. Nouvelle politique extérieurede la cinquième puissance au monde,moyenne puissance qui a néanmoinsun atout : son modèle social a résisté àla crise globale et a résisté au projetultralibéral de Nicolas Sarkozy, cecidans un Occident jugé décadent face àla Chine et à l'Inde. Des occidentauxdécadents, les français ? Ils sont à peuprès 1% de l'Humanité mais produi-sent 4,5% du PIB mondial. En plus,souvent, on les voit tranquilles et pei-nards sur les terrasses des cafés, discu-tant avec les potes en banlieue, ou pro-fitant d'une belle campagne. Ils ne sontplus des Occidentaux. Ils nous ressem-blent de plus en plus, même en versionAstérix.

C'est pourquoi ce qu'est venu faire icile président français est si attendu.Tellurique. Il a réservé son annonce depolitique extérieure à l'AG de l'ONU, et

ses conseillers ont fait savoir quec'était un choix : la France s'apprêteraità dire que les G8, G20 et autres assem-blées retreintes ne représentent pasl'Humanité. Et s'apprêterait à dire qu’àcompter d'aujourd'hui, « la France serange du côté de l'Humanité, et contreles puissances qui nous occupent etnous colonisent ».

Le secret le plus total régnait sur lecontenu exact des engagements que laFrance s'apprêtait à prendre. Sesconseillers ont fait savoir juste que« tout ce que dira le président, seraconsidéré comme contraignant ». Maisplusieurs pistes existent dans les docu-ments internes de ses conseillers à l'in-ternational, que Macario Correa, cor-respondant à New York du trimestrielNow (Koidu, Sierra Leone) a pu consul-ter. Il en résulterait une authentiquerévolution copernicienne des poli-tiques économique, écologique etinternationale de la France.La France, dit une des notes, « se placedésormais comme l'une des puis-sances du Sud, une puissance deshumains, pouvant mettre la solidité deson modèle social et la force de sa

diplomatie et de son armée, au servicede la Sécurité Humaine ».« Cela se traduit par un premier enga-gement : La France n'a strictementaucun ennemi parmi les peuples, c'estpourquoi elle abandonne toute doc-trine de Sécurité Nationale. Par contrela France assure, à l'intérieur de sesfrontières, la défense de sa SécuritéHumaine contre toutes les agressions,militaires, terroristes, financières, éco-logiques, capitalistiques, information-nelles ou culturelles. Quant à l'exté-rieur, elle prendra toutes les mesurespacifiques pour garantir et promouvoircette même Sécurité Humaine, cartous les humains sont nos frères etsœurs ».De ce fait, le président, selon nossources, laisserait supposer une sortiede la France des logiques de guerrepréventive. Une des notes parle, trèsconcrètement, comme signe à l'inter-national de suite, d'une annonce denon ouverture de la base militaire fran-çaise d'Abou Dhabi. Une autre notedéclare « que toutes les OPEX, et tousles accords militaires avec des paysafricains hérités du colonialisme, vontêtre revus ». Un texte parle de “transfé- > SUITE

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LE DOSSIER

besoins sociaux nouveaux avec lesrévolutions informationnelles, démo-graphique et écologique à l’œuvrenécessitent des financements sécuri-sés considérables pour le développe-ment des capacités humaines, encontradiction avec la domination desmarchés financiers et du dollar.

L’enjeu, du local au mondial, seraitalors de faire avancer, à l’appui desluttes, des propositions de transforma-tion radicales pour maîtriser et com-mencer à dépasser les quatre marchésdu capitalisme mondialisé, en visantune nouvelle civilisation.

Il s’agit d’abord des marchés du tra-vail avec l’avancée, en Europe, vers unsystème commun de sécurité d’em-ploi ou de formation. Pleinement réa-lisé, il assurerait à chacun-e voulanttravailler soit un emploi, soit une for-mation rémunérée, pour revenirensuite à un meilleur emploi, avec unecontinuité de bons revenus et de droitset des passages d’une activité profes-sionnelle à une autre maitrisés parchaque intéressé. Cela permettrait uneéradication progressive, mais effective,

du chômage, au lieu de la « flexisécu-rité » des ultra et sociaux-libéraux oudes gâchis du système soviétique.

Cela concerne aussi les marchésmonétaires et financiers. Il s’agirait depromouvoir un nouveau crédit ban-caire assorti de taux d’intérêt d’autantplus abaissés, jusqu’à zéro (et mêmenégatifs), pour les investissementsmatériels et de recherche des entre-prises que ces derniers programme-raient plus d’emplois et de formations.

Cela se ferait à quatre niveaux :

• Le niveau local, avec des Fondspublics régionaux ;• Le niveau national, avec un pôlefinancier public et une nouvelle fisca-lité incitative ;• Le niveau zonal, comme l’Europeavec une BCE qui refinancerait defaçon sélective les banques ordinairesafin d’encourager l’essor de ce nou-veau crédit ;• Le niveau mondial, avec une refontedu FMI supprimant la minorité de blo-cage des États-Unis et assurant, contrel’hégémonie du dollar, la promotion

PAR YVES DIMICOLI*

L’exacerbation de la crise systé-mique du capitalisme en 2008-2009 a donné lieu à des inter-

ventions massives des États et desbanques centrales. Elles se sontaccompagnées de transformations trèslimitées, malgré les ambitions affi-chées, en visant, avant tout, à respecterles critères, les règles, les intérêts capi-talistes. Aussi, les immenses fondspublics mobilisés débouchent-ilsaujourd’hui sur un sur-endettementpublic des pays avancés avec une fai-blesse rémanente de leur croissanceréelle et un chômage massif relancé.Simultanément, les pays émergentssont devenus le réceptacle de la crois-sance financière et de la spéculationmondiales. D’où, la perspective d’unéclatement, d’ici à 2017, de ce suren-dettement public, dans l’Union euro-péenne, mais surtout aux États-unisavec l’effondrement du dollar. Il s’en-suivrait une explosion de la suraccu-mulation mondiale de capitaux, bienplus grave encore.

Simultanément, l’exaspération des

POUR UN MONDE DE CO-DÉVELOPPEMENTDu local au mondial, l’enjeu est de faire avancer, à l’appui des luttes, des propositions de transformationradicales pour maîtriser et commencer à dépasser les quatre marchés du capitalisme mondialisé, envisant une nouvelle civilisation.

rer l'ensemble des budgets extérieursde coopération vers des accords por-teurs entre communes françaises etcommunes de partout dans le monde,avec des nouvelles règles”. Mais, entout cas, toutes les notes convergentsur un point. Le président offrira “toutde suite, aux peuples du Sud, unepreuve matérielle de notre volonté dechangement, car le don est à la base dela Civilisation et de l'Hominisation”

La clé de voute de ce discours est leconcept “Sécurité Humaine”, qui n'aété jusqu'à présent l'axe extérieurd'aucun Etat. Si on recherche la signifi-cation de ce concept sur google on al'impression que les diplomates, voireles militaires français vont avoir un tra-vail énorme, mais avec l'avantage quece ne sera pas pour des causes dont ilsauront honte. A la tribune, le présidenta justement choisi de mettre en

exergue un enjeu de SécuritéHumaine, difficile à maîtriser dansl'actuel contexte de guerre écono-mique et de destruction de la planète.

“On veut nous pousser dans une alter-native stupide et calamiteuse : Soit lelibre commerce mondial y compris dela Terre, des capitaux, de l'air, et del'eau, soit ce sera la guerre commer-ciale à travers les monnaies et les tauxdouaniers”. Et là, il avance la bombesociale française: “La France dit ni l'unni l'autre. Pas de barrières aux fron-tières, pas de barrières entre les peu-ples. La France dit : peuples unis, nouspouvons préserver notre travail etaméliorer notre vie. En installant unebarrière, oui, mais pas entre nosNations. Une barrière, une protectionentre nous, humains, et tout ce quidétruit notre Terre Commune”.Une première idée est avancée devant

l'ONU. “La France instaure une taxeenvironnementale, calculée en fonc-tion des dégâts causés par une activitéou une production, et elle l'appliqueraà tous les produits, à commencer parceux de ses propres multinationales”.Une deuxième: “la France taxe unilaté-ralement tout dividende, à la source ouà travers un impôt indirect sur les pro-duits et services qui génèrent ces divi-dendes, afin de financer des aides àl'effort de construction de logementset à l'assainissement de l'eau dans lemonde”. Une troisième idée serait enréflexion : un fonds international desoutien aux migrants et de lutte contreles mafias, dont les premiers revenusviendraient des bénéfices enregistréspar les voraces sociétés de transferts defonds. n

Andrés Perez, correspondant à Paris du quo-tidien Público (Espagne), intervenant à titreprivé, en qualité de citoyen européen.

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Comment changer dans la mondialisation ?

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JANVIER 2011 - LA REVUE DU PROJET

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Premiè re convention nationale le 19 fé vrier 2011

Des femmes ont été sollicitées pour contribuer à ce dossier. Nous sommesau regret de constater leur absence. Le regard féministe qui est le nôtredemande un fort engagement, nous continuerons à le soutenir et le fairevivre dans cette Revue du Projet.

L’équipe de la revue.

d’une véritable monnaie communemondiale, à partir de ses Droits detirage spéciaux (DTS).

Inséparablement, il s’agirait d’organi-ser la prise de dettes publiques par lesbanques centrales pour financer uneexpansion massive des servicespublics en coopération. Cela concer-nerait particulièrement la BCE qui,face à la grave crise actuelle des dettessouveraines européennes et de l’euro,assurerait systématiquement une telleprise, avec un Fonds de développe-ment social.

Troisième marché à maîtriser, celuides productions. Il s’agirait d’imposer

une responsabilité sociale, territo-riale et environnementale des grandsgroupes, avec l’avancée de nouveauxcritères de gestion d’efficacité sociale,articulés à de nouvelles normes, régle-mentations et coopérations. A l’appuides luttes et conquêtes de nouveauxpouvoirs d’intervention des salariés,on ferait reculer ainsi la rentabilitéfinancière. Cela irait de pair avec lapromotion d’un nouveau type d’entre-prises publiques, une appropriationsociale et coopérative des grandsmoyens de production, de services etde financement.

Il s’agit, enfin, de maîtriser le marchémondial, avec des mesures de com-

pensation des déséquilibres deséchanges, avec le développementd’accords de coopération d’avantagemutuel s’opposant aux dominationsdes puissances et des multinationales.Cela nécessiterait de remplacerl’Organisation mondiale du commerce(OMC) par une Organisation de coo-pération et s’accompagnerait de l’es-saimage d’entreprises-jointes ados-sées à ces accords. Cela irait de pairavec la promotion des biens publicsmondiaux allant de l’alimentation,l’eau, l’énergie ou l’environnement àla monnaie. n

*Yves DIMICOLI est responsable de la com-mission économique du PCF.

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D’ IDÉES

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LA REVUE DU PROJET - JANVIER 2011

COM

BAT

«Tu peux tout accomplir dans la vie si tu as le courage de le rêver, l’intelligence d’en faire un projet

Par GÉRARD STREIFF

À quoi pensent les patrons, en effet ? Au profit, dira t-on. Certes. Mais pour mieuxassurer ce gain, et son pouvoir, le patronat a changé certaines de ses méthodes, ils’est remis aux études. Un temps, vers la fin des années 90, il a même fait la leçon,politique, idéologique, à une droite déconfite avant que Sarkozy ne reprenne la main.

À quoi pense le

le patronat moderne, celui du temps dela mondialisation, de l’ardeur libérale etdes lobbies sans frontière. Le change-ment d’organisation va de pair avec unerénovation idéologico-politique. Encouragé par Seillière, l’animateurde cette mutation est Denis Kessler,un surdoué, surdiplômé, longtempsintime de Dominique Strauss-Kahn àl’Université Paris 10, avec lequel il co-signe plusieurs ouvrages. On les sur-nommait, ces deux-là, dans les années70, les Dupont et Pondu. Assez vite, lesavoir ne suffit pas à Kessler, il veut l’ar-gent et le pouvoir. Le voici promu dans lemonde de l’assurance, où il bousculetoutes les règles sociales, déstructure,restructure et gagne ses galons depatron. En 1995, il est à la vice-prési-dence du CNPF puis co-créateur en 1998du MEDEF auquel il donne une cohésionidéologique. Une sorte d’intellectuelorganique à sa manière. Kessler, avecson compère François Ewald, ex maodevenu universitaire, et spécialiste durisque, donne une certaine pompe àcette relance intellectuelle avec la créa-tion des Universités d’été. Leur proposest foisonnant mais l’argumentaire estprécis : il faut refonder un libéralisme àla française, s’en prendre à l’Etat colber-tien, militer pour le désengagement del’acteur public du champ social ; il nefaut recourir à la loi que si la sociétécivile est d’accord et si les négociationsont échoué. Bref il faut détricoter touteune histoire française, notamment cellede l’après guerre. C’est ce que Kesslerillustrera plus tard (en 2007) dans unarticle de la revue Challenge qui fera uncertain bruit : « Adieu 1945, raccro-chons notre pays au monde. »Il faut en finir avec tout le CNR, tout ce

fatras hérité d’une ère «  gaullo-commu-niste  », le « modèle français », etc... Cen’est pas un retour au régime descorporations que prône Kessler maisun alignement sur les standards dumarché mondial. Ce projet politique s’accompagne d’unpropos philosophique sur le risque. Cetaspect de l’offensive patronale est théo-risé par François Ewald. Pour lui, il fautpenser le risque non plus comme «  uneprérogative de l’entrepreneur justifiant leprofit mais en l’étendant à la sociététoute entière ». Le risque, c’est la vie ; vivedonc le risque partout, dans l’ensembledes relations humaines. En commençantpar le monde du travail. Foin des statuts,protections, règlements, codes, lois, etbienvenue dans un monde de compéti-tion permanente, de challenge, deconcurrence, de conflits. Bienvenue dansla barbarie. Vivent les risquophiles,décoiffants, créateurs, libres, à bas les ris-quophobes, installés, pétrifiés, morts-vivants. Derrière cette rhétorique, ce quise profile, pour le monde salarial, c’esttout simplement l’extrême fragilisationde l’individu, sa précarisation perma-nente, son désarmement.

REDYNAMISER LA DROITESi cet aggiornamento patronal s’opèreen 1998, c’est aussi parce qu’à l’époque,la droite est dans les choux. Chirac est àl’Elysée mais il déçoit les siens. Onricane dans les salons sur le roi fainéant.Où est son programme, son projet ?C’est en quelque sorte le patronat quidonne le signal de la reconquête idéolo-gique ; et Kessler mène le train. C’estl’époque où le chroniqueur AlainDuhamel peut écrire dans Libération :« Le MEDEF est aujourd’hui le seul parti

En septembre dernier, le MEDEFtenait une université d’été très média-tisée sur le thème de « L’étrangeté dumonde, mode d’emploi ». On y adébattu de tout, aussi bien du poids de laChine que d’une question comme« Faut-il donner de l’argent de pocheaux enfants ? »Sujets consensuels, pour être dans l’airdu temps ? Pas seulement. Lors de ses« universités », le patronat souhaite« se faire entendre sur des thèmes quel’on n’a pas l’habitude de traiter au coursde l’année », dit-il ; des mois durant, seséquipes répertorient «  des questionsque se posent les intellectuels » et quiseront au programme de sa réunion derentrée, très courue aujourd’hui par desmilliers de patrons. Derrière un apparentéparpillement des sujets, on retrouvedes lignes directrices simples et libé-rales. Mme Parisot de ce point de vuen’invente rien, elle reprend la ligne deson prédécesseur, le baron ErnestAntoine Seillière. L’Université 2010, eneffet, a été la onzième du genre, la sérieayant été lancée en 2000, par deuxintellectuels, deux larrons, Denis Kessleret François Ewald. Petit retour enarrière.

PATRONAT MONDIALISÉEn 1998, le CNPF fait place au MEDEF.C’est plus qu’un changement de sigles.Adieu le patronat de papa, oscillantentre autoritarisme et paternalisme,entretenant une vieille complicité avecun appareil d’Etat traditionnel ; bonjour

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JANVIER 2011 - LA REVUE DU PROJET

réaliste, et la volonté de voir ce projet mené à bien.» Sidney A. Friedman, économiste américain

L’INDIVIDU LAISSÉ À LUI-MÊMELe sociologue Robert Castel décrypte très bien cette société de risquophiles et derisquophobes que recherche le MEDEF. Ci-dessous, extrait de son intervention àl’émission de Pascale Fourier, Des sous et des hommes, sur Aligre FM 93.1 : « On com-mence à prendre conscience que, finalement, la grande transformation à laquelle onassiste dans l’ordre de l’organisation du travail, c’est cette sorte de mise en mobilitégénéralisée. On a d’abord été conscient des effets de cette crise du travail que sontle chômage de masse, la précarisation des relations de travail, ce qui effectivementest dramatique. Je crois qu’en dessous de cela, il y une sorte de processus de miseen mobilité des situations de travail, qui tient à des causes comme la concurrenceexacerbée ou les nouvelles technologies. C’est une mise en crise du système clas-sique d’organisation du travail qui s’était faite sous la forme de collectifs de travail,et aussi associée à des syndicats assez puissants, à des protections sociales assezcollectives, un droit collectif. Il me semble que c’est tout cela qui est remis en ques-tion actuellement. La tendance est, si on est optimiste, la responsabilisation de l’in-dividu, mais en même temps, l’individu est laissé à lui-même. Il n’est plus supportépar ces régulations collectives.  » 

MEDEF ?

de droite qui fonctionne bien en France ».Il faudra attendre au moins 2004 pourvoir l’UMP, capturé et relancé parSarkozy, se mettre au travail idéologiqueet creuser le sillon ouvert par le MEDEF,on connaît la suite.

La venue de Laurence Parisot en2005 finalement ne change pas ladonne. Elle bouscule peut-être les égoset les positions personnelles de DenisKessler dans l’organisation mais la vul-gate patronale est construite, elle est surles rails. Interrogé dernièrement parL’Express, Kessler, comme tout bon libé-ral, semble n’avoir rien retenu de la crisefinancière récente et continue d’afficherun aplomb formidable. Pour lui la crisen’est qu’une manifestation normale descycles qui gouvernent les marchésdepuis toujours ; tous ceux qui préten-dent encadrer, réguler, limiter, contrarierces cycles d’une façon ou d’une autre(marxistes, keynesiens, altermondia-listes...) sont des graines de tyran. Lacrise, dit-il encore, a eu au moins l’avan-tage d’éliminer les mauvais (gestion-naires) ; il regrette que les banques et lestraders soient devenus des « boucs émis-saires commodes ». Ce qu’il faut à pré-sent, c’est un « programme contraignantde réduction des déficits » et une« intensification des réformes », le laïussarkozyste de base.

Prospère patron du monde de l’assu-rance, l’intellectuel Denis Kessler sembleen réserve de la «  république patro-nale  ». On l’a dit tenté de disputer laplace à Parisot. Pour l’heure, il fait sapelote, on le retrouve au conseil d’admi-nistration de Paribas et de Dexia, deDassault et d’Invesco. Et puis il a présidé,de 2008 à 2010, le club le plus célèbrede la place de Paris, Le Siècle. C’est làque se côtoie en effet l’« élite » du patro-nat, d’un certain monde politique (UMPet PS) et des grands médias. Selon un

rituel immuable, ces gens se retrouventchaque dernier mercredi du mois dansles salons parisiens de l’Automobile club,place de la Concorde. Une façon plutôtagréable de faire passer les messages,d’ajuster un discours dominant, d’assu-rer une convivialité de classe à laquelleles patrons tiennent beaucoup. De soncôté, François Ewald est membre duConseil scientifique de la Fondapol, lafondation pour l’innovation politique liéeà l’UMP. Le monde est petit. n

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D’ IDÉESCO

MBA

T

Pages réalisées par GÉRARD STREIFF

SONDAGES

L’Institut national de la jeu-nesse et de l’éducation popu-laire (Injep) étudie le rapport àla politique des jeunes généra-tions à travers des sondagesréalisés tous les neuf ans, entre1981 et 2008.

La politisation des jeunes

Il en ressort que les 18/29 ans sont autant politi-sés que les plus de 30 ans et sont plus intéres-

sés par la politique que les jeunes des années1980. Leur engagement passerait moins par levote et plus par la protestation.

En 1981, la revendication majoritaire des jeunesest la liberté ; en 2008, la demande qui leur estmajoritaire est l’égalité. Ces jeunes ne semblentpas considérer les notions de droite et de gauchecomme dépassées puisqu’ils s’y réfèrent plussouvent que dans les années 1990 ou 1980.Le positionnement à l’extrême gauche a aug-menté ces dernières années : de 7% de 18/30 ansen 1999 à 13% en 2008.

Ils semblent privilégier les formes de protestationdirecte comme les pétitions, plus souvent utili-sées que dans les années 1980 ; le recours auxmanifestations s’est également développé : 48%des 18/29 ans ont pratiqué ce type de mobilisa-tion contre 34% seulement en 1981.

À la question :  «  Faut-il changer radicalementtoute l’organisation de notre société par uneaction révolutionnaire  », 11% des 18/29 ansrépondaient positivement en 1981 ; ils sont passésà 24% en 2008 ; et même à 32% parmi les moinsdiplômés. Les plus de 30 ans eux ne sont que 14%à défendre l’action révolutionnaire.

ÉVOLUTION DE L’OPINION DES 18/30 ANS

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NOTESL’Irlande et le Portugal sontconfrontés aux attaquesspéculatives et auxpressions des banques.DENIS DURAND (Membredu CN, commissionéconomie) propose uneautre politique monétaireet d’autres critères degestion et de financement.

YANN LEPOLOTEC (membre du CN et collaborateur au Parlement européen)développe les conditionsd’une alternative pour combattre le cancerfinancier ; il présente les axes d’une véritablepolitique industrielle créatrice d’emplois utiles.

OLIVIER DARTIGOLLES(membre du CN en chargede l’Europe), dresse lebilan du congrès du PGE etde ses décisions d’actionsconcrètes.

FRÉDÉRICK GÉNÉVÉE(membre du CN etresponsable des archives)confirme, après le succès des journées des 90 ans du PCF, que l’histoireparticipe de lareconstruction du projetcommuniste.

Chaque mois, des secteurs de travail du PCF produisent des analyses,des propositions, des notes. Cette rubrique publie leurs travaux :ù

EUROPE

Parti de la gauche euro-péenne : nouvelle dyna-mique, nouveaux enjeux Le 3e congrès du Parti de la gaucheeuropéenne, réuni à Paris débutdécembre, s’est tenu dans un momenthistorique, un moment clé pour l’avenirde l’Europe. Face à une situation alar-mante, au développement d’une crised’une ampleur telle qu’elle redistribuetoutes les cartes et ouvre tous les pos-sibles, pour des avancées réelles oude terribles régressions, les décisionsprises par les 27 partis membres et les10 partis observateurs du PGE peuventpermettre à la gauche européenne unenouvelle phase de son développement.

LA NÉCESSITÉ D’UN TRAVAIL PLUS COLLÉ-GIAL ET COLLECTIF Les échanges tout au long du congrès ontpermis de mesurer, au delà des diversitésdes situations, des traditions, des culturespolitiques, la force des convergencesd’analyses sur la nature de la crise, surl’urgence d’engager ensemble desactions pour la résistance et l’alternative.Entouré des quatre nouveaux vice-prési-dents, membres de Synaspismos deGrèce, de la gauche unie et du parti com-muniste d’Espagne, du Bloc de gauchedu Portugal, du parti des communistesde Moldavie et d’un trésorier de DieLinke d’Allemagne, les derniers mots dudiscours de clôture de Pierre Laurent, éluprésident du PGE, ont été un encourage-ment pour favoriser l’implication desadhérent-e-s de chaque parti. Alors quele PGE pourrait passer beaucoup detemps à parler de son fonctionnement,de sa vie interne, il a été décidé de priori-ser l’action. L’initiative citoyenne propo-sée au Congrès par Francis Wurtz est sanséquivalent à ce jour. Nous allons être lespremiers à utiliser cette dispositionprévue par le traité de Lisbonne etdont les modalités viennent d’être pré-cisées par le Parlement européen1.

FAIRE BOUGER LES RAPPORTS DE FORCELa campagne politique, animée par lePGE, argumentée, est en prise directeavec l’actualité européenne. Elle ne signi-fie aucunement que nous approuvons letraité en vigueur. Bien au contraire,

comme l’indique la résolution votée auCongrès, « nous utilisons cette procédurepour favoriser les mobilisations decitoyens contre la soumission aux mar-chés financiers, donc contre la logiquedes traités européens actuels. Nous vou-lons ouvrir en grand le débat politiquesur ce qui ne peut plus durer et doit chan-ger. Nous voulons faire bouger les rap-ports de force et arracher le plus de résul-tats concrets possibles ». Cette campagnes’inscrit donc dans le prolongement desgrandes mobilisations populaires dansde très nombreux pays de l’Union euro-péenne – comme l’ont encore montré lesgrèves et manifestations qui ont eu lieu le15 décembre dans une quinzaine de payseuropéens à l’appel notamment de laCES – elle vise à favoriser une dyna-mique citoyenne contre les marchésfinanciers, les plans d’hyper-austérité etla mise sous tutelle des parlements etdes budgets nationaux. Nous portons ledébat là où cela fait le plus mal : le finan-cement d’un fonds européen de dévelop-pement social par la taxation des mouve-ments de capitaux et un nouveau rôle dela BCE.De premières initiatives politiques ontété prises. Lors d’une rencontre àMadrid, le 12 décembre, à l’initiative dela Gauche Unie, avec les deux principauxsyndicats espagnols, « Construisons l’al-ternative sociale et de gauche », PierreLaurent a commencé à mettre en avantcette initiative citoyenne : « Passer à l’ac-tion pour récupérer l’espoir ». D’autresrendez-vous sont prévus début janvier àBerlin où Die Linke annonce une mani-festation « Rage contre la machine capi-taliste ». Il fut aussi question, lors duCongrès, de l’importance des combatspour les libertés, contre les xénopho-bies. Comme en Hongrie où, sans quel’Union européenne et les États membresn’y trouvent rien à redire, un régime d’ul-tra-droite, nostalgique des heures les plussombres de notre histoire, puise dans tousles registres du populisme.L’égalité des sexes a été très présente,nous devons en faire un axe essentiel,permanent, visible des actions de lagauche européenne. C’est un enjeuessentiel de la lutte pour l’émancipationet l’élimination des dominations.

Les délégués du PGE ont égalementexprimé leur détermination à agir pourla résolution des conflits et le respectdes droits des peuples : Sahara occiden-tal, Palestine, Chypre où nous soute-nons le combat de nos camarades del’AKEL pour une réunification en une > SUITE

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NOTES Chaque mois, des secteurs de travail du PCF produisent des analyses,des propositions, des notes. Cette rubrique publie leurs travaux :

fédération bi-zonale et bi-communau-taire sur la base des résolutions del’ONU.Au cours des derniers mois, des mobili-sations exceptionnelles ont exprimé lebesoin de justice, de démocratie et dedignité. Mais nous mesurons dans lemême temps, la frustration causée parl’absence de perspectives crédiblesd’un vrai changement à gauche.

L’union européenne est aujourd’hui pla-cée devant ce défi stratégique : soit risquerla décomposition, soit accepter sa trans-formation. Avec l’initiative citoyenne,nous engageons ensemble, avec l’ambi-tion d’une mobilisation de masse au planeuropéen et dans chacun de nos pays, enlien avec les luttes, la plus grande cam-pagne politique d’action jamais décidéepar le Parti de la gauche européenne. Uncomité national d’animation de la cam-pagne est en cours de constitution, unbulletin d’information et des initiativesde formation seront proposés dès jan-vier 2011. Nous lancerons une campagneen lien avec l’actualité européenne etnationale, une campagne d’éducationpopulaire, une campagne capable de faireconverger les différents fronts de lutte.

Face aux urgences sociales et poli-tiques, pour faire exister et se dévelop-per une voie d’alternatives politiquesde gauche dans l’Union européenne, leParti de la gauche européenne a décidéd’une belle feuille de route. A toutes ettous, bonne campagne européenne. n

OLIVIER DARTIGOLLES

Responsable Europe

1) Les députés européens ont voté le 15décembre les modalités pratiques d’un nou-veau « droit d’initiative citoyenne ». Le mil-lion de signatures requis devra provenir desept pays de l’UE, contre neuf à l’origine. LaCommission devra vérifier la recevabilité dessignatures au début de la collecte (la requêtedevra rester dans son domaine de compé-tence législative précisé dans le traité deLisbonne ainsi qu’en conformité avec lacharte des droits fondamentaux). Les règlesdevraient d’abord être transposées dans lesdroits nationaux dans les douze mois, ce quine permettrait pas une campagne d’initiativeeffective avant fin 2011, début 2012. Malgréles limites importantes de ce texte -laCommission étant seule juge pour donnerune suite législative au contenu des péti-tions- et la non prise en compte d’amende-ments importants portés notamment par leGUE-NGL (ouvrir le droit de pétition auxrésidents étrangers, abaisser à 16 ans l’âge departicipation), le PGE a décidé d’utiliser sansdélai ce nouveau dispositif tout en précisantqu’il en finalisera la teneur avec associationset syndicats, après l’adoption de cette initia-tive par le Parlement européen.

ARCHIVES

90e anniversaire du PCF, démarche et raisons d’un succèsL’initiative des 90 ans du PCF a été unsuccès. Il y avait foule au siège natio-nal du PCF pour les débats, les films,le visionnage d’archives historiques,l’achat de livres... De nombreusespersonnalités étaient présentes. Cetteréussite permet de réfléchir à notremanière actuelle d’aborder l’histoiredu communisme. Nous avons depuislongtemps abandonné l’idée d’unehistoire officielle et c’est tant mieuxmais comment penser politiquementl’histoire surtout quand il s’agit denotre organisation ?

P remière réflexion, l’existence ducommunisme politique ne se justi-fie pas par le passé et la tradition,

ce qui justifie l’existence d’un parti com-muniste c’est avant tout l’état de lasociété et de la planète dévastées par lacrise du capitalisme financier et mondialisé. Ce qui est d’actualitéaujourd’hui c’est le dépassement ducapitalisme et une nouvelle civilisationque nous appelons communisme. Maissi le communisme est une nécessité, iln’est jamais écrit qu’il existera de lui-même ou que l’organisation qui s’enréclame est inscrite définitivement dansle champ politique. Ce qui est détermi-nant c’est son orientation. Si l’empreintedu PCF est encore vivace dans la sociétéfrançaise, il le doit à des choix poli-tiques : congrès de Tours, Front popu-laire, résistance... Et ces décisions sonttoujours à renouveler, ce qui dégagenotre rapport à l’histoire de toute instru-mentalisation car il s’agit de choix à faireau présent et dans l’avenir.Cela étant, ces choix ne peuvent pasêtre opérés en dehors de toute mémoired’où nos initiatives comme celle des 90ans. Mais cette mémoire ne peutcontribuer à nos choix que si elle estfondée sur la démarche historique et laconfrontation, non sur la constructionde mythes. En politique, les mythes ontune vie réduite et se retournent tou-jours contre leurs concepteurs. Dans lasociété du XXIe siècle du fait de l’explo-sion des connaissances, c’est la

démarche historique évolutive et cri-tique qui peut continuer d’ inscrirenotre passé dans la société et en faire unoutil pour l’avenir.À partir de là, nous ne craignons pasla confrontation sur notre histoirecomme sur celle des autres forcespolitiques qui seraient d’ailleurs bieninspirées d’avoir la même démarcheque la nôtre... Mais cette confronta-tion doit se faire - si j’ose dire - dans lesrègles de l’art de la démarche histo-rienne. C’est ce qui nous a conduit àmettre nos archives à la disposition detous ceux qu’elles intéressent quelleque fût la nature de leurs hypothèsesde travail, d’organiser des journéesd’études et des débats où échangenthistoriens et témoins. Nous donnons à voir par cela larichesse de notre patrimoine qui est lepatrimoine commun de tous ceux quisont ou qui furent communistes. Notrecapacité à rassembler la famille com-muniste lors de ces journées des 90 anstient à cette démarche. Nous reconnais-sons par cette ouverture et cette mise àdisposition que les archives qui sont lapropriété du PCF appartiennent àtoutes les générations de communistes.Mais au-delà et cela a été reconnu offi-ciellement par l’Etat notre fonds relèvedu patrimoine national. Par cette recon-naissance, il est protégé et valorisé etainsi contribue à notre enracinement età notre avenir politique même si parfoisnous pouvons être heurtés par certainesanalyses des historiens. Nous avonstout à gagner de l’ouverture.Nous avons dans notre démarched’ouverture privilégier les archivescentrales de direction car elles étaientbien conservées et leur situation géo-graphique connue. Il s’agit maintenantcomme l’ont déjà fait certaines fédéra-tions de donner à voir les traces histo-riques du communisme en bas. Il fautmaintenant que toutes les fédérationset les sections se soucient de leursarchives et invitent aussi les militants àsauvegarder leurs documents et trou-vent les moyens de pérenniser leurconservation. Le secteur archives est àleur disposition pour y contribuer.Si l’essentiel de la visée communistetient une fois encore à la situation dumonde et à nos choix, les archives, lestémoignages et l’histoire ne sont déci-dément pas une perte de temps dansla reconstruction de notre projet. n

FRÉDÉRICK GENEVÉE

comité exécutif national du PCF, responsable national des archives du PCF

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Chaque mois, des secteurs de travail du PCF produisent des analyses,des propositions, des notes. Cette rubrique publie leurs travaux :

INDUSTRIE

Pour une politique industrielle créatriced’emplois et répondantaux besoins humains Depuis 1980, l’économie française adétruit près de 2 millions d’emploisindustriels. Sept axes de travail sontproposés pour en finir avec cettesituation catastrophique.

De 2000 à 2007, 63 % de ces destruc-tions résultent des conséquencesde la libéralisation du commerce

international.En 2009, on estime que sur cinq destruc-tions d’emplois industriels, trois ont étédus à l’augmentation de la productivitéapparente du travail et deux aux déloca-lisations en particulier vers les paysémergents. Le mouvement de transfertde la production industrielle vers lespays émergents s’amplifie de mois enmois, parallèlement aux départs enretraite des salariés les plus qualifiés dela génération du Baby Boom. Contrairement aux affirmations dudiscours politique dominant, jamais lenombre et la qualité des emploisindustriels détruits depuis la fin desannées soixante dix n’ont pu être com-pensés par le développement d’activi-tés de service ou de nouveaux secteursindustriels.Au cœur des entreprises, on substitueaux rapports de coopération, des rap-ports de mise en concurrence et declients/fournisseurs. Ceci se conjugueavec une explosion de l’instabilité, dela flexibilité, la baisse des salaires réels,une grande précarité, un rationnementde la formation, une absence de pro-motion interne et une pression réticu-laire permanente extrêmement stres-sante sur les salariés. On dévalorise lareprésentation sociale des salariés etde leur travail.Le poids de la finance dans la gestiondes entreprises et les choix stratégiquesy compris celui de délocaliser, est déter-minant. Nous vivons le triomphe ducourt terme et des actionnaires rois ! Pour en finir avec cette situation catas-trophique de l’industrie nationale, aumoins 7 axes de travail peuvent êtreproposés :Combattre le cancer financier quidétruit notre industrie.

Ce combat passe par une maîtrisesociale du crédit au service de l’emploi,de la R&D (recherche et développe-ment) et de l’activité. Cela passe par lamobilisation des fonds de la BEI(Banque européenne d’investisse-ment), la mise en place d’un pôle publicdes banques, des assurances et du cré-dit au niveau national et européen maisaussi par des FREF (Fonds Régionauxpour l’Emploi et la Formation), unFNEF (Fonds National pour l’Emploi etla Formation) et un Fonds européenpour la réindustrialisation et la relocali-sation. Ces différents fonds et les pôlespublics devraient se substituer auxfonds financiers, afin de fournir du cré-dit bonifié aux entreprises sous condi-tion d’emploi, de formation et derecherche, mais aussi en fonction del’utilité sociale des productions.La propriété intellectuelle. La maîtrisesociale de la connaissance est devenueun terrain d’affrontement central entrele Capital et le Travail, aussi importanteque l’appropriation sociale desmoyens de productions et d’échanges.L’appropriation sociale des savoir-faireet des connaissances passe par la maî-trise par les salariés de la propriété etde l’usage des brevets, des copyrights,de la propriété intellectuelle, un effortmassif de formation initiale et conti-nue en faveur des filières scientifiqueset techniques et la valorisation danstoutes la société de la culture scienti-fique et technique. Sécuriser l’emploi et la formation toutau long de la vie tout en augmentantles salariés et en améliorant les condi-tions de travail.De nouvelles formes d’appropriationssociales.Des nationalisations démocratiquesdébouchant sur des réorganisationsdes secteurs industriels stratégiques enrépondant aux besoins humains d’au-jourd’hui. Par exemple: la créationd’un pôle public « Energie, traitementdes déchets ».Un autre gouvernement de l’entre-prise, un autre mode de production. Axe, sur lequel nous avons le plus à tra-vailler, c’est-à-dire :• des pouvoirs d’intervention effectifset d’initiative des salariés sur les choixde gestion, l’organisation et la stratégiedes entreprises• des pouvoirs aux citoyens sur lesmodes de production : que produit-on,comment, à quelle fin, où ? Dans lecadre de quels rapports sociaux

AGIR EN EUROPE AVEC : • L’abrogation des directives euro-péennes impliquant la séparationentre la production et les réseaux pourles services publics de réseaux. Parexemple: SNCF/RFF, EDF/ERDF Leretour aux subventions croisées, auxpéréquations, aux aides d’Etat.• La mise en place d’une vraie poli-tique industrielle européenne (abro-gation de l’article 110 du Traité deRome et de l’article 157 titre 16 duTraité de Lisbonne) débouchant sur lacréation de groupes publics européensfondés sur la complémentarité et lamutualisation des investissements etdes compétences.• La mise en place d’un vrai fondseuropéen d’aide à la réindustrialisa-tion et aux relocalisations, sur la basede crédits sélectifs et de véritablesplans de formation.• Une autre utilisation de la BEI.• Un investissement massif dans larecherche/développement, publiquecomme privée. Pour le privé, le finan-cement de la recherche doit passer pardes outils comme les avances rem-boursables et par des engagementsstricts sur l’emploi (créations, salaires,pérennité, localisation) et la propriétésociale des brevets.• De grands programmes technolo-giques comme Galileo dans le cadre destructures de Groupement d’IntérêtEconomique (GIE) et d’agencespubliques.

AGIR DANS LE MONDE :• en remettant en cause les règles del’OMC (organisation mondiale ducommerce) pour protéger les salariés,les citoyens et les territoires des dum-pings salariaux, sanitaires, sociaux, fis-caux, et environnementaux• en repoussant la guerre économiqueet en favorisant les coopérations et lesmutualisations avec les pays émer-gents.• en refusant l’hégémonie du dollar etde l’Euro et en agissant pour la créa-tion d’une monnaie commune mon-diale comme le propose les BRIC(groupe de pays formé par le Brésil, laRussie, l’Inde et la Chine).• en soustrayant de la loi du marchéles secteurs de l’eau, de l’énergie, desdéchets, de l’armement, du logement,de la formation, de l’information, de lasanté et de la culture. n

YANN LE POLLOTEC

Membre du Conseil national du PCF, collaborateur à la commission européenne

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LA REVUE DU PROJET - JANVIER 2011

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NOTES Chaque mois, des secteurs de travail du PCF produisent des analyses,des propositions, des notes. Cette rubrique publie leurs travaux :

ÉCONOMIE

Pour une constructioneuropéenne dégagée desmarchés financiers « Vous sous-estimez la gravité de lasituation ! » Cette apostrophe de Jean-Claude Trichet aux chefs d’États euro-péens a eu, paraît-il, le don d’exaspé-rer Nicolas Sarkozy. Pourtant,quelques jours plus tard, la spécula-tion se déchaînait contre l’Irlande.Ayant financé sans complexes la spé-culation immobilière, les banques dece pays se sont effondrées dès que lesmarchés ont commencé à mettre endoute leur capacité à rembourser leurscréanciers. Après la « crise grecque »,cet épisode témoigne de l’échec d’uneconstruction européenne soumise auxmarchés financiers.

A u cours des trente dernièresannées, la masse des capitauxfinanciers a crû trois fois plus vite

que la création de richesses réelles,rendant inévitable des crises de plus enplus graves. Après les pertes essuyéesen 2008, ces capitaux assoiffés de ren-tabilité ont continué à chercher fébri-lement les occasions de superprofits. La zone euro offre une cible auxattaques spéculatives. La reprise éco-nomique y est fragile et hésitante. Lesplans de relance se sont traduits parune montée en flèche des déficitspublics, donc des besoins d’empruntdes États sur les marchés. Confrontés à

un renchérissement insupportable destaux d’intérêts qu’ils payent, les Étatsattaqués tentent de réduire leurs défi-cits en imposant à leurs peuples desmesures d’austérité féroces. Ce faisant,ils compromettent encore plus lareprise, les rendant plus incapables derembourser leur dette. Sous la pression des marchés, les diri-geants allemands et français se sontrésolus à mettre en place des méca-nismes de garantie des dettes des paysattaqués : un fonds de 500 milliardsd’euros au printemps dernier (aux-quels le FMI ajoute 250 milliards) a étéconstitué au plus fort de la crisegrecque. 80 milliards pourraient êtremobilisés pour éponger les dettes desbanques irlandaises. Ces mesures nesuffisant pas à rassurer les marchés, laBCE (Banque centrale européenne)s’est mise à soutenir le cours des titrespublics en en rachetant une certainequantité sur le marché. Les discussionsse poursuivent entre les États et laCommission européenne pour institu-tionnaliser les exigences d’austéritéqui accompagnent ces dispositifs. Il nes’agira donc pas de remédier à la domi-nation de l’Allemagne sur le reste de lazone euro, ni de renier la soumissionde l’ensemble de la zone aux critèresde financement dictés par les marchés,ni de chercher à émanciper l’Europe del’hégémonie du dollar. Que peut-on faire pour sortir de cettesituation impossible ? Sortir de l’euro ? Ce serait entérinerl’abandon de toute solidarité euro-péenne face à l’hégémonie du dollar etfaire de chaque pays, isolé face auxautres, le jouet des marchés. S’engagerdans une fuite en avant vers une organi-sation de plus en plus fédéraliste – avec,par exemple, l’idée, populaire dans la

social-démocratie européenne, de rem-placer les émissions de dettes natio-nales par l’émission d’« euro-obliga-tions » représentatives de la moyennede la zone euro ? C’est une autre façond’entériner la dépendance de l’Uniontoute entière vis-à-vis des marchés.Il existe une autre façon de financerl’économie : les banques et les banquescentrales peuvent accorder des créditspar création monétaire. Un usage éco-nomiquement sain de ce pouvoir netient pas seulement aux politiques desgouvernements. C’est dans les entre-prises et les bassins d’emplois que lesluttes doivent contester les critères degestion et de financement capitalistes,exercer une pression sur les banquespour qu’elles cessent de financer lesspéculateurs et donnent la priorité auxinvestissements dans l’emploi, la for-mation, la recherche, l’économie de res-sources matérielles… Des fonds régio-naux, des pôles financiers publicsnationaux peuvent relayer ces exi-gences jusqu’au niveau européen. UnFonds de développement social euro-péen pourrait financer des projets choi-sis pour leur contribution au dévelop-pement des services publics, de l’em-ploi, du potentiel de création de valeurajoutée en Europe. Il serait financédirectement par la BCE, par créationmonétaire, à des taux proches de 0 %. Simultanément, la politique monétairedécouragerait sévèrement les banquesqui alimentent l’inflation financière.Ce serait une base pour que l’Europeconverge avec les pays émergents pours’émanciper de la domination du dol-lar, avec une monnaie commune mon-diale. n

DENIS DURANDsyndicaliste et membre de la

commission économique du PCF

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REVUE DES MÉDIAS

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Les médias et la crisede la zone euro

Par ALAIN VERMEERSCH

Les désaccords des dirigeants européens sur la crise financièreet les plans de sauvetage alimentent le débat sur la pertinence dela monnaie unique.

LA CRISE IRLANDAISETout d’abord, la crise irlandaise a per-mis une avalanche de commentairesdés le 23 novembre « Irlandais aubord de la crise de nerf » pour leNouvel Observateur. « Le hold-up desbanquiers (Libération). « L’Irlande,c’est pire que la Grèce » pour l’édito-rialiste des Echos. Le Journal dudimanche énonce la catastrophe«  Près de 25 000 emplois dans laFonction publique seront supprimés,les allocations sociales comme lesretraites vont sensiblement diminuertandis que de nouvelles taxes, sur lapropriété et l’eau, vont voir le jour  ».Pour La Tribune «  Le phénomène decontagion de la crise irlandaise auxautres pays dits «  périphériques  » apris une nouvelle ampleur  ».À partir du 29 novembre dernier, leplan européen contre la crise finan-cière a fait la Une des quotidiens. LeFigaro souligne que « l’Europe semobilise pour éviter la contagion dela crise financière » et ajoutant« L’Elysée dément catégoriquementtoute menace contre la France  ». LesEchos titre sur le «  Plan de l’Europepour juguler les crises  ». La Tribunedétaille un « Accord historique poursauver l’euro » tandis que Le Parisiense demande « A qui le tour ?  ».

VERS LA FIN DE LA SOUVERAINETÉNATIONALEDans Ouest-France (01/12), JeanBoissonnat, journaliste économisteémérite, soutient «  L’euro a la fièvre...une monnaie unifiée ne peut suffire à

définir une politique économique. Unemonnaie sans Etat n’est sans doutepas viable dans la durée... on ne passepas du jour au lendemain, d’une mon-naie fédérale à un Etat fédéral  ». Le 3 décembre, Nicolas Sarkozydéclare « C’est toute la zone euro quia décidé de se défendre  » et il s’agit« d’une mobilisation absolumentgénérale ». Selon lui, « nous avonsdécidé de doter la zone euro d’un véri-table gouvernement économique ».« L’axe franco-allemand est indestruc-tible » a-t-il dit. «  L’Europe a besoind’un axe franco-allemand parfaite-ment déterminé et totalementsolide ». Cela n’empêche pas LesEchos de titrer «  Crise de l’euro : lesmarchés testent la dette française » etrelayent l’appel au calme de J-C.Trichet. Celui-ci avance l’idée, au len-demain de la réunion de la BCE (3/12),

«  L’euro est une monnaie crédible,l’euro a conservé sa valeur en termede pouvoir d’achat mieux qu’aucunemonnaie européenne créatrice del’euro au cours des 50 dernièresannées  ». Il ajoutait «  Nous avons unproblème... de politiques budgétairesqui n’ont pas été correctes... en dépitdes règles qui auraient dû être sui-vies  ».Françoise Fressoz dans Le Monde(4/12) constate le silence de N.Sarkozy lors de son entretien télévisédu 16 novembre pour ajouter «  Le 24novembre, dans son discours de poli-tique générale, F. Fillon s’est montréun peu plus disert, évoquant les«  1600 milliards d’euros de dette fran-çaise  », épée de Damoclès sur la sou-veraineté nationale. Mais pour aussi-tôt assurer que «  la reprise  » est aucoin de la rue...! On peut bien sûradmettre que la crise européenne nesuffit pas à elle-même... Mais on peutaussi défendre que le déni de réalitéest porteur de défiance politique  ».G. Longuet dans une interview auMonde (05/12) remarque que«  L’Europe est à une heure de vérité.L’euro repose sur une équivoque :c’est une monnaie commune avec deséconomies diverses. Il est à un niveauacceptable pour les plus forts etinsupportable pour les plus faibles  ».Selon lui, « La France doit parlerd’égal à égal avec l’Allemagne... LesAllemands peuvent lâcher sur la BCEparce que nous commençons à tra-vailler plus, en portant la retraite à 62ans par exemple. Les 25 heures, c’est

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REVUE DES MÉDIASune réévaluation de fait, qui a aboutidepuis 10 ans à une déflation fran-çaise  ».S’agissant de l’Allemagne, PatrickArtus (Natixis) relève que Berlin « atort de réclamer que tous les membresde l’Union soient à l’équilibre budgé-taire  ». Ce pays «  a compris que lacohésion du pays impliquait des trans-ferts financiers (vers les Länder lesplus pauvres, ils atteignent 1500 eurospar habitant et par an), alors qu’elle lesrefuse entre pays européens  ».

DÉFENDRE L’EURO CONTREL’ALLEMAGNE«  L’euro, une force ou un handicap ?soulevait Le Parisien (6/12). LaurentJoffrin peut écrire dans Libération(6/12) «  Pour qu’une zone monétairemarche, il faut que les économies quila composent convergent. Si les unsjouent le dumping fiscal au détrimentdes économies voisines, les autres ledumping social sur le dos des salariés,les disparités deviennent mortelles  ».Eric Le Boucher dans Slate.fr (7/12)s’insurge «  au lieu d’admettre que lesmarchés ont raison, au lieu de subirleur attaque depuis un an... en adop-tant des plans de rigueur plus dras-tiques..., ouvrant grande la perspec-

tive d’une révolte des peuples... lespolitiques auraient dû haranguer lesfoules.. L’Europe présentait deux fai-blesses... La première est l’Allemagne.Le gouvernement de Berlin a été surle recul depuis le départ. Il en estarrivé à penser...qu’un pays pouvaitsortir de la zone ou faire défaut sur sadette... Non seulement (cela) encou-rage la spéculation, mais elle jetteune tache indélébile sur l’euro lui-même. Deuxième faiblesse : l’absenced’union politique  ».La Tribune (07/12) relève que la nos-talgie de l’ancienne monnaie pro-gresse face aux arguments favorablesà l’euro. «  Un sondage affirmait que57% des Allemands pensent qu’ilaurait fallu conserver le mark  ».

Une zone euro coupée en deux ? D’uncôté, sous capitanat allemand,l’équipe « nord euro », celle des paysvertueux (Autriche, Pays-Bas,Luxembourg, Finlande), respectueuxdu pacte de stabilité et de croissance,et dont la maîtrise budgétaire leurpermet de financer une croissanceavec des taux d’intérêt faibles. Del’autre, sous commandement fran-çais, l’équipe « sud euro », c’est-à-dire les « pays de l’olivier » : Espagne,

Italie, Grèce ou Portugal. C’est lathèse d’Hans-Olaf Henkel, ancien diri-geant patronal allemand publiée dansun ouvrage. (Nouvel Obs 10/12)."L’enjeu pour Paris est de faire com-prendre à son voisin allemand qu’il aencore intérêt à demeurer dans lazone euro", souligne La Tribune(10/12). Comme le rappelle avec force PierreLaurent (08/12), «  L’Europe a devantelle un choix : soit continuer sur lemodèle existant et risquer la désinté-gration de l’UE et de l’euro, soitréorienter très profondément lemodèle de coopération en Europe  ».Jérôme Fourquet (Ifop) affirme dansLa Croix «  Dans notre prochain son-dage, 50 % des Français pensentqu’une crise telle que celle qu’aconnue la Grèce pourrait arriver enFrance dans les prochains mois. Et letiers disent qu’il faut sortir de l’euro.En fait, tout est une question devision de l’euro : charge ou filet desécurité ? Si l’on est plutôt un bonélève, comme l’Allemagne, on peutpenser que l’euro est inutile, voire quel’on paie pour les autres. Si l’on se voitcomme un colosse aux pieds d’argile,c’est l’inverse  ». (7/12). n

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CRITIQUES

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ALAIN TOURAINEAprès la crise, Seuil 2010.

Par PIERRE LAROCHE

L’ouvrage s’ouvre sur une citation de J. Stiglitz : « Il est cer-tain que des choses vont changer à cause de la crise.…Mais ces changements seront-ils profonds, radicaux ? …ce qui s’est passé jusqu’à présent augure mal de l’avenir »(Freefall, 2010). Alain Touraine ne propose pas, lui nonplus, une analyse optimiste : il relève « la rupture imposéepar les financiers entre leurs intérêts et ceux de l’ensem-ble de la population », entre « le système » économique et« les acteurs » sociaux. Ilrécuse certaines illusionsréformistes : « Certainspensent qu’il faut repren-dre le chemin desréformes, redonner vie à lasocial-démocratie. Ce n’estplus mon opinion ». Nonqu’il choisisse une solutionradicale, mais il l’accepteexplicitement : il fautreconstruire une sociétédans laquelle les maîtres del’économie seront obligéspar l’Etat de tenir comptedes réactions et intérêts dela population.Comment faire ? PourTouraine, la réponse à lacrise réside dans laconstruction d’une moralesociale, traduite dans desrevendications juridiquesindividuelles. Puisque nosinstitutions sont aussiincapables de résoudre lesproblèmes économiquesque les problèmes écolo-giques, il propose d’oppo-ser les droits de l’homme àceux qui ne pensent qu’àaccroître leurs profits. « L’affirmation de la défense desdroits universels de l’homme [est la] seule arme possiblecontre le triomphe apparent de l’économie globalisée ».Ce projet est résolument tourné contre d’autres réponsespossibles. A. Touraine exclut « la reconstruction de socié-tés industrielles, avec leurs objectifs productivistesappuyés sur des technologies nouvelles, le rôle centraldes grandes entreprises, des syndicats et de nouvelles

méthodes de négociations collectives ». Il affirme qu’il« redoute comme la peste toute association entre lascience et l’idéologie politique » ; et oppose avec insis-tance le « sujet », qui se formerait en dehors du champsocial, sous l’effet de mouvements collectifs plus culturelsque sociaux, au « système ». Il choisit donc d’ignorer lescontradictions du système économique et ses potentiali-tés émancipatrices, au profit d’une opposition quelque

peu manichéenne entre le« social » (qui serait du côté du« sujet » et de ses droits) et l’éco-nomie, qui serait nécessairementun « système » source d’oppres-sion. En outre, Alain Touraine necesse d’affirmer l’absence deréactions organisées des salariéset de la population à la crise,occultant les mouvementssociaux récents et leur ôtanttoute signification. Il est vrai queces mobilisations vont à l’encon-tre de la thèse de l’auteur selonlaquelle la volonté d’indépen-dance n’est qu’individuelle. Enfin, sans faire appel à Marx ouGramsci, on peut s’étonner de laméthode qui pense isoler lesfaits culturels de la vie sociale.Comment nier que la lutte desclasses suppose le rapport entrele social et le culturel ? La« Déclaration de droits del’Homme et du citoyen » est ainsile lieu de rencontre entre lesidées d’émancipation, les mou-vements sociaux, l’action descitoyens, les forces politiquespopulaires perpétuellement encours de constitution. De même,

comment soutenir que « le système économiquedominé par la globalisation … de plus en plus dirigé parle capitalisme financier, se sépare de tous les aspectssociaux et politiques de la vie économique pour ne viserque le profit maximum » ? C’est bien là son but essen-tiel, mais cela passe par le recours à l’hégémonie surtous les secteurs de la vie sociale et c’est encore unenjeu de toutes les luttes actuelles. n

Chaque mois, des chercheurs, des étudiants vous présentent des ouvrages, des films, des DVD...

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LA REVUE DU PROJET - JANVIER 2011

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CRITIQUESGÉRARD NOIRIEL Dire la vérité au pouvoir (les intellectuelsen question) Agone, 2010.

Par ADRIEN TIBERTI

Cet ouvrage est la version revue et augmentée d’un livredu même auteur datant de 2005 : Les Fils maudits de laRépublique. Noiriel est un historien touche à tout qui s’estintéressé aux ouvriers, à l’immigration, au théâtre ou,pour ce livre, aux intellectuels. Son propos est assez sim-ple. Depuis l’irruption des « intellectuels » dans la sphèrepublique lors de l’affaire Dreyfus à la fin du XIXe siècle, ilest possible de définir trois types d’intellectuels, « l’intel-lectuel de gouvernement », « l’intellectuel critique » etenfin « l’intellectuel spécifique ». Le livre de Gérard Noirielne va pas beaucoup plus loin que cette typologie et s’avèreassez rapidement beaucoup moins intéressant et utileque l’ouvrage de Michaël Christoferson, Les intellectuelscontre la gauche. Dans ce dernier ouvrage, en effet, estdémontré avec brio le rôle d’une grande partie des intel-lectuels, par le biais de « l’antitotalitarisme », dans ladéfaite idéologique de la gauche, et plus singulièrementdes communistes, durant les années 70.Pour revenir à Gérard Noiriel, le livre qu’il nous proposerepose sur quelques définitions qui semblent biencourtes aujourd’hui. Ainsi l’intellectuel est réduit à l’uni-versitaire, voire à l’universitaire en sciences humainespuisqu’aucun exemple de scientifique n’est développé.Cette définition étriquée limite singulièrement l’étude etpermet ainsi une nouvelle fois de réduire les universi-taires communistes à des intellectuels de parti. GérardNoiriel ne cesse, en outre d’expliquer qu’un intellectuelest celui qui « dit la vérité au pouvoir au nom des oppri-més ». Cette définition contestable n’est jamais justifiée.Mais il y a pire : à partir de l’étude de figures intellec-tuelles, Gérard Noiriel réhabilite l’analyse psycho-socio-logique. Ainsi nous apprenons à quel point les enfancesmalheureuses de Péguy, Nizan, Sartre, Bourdieu ouNoiriel lui-même ont joué un rôle central dans leur par-cours intellectuel. Cela ne semble pas très sérieux. n

FRANCK FISCHBACH« Marx et le communisme », in Actuel Marxn° 48 (Communisme ?), 2010.

Par PIERRE LAROCHE

Consacrer un numéro à laquestion du commu-nisme relevait pour larevue Actuel Marx aumoins du défi, voire peut-être de la provocation.Gageure couronnée parun point d’interrogation,seule voie théorique poursortir d’un problème à lafois décisif et insoluble. Lacontribution de FranckFischbach, dont l’intitulé« Marx et le commu-nisme » peut faire penserqu’il ne s’agit que d’unequestion d’histoire de la

philosophie, permet en réalité de reformuler à nouveauxfrais une problématique embrouillée dans les généralitésou la caricature. Contre ceux qui, engoncés dans l’utopie,ont cherché en vain à faire dire à Marx ce que devait êtrela société communiste, Franck Fischbach préfère jouerune autre carte et essayer de comprendre ce que signifie,selon Marx, être communiste dans une société capitaliste.Cette nouvelle position du problème est décisive à plusd’un titre. D’une part, elle rend caduque une facette dudébat contemporain centrée, chez Slavoj Žižek par exem-ple, sur l’opposition entre un « socialisme » intrinsèque-ment pervers, dont le paradigme serait à trouver dans lerégime soviétique ou dans les démocraties populaires duXXe siècle, et un « communisme » qui serait la vérité duprojet marxien, opposition qui n’est qu’une manière unpeu facile de se défausser des difficultés posées par cesÉtats qui se sont réclamés du communisme. D’autre part,elle ne permet plus d’éviter la question de la pratique quinous concerne encore aujourd’hui, et que Marx a formu-lée dans L’Idéologie allemande en définissant le commu-nisme comme le « mouvement effectif qui abolit l’état dechoses actuel ». Franck Fischbach s’éloigne ainsi des sen-tiers battus et présente les choses sous un jour nouveau :« le communisme est entièrement là, dans ce travailmême et nulle part ailleurs, dans cette œuvre actuelle quiest à la fois (négativement) un travail politique de sape del’ordre existant et (positivement) la mise au jour (dans lathéorie), autant que la mise en œuvre (dans la pratique),des formes de vie plus accomplies qui germent certesdans les flancs de la société actuelle, mais que celle-cicontrarie, détourne et opprime constamment ». n

Critiques coordonnées parMARINE ROUSSILLON

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NOV 2010 - LA REVUE DU PROJET

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n APPEL À COMPÉTENCE« Beaucoup mettent de l’énergie à résister , il en faut tout autant qui se mêlent du débat politique ! »Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, a invité ainsi, l’ensemble des forces sociales, syndicales, associatives, à inves-tir le débat d’idées et à participer à la construction d’une véritable alternative politique à gauche.Il s’agit d’ouvrir des espaces de travail par réseaux thématiques dans tout le pays.Nous voulons nous appuyer sur l’expertise professionnelle, citoyenne et sociale de chacune et chacun, en mettant à contribution toutes les intelligences et les compétences.La Revue du Projet est un outil au service de cette ambition.Vous souhaitez apporter votre contribution ? Vous avez des idées, des suggestions, des critiques ? Vous voulez partici-per à un groupe de travail en partageant votre savoir et vos capacités avec d’autres ?

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Merci à toutes celles et tous ceux qui nous ont déjà contactés.

AGENDACOLONIALISME‚ JEUDI 13 JANVIER 2011 À 18H30 MARSEILLEAuditorium des Archives et Bibliothèque dépar-tementales - 18-20, rue Mirès « MARSEILLE ET LA TRAITE NÉGRIÈRE » Conférencede Gilbert Buti et projection des photogra-phies de Philippe Monges. (Informationscomplémentaires sur“http://www.approches.fr/Marseille-et-la-traite-negriere" le site d’Approches Cultures& Territoires).

DÉVELOPPEMENT‚ 20, 21 & 22 JANVIER 2011 PARIS 14e

Maison internationale de la Cité internationaleuniversitaire de Paris, 17 Bd Jourdan« REPENSER LE DÉVELOPPEMENT ? » : c’est lethème du forum des associations. confé-rences, ateliers, débats, stands… Entréelibre et gratuite dans la limite des placesdisponibles. "http://www.nss-dialogues.fr/Forum-des-associations-01-2011"Inscription en ligne obligatoire.(Contact : Elisa Daurat – 01-40-97-71-16 ;[email protected] ; "http://www.nss-dia-logues.fr/Forum-des-associations-01-2011").

INFORMATIQUE‚ JEUDI 27 JANVIER, DE 9H À 11H LILLEMaison de l’économie solidaire - 81 bis rueGantois. « LES LOGICIELS LIBRES DANS L’ÉCONOMIE SOCIALE ETSOLIDAIRE » : petit déjeuner autour de cettequestion(Réservation souhaitée : 03-20-30-98-25).

UNE CRISE DE CIVILISATION ? ‚ 28 & 29 JANVIER 2011 PARIS 75019Espace Niemeyer 6 avenue Mathurin Moreauorganisé par Espaces-Marx en partenariat avec Transform ! et la fonda-tion Gabriel Péri Colloque avec pour thème : Une Crise de civilisation ?

‚ VENDREDI 28 JANVIER 17H-19H SÉANCE D’OUVERTURE avec :Geneviève Azam, Universitaire, économiste ; Ariane Mouchkine,Fondatrice et animatrice du «Théâtre du Soleil» ; ImmanuelWallerstein, Historien et Sociologue ; Jean Ziegler, Sociologue, Vice-Président du comité consultatif des Droits de l’Homme de l’ONU ;Patrick Chamoiseau, Ecrivain (en attente de confirmation).

20H-22H30 CRISE DU CAPITALISME : QUELLE CRISE ?Jean Christophe Le Duigou, Syndicaliste ; Michel Husson, Economiste,chercheur à l’IRES ; Pedro Paez, Ancien ministre de l’économie del’Equateur et coordinateur de la « Banque du Sud » ; StéphanieTreillet, Economiste, Fondation Copernic

‚ SAMEDI 29 JANVIER 9H30-12HQUELLE NOUVELLE CONCEPTION DU DÉVELOPPEMENT HUMAIN ?Nasser Mansouri, Syndicaliste, membre du C.E.S ; Frédéric Lebaron,Sociologue, Université de Picardie ; Aurélie Trouvé, Ingénieur agro-nome, co-Présidente d’Attac France ; Marisa Matias, Sociologue,Députée européenne de la GUE, Portugal

14H-16 H30 UNE NOUVELLE DÉMOCRATIE DU LOCAL AU MONDIALCéline Braconnier, Chercheuse en sciences politiques ; MichèleDescolonges, Sociologue, Université Paris X Nanterrre, Présidente del'ASTS. ; Maryse Dumas, Syndicaliste ; Marcel Gauchet, Philosophe,rédacteur en chef de la revue le débat

17H-19H30 LES NOUVELLES CONDITIONS DE LA LUTTE DES CLASSESAndré Tosel, Philosophe ; Isabelle Garo, Philosophe ; François Micquet-Marty, Politologue et Président de l’institut Viavoice ; Joachim Bischoff,Conseiller de Hambourg, éditeur de la revue SozialismusInscription à retourner à :Marie Pierre Boursier : [email protected] tous renseignements : 06 74 45 15 87 / 01 40 40 13 74)

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COMMUNISME EN QUESTION

ENTRETIEN AVEC JEAN SALEM*

de bombardements aériens visant desAfghans, des Pakistanais et, maintenant,les habitants du Yémen. Après cela, cer-tains, jusque dans nos rangs, parlentgentiment de «  démocratie  », comme sice mot pouvait désigner exactement lesmêmes choses pour ceux qui rejettent lecapitalisme et pour ses meilleurs promo-teurs.Alors, voyez-vous, je suis à la fois déses-péré et déterminé. Désespéré dumanque cruel de perspective pour nosluttes, et déterminé parce que confortépar mille succès plus ou moins locaux.Ainsi, accueillir des centaines de per-sonnes à la Sorbonne dans le cadre d’unséminaire consacré à Marx, cela prouveau moins que nous sommes sortis desannées de plomb. À une échelle autre-ment plus vaste, on peut constater que3 des 12 millions d’habitants quecompte un pays comme le Portugalse sont mobilisés le 24 novembredernier afin de participer à une grève deprotestation contre une politique quientend faire payer aux populations lesspéculations auxquelles se sont livrésbanquiers, traders et autres genscomme il faut. On peut se réjouir, enfin,du regain des luttes –  ici, en France, maisaussi en Grèce, en Espagne, en Italie, enGrande-Bretagne même, etc. Voilà quiest encourageant.

l Nous avons vu, précisément avec la crisefinancière qui a touché durement et sansdoute durablement notre pays, un regain d’in-térêt pour Marx afin de penser les problèmesposés dans la modernité. Quel sens donnez-vous à ce sursaut ?J. S. : À la Foire du livre, à Francfort,l’an passé, on a beaucoup parlé dugrand succès en librairie d’un certain…Karl Marx. En France, vous aurez notéque les éditions Gallimard ont réédité le

raient pas que, du passé, nous ne pour-rions qu’avoir honte  ! À ce propos, j’af-firme qu’inévitablement, en vertu de laloi dite des vases communicants, unerévision de toutes les âneries qui ont étéproférées sur le socialisme réel, s’impo-sera. Je constate d’ailleurs avec joie queles jeunes gens –  à qui le présent sys-tème n’offre rien que la précarité, le chô-mage et la guerre généralisée  – ne pas-sent pas leur temps à se tirer littérale-ment dans les pieds à l’inverse de ce quefont encore bon nombre de sexagé-naires : autrement dit, ils ne se répan-dent pas, au détour de chaque phrase etavant chaque ascension de leur petitdoigt, sur les crimes avérés de Staline etsur l’horreur supposée de l’ensemble dupassé soviétique.De fait la «  gauche  », pour une largepart, a viré à droite. Dans les pays occi-dentaux, le système des médias a contri-bué à formater durablement les cer-veaux, à anéantir toute faculté d’analyseun tant soit peu autonome, un tant soitpeu rebelle chez ce qui reste du citoyen.J’avais tenté de montrer cela dans monessai intitulé Rideau de fer sur leBoul’Mich, que les éditions Delga ontréédité récemment. En France, dans unde ces très nombreux pays où l’absten-tion progresse chaque jour dans lestêtes comme dans les urnes, journalistesaux ordres et demi-savants débattent àl’infini au sujet des cotes de popularitétotalement «  pipeautées  » de tel ou telmannequin prétendument «  socialiste ».Et l’on aura pu amuser la planèteentière, pendant près de deux années(2007-2008), à propos de la vaste ques-tion consistant à savoir si ce serait unhomme de race noire (Obama) ou bienplutôt une femme de race blanche(Hillary Clinton) qui, prendrait le relaisdu sinistre Bush pour signer les ordres

l Jean Salem, en tant que philosophe et obser-vateur critique de votre époque, vous paraît-ilencore possible d’infléchir le cours de la mon-dialisation  ?Jean Salem : Chacun s’accorde à poser lemême diagnostic  : à parler d’une époquede crise. Et même d’une crise de civilisa-tion. La situation générale ne paraîtguère enthousiasmante, en effet. Un desscénarios les plus plausibles pour lefutur proche réside dans une attaqueque l’Empire (j’entends par là l’adminis-tration américaine) pourrait entrepren-dre contre l’Iran et, pourquoi pas, contrela Chine. À la différence de ce qui s’estpassé à l’époque de la crise de 1929, lespeuples n’ont même pas un espoir verslequel orienter leurs regards. Car cetteépoque était celle du premier essor del’Union soviétique et d’un mouvementcommuniste mondial. Et quand la catas-trophe a eu lieu, c’est à Stalingrad, villeun peu trop oubliée à mon goût, que lesort des armes a tourné. Dans le bonsens. — Au lieu qu’on n’évoque mêmeplus aujourd’hui, dans les manuelsd’économie destinés aux jeunes lycéensfrançais, la possibilité d’une économieplanifiée, le fait pourtant difficile à nierqu’une autre économie que l’économiecapitaliste a effectivement existé, avecses échecs et ses réussites, pendantprès de 70 ans. C’est d’ailleurs toutel’histoire du mouvement ouvrier, et nonpas seulement celle du «  socialismeréel  », qu’on a provisoirement fait pas-ser à la trappe.Cet état de choses pourrait inciter à unpessimisme absolu si des résistancestoujours plus massives ne venaient àéclore dans le monde entier. Ce quimanque cruellement à ces résistances,ce sont, notamment dans la vieilleEurope, des organisations soudées,résolues, communistes, qui ne pense-

Vers quels lendemains ?Un communiste, selon moi, ça ressemble un peu à Diogène qui, lorsqu’onlui demandait : « Pourquoi entres-tu toujours au théâtre par la porte de der-rière ? » répondait : « parce que tout le monde entre de l’autre côté ».

*Jean Salem est un philosophe français, né le 16 novembre 1952, professeur de philosophie àl'Université Paris-I Panthéon-Sorbonne et directeur du Centre d'histoire des systèmes de pen-sée moderne depuis 1998. Il est le fils du journaliste Henri Alleg. http://www.marxau21.fr/

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d’une concurrence entre ouvriers, parexemple, dans un pays de quasi-pleinemploi, pourvu de syndicats puissants,comme l’était la France des années 1970,m’avait parue assez obscure.Aujourd’hui, en période de chômage etde récession, chacun sait bien de quoiparlaient les auteurs du Manifeste enusant de cette expression : elle signifiequ’en temps de crise, si tu n’es pascontent, dix autres peuvent prendre taplace !Autre exemple : l’idée qu’une paupérisa-tion absolue de la classe ouvrière fûtpossible sur une longue période faisaitrire les moins malveillants à l’époque dutout automobile et du tout robot ména-ger. Mais aujourd’hui, les lendemainsparaîssent devoir être bien plus durs auxenfants que ne l’avaient été les « trenteglorieuses » pour leurs ascendants.Et l’idée censément catastrophiste dujeune Marx et du jeune Engels selonlaquelle notre société tend vers laconstitution de deux pôles, avec une poi-gnée de millionnaires à un pôle et, aupôle opposé, d’innombrables légions depauvres, ne peut plus faire hausser lesépaules à personne.

l Vous validez ainsi la phrase de J. Derrida« ce sera toujours une faute de ne pas lire etrelire et discuter Marx. [...] Il n’y aura pasd’avenir sans cela. Pas sans Marx, pas d’avenirsans Marx. » ?J. S. : Tout à fait. J’avais, comme d’autres,écrit à Derrida afin qu’il sache quej’avais été touché par le fait qu’il avaitpublié un livre intitulé Spectres de Marx.Je lui avais adressé ma propre éditiondes Manuscrits de 1844, en signant :« Un ami des spectres ». Il faut dire qu’àcette date-là (1993) une « extrême-gauche » parfaitement hurluberlue hur-lait avec les loups et se réjouissait sansla moindre nuance de la destructiond’une Union soviétique courammentprésentée comme une deuxièmeAllemagne nazie. Ce n’était donc pasfranchement la mode que de prétendreévoquer l’ombre de ce grand mort. Bienpeu, dans l’Université française, dans uncontexte qu’Eric Hobsbawm a caracté-risé comme celui de l’ « anti-marxismehargneux », auraient alors osé se décla-rer amis d’un tel spectre.

l Le PCF fête ce week-end ses 90 annéesd’existence. Que retenez-vous de l’action etdu rôle du Parti Communiste Français dansl’histoire de notre pays au XXe siècle ?J. S. : Je retiens deux choses.Premièrement, on n’a plus l’air d’un

Martien complet, voire on attire une cer-taine sympathie si l’on fait savoir que c’estde ce bord-là que l’on vient, qu’on n’a tou-jours pas « mangé son chapeau », et qu’onn’a pas vendu son engagement de jeu-nesse contre un plat de lentilles social-démocrates (voyez Bernard-Henri Lévy etautres petits marquis) ou contre un rallie-ment à l’idéologie « néo-con » (voyezKouchner et ses émules).Deuxièmement : une histoire glorieuse.Que l’on refasse ou non l’histoire, qu’on lamaquille ou qu’on la truque, que l’on s’at-tache à relever telle erreur possible ouqu’on épilogue sur telle décision contesta-ble, il reste que le seul Parti qui, en tantque parti, s’est opposé avec la constanced’un métronome à l’injustice, aux affai-ristes, aux gangsters de la finance et auxvendeurs d’armes, au nazisme, auracisme, aux guerres coloniales et à lacompromission avec le système, ce fut,tout au moins jusque dans les années1975, le Parti Communiste Français.

l En quoi justement, pour vous et certains devos confrères, philosopher peut être compriscomme un acte de résistance ?J. S. : On peut philosopher au service despuissants ou des bien-pensants. On peutaussi pratiquer la chose dans les limbes, etprétendre ne se mouvoir que dans un uni-vers irréel et désincarné. Bref, il existe unecertaine philosophie spiritualiste qui peutne déranger personne. Mais si vous voulezque je sois « fédérateur » et confraternel àtoute force, je reconnaîtrais pourtant cecide bonne grâce : c’est sans doute, de nosjours, une manière, même timide, de résis-ter que d’avoir le souci de la culture et des’opposer à la barbarie qui vient, de penserque la culture vaut par elle-même, d’êtrecertain que l’on parlera encore d’Aristote etde Démocrite dans des millénaires alorsque les noms de Sarkozy et de Berlusconine diront plus rien à personne. Car le seulfait de mettre les mains sur les hanches etde dire ce que me disait le recteur del’Université de Moscou, en 2005 – « on nepeut tout de même pas construire un paysavec seulement des étudiants en droit etdes étudiants en business ! » –, cela suffitpour signaler que l’on entend s’opposer audésastre culturel qui menace. Leshommes, au demeurant, ne sauraientsupporter indéfiniment que tout : la vie,la santé, l’humour, les arts, la beauté,l’amour même et la connaissance... quetout cela passe après les sacro-saintes« lois » du marché, des coups de bourse,de la pub et du marketing ! n

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS DUTENT

Capital, dans la traduction de M.  Rubel.Très grand succès de librairie, égale-ment  ! Dans ce monde dont la « culture »est tout entière dominée par la vulgaritéstupide que distillent les grandes chaînesde télévision ou par des passe-tempssouvent peu «  sociaux  », je crois qu’ilest évident qu’une conception géné-rale du monde, décrivant le capita-lisme tel qu’il était au XIXe siècle, uncapitalisme dont les effets rappellentde plus en plus furieusement ce versquoi notre société est revenue, –  jecrois qu’une telle conception est iné-vitablement intéressante, attirante,stimulante.La révolution ne naîtra certes pas de laseule étude des livres ni d’un forum dediscussion. Mais l’attrait vers la théoriepourrait précéder de très peu le besoind’une organisation sérieuse, structurée,où chacun ne dirait pas n’importe quoidevant la première caméra venue, maisoù tous se donneraient pour consignede donner corps, de donner suite, dedonner vie aux décisions et aux motsd’ordre sur lesquels on s’est préalable-ment accordé. Bref, l’ABC, ce serait quela «  gauche  » véritable se dote très vited’une discipline au moins comparable àcelle qui peut régner dans le plus moudes partis de droite  ! — Nombreux sontceux qui considèrent aujourd’hui qu’iln’existe pas encore de relais à la hau-teur de leur colère, de leur détermina-tion, de leur volonté d’en découdre paci-fiquement, s’ils le peuvent, par la force,s’ils le doivent, ainsi que disaient leschartistes anglais, au XIXe siècle. Un telrelais ne paraît exister vraiment ni dansles directions syndicales ni, hélas, dansl’actuelle nébuleuse que l’on appelle(avec une constance toujours moinscrédible) la «  gauche  » française.

l Si donc on se demandait : où va lemarxisme ? Vous seriez tenté de dire que sondevenir philosophique est assuré ?J. S. : Je dirais même que quand je lisaisle Manifeste du Parti communiste, à 15ans, je me posais quelques questionsque, de nos jours, on ne se pose plus !Tant ce petit livre est actuel !On ose aujourd’hui, comme vous lesavez, parler des « trente glorieuses » –comme d’une évidence. Alors que cestrente années d’indéniable expansionéconomique ne furent évidemment pas« glorieuses » (économiquement) pourtout le monde ! Ni pour la planète consi-dérée globalement, ni pour les plus pau-vres au sein même des métropoles ducapitalisme. Mais il demeure que l’idée

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SCIENCESLa culture scientifique est un enjeu de société. L’appropriation citoyenne de celle-ci participe de la constructiondu projet communiste. Chaque mois un article éclaire une actualité scientifique et technique. Et nous pensonsavec Rabelais que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Par FRANK MOULY*

l y a plus de communismedans la sécurité sociale que dans lemanifeste de Marx et Engels ». La for-mule du philosophe Arnaud Spire, estd’abord une invitation à regarderautour de nous ce qui conteste en actel’ordre capitaliste, ce qui révolutionneles rapports sociaux, économiques etculturels. Le terme de révolution vientlui-même très vite sur les lèvres dèsqu’on évoque les bouleversements pro-duits en quelques années par l’irrup-tion de l’Internet dans la plupart desactivités humaines  : travail, éducation,loisirs, création artistique, recherche,etc... Parce que la vulgate, à l’image deSteeve Jobs devant son Ipad, a trans-formé le mot de «  révolution » en gim-mick qualifiant tout ce qui est appelé àdevenir demain obsolète, il ne faudraitpas renoncer à observer les propriétésradicalement nouvelles et subversivesde l’Internet et surtout le fait qu’ellesconstituent un nouveau réservoir dereprésentations de la transformationsociale. Il y a dans les pratiques et l’ar-rangement même de cet espacequelque chose du récit révolutionnaire.Cet univers naissant ne dit-il pas dèslors quelque chose d’un communismeen quelque sorte affleurant, que nousdevrions non seulement mesurer, aus-culter, mais aussi nommer.À l’évidence, la portée des choix tech-niques réalisés il y a 40 ans continuentde marquer profondément le fonction-nement du réseau tel que nous leconnaissons aujourd’hui. TCP-IP1, le

only, c’est à dire celui d’un accès « enlecture seule » à une œuvre, sontconfrontées au développement de pra-tiques read-write3, c’est à dire d’uneextension de liberté dans notre rapportà une œuvre, à l’information, qui nenous est plus seulement délivrée maisque nous pouvons recomposer, enrichiret rediffuser. L’enthousiasme que génè-rent ces nouvelles pratiques est palpa-ble, ainsi que l’inquiétude à l’égard dece qui pourrait restreindre leur champd’application, comme par exemple laremise en cause de la neutralité duréseau4. Au fond parce que les vertusde ces objets, ces savoirs me fabri-quent, me rendent libres, ils ne peuventqu’être eux-mêmes libérés de ce quientrave leur circulation, leur appropria-tion.

Wikipedia constitue sans nul doute laplus éclatante évocation de mytholo-gies progressistes qu’elle revisite  : uni-versalisme, libre accès mais égalementcoopération, autogestion... Le logiciellibre en est une autre, plus discrète,mais tout aussi fondamentale car pourreprendre la formule de LawrenceLessig, si sur l’internet le code c’est laloi5, s’il dicte la loi, le libre accès aucode et à sa formation est l’indispensa-ble garantie que les États de droit sedoivent de procurer aux citoyens ducyberespace. L’épopée du « libre »n’exprime plus dès lors de simpleschoix technologiques, mais la nécessitéd’un principe constituant d’une décla-ration universelle des droits del’homme numérique dans une languecommune, opensource.Mais si l’Internet désigne de nouveauxchamps de conquête et d’émancipationqui peuvent participer à revivifier, àreformuler l’ambition de transforma-

protocole, sorte d’espéranto des ordi-nateurs leur permettant de dialoguerpar delà leurs différences, qui enconstitue le socle technique, la struc-ture profondément décentralisée etdistribuée2 du réseau, la distinctionentre son architecture physique d’unepart et les services et contenus d’autrepart, ont conféré incidemment des pro-priétés inédites à ce réseau. L’expérimentation quotidienne de cespropriétés par plusieurs milliardsd’êtres humains contribue à replacerau cœur du débat public des enjeux quinous sont familiers et que la vagueidéologique libérale avait balayés.

PARTAGE ET CULTURE READ-WRITEÀ commencer par le fait que les infor-mations qui s’échangent par milliards àchaque seconde sur l’Internet ne sontpas des biens comme les autres. À ladifférence des biens matériels qui sontdétruits dès lors qu’ils sont consom-més, l’information est duplicable à l’in-fini à un coût marginal à peu près négli-geable. Une propriété dont chaqueinternaute fait l’expérience au quoti-dien et qui le conduit nécessairement às’interroger sur la théorie de la valeurqui fonde l’actuelle économie de l’im-matériel : pourquoi devrais-je payer cequi a depuis longtemps été «  rentabi-lisé  » ? Pourquoi ne pourrais-je pas àmon tour partager cette musique, cefilm, cet article qui a attiré mon atten-tion  ? Qu’est ce qui justifie cet ordre ?Le goût de l’utopie semble de retour :Internet nous raconte un monde danslequel je peux non seulement toutlire, tout écouter, tout regarder, maisaussi remixer, détourner et doncréinterpréter ces objets. Les indus-tries culturelles qui au XXe siècleavaient prospéré sur le modèle read-

Internet et représentations Les informations qui s’échangent par milliards à chaque seconde sur internet nesont pas des biens comme les autres. L’information ne nous est plus seulementdélivrée mais nous pouvons la recomposer, l’enrichir et la rediffuser.

* Frank Mouly est membre du conseil natio-nal du PCF, en charge de la nouvelle plate-forme web.

«I

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de la transformation

tion, il concrétise dans le même mou-vement les dystopies courantes de lalittérature d’anticipation.L’univers numérique ne fait pasqu’enthousiasmer, il inquiète. Le récitdu futur de notre humanité emprunteévidemment les manières d’un tableauorwellien  : celui de la surveillance parl’État ou la structure entrepreneurialetoute puissante, voir pire, celui de lavigilance curieuse et gourmande dechacun envers tous. Les technologiesde l’information fournissent à ce pro-nostic totalitaire un matériau abon-dant, reconnaissons-le  : puces RFID,traçabilité permanente, profiling, datamining, Facebook, etc... l’intercon-nexion généralisée, les possibilités detraitement de l’information offertes par

la croissance exponentielle de la puis-sance de calcul décrivent les confinsd’un monde monitoré, absolument souscontrôle. L’inquiétude, l’imminence ter-roriste et guerrière infiniment ressas-sés, tirent non seulement la légende del’Internet de ce côté obscur, mais ilsjustifient l’arsenal juridique qui se meten place progressivement pour norma-liser l’inspection de notre identité et denos activités numériques bien au-delàdu soupçonnable (Patriot Act aux USAet Loppsi 2 en France). On ne peut alorsqu’en conclure  : « Tout cela va malfinir ».Enfer probable ou Eden possible, ladiversité des représentations véhicu-lées par l’internet ne dépeignent passeulement un paysage idéologique et

politique. Ils proposent une manièred’affrontement. Ils forment dès lorsune nouvelle toile de fond de l’engage-ment, une grammaire qui participe denotre structuration politique, et singu-lièrement de celle des moins de 30 ans. Ce qui devrait, pour le moins, méritertoute notre attention et nous inviter àcontribuer à cette geste numérique.n

1)http://fr.wikipedia.org/wiki/Suite_des_protocoles_Internet2)http://fr.wikipedia.org/wiki/Architecture_distribuée3)http://www.lessig.org/blog/2006/01/the_readwrite_internet.html4)http://fr.wikipedia.org/wiki/Neutralité_du_réseau5)http://www.framablog.org/index.php/post/2010/05/22/code-is-law-lessig

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Patrice BessacRepsonsable national du [email protected]

Stéphane Bonnery Formation/Savoirs, é[email protected]

Nicolas Bonnet [email protected]

Hervé Bramy [email protected]

Ian Brossat Sécurité[email protected]

Laurence Cohen Droits des femmes/Féminisme [email protected]

Xavier Compain Agriculture/Pêche [email protected]@pcf.fr

Olivier Dartigolles [email protected]

Yves Dimicoli Economie [email protected]

Jacques Fath Relations internationales, paix et désarmement [email protected]

Olivier Gebhurer Enseignement supérieur et [email protected]

Jean-Luc Gibelin Santé Protection [email protected]

Isabelle De Almeida [email protected]

Fabienne Haloui Lutte contre racisme, antisémitisme et [email protected]

Alain Hayot [email protected] ou [email protected]

Valérie [email protected]

Jean-Louis Le Moing [email protected]

Danièle Lebail Services Publics et solidarités [email protected]

Isabelle Lorand Libertés et droits de la [email protected]

Sylvie Mayer Economie sociale et solidaire [email protected]

Catherine Peyge Droit à la ville, [email protected]

Gérard Mazet [email protected]

Eliane Assassi Quartiers populaires et liberté[email protected]

Richard Sanchez [email protected]

Véronique Sandoval [email protected]

Jean-François Téaldi Droit à l’information [email protected]

Nicole Borvo Institutions, démocratie, [email protected]

Jean-Marc Coppola Réforme des collectivités [email protected]

Jérôme Relinger Révolution numérique et société de la [email protected]

Jean-Marie DoussinCollaborateur

Noëlle MansouxSecrétaire

de rédaction

Gérard StreiffCombat d’idées

Marine RoussillonPages critiques

Alain VermeerschRevue de livres

Frédo CoyèreMaquette etgraphisme

Partice BessacResponsable de la Revue

Cécile Jacquet Secrétaire générale

COMITÉ DU PROJET ÉLU AU CONSEIL NATIONAL DU 9 SEPTEMBRE 2010 : Patrice Bessac - responsable ; Patrick Le Hyaric ; Francis WurtzMichel Laurent ; Patrice Cohen-Seat ; Isabelle Lorand ; Laurence Cohen ; Catherine Peyge ; Marine Roussillon ; Nicole Borvo ; Alain Hayot ; Yves DimicoliAlain Obadia ; Daniel Cirera ; André Chassaigne.

L’ÉQUIPE DE LA REVUE

LES RESPONSABLES THÉMATIQUES

Liste publiée dans CommunisteSdu 22 septembre 2010